Tapisserie

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Détail d'une tapisserie médiévale.

La tapisserie est un tissu fabriqué sur un métier à tisser ou bien à la main, dont le tissage représente des motifs ornementaux[1]. Le tissage se compose de deux ensembles de fils entrelacés, ceux parallèles à la longueur, les fils de chaîne, et ceux parallèles à la largeur, les fils de trame[1]. Les fils de chaîne sont mis en place sous tension sur un métier, et le fil de trame est transmis par un mouvement mécanique de va-et-vient sur tout ou partie de l'ouvrage. Souvent la tapisserie est une réalisation textile décorative d'ameublement, se classant dans les arts décoratifs. la tenture murale d'une pièce peut être constituée d'une seule ou d'un ensemble de tapisseries[2].

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Monsieur Honoré Ledoux metant la touche finale à une tapisserie représentant un chevalier en armure sur son destrier

L'art de la tapisserie existe depuis l'Antiquité, et beaucoup de peuples l'ont pratiqué : Grèce antique, Chine impériale, Égypte antique, civilisations précolombiennes[3]. La tapisserie occidentale connaît un essor formidable pendant le XIVe siècle, illustré par la Tenture de l'Apocalypse commandée par le duc Louis Ier d'Anjou.

Un grand nombre de tapisseries sont parvenues jusqu'à nous directement. Elles sont parfois grandioses (La Dame à la licorne, la tenture de David et Bethsabée[4] conservée à Écouen), souvent plus modestes.

Techniques

La tapisserie peut être une œuvre tissée sur un métier à tisser hautes-lices ou basses-lices, ou brodée avec ou sans métier. On distingue donc la tapisserie « de lices » de la tapisserie « aux points ». En tapisserie tissée, celui qui effectue le travail s'appelle « licier » ou « lissier[5] ».

Que ce soit des tapisseries de lices[6] (lisses) ou « aux points d'aiguille », on crée un carton, qui est l'ébauche en dimensions réelles de la tapisserie. Le carton n'est pas à confondre avec une peinture mais il peut être peint. Certains cartonniers, travaillant le plus souvent pour d'importantes manufactures à caractère commercial, sont spécialisés dans cette ébauche. Dans ce cas, le cartonnier n'est généralement pas reconnu comme « artiste peintre ».

Néanmoins, l'exécutant de la tapisserie peut être aussi l'artiste qui a créé le carton. Ainsi des peintres ou des artistes en d'autres domaines ont souvent créé leurs propres cartons pour tapisseries et les ont donnés à réaliser soit à des manufactures de tapisseries, des artisans liciers, soit à des façonniers en tapisseries aux points d'aiguille, soit encore les ont eux-mêmes réalisés par l'une ou l'autre des deux techniques.

Les deux techniques d'exécution de la tapisserie de lices sont utilisées par plusieurs centres de productions : manufacture des Gobelins à Paris, tapisseries d'Arras (anciennement appelées « Arrazo »), tapisseries d'Aubusson, tapisseries de Beauvais et, en Belgique, la manufacture royale de tapisserie De Wit, à Malines, et Chaudoir, à Bruxelles. Audenarde[7] ainsi que Grammont (Geraardsbergen) et Enghien, sont mondialement connus pour les « verdures ».

Musei Capitolini, Rome.

La plus célèbre des tapisseries « aux points d'aiguille » est la tapisserie de Bayeux, grandiose tapisserie historique de 70 mètres de long. Techniquement la tapisserie de Bayeux est en fait une broderie ; en effet ce qui distingue une tapisserie — qu'elle soit de lisses ou aux points d'aiguille — d'une broderie, c'est que les fils de couleurs dans ce dernier cas ne couvrent pas la totalité de la surface alors que dans les deux techniques dites de tapisserie la totalité de la surface est couverte par les fils de couleur.

