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Exorcisme

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Saint François et les diables, œuvre de Giotto.

L’exorcisme est un rituel religieux destiné à expulser une entité spirituelle maléfique qui se serait emparée d'un être animé (humain ou animal) et, plus rarement, inanimé (objet). On peut appeler cela un démon.
Il existe également le terme de conjuration qui a le même sens mais qui s'exerce à travers des pratiques magiques.[1],[2]

Cette pratique est probablement universelle : elle est supposée en Mésopotamie dès le IIe millénaire av. J.-C. et attestée dès le Ier millénaire av. J.-C..

Probablement d'origine sémitique, on la retrouve rarement dans l'Ancien Testament : bouc émissaire chargé des fautes des Israélites et envoyé dans le désert (Lv 16,20-22) ; en revanche, Jésus le pratique à plusieurs reprises, ainsi que ses disciples qui « chassent les démons » en son nom : « guérison du possédé », Mt 8,28-34 ; Mt 9,32-34 ; Mt 12,22-24 ; Mt 15,21-28 ; Mc 1,23-28 ; Mc 5,1-20 ; Lc 4,33-36 ; Lc 8,26-39 ; Lc 11-14 ; Lc 13,10-17etc.

On retrouve également la pratique de l'exorcisme dans les sociétés primitives pour lesquelles il constitue une réponse à la possession par le(s) démon(s), voire plus simplement à la maladie.

On le retrouve sous cette forme dans le chamanisme caucasien, les rituels africains et le vaudou.

L'exorcisme est historiquement institutionnalisé dans le christianisme catholique, particulièrement au Moyen Âge, ou luthérien, et il continue à être pratiqué à l'heure actuelle, soit au niveau symbolique et sacramentel, soit au niveau pratique (prêtres exorcistes). Dans l'islam, le Coran a en lui-même une valeur exorcistique par le biais de la pratique ésotérique de la Ruqiya, afin de lutter contre des djinns.

Le mot provient du grec ancien : ἐξορκισμός / exorkismós : « action de faire prêter serment », de ex-orkizein : « faire prêter serment, faire jurer à quelqu'un par le Seigneur » ; il passera directement en latin : exorcismus, exorcizare.

Dans le catholicisme

À l’origine du comportement de l’Église, il y a l’exemple et le commandement du Christ : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. » (Mt 10.8).

L'exorcisme vise à expulser les démons ou à libérer de l’emprise démoniaque et cela par l’autorité spirituelle que Jésus a confiée à son Église. L'entité la plus connue censée provoquer la possession est la force que les chrétiens nomment Satan ou le Diable.

Selon l'Église catholique, quand l’Église demande publiquement et avec autorité, au nom de Jésus-Christ, qu’une personne ou un objet soit protégé contre l’emprise du Mal et soustrait à son empire, on parle d’exorcisme public. Sous une forme simple, l’exorcisme est pratiqué lors de la célébration du baptême. L'exorcisme canonique solennel, appelé « grand exorcisme », ne peut être pratiqué que par un prêtre exorciste et avec la permission de l’évêque (Don Gabriele Amorth, exorciste de Rome). Canoniquement, c'est l'évêque qui, comme successeur des apôtres, reçoit de l'Église l'autorité de pratiquer des exorcismes. Le plus souvent, il délègue cette autorité à des prêtres subalternes : ce sont les exorcistes. Le Pape Jean-Paul II, en tant qu'évêque de Rome, a pu effectuer trois exorcismes pendant son pontificat[3].

Par exemple Placide Guillermic, surnommé Tadig Kozh, recteur de Bégard, fut un exorciste réputé dans la seconde moitié du XIXe siècle.

D'autres catholiques, comme le père Ovila Melançon dans Exorcismes et Pouvoirs des Laïcs, affirment vouloir « dissiper la confusion, presque généralisée dans l'Église, concernant les personnes ayant le pouvoir de pratiquer des exorcismes... L’exorcisme privé peut être pratiqué par tout prêtre et même par tout fidèle, sans aucune autorisation de l’évêque. Il s’agit là de la doctrine commune enseignée par les théologiens qui ont étudié cette question, même parmi les plus célèbres d’entre eux... ». Il se distingue alors de l'exorcisme solennel que seul un exorciste nommé par l'évêque peut effectuer.

L'exorcisme privé pourrait être accompli par « les fidèles en état de grâce ». Cette déclaration le confirme, l'exorcisme passe par des prières particulières, mais aussi et surtout par la foi, la miséricorde (vis-à-vis du possédé) et l'amour que mettent les officiants lorsqu'ils les récitent. Ces éléments assurent que le démon sera chassé à tout jamais et non pas seulement pendant la lecture des prières. L'exorcisme doit, dans l'esprit du prêtre, consister à chasser le démon, mais aussi sauver le possédé.

Crise de possession et hystérie

La possession se présente comme un état dissociatif tel qu'il est décrit dans les psychoses schizophréniques ; mais la réponse à y apporter n'est jamais univoque et ne doit pas être dissociée du contexte culturel dans lequel elle apparaît.

Ainsi l'histoire des possédées de Loudun peut être rapportée à une schizophrénie (ou hystérie collective) présentée par toutes les religieuses d'un même couvent ; il en est de même des cas de possession présentée au sein même du territoire africain à comparer aux bouffées délirantes présentées par des africains transplantés en Europe par exemple et subissant les effets pathogènes de l'acculturation.

Mis à part sa signification théologique (ou culturelle) particulière, ainsi que les éventuels phénomènes parapsychologiques qui pourraient lui être associés, la crise de possession ne se distingue pas d'une crise d'hystérie au sens de Charcot ou des phénomènes de spasmophilie, de transe, voire des états de rebirth provoqués dans certaines thérapeutiques.

Pour les théologiens catholiques, le diagnostic différentiel entre maladie mentale et possession diabolique, s'est fondé pendant un certain temps sur l'existence de phénomènes paranormaux. L’Église catholique a très nettement révisé sa position. Par exemple, dans le Praktisches Bibellexicon[4] : « Étant donnée la ressemblance frappante entre la possession et les phénomènes décrits par la parapsychologie, aujourd'hui s'impose la plus extrême réserve. Ce qui, auparavant était considéré comme le signe certain de l'authenticité d'une possession ne peut plus aujourd'hui passer pour tel sans plus ample examen. »

Pourtant, d'autres théologiens et prêtres insistent sur le caractère réel et profondément néfaste des influences sataniques de tous ordres (infestation, obsession, possession). Dom Amorth s'était ainsi une fois plaint à Jean-Paul II que nombre d'évêques ne croyaient