Syndicat des eaux d'Île-de-France

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Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF)
Blason de Syndicat des eaux d'Île-de-France (SEDIF)
Administration
Pays Drapeau de la France France
Région Île-de-France
Département
Forme Syndicat mixte fermé
Siège Paris
Communes 133
Président André Santini (UDI)
Date de création
Code SIREN 257500017
Démographie
Population 4 000 000 hab. (2023)
Liens
Site web sedif.com
Fiche Banatic Données en ligne
Fiche INSEE Dossier complet en ligne

Le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (SEDIF) est un établissement public de coopération intercommunale qui gère le service public de l’eau potable pour le compte de 133 communes de la région parisienne.

Créé en 1923, le SEDIF est responsable de la production et de la distribution de l’eau potable pour plus de 4 millions d'usagers. Ses trois usines principales, situées sur la Seine, la Marne et l’Oise, produisent chaque jour plus de 740 000 m3 d’eau potable. Son réseau de canalisations couvre plus de 8 000 kilomètres[1].

La politique et la gestion du SEDIF sont fréquemment contestés.

Missions[modifier | modifier le code]

Le SEDIF a pour missions de prélever l'eau dans son milieu naturel, la traiter en transformant l'eau brute en eau potable, la transporter des usines aux réservoirs, assurer la disponibilité permanente de l'eau sur son territoire et la distribuer tout en contrôlant sa qualité sanitaire tout le long de son parcours[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Le Syndicat des communes de la banlieue de Paris pour les eaux, première dénomination du SEDIF, est créé le 23 décembre 1922[2], dans un esprit de mutualisation et de solidarité entre ses membres. En 1923, le Syndicat dessert plus de 1,5 millions d’habitants, via un réseau de canalisation de 2 700 kilomètres[3]. Lors de sa création, le syndicat signe un premier contrat de régie intéressée avec la Compagnie générale des eaux. Depuis, la question du mode de gestion du service d’eau a été régulièrement présente sur la scène politique, et le SEDIF comme la compagnie privée ont dû périodiquement justifier de l’intérêt et de la pertinence de leurs choix[4].

Le SEDIF constitue un cas d'école des phénomènes de contestation et de défiance qui accompagnent, en France, l’intervention privée dans le service de distribution de l'eau. Le cadre du contrat de délégation de service public alimente une défiance vis-à-vis des autorités locales et de leur réelle volonté ou capacité de défendre l’intérêt général, ainsi que la suspicion de collusion éventuelle avec les intérêts privés dans la passation des contrats. Les décisions prises par les exécutifs municipaux de confier la distribution de l’eau à une même entreprise privée — pour le SEDIF, la Compagnie générale des eaux devenue Veolia — supposent des efforts particuliers pour légitimer, de façon périodique, ce choix régulièrement contesté[4].

Depuis 1961, date d’expiration du contrat de concession signé avec la Compagnie générale des eaux pour gérer les processus industriels, le SEDIF est propriétaire de l’ensemble des installations de production et de distribution. Il finance directement tous les investissements majeurs.

En 1984, le Syndicat adopte son nom actuel et devient le Syndicat des eaux d’Île-de-France.

En 2023, lors de la procédure d'appel d'offres de délégation de service public à une entreprise privée, la fuite d'informations confidentielles permet à Veolia – gestionnaire de cette délégation depuis cent ans – d'avoir accès à des documents confidentiels de son challenger Suez. La décision du SEDIF de figer la procédure d'appel d'offres suscite une polémique[5],[6]. Suez saisit, sans succès, le tribunal administratif de Paris pour faire casser la procédure d'attribution du marché de 4,3 milliards d'euros à son concurrent Veolia et annonce son intention de saisir le Conseil d'État[7],[8].

Vue aérienne de l'usine de Neuilly-sur-Marne.

Gouvernance[modifier | modifier le code]

Le SEDIF est un syndicat intercommunal (EPCI). En tant que service public de l'eau il est chargé de la production, la distribution et la surveillance de l'eau. Plusieurs instances participent à sa gouvernance :

Le Comité, composé des délégués des 133 communes membres, est l'assemblée délibérante plénière. Il règle les affaires du SEDIF. Le Bureau, assemblée délibérante restreinte, gère les affaires courantes, prend les décisions dans les domaines pour lesquels il a reçu délégation du Comité (programmes et avant-projets de travaux, marchés publics, biens mobiliers et immobiliers, etc.). Il est constitué du Président, des vice-présidents et des personnes qualifiées, soit 18 personnes.

