Agence de presse Inter-France

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Agence de presse Inter-France
Histoire
Fondation
Dissolution
Cadre
Pays

L'agence de presse Inter-France était une agence de presse française fondée à Paris en 1937, connue surtout pour son orientation collaborationniste sous l'Occupation et le Régime de Vichy.

Historique

Une agence anticommuniste, 1937-1940

« Lancée en 1937 par des journalistes d'Action française et des financiers d'extrême droite » selon l'historien Pascal Ory[1], elle est initialement destinée à l'apport de documentation et d'informations aux périodiques de province de droite, pour lutter contre le communisme et le Front populaire.

En 1938, elle devient une société anonyme, possédée officiellement par ses clients (38 journaux actionnaires à la veille de la guerre). Ses statuts sont établis le , son siège se situe à Paris au 146, boulevard Haussmann et son capital s'élève alors à 125 000 francs, avec 250 actions de 500 francs. Son nom complet est Inter-France, agence nationale d'informations de presse et de documentation politique. Son fondateur, Dominique Sordet, reçoit 72 actions en fonction de ses apports: le nom de l'agence, déposé le , le local du 146 boulevard Haussmann, loué depuis le , le bulletin de l'agence. Les autres actions sont souscrites par 39 personnes et sociétés. Sont administrateurs de cette firme: des sociétés publiant des quotidiens de province, dont: la société Marseille-Matin (capital: 10 millions de francs), contrôlée par l'armateur Jean Fraissinet, la SA du Nouvelliste et de la Dépêche de Lille (capital: 850 000 francs), la société du Petit Courrier (Angers, capital: 1 million de francs), l'Imprimerie Théollier (Mémorial de Saint-Etienne; capital: 2 millions de francs), la société du Salut public (Lyon-Soir; capital: 1,9 million de francs), la Société des journaux et publications du Centre (Courrier du Centre; capital: 4,5 millions de francs), SARL Lafond fils et Cie (Le Journal de Rouen; capital: 2,5 millions de francs). Quatre sociétés liées au groupe de presse catholique La Presse régionale sont actionnaires et siègent au conseil d'administration: la SA de La Liberté du Sud-Ouest (Bordeaux; capital: 3 518 000 francs), la Presse du Sud-Est (La République du Sud-Est, de Grenoble; capital: 1 050 000 francs), la Presse de l'Ouest (L'Echo de la Loire, de Nantes; capital: 769 500 francs) et la Presse de l'Est (L'Eclair de l'Est, de Nancy; capital: 1 338 000 francs). Ainsi que des individus: Michel Alerme, autre fondateur et animateur de l'agence, Marret, représentant de l'Eveil provençal, Jacques Thénard, administrateur de sociétés, du quotidien Le Bien public de Dijon, Henri Hutin, directeur-propriétaire de l'hebdomadaire meusien L'Echo de l'Est, Leroux, directeur-propriétaire du Messager de Darnétal, Barbez, directeur-propriétaire du Journal des Fandres[2].

Inter-France fonctionne alors à la manière d'une coopérative, associant plusieurs organes de presse qui sont à la fois clients et co-propriétaires de l'agence[3]. Le quotidien Le Jour de Léon Bailby annonce sa formation en , en soulignant qu'elle est « la première coopérative de journaux français », appartenant à la « nuance de l'opinion française nationale »[4].

Elle est dirigée par Dominique Sordet et par le colonel Michel Alerme jusqu'en 1944 et compte notamment parmi ses collaborateurs Xavier de Magallon et Marc Pradelle, ancien directeur d'un journal monarchiste de Blois.