La tapisserie aux points d'aiguille (aujourd'hui le plus souvent sur canevas mais à l'origine il s'agissait plutôt d'une toile grossière) est connue depuis des temps immémoriaux. D'ailleurs l'aiguille ne fut-elle pas le premier outil ayant servi à confectionner un entremêlement de fils ? Le principal point commun avec la tapisserie tissée (sur métiers manuels ou mécaniques) est l'utilisation des fils de couleurs pour représenter le sujet ou la scène sur toute la surface de la tapisserie.

Bien que généralement destinée à des œuvres de moindres dimensions que la tapisserie de lisse; la tapisserie au point a permis la réalisation d'œuvres grandioses telles des tentures de lits princiers, voire des tentures murales. Toutefois la technique du point d'aiguille étant assez souvent une pratique de salon, c'est avec des ouvrages de taille plus modeste qu'elle s'est réellement épanouie. Ainsi les dessus de sièges réalisés au petit ou gros point sont, dans tous les châteaux et musées, très largement répandus.

La destination la plus répandue du tapisserie aux points fut et est encore de nos jours le tapisserie pour dessus de sièges.

Histoire

La tapisserie depuis l'Antiquité

L'art de la tapisserie existe depuis l'Antiquité, en particulier la tapisserie sur métier[8].

La tapisserie au Moyen Âge

Saint Antoine ermite, tapisserie de Guigone de Salins, Beaune.

Au Moyen Âge, les tapisseries murales améliorent considérablement le confort dans les lieux de vie, en offrant une meilleure isolation thermique, car elles conservent mieux la chaleur dans les pièces que les murs peints, et protègent des courants d'air dans les églises[9]. De plus, elles permettent d'habiller une pièce, de donner un cadre aux conversations[9]. Les motifs représentés se composent souvent de fleurettes, d'animaux, émaillés de symboles héraldiques[10]. En 1025 à Arras se réunit un concile qui prend la décision de développer les images, la décoration, afin de cultiver un peuple illettré sur la religion et la politique[réf. souhaitée]. De ce fait, les évêques vont commander plusieurs tableaux et tapisseries représentant la vie du Christ et des saints aux artistes, ce qui embellit progressivement les églises, par exemple la tenture de Saint-Étienne[11], commandée par l'évêque d'Auxerre pour le chœur de sa cathédrale vers 1500.

En effet, c'est pendant la seconde moitié du XIVe siècle que se produit un changement dans les thèmes abordés en tapisserie. L'innovation majeure consiste à mettre en scène des histoires, qui sont plus élaborées, plus riches et surtout plus prestigieuses[9]. La tapisserie devient alors un objet de luxe, et commence à remplir trois grandes fonctions. Ce sont des objets d'ostentation, déployés dans les demeures des grands ou à l'occasion de cérémonies publiques. D'autres ne sont pas présentés, mais entreposés à l'abri de la lumière. Les tentures sont aussi des cadeaux diplomatiques ou de mariage, pour faciliter des alliances entre maisons. Par exemple, pendant la Guerre de Cent Ans, le duc de Bourgogne pratique ce genre de diplomatie, ce qui permet une rapide diffusion de ce produit à travers toute l'Europe occidentale[10]. De plus, les inventaires des puissants, laïcs ou ecclésiastiques, font état de nombreuses tentures qui font surtout office d'investissements. Celles-ci, parfois tissées de fil d'or et d'argent, constituent une réserve de capital, preuve du caractère précieux qu'elles renferment[10].

En revanche pendant la même période après le trépas de Charles VI, l'inventaire dressé par Jean Du Val[12] montre qu'un grand nombre des étoffes et tapisseries constituant le mobilier du palais capétien et du Louvre ont été détournées et vendues par et au profit des Anglais comme des gens de cour.