Depuis 1983, le président du SEDIF est André Santini[5], ancien Ministre, maire d’Issy-les-Moulineaux (92), vice-président de la Métropole du Grand Paris[9]. Il est réélu en 2008 en plaidant pour la délégation à un service privé de l'eau, face à Jacques Mahéas qui défendait le principe d'une régie publique[10],[11].

Vice-présidents (dans leur ordre d’élection) :

Historique des présidents[modifier | modifier le code]

Mode de gestion[modifier | modifier le code]

Le SEDIF fonctionne actuellement en délégation de service public. Ce mode de gestion établit que le SEDIF est propriétaire des infrastructures, garde la maîtrise des investissements et du prix de l’eau alors que l’exploitation des usines, l’entretien du réseau ou encore la relation avec les usagers sont délégués à une entreprise dite délégataire. Le délégataire actuel est Veolia Eau Île-de-France, dont le contrat a pris effet le 1er janvier 2011[13],[6].

Des associations de consommateurs, dont l'UFC-Que Choisir[14], critiquent la délégation de service public confiée à Veolia Eau qu'elles accusent en 2008 de réaliser des profits trop importants sur la distribution de l'eau et d'avoir une gestion opaque[15].

En 2010, la chambre régionale des comptes pointe deux irrégularités dans le contrat de délégation qui lie le SEDIF à Véolia. Elle reproche notamment à Veolia « l'utilisation d'une comptabilité tronquée » et l'absence d'appel d'offres pour la réalisation des travaux d’entretien du réseau, travaux confiés à Véolia[16],[17].

En 2017, une vingtaine de municipalités de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne contestent la gestion déléguée de l'eau au secteur privé et entérinent leur retrait progressif du Syndicat des Eaux d'Ile de France[18],[19],[20].

Le 27 mai 2021, le comité syndical du SEDIF a voté à près de 90 % pour la conservation d’un régime de concession globale du service de l'eau à un opérateur privé[21], ainsi que le principe d'un délégataire unique plutôt que celui d'une délégation par lots[22].

Production de l'eau potable et qualité de l'eau[modifier | modifier le code]

L’eau produite par les usines du SEDIF provient pour 97 % d’eau de surface (la Seine, la Marne et l’Oise).

Le traitement des eaux fluviales a lieu dans trois usines à Choisy-le-Roi, Neuilly-sur-Marne et Méry-sur-Oise. Le SEDIF produit 285 milliards de litres d'eau par an[1].

Le SEDIF compte également 5 usines à puits pour le secours ponctuel, en complément des usines principales : les usines d’Arvigny (Savigny-le-Temple), d'Aulnay-sous-Bois, de Neuilly-sur-Seine, de Pantin et de Seine-Port exploitent des forages dans les nappes du Champigny, de l’Albien et de l’Yprésien et assurent un traitement adapté des eaux souterraines (déferrisation et désinfection par chloration).

Afin de garantir la continuité de l'alimentation en eau, les usines sont interconnectées. Le SEDIF possède 8 000 km de canalisations, permettant le transport et la distribution de l’eau sur son territoire. Le rendement du réseau du SEDIF est de 90,4 %[23].

En 1999, le SEDIF met en service une filière membranaire par nanofiltration dans son usine de Méry-sur-Oise, un procédé à l’époque unique au monde[24]pour de l’eau de rivière.

Prix de l'eau[modifier | modifier le code]

En France, le service public de l’eau est un Service Public Industriel et Commercial (SPIC). Ainsi les investissements du SEDIF sont financés par les ventes d’eau et les emprunts[25]. Le prix du mètre cube d’eau potable est fixé chaque année par les élus. Il est de 1,47 euro HT au (pour une consommation moyenne de 120 m3, y compris abonnement, sans compter les taxes)[26][source secondaire nécessaire].