Elle se fait connaître en en diffusant un appel à l’interdiction du Parti communiste, reproduit dans plus de 430 périodiques et adressé au Parlement : « Au moment où le pays, instruit par l’expérience de deux années de désordre, entreprend un effort de redressement, il importe au plus haut point qu’aucune volonté étrangère n’y mette obstacle ». L’appel affirme que le seul objectif du parti communiste « est la ruine de la civilisation de l’Occident » et qu’il y tend par trois moyens : la guerre civile, la guerre étrangère et la « destruction de nos biens et de nos libertés ». Le texte est documenté ; il cite des extraits de l’encyclique de Pie XI Divini Redemptoris et des statuts de la IIIe Internationale, ainsi que, non sans malice ou perfidie, des citations de Léon Blum contre le communisme, issues de sa brochure de 1927 Bolchevisme et socialisme. Il fait allusion aussi aux témoins désabusés des réalités soviétiques, l’Américain Andrew Smith, le syndicaliste britannique Walter Citrine, le militant socialiste et cégétiste Kléber Legeay, et le journaliste sportif Solonievitch, qui s’est enfui d’URSS. Les journaux ayant diffusé l'appel sont des périodiques locaux mais aussi des quotidiens parisiens tels le Journal des débats, L'Action française, Le Figaro, Le Journal, ou Le Matin. Rares sont ceux qui mentionnent l'agence[5]. Le quotidien du Parti social français, Le Petit Journal, signale avoir reçu l'appel d'Inter-France mais ne le publie pas[6]. Le quotidien catholique La Croix, de même, refuse de publier l'appel[7]. En , l'agence diffuse une affiche matérialisant l’opération dite « des 430 », énumérant les nombreux journaux qui ont publié l’appel. En juillet, l’agence diffuse à nouveau le texte d’une affiche éditée à la suite de l’appel de 1938 : « Il ne suffit pas d’incarcérer quelques misérables convaincus de s’être faits les agents de la propagande étrangère, il faut briser les organismes qui, publiquement, servent les desseins criminels des ennemis de notre pays »[8].

L’Humanité réagit à l’appel « des 430 » en accusant l’agence de « menées hitlériennes ». Ce manifeste a été rédigé à Berlin et «  a vu le jour dans une officine du docteur Goebbels : il porte la marque du grand maitre de la propagande nazie à travers le monde », accuse le quotidien communiste. Il a été transmis par « une agence nouvellement créée et qui ose s’intituler Inter-France », explique le journal à ses lecteurs. Il souligne qu’à sa tête se trouve un « obscur individu » [Sordet] et que derrière se cachent « certains dirigeants de la presse réactionnaire », ne citant que les armateurs Cyprien Fabre et Jean Fraissinet de Marseille-matin, accusés d’avoir créé une agence « chargée de diffuser aux journaux anti français les manifestes et les calomnies issus du cerveau de Goebbels ». Bref, la naissance de l’agence « qui lança son fameux manifeste réclamant la dissolution du parti communiste » « coïncide avec un renforcement de l’offensive hitlérienne dans notre pays de France ». Le groupe communiste de la Chambre des députés demande aussi la nomination d'une commission d'enquête parlementaire « pour faire la lumière sur l'origine des campagnes anticommunistes »[9]. Le quotidien des socialistes, Le Populaire, dénonce aussi cet appel[10].

L'agence collabore alors avec la Fédération française des périodiques républicains-nationaux, qui s'appelle depuis le Syndicat des journaux et périodiques des départements. Il est animé par Georges Riond et présidé par l'ancien député Pierre de Monicault. Sordet et Alerme prennent part ainsi au banquet du syndicat en , qui eut comme invité d'honneur Pierre Laval, aux côtés de personnalités comme le cardinal Baudrillart, Georges Claude, Xavier de Magallon, Claude-Joseph Gignoux, d'hommes politiques comme Philippe Henriot, Pierre-Étienne Flandin, Jacques Doriot, Pierre Taittinger, Pierre Cathala, de propriétaires ou directeurs de journaux comme Jean Fraissinet, Émile Mireaux du Temps, Jean Dupuy du Petit Parisien, etc[11].

En , l'agence révèle une mystification à propos de la guerre d'Espagne, qui a berné Geneviève Tabouis de L'Œuvre et plus encore le socialiste Pierre Brossolette du Populaire : ils ont cru en de faux courriers de faux aristocrates espagnols monarchistes (le marquis de Canada-Hermosa et son petit-neveu le comte Borja) proposant aux deux camps ennemis espagnols un armistice[12]. La persévérance de Brossolette dans l'erreur fit la joie de ses adversaires[13] et lui valut des surnoms peu flatteurs[14]. L'agence en conclut : « Voilà avec quelle légèreté, sans prendre la peine de vérifier des documents fantaisistes, le journal de M. Léon Blum monte des campagnes susceptibles de troubler gravement l'opinion »[15]. Un rédacteur de l'agence, Georges Delavenne, aurait téléphoné au Populaire pour se faire passer pour le petit-neveu du marquis[16].

Une agence collaborationniste sous l'Occupation

En , Charles Maurras expulsa Dominique Sordet, fondateur de l'agence, des colonnes de L'Action française[17]. L'écrivain Jean Grenier note que Charles Maurras, le maître de l'Action française, est tout à fait opposé « à ce groupe [de journalistes] qui a fondé l'agence de presse Inter-France germanophile »[18].

Dès avant Montoire, l'agence eut une ligne éditoriale favorable à la Collaboration avec l'Allemagne nazie. Elle fit publier des appels soutenant la politique de collaboration, de Georges Claude, du cardinal Alfred Baudrillart ou de Louis Lumière[19].

Elle prit de l'ampleur après la défaite de 1940, notamment avec la constitution de trois filiales, Inter-France publicité, Inter-France Informations, agence de dépêches fondée en janvier 1941, et les Éditions Inter-France, qui font paraître une douzaine d'ouvrages de propagande. Les éditions Inter-France sont fondées sous la forme d'une SARL en avril 1941. Ses associés originels sont Georges Marignier, petit industriel de la chaux à Joze[20], la société du Petit Parisien, l'industriel lyonnais Marius Berliet, Charles Lesca, de Je suis partout, Lafond et Cie (Le Journal de Rouen), dirigée par Jean Lafond et Pierre Lafond, Sordet et Alerme. En mai 1944, son capital est porté à un million de francs. Marignier, Berliet, Lesca et Lafond et Cie souscrivent à nouveau. Les nouveaux souscripteurs sont le quotidien vosgien L'Express de l'Est, contrôlé par l'industriel Georges Laederich, Georges Tétard, président de La Tribune de l'Oise, le marquis de Tracy, propriétaire de Paris-Centre (Nevers), l’industriel grenoblois Jean Denimal (du Petit Dauphinois) et trois personnalités des milieux collaborationnistes : Marcel Déat, Lucien Rebatet, ami de Sordet et d'Alerme, et Georges Claude [21]. L'agence diffuse également des lettres confidentielles, visant à offrir un matériau de propagande : ce sont des notes quotidiennes dactylographiées, rédigées en marge de la censure, et une correspondance de caractère privé, destinées à un public limité et qui ne doivent pas être reproduites[22]. L'agence s'est installée dans les bureaux du Palais Berlitz. 700 journaux sont abonnés à ses services, dont ses 180 journaux actionnaires. Elle emploie 165 salariés[23].

Alors que le territoire métropolitain est divisé depuis l'armistice de 1940 en plusieurs zones et qu'une ligne de démarcation sépare le Nord de la zone libre, l'agence organisa les 10, 11 et à Paris les « journées Inter-France » : durant ces trois jours, des dizaines de directeurs de journaux de province, des deux zones et d'Afrique du Nord, vinrent à Paris. Ils furent reçus le premier jour par les autorités du conseil municipal de Paris et de la préfecture de la Seine. Réception suivie par un dîner privé au palais de Chaillot, avec notamment Xavier de Magallon. Le deuxième jour, par le secrétaire d’État à l'information Paul Marion, au palais de Chaillot. Enfin, le troisième jour, par Fernand de Brinon, au ministère de l'intérieur place Beauvau. Et ils prirent part au palais de Chaillot à un banquet de clôture présidé par le ministre Abel Bonnard, remplaçant Pierre Laval, retenu à Vichy, qui exalta dans son discours Laval, Pétain et la collaboration et fit le procès des Britanniques. Brinon lut un message de Laval affirmant que l'agence « apporte au aide précieuse au gouvernement, (...) facilite la tâche (qu'il) a entreprise sur l'ordre du Maréchal de France, pour rendre possible une réconciliation et une entente définitive avec l'Allemagne ». D'autres ministres et dirigeants du régime de Vichy assistèrent au banquet : Pierre Cathala, Max Bonnafous, de Brinon, Jean Bichelonne, Hubert Lagardelle, Robert Gibrat, Raymond Grasset, Joseph Pascot ainsi que Louis Darquier de Pellepoix, l'amiral Charles Platon ou Raymond Lachal, directeur général de la Légion française des combattants, Jacques Barnaud. Des ténors de la collaboration comme Jacques Doriot, Marcel Déat, Jean Luchaire, Joseph Darnand, Marcel Bucard, Jean Filliol du MSR, Georges Albertini, Pierre Constantini, Paul Chack, Georges Claude et l’ancien député vosgien Marcel Boucher. Des journalistes parisiens collaborationnistes comme Robert Brasillach, Lucien Rebatet, Pierre-Antoine Cousteau, André Algarron, Georges Suarez, Gabriel Jeantet et des journalistes allemands. Quelques membres du monde des affaires, tels Gabriel Cognacq, président de l’Entraide d’hiver du Maréchal, Henri Ardant, président du C.O. des banques, PDG de la Société générale, Jean Bérard - il a organisé une soirée pour les congressistes - et René Maget, de Pathé-Marconi, Paul Berliet, le fils de Marius Berliet, Georges Brabant, président de l’Union bancaire du Nord, Bernard de Gasquet et Bernard de Revel, des Raffineries de sucre de Saint-Louis, Marcel Paul-Cavallier, président des Fonderies et Hauts-Fourneaux de Pont-à-Mousson, Eugène Schueller, Georges Marignier, Georges Laederich, Frantz Hacart. Des représentants enfin des autorités allemandes : l'ambassadeur Otto Abetz, le doktor Knochen et les dirigeants de la Propaganda-Abteilung Frankreich. S'ensuivit une réception à l'Institut allemand et une visite des locaux de l'agence[24]. Pour l'anecdote, les convives n'ont pas dégusté de rutabagas: le menu était en effet composé de hors d’œuvre variés, d’une darne de colin à la gelée au chablis suivie d’une poule poêlée au porto, de fromages, de glaces et de fruits[25]. À l'occasion de ces journées, Sordet évoqua les fonds réunis « au début de 1937 par des groupements d'industriels de province », nommant Georges Laederich, Bernard du Perron de Revel et Georges Marignier[26]. Marcel Déat se félicite ensuite de l'apport de ces journées :

« On peut donc affirmer que le rassemblement si bien organisé par Dominique Sordet et ses collaborateurs a servi, au-delà de toute espérance, l'entente franco-allemande et par surcroît l'unité française. Tous ces hommes de bonne foi se sont d'abord rendus compte que leurs confrères parisiens n'avaient pas moins qu'eux le souci des destins français. Nous soupçonnons que certains au moins d'entre nous avaient été dépeints là-bas sous des couleurs étranges. Il était bon que l'on pût constater de visu que leur comportement n'a rien de monstrueux, (...) et que dans leurs relations journalières et sans heurt avec les autorités allemandes ils ne sont pas moins nationaux que les plus chatouilleux rescapés du marathon pyrénéen. Il n'était pas moins intéressant pour nous de savoir ce que pensaient ces journalistes (...). Assurément tous n'étaient pas venus, et les plus notoires thuriféraires de l'attentisme ne s'étaient pas risqués en pareille compagnie. Mais enfin il y avait parmi ces centaines de confrères des gens de toutes opinions originelles, le plus grand nombre venus de l'ancienne droite et d'abord groupés dans l'anticommunisme, et d'autres venus de la gauche parfois extrême. Il y avait là une majorité de laïques, mais aussi toute une équipe de chanoines journalistes pleins d'expérience et de subtilité. Or, à part de fort rares exceptions, il est fort nettement apparu que cette troupe composite de Français du Sud parlait facilement le même langage que les Français du Nord[27]. »

Le procès en 1949

En 1948 et 1949, devant la lenteur de la justice, des périodiques et des résistants évoquent l'agence et ses soutiens. Le Comité d'action de la Résistance publie ainsi les brochures Les Cahiers de la Résistance, II, «Les Ultras de la Collaboration. Inter France» et Les Cahiers de la Résistance, III, La presse dite acquittée. Elles évoquent les soutiens originels de l'agence : l'industriel sucrier et papetier Joseph Béghin, vice-président du Crédit du Nord et actionnaire d'affaires de presse (décédé en [28]), qui aurait chargé Georges Brabant[29] de centraliser les fonds versés par des industriels de province comme Bernard de Revel, Bernard de Gasquet et Jean Fraissinet, de Marseille, le filateur Pierre Thiriez [30] et Hermant, du Nord, Georges Roque (Verreries Souchon-Neuvesel) et Descours, de Lyon, Georges Laederich et Payelle, de l'Est, Maurel et Philippar[31], de Bordeaux, Hacart, de la Normandie, Jean des Cognets (président du conseil de surveillance de la Presse régionale de l’Ouest, qui publie le quotidien L'Ouest-Éclair), de la Bretagne, Georges Marignier et Doligez, du Centre, Firino-Martell, de la Charente[32]. Le bulletin de la LICA, Le Droit de vivre, évoque en 1948 ces mêmes industriels [33]. Le journal socialiste Le Populaire donne la liste des rédacteurs de l'agence en et la décrit comme « la plus vaste entreprise de corruption publique ». Le quotidien communiste L'Humanité du dresse l'histoire de l'agence, non sans erreurs (sa naissance est datée de 1934) et cite aussi les noms des bailleurs de fonds de l'agence. Le numéro du évoque, dans une veine polémique évidente (l'article cite dans son titre en une le secrétaire d'Etat MRP Joannès Dupraz, qui assista au banquet), les journées d' à Paris, citant, documents à l'appui, plusieurs convives du banquet, dont Jules Dassonville, Alphonse de Châteaubriant, Henry Charbonneau, Jacques de Lesdain, Lucien Combelle, Paul Lesourd, de l'hebdomadaire catholique Voix françaises, de Bordeaux, Henri Dorgères, Gabriel Lafaye, René Dommange, Pierre Taittinger, le chanoine Paul Bailly, de la Croix de Lyon, Jean Azéma, Georges Daudet, etc [34].

Le procès de l'agence eut lieu tardivement, en , devant la Cour de justice de la Seine, mais ses principaux dirigeants, Sordet et Alerme, étaient décédés. L'agence est jugée comme personne morale et seul son administrateur, Henri Caldeyrou (ou Caldairon ? ou encore Caldairou ?) est à la barre; il repart libre. L'agence, qui était déjà sous séquestre, est dissoute. Le procès n'a duré que trois heures, ce qui amène L'Humanité à crier au scandale et à dénoncer « l'étouffement éclair du procès » alors que le journal communiste aurait voulu « le procès des bailleurs de fonds de l'agence, des directeurs, des rédacteurs en chef des feuilles complices »[35]. Sur les 23 prévenus initiaux, la chambre civique de la Cour de justice de Paris ne condamna que trois dirigeants de l'agence, à des peines de dégradation nationale (15 ans pour Marc Pradelle, directeur technique et Caldeyrou, chef du service administratif, à vie pour André Quinquette, condamné par contumace[36]) et acquitta un quatrième, Alfred du Terrail, secrétaire général de l'agence[37]. Les autres employés et proches de l'agence bénéficièrent d'un non-lieu : Georges Vigne (alias Georges Dovime), rédacteur en chef, André Delavenne, directeur-adjoint d'Inter-France informations, Champeaux, Pierre Morel, chef du service de la documentation, René Gast, directeur des services de la rédaction d'Inter-France information, Marcel Cayla, René Selves, Gabriel Bernard, Maurice Bec, Mlle Claude Gaudin, René Malliavin, conseiller juridique de l'agence. Xavier de Magallon a été auparavant condamné à une peine d'indignité mais a été relevé aussitôt de sa peine pour acte de résistance[38]. En , Le député communiste André Pierrard demande à l'Assemblée nationale des explications au ministre de la justice sur l'affaire Inter-France et évoque les « trusts qui étaient derrière l'agence », citant Thiriez, Revel, Fraissinet et Béghin, sans différencier la période de l'avant-guerre de celle de l'Occupation, ainsi que Dupraz, et des journaux qui ont bénéficié de mesures de classement comme La Dépêche de Toulouse ou Le Petit Provençal[39].

André Quinquette est en fait le directeur du Courrier de Châteaubriant depuis 1925 et le propriétaire d'autres hebdomadaires. Il fonde en novembre 1954 un autre hebdomadaire dans son département de naissance, L'Eveil du Périgord, qu'il dirige jusqu'à sa mort en 1961[40]. Malliavin dirige ensuite les Écrits de Paris tandis que Pradelle et Vigne animent à partir de 1954 le Centre d'études politiques et civiques (CEPEC), fondé notamment par un ancien soutien de l'agence, l'industriel vosgien Georges Laederich. Le CEPEC lance en 1960 une agence de presse destinée aux petits journaux de province, calquée sur le fonctionnement d'Inter-France, mais dans un contexte différent[41]. L'Eveil du Périgord fait partie des journaux cofondateurs.

Quelques auteurs édités

Bibliographie

  • Xavier de Magallon, Dominique Sordet et Pierre Laval, Inter-France (« Trois anniversaires », par Xavier de Magallon, « Six ans de combat », par Dominique Sordet, « Message » de M. Pierre Laval), Paris, Imprimerie de Hardy, 1942.
  • Claude Bellanger, Histoire générale de la presse française, volume 4, Presses universitaires de France, 1969
  • Pascal Ory, Les collaborateurs: 1940-1945, Seuil, 1980
  • René-Gustave Nobécourt, Les secrets de la propagande en France occupée, Les Grandes études contemporaines, Gallimard, 1962 (Lire en ligne)
  • Philippe Amaury, Les Deux premières expériences d'un Ministère de l'information en France: l'apparition d'institutions politiques et administratives, d'information et de propagande sous la IIIe République en temps de crise (-), leur renouvellement par le régime de Vichy (-, volume 89 de Bibliothèque de droit public, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1969
  • Pascal Fouché, L'édition française sous l'Occupation: 1940-1944, volume 2, Bibliothèque de littérature française contemporaine de l'Université Paris 7, 1987
  • Pierre-Marie Dioudonnat, L'argent nazi à la conquête de la presse française, 1940-1944, J. Picollec, 1981
  • Henry Coston, Partis, journaux et hommes politiques d'hier et d'aujourd'hui, Lectures françaises,
  • Jean Queval, Qu'est-ce qu'Inter-France ?, dans Études de presse, (Lire en ligne )

Notes et références

  1. Pascal Ory, Les Collaborateurs 1940-1945, Le Seuil, 1980, p. 16. Le terme de financiers est contestable; c'étaient en fait des industriels. Et de droite, d'une droite certes extrême, effrayée par le Front populaire et le communisme.
  2. La Journée industrielle, 16 novembre 1938 (publications légales)
  3. « Synthèse des rapports des préfets de la zone libre, octobre 1941 », dossier en ligne de l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP)
  4. Le Jour, 11 novembre 1938, p. 3
  5. Le Journal des débats, 17 décembre 1938, "Un appel de la presse française" (accompagné d'un éditorial) , Ibid., 28 décembre 1938, Cf. aussi L'Action française, 16 décembre 1938 (accompagné d'un court commentaire soulignant que le parti socialiste du juif Blum est aussi dangereux), Le Figaro, 16 décembre 1938, p. 5, Le Journal, 16 décembre 1938, p. 3, Le Matin, 17 décembre 1938, p. 2 (texte partiel), L'Epoque, 17 décembre 1938,
  6. Le Petit journal, 16 décembre 1938, "Communistes, il faut choisir!"
  7. La Croix, 21 décembre 1938
  8. Le Journal des débats, 25 janvier 1939 (C’est finalement 450 journaux qui auraient publié l’appel), 24/25 juillet 1939
  9. L’Humanité, 27 décembre 1938, 17 janvier 1939, L'Humanité, 17 décembre 1938, p. 4. Cf. Jean-Pierre Azéma, Antoine Prost, Jean-Pierre Rioux (dir.), Le parti communiste français des années sombres, 1938-1941, Seuil, 1986
  10. Le Populaire, 18 décembre 1938, "Aux ordres de Hitler"
  11. G. Riond, Chroniques d'un autre monde, France-Empire, 1979, p. 105-106, La Gazette de Château-Gontier, 9 juillet 1939
  12. Le Populaire, 21 février 1939, Ibid., 22 février 1939, Ibid., 23 février 1939, Ibid., 24 février 1939, L'Œuvre, 21 février 1939, Ibid., 22 février 1939, Le Figaro, 24 février 1939, p. 5, Le Temps, 25 février 1939, "Les révélations du Populaire", La Gazette de Château-Gontier, 5 mars 1939, Georges Riond, Chroniques d'un autre monde, France-Empire, 1979, p. 285
  13. Je suis partout, 3 mars 1939 (article de Pierre Gaxotte qui se moque de Brossolette)
  14. Guillaume Piketty, Pierre Brossolette: Un héros de la Résistance, Odile Jacob, 1998, p. 133
  15. Courrier de Saône et Loire, 24 février 1939, p. 3
  16. Encyclopédie des farces et attrapes et des mystifications, J-J Pauvert, 1964, p. 99
  17. Eugen Weber, L'Action française, Hachette Littérature, 1990, p. 496
  18. Jean Grenier, Claire Paulhan, Gisèle Sapiro, Sous l'Occupation, C. Paulhan, 1997, 419 pages, p. 133 en ligne
  19. Le Matin, 2 novembre 1940, "Une déclaration de Georges Claude", Ibid., 21 novembre 1940, "Serrons-nous autour du chef qui incarne la France", p. 1 et 2, La Gazette de Château-Gontier, 24 novembre 1940
  20. Maire de cette petite commune rurale du Puy-de-Dôme (comme auparavant son père et son grand-père), de 1935 à 1945 puis de 1947 à 1983, proche de Pierre Laval, Marignier (1898-1984), nommé membre du Conseil départemental du Puy-de-Dôme en décembre 1942, sera conseiller général du canton de Maringues et présidera le Conseil Général du Puy-de-Dôme de 1973 à 1976. Il n'a pas été inquiété à la Libération : Claude Malbranke, Le Rotary-club en France sous Vichy, L'Harmattan, 1996, Yves Pourcher, Pierre Laval vu par sa fille: D'après ses carnets intimes, Tallandier, 2014, René Chiroux, La vie politique dans le Puy-de-Dôme sous la Cinquième République, Clermont-reproduction, 1978
  21. Pascal Fouché, L'édition française sous l'Occupation: 1940-1944, Volume 1, Bibliothèque de littérature française contemporaine de l'Université Paris 7, 1987, p. 252
  22. R-G Nobécourt, op. cit., pp. 33-35
  23. Collectif, Culture et médias sous l'occupation: des entreprises dans la France de Vichy, CTHS, 2009, p. 26
  24. Le Moniteur viennois, 24 octobre 1942, p. 3, Ibid., p. 4, Ibid., p. 6, Ibid., p. 4, Bulletin municipal officiel de la ville de Paris, 11 octobre 1942, L'Echo de Nancy, 15 octobre 1942, Le Matin, 13 octobre 1942, p. 2, "Le discours de M. Abel Bonnard", Ibid., 12 octobre 1942, "M. Paul Marion dénonce les grossiers mensonges de la radio anglo-saxonne", L'Œuvre, 12 octobre 1942, Ibid., 13 octobre 1942, Renaud de Rochebrune, Jean-Claude Hazera, Les Patrons sous l’Occupation, Odile Jacob, p. 612, Les Cahiers de la Résistance, Comité d'action de la Résistance, 1949-1950, n°2, Les ultras de la collaboration - Inter-France, n° 3, Le Grand écho de l'Aisne, 23 octobre 1942, La Gazette, 14 octobre 1942, Paris-Soir, 14 octobre 1942, La Gazette de Château-Gontier, 25 octobre 1942, Henry Coston (dir.), Lectures françaises. Partis, journaux et hommes politiques d'hier et d'aujourd'hui, décembre 1960, p. 109-110 (Liste des convives du banquet final. Parmi les convives de province cités: Louis-Georges Planes, de Bordeaux, Eugène Pébellier (homme politique, 1897-1968), Albert Lejeune, André Quinquette, le chanoine Lucien Polimann, Pierre, Michel et Jean Lafond, le chanoine André Litaize, du Foyer vosgien, Joseph Picavet, du Journal d'Amiens, Pierre Bonardi, Paul Mannoni, rédacteur en chef de L'Écho d'Oran, Victor Lespine, de Toulouse, le Corse Achille de Susini, Georges Soustelle, du Petit Méridional, de Montpellier, Henri d'Arcosse, directeur de l'Argus soissonnais, l'abbé Marcel Bergonnier, de l'Eure-et-Loir, Roger Perdriat, de La Dépêche de Toulouse, Xavier Giacobini, de Nice, Charles Tardieu, du Grand Echo du Nord, etc.