Comme les tapisseries sont le plus souvent destinées à des lieux de vie, les thèmes religieux sont moins fréquents, mais restent bien sûr très présents. Beaucoup représentent classiquement la vie de la Vierge Marie, ou la Passion du Christ. Un accent particulier est mis sur la manière de raconter la vie des saints, avec plus d'originalité, une iconographie recherchée, comme dans L'Histoire de saint Étienne de la cathédrale d'Auxerre[13]. Des morceaux choisis de la Bible sont tissés, comme L'Histoire de Gédéon commandée par Philippe le Bon, ou les scènes de repentir du roi David dans L'Histoire de David et Bethsabée[14]. L'idée est de créer un rapprochement entre le propriétaire de la tapisserie et ce qui est représenté accroché au mur[15]. Les tentures racontent aussi des scènes de bataille, souvent appréciées, des événements contemporains comme le voyage de Vasco de Gama dans La Caravane de chameaux, des événements passés (le couronnement de Clovis commandé par Charles le Téméraire), des épisodes historiques réactualisés comme L'Histoire de César qui représente des chevaliers[16]. La chanson de geste avec L'Histoire de Jourdain de Blaye ou la littérature courtoise avec Hommes sauvages et Château d'amour ne sont pas en reste[17]. Enfin, d'innombrables scènes de chasse (Nobles chassant en costumes de sauvages), de travail des sujets (La Capture des lapins au furet) sont tissées[18].

Il n'est pas toujours aisé de retrouver l'atelier d'origine d'une tapisserie médiévale. On sait cependant que si Paris tenait une place importante dans la production, la première région était l'Europe du Nord, et en particulier la Flandre et les Pays-Bas. Arras était si réputée qu'elle donne son nom au mot italien signifiant tapisserie (arazzi). Bruges et Bruxelles étaient également des centres de production qui fournirent toute l'Europe. La fabrication était apparemment coordonnée par de grands entrepreneurs qui mettaient en relation commanditaires, ateliers et fournisseurs de matière première (par exemple, Nicolas Bataille à Paris qui fournit au duc d'Anjou la tenture de l'Apocalypse).

Enfin, l'art de la tapisserie est aussi le témoin de l'art des peintres qui réalisaient les cartons préparatoires. C'est donc un aspect essentiel de l'histoire de l'art au Moyen Âge[19].

La tapisserie Renaissance

En France, vers 1530, François 1er fonde à Fontainebleau la première manufacture royale de tapisseries. Vers 1660, c’est Colbert qui fonde les Gobelins, puis Beauvais, quatre ans plus tard, sous la protection du roi louis XIV. Plus de 800 peintres et tapissiers sont réunis aux Gobelins, à Paris, sous la direction de Charles Le Brun dont l’idée est de spécialiser les artistes selon leurs dons et leurs affinités. C’est pourquoi il n’est pas rare de trouver un carton signé par plusieurs artistes différents.L'arrivée de la Renaissance va introduire le style italien dans les tapisseries européennes en particulier grâce aux artistes tel que Raphaël (1483-1520) qui introduit l’art de la composition, l’ordre, la clarté, la perspective, le décor, les riches bordures et arabesques qui donneront le «haut en couleur» propre à la Renaissance, Giulio Romano (1499-1546) disciple de Raphaël et Perino del Vaga (1501-1547). La tenture " des Actes des apôtres " de Raphaël sera dans l'art de la tapisserie l'Annonce de la Renaissance

La tapisserie sous l'Ancien Régime

L'industrie se spécialise dans les tapisseries de laine fine, notamment celles d'Arras qui sont vendues pour décorer les palais et les châteaux partout en Europe. Peu de ces tapisseries ont survécu à la Révolution française : des centaines y sont brûlées pour récupérer les fils d'or tissés. Au XVIe siècle, la Flandre devient le principal centre de production européen de la tapisserie avec les villes d'Audenarde, de Bruxelles, de Grammont et Enghien. De nombreux exemplaires de cette époque existent encore, démontrant le détail complexe des motifs et des couleurs. Au XVIIe siècle, la tapisserie européenne imite la peinture, la couleur prenant désormais plus d’importance que les effets de tissages.

La tapisserie contemporaine

Des artistes contemporains créent des cartons pour qu'ils soient réalisés en tapisserie.

On parle alors d'artistes cartonniers qui, le dessin effectué sur une commande ou un travail personnel, font exécuter leurs œuvres par des liciers de manufactures de tapisseries comme celles d'Aubusson ou des ateliers indépendants.