Dans un rapport publié en 2017, la chambre régionale des comptes (CRC) d'Île-de-France critique la gestion du délégataire Veolia Eau en Ile-de-France. Sa rémunération a doublé (de 10,5 millions d'euros en 2013 à 20,9 millions en 2014) pour être ramenée à 20,5 millions en 2015. Or le contrat de délégation ne prévoyait pas de rémunération supérieure à 7 millions. Veolia s'est également adjugée des frais de siège annuels de 7 millions d'euros sans justificatifs[27]. Les magistrats de la chambre des comptes dénoncent le fait que ces recettes supplémentaires dégagées par l’industriel n’ont pas eu d’« impact positif » sur le prix de l’eau, alors que les 150 communes servies par le Sedif et Veolia payent les prix les plus élevés dans la région[27].

Débat sur le périmètre de distribution : le projet de « Ring de l'eau »[modifier | modifier le code]

En 2017, le SEDIF propose d'étudier les conditions de réalisation d'un syndicat francilien de plus grande envergure qui associerait également Eau de Paris, le Syndicat des eaux de la presqu'île de Gennevilliers et le Syndicat mixte pour la gestion des eaux de Versailles et Saint-Cloud, projet accueilli assez fraîchement par la ville de Paris[28],[29]. André Santini défend un projet contesté de « Ring de l’eau » qui réunirait ces divers syndicats, avec l'adjonction d'une usine de secours délocalisée, par exemple, au bord d’un des réservoirs des Grands Lacs de Seine[30].

Durant l'été 2022, le SEDIF approuve le retrait effectif du syndicat de l'établissement public territorial Est Ensemble et de ses neuf communes en décembre 2023 et la conclusion d'un contrat d'approvisionnement en gros de la nouvelle régie créé par l'EPT[31].

Projet de filière membranaire[modifier | modifier le code]

Le SEDIF prévoit d’installer dans ses trois usines principales une technique de filtration membranaire (osmose inverse basse pression)[32]. Cette technologie vise, selon le SEDIF, à réduire la quantité de micropolluants et de chlore dans l’eau distribuée, afin de limiter la consommation d’eau en bouteille[33]. Le coût du projet est estimé à 870 millions d’euros[34]. Alors qu'en 2022 le préfet rejette le procédé choisi par le SEDIF[35], le ministère de la Santé confirme en 2023 la légalité de la technologie envisagée[36].