  25. Menu du déjeuner du 12 octobre 1942
  26. Annie Lacroix-Riz, Le choix de la défaite: Les élites françaises dans les années 1930, Armand Colin, 2010 (L'auteur écrit Marignier et quelques lignes plus loin Marinier)
  27. L'Œuvre, 26 octobre 1942
  28. Oncle de Ferdinand Béghin. Cf. son Dossier de la Légion d'honneur dans la base Léonore, Le Figaro, 6 septembre 1938, Le Grand Echo du Nord, 8 septembre 1938
  29. Il est à sa mort en 1951 président-directeur général de la Société française du Férodo et président du Crédit du Nord.
  30. Thiriez (1875-1964), patron de la société J. Thiriez Père et fils et Cartier Bresson, de Lille, est membre de la Chambre de commerce de Lille depuis 1919 et président depuis 1936, vice-président de l’Assemblée des présidents de chambres de commerce, vice-président du comité national des conseillers du commerce extérieur. Il est également administrateur des Mines de Lens, vice-président du Crédit du Nord, président de la Compagnie des chemins de fer du Nord, puis président de 1942 à 1950 des forges et aciéries du Nord et de l’Est, administrateur aussi de sociétés coloniales au Maroc et en Algérie. Simple bachelier, ancien combattant prisonnier de guerre, époux d’une héritières Wallaert en 1906, il est chevalier de la Légion d’honneur en mars 1939. Président du Comité central du textile de Lille lors des grèves de septembre 1936, il avait eu une attitude intransigeante et avait écrit à Léon Blum : « Les industriels de Lille ne veulent plus que leurs usines soient occupées. (...) En un mot, ils ne veulent plus accepter l'instauration de Soviets dans leurs établissements. (...) Nous estimons aussi que l'intérêt national fait un devoir impérieux au patronat français de s'opposer résolument à l'anarchie » : cf. son Dossier de la Légion d'honneur sur la base Léonore, Pierre Pouchain, Les maîtres du Nord, du XIXe siècle à nos jours, Perrin, 1998, p. 52, Paul Christophe, 1936: les catholiques et le Front populaire, Editions de l'Atelier, 1986, p. 136
  31. Sans doute Georges Philippar (armateur)
  32. Les Cahiers de la Résistance, 2, p. 8. Cette brochure est citée par la Revue d'histoire de la deuxième guerre mondiale (avril 1974, vol. 24., n° 94, pp. 96-99 : L'auteur écrit p. 98 que trois bailleurs de fonds seront nommés au Conseil national de Vichy : Thiriez, Laederich et Brabant. C'est inexact concernant Brabant : extrait de l'article de Claude Lévy, Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, 1974) et a été reprise par André Jacquelin, dans La juste colère du Val d’enfer. La révolte de la résistance, de la vraie, Promotion et édition, 1968, pp. 183-214
  33. Le Droit de vivre, 1er juillet 1948, p. 2 (Non sans fautes d'orthographe et inexactitudes : Rocques au lieu de Roque, Ravel au lieu de Revel, René Laederich au lieu de Georges Laederich, Ririno-Martel au lieu de Firino-Martell. Et en citant aussi des noms qui ne sont pas directement liés à l'agence comme Weygand, Xavier Vallat, Jean Montigny, Adrien Marquet, etc.)
  34. L'Humanité, 18 mai et 20 mai 1949 (en ligne sur Retronews)
  35. Le Monde, 23 mai 1949, "L'affaire Inter-France" sera jugée en juin", Ibid., 17 juin 1949, Ibid., 18 juin 1949, "La condamnation d'Inter(France", L'Humanité, 17 juin 1949
  36. Cf. son Dossier de la Légion d'honneur sur la base Léonore: Officier de la Légion d'honneur, il est rayé des cadres en 1945
  37. Le Monde, 26 juillet 1949, "La dégradation nationale pour trois dirigeants d'Inter-France", L'Humanité, 25 juillet 1949, "Au Palais", p. 4, Ibid., 16 juin, "Au procès Inter-France on ouvre aujourd'hui un dossier vide"
  38. L'Aurore, 17 juin 1949, p. 3
  39. L'Humanité, 7 juillet 1949
  40. Christophe Belser, La collaboration en Loire-Inférieure: 1940-1944. Les années noires, Geste éditions, 2005, Bulletin de la société historique et archéologique du Périgord, 1961, Nécrologie, p. 47-48
  41. L’Express, 29 avril 1964, Jacques Derogy, « Les revenants : Inter-France, vous ne connaissez-pas ? Sous l’Occupation, pourtant… »