On peut citer Jean Lurçat, Jean Picart le Doux, Loewer, Le Corbusier, Alexander Calder, Jacques Lagrange, Enrico Accatino, Marc Petit, Nicolas de Staël, Serge Poliakoff, Charles Lapicque, Alfred Manessier, Jean Le Moal, Henri-Georges Adam, Édouard Pignon, Gustave Singier, Lanskoy, Linder, Alberto Magnelli, Michel Seuphor, Zadkine, Anne Aknin, Olivier Debré, Georges Chazaud, André Brasilier et, surtout, Dom Robert qui a grandement participé au renouveau de la tapisserie dans la seconde moitié du XXe siècle.

Mais certains artistes comme Josep Grau-Garriga ont su faire évoluer la tapisserie vers un autre monde : d'une tapisserie figurative il est passé à une tapisserie en relief et abstraite jusqu'à aller vers une tapisserie-sculpture (ou tapisserie tri-dimensionnelle). Grau-Garriga a appris la tapisserie en 1958 auprès de Jean-Lurçat. Il a considéré que pour être une véritable oeuvre d'art, la tapisserie devait être créée et tissée par l'artiste lui-même (créateur-lissier).

À l'Académie royale des beaux-arts de Bruxelles et à l'Académie des beaux-arts et des arts décoratifs de Tournai, il existe toujours un atelier de tapisserie où les étudiants-artistes peuvent profiter de métiers hautes-lices et basses-lices pour leur propre création.

Quelques tentures ou tapisseries remarquables

L'une des dix tapisseries de la tenture de David et Bethsabée du XVIe siècle.
  • La tenture de David et Bethsabée exposée au musée national de la Renaissance d'Ecouen est sans doute l'ensemble le plus connu de l'époque Renaissance. Cette œuvre de grandes dimensions fut tissée à Bruxelles entre 1510 et 1515. Constituée de dix pièces, elle est longue de 75 mètres et haute de 4,5 mètres (totalisant donc 340 m2). Le nom de ses auteurs demeure inconnu. Il s'agit d'un récit biblique. Le musée national de la Renaissance expose bien d'autres tapisseries du XVIe siècle, provenant de toute l'Europe.
Christ en Gloire pour la cathédrale de Coventry, carton de Graham Sutherland.

Manufactures et musées

Notes et références

Sur les autres projets Wikimedia :

  1. a et b Coffinet 1977, p. 31
  2. Informations lexicographiques et étymologiques de « tenture » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
  3. Coffinet 1977, p. 33
  4. Sur le site du musée de la Renaissance.
  5. Les deux orthographes sont admises.
  6. Exemple célèbre de tapisserie de lices : L'Apocalypse à Angers.
  7. Sur le site web de la ville est fournie une présentation des techniques de restauration. Cette activité joua un grand rôle dans l'histoire de la ville.
  8. Joubert, Lefébure et Bertrand 1995, p. 10
  9. a b et c Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 11
  10. a b et c Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 14
  11. Sur le site du musée du Moyen Âge.
  12. Jules Guiffrey, Inventaire des tapisseries du roi Charles VI vendues par les Anglais en 1422 (lire en ligne), Compotus particularis Johannis Du Val
  13. Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 16
  14. Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 17
  15. Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 20
  16. Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 22
  17. Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 23
  18. Joubert, et Lefébure Bertrand1995, p. 26
  19. Edina Bernard, Pierre Cabanne, Jannic Durand, Gérard Legrand, Histoire de l'art du Moyen Âge à nos jours, Paris, 2006, pp. 132-133.

Bibliographie

  • Fabienne Joubert, Amaury Lefébure et Pascal-François Bertrand, Histoire de la tapisserie : En Europe, du Moyen Âge à nos jours, Paris, Flammarion, , 383 p. (ISBN 2-08-010969-3)
  • Julien Coffinet, Pratique de la tapisserie, Genève, Éditions du Tricorne, , 197 p.