Ce projet est critiqué par d’autres collectivités, qui y voient une fuite en avant ruineuse et anti-écologique[37],[38],[22]. La régie d’eau de Paris et les collectivités franciliennes dissidentes du Sedif s'y opposent et plaident pour un modèle de gestion collective de l’eau basé sur la sobriété industrielle et sur la prévention des pollutions aux pesticides[39],[40].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Votre service public de l'eau », sur www.sedif.com (consulté le )
  2. « Statuts du SEDIF »
  3. Journal du Grand Paris, Le SEDIF – 100 ans de révolutions au robinet, Le Cherche-midi, 2023,
  4. a et b Christophe Defeuilley, « Légitimité de l'intervention privée dans un service public : Le renouvellement du contrat des eaux de la banlieue de Paris », Actes de la recherche en sciences sociales, no 203,‎ , p. 48-59 (DOI 10.3917/arss.203.0048)
  5. a et b Jean-Michel Bezat et Isabelle Chaperon, « Veolia-Suez : la bataille en eaux troubles d’Ile-de-France », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. a et b Emmanuel Lévy et Vanessa Ratignier, « Veolia contre Suez : par erreur ou favoritisme, le premier marché public de l'eau en France pourrait exploser », sur www.marianne.net, (consulté le )
  7. « Sedif/Veolia/Suez, à qui gagne perd », sur Blast le souffle de l’info, (consulté le )
  8. Vanessa Ratignier et Emmanuel Lévy, « Guerre de l'eau en Île-de-France : éconduit par la justice, Suez saisit le Conseil d'État face à Veolia », sur www.marianne.net, (consulté le )
  9. « André Santini réélu à la tête du Sedif », sur www.environnement-magazine.fr (consulté le )
  10. Par L. C. Le 16 mai 2008 à 00h00, « Santini garde le contrôle de l'eau », sur leparisien.fr, (consulté le )
  11. « La bataille de l’eau fait rage en Île-de-France », sur Basta!, (consulté le )
  12. « Biographie Alfred Vincent », sur whoswho.fr (consulté le )
  13. (en) « Veolia conserve la distribution de l'eau en Ile-de-France », Reuters,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. « Eau - La fin du contrat entre Véolia et le Syndicat des Eaux d'Ile-de-France : 80 à 90 millions d'euros d'économie à réaliser - Action UFC-Que Choisir - UFC-Que Choisir », sur www.quechoisir.org, (consulté le )
  15. Jérôme Canard, « L'audit qui dénonce les ruisselants profits d'un marchand d'eau », Le Canard enchaîné,‎
  16. « Contrat du SEDIF : Veolia critiqué par la Chambre régionale des comptes d'IDF », sur Actu-Environnement, (consulté le )
  17. « #Exclusif :# La Chambre régionale des comptes épingle la gestion de l’eau par Veolia en Ile-de-France », sur Capital.fr, (consulté le )
  18. Claire Chaudière, « En Île-de-France, la bataille de l'eau éclabousse le secteur privé », sur France Inter, (consulté le )
  19. « Eau potable : le divorce est signé entre neuf villes du Val-de-Marne et le Sedif », sur leparisien.fr, (consulté le )
  20. Martin Brésis, « Grand Paris : le Sedif et Veolia rêvent de reconstruire leur empire de l'eau en Île-de-France », sur Observatoire des multinationales (consulté le )
  21. « L'eau d'Ile-de-France restera gérée par le privé », sur Les Echos, (consulté le )
  22. a et b Martine Orange, « La politique de l’eau dans les mains d’un monopole privé », sur Mediapart (consulté le )
  23. Par Olivier Bureau Le 25 janvier 2023 à 16h53 et Modifié Le 25 Janvier 2023 À 17h33, « Grâce à cette vanne, les fuites sur le réseau d’eau de Clichy et Levallois vont être réduites », sur leparisien.fr, (consulté le )
  24. « Générale des Eaux : une première dans la filtration de l'eau potable », sur Les Echos, (consulté le )
  25. SEDIF, « Orientations budgétaires de l'exercice 2023 »
  26. SEDIF, « Circulaire relative au tarif du service de l'eau au 1er janvier 2023 »
  27. a et b Matthieu Quiret, « La Chambre régionale des comptes critique la gestion de Veolia Eau en Ile-de-France », lesechos.fr, (consulté le )
  28. Elsa Dicharry, « Santini pousse son projet contesté de « Grand Paris de l'eau » », lesechos.fr, (consulté le )
  29. Arnaud Garrigues, « Grand Paris de l’eau (2/2) : un transfert de compétence qui fait des vagues », sur La Gazette des Communes (consulté le )
  30. Arnaud Garrigues, « Grand Paris de l’eau (1/2) : le projet d’André Santini ne fait pas l’unanimité », sur La Gazette des Communes (consulté le )
  31. Leo De Veiga, « Seine-Saint-Denis : la future régie publique de l'eau d'Est Ensemble se précise », sur lesechos.fr, (consulté le )
  32. « Eau potable : une consultation publique sur de futurs traitements par le Sedif est lancée », sur Actu-Environnement, (consulté le )
  33. Amélie Luquain, « Eau potable : le Sedif veut aller plus loin dans la purification », Le Moniteur,‎ (lire en ligne, consulté le )
  34. « Bientôt un « Grenelle de l’eau » pour plus de transparence en IDF ? », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  35. « Eau potable : le préfet n'autorise pas le procédé envisagé par le Sedif », sur Actu-Environnement, (consulté le )
  36. « OIBP : le ministère de la Santé confirme la légalité du dispositif », sur Le journal du Grand Paris - L'actualité du développement de l'Ile-de-France, (consulté le )
  37. Matthieu Jublin, « Bataille autour de l'eau potable en Ile-de-France », sur Alternatives Economiques, (consulté le )
  38. « Les régies de la région appellent à un « Grenelle de l’eau » face au Sédif », sur www.20minutes.fr, (consulté le )
  39. « Les régies franciliennes s’allient publiquement contre le projet du Sedif », sur La Gazette des Communes (consulté le )
  40. « Gestion de l’eau : Eau de Paris et quatre collectivités franciliennes... », sur www.aefinfo.fr (consulté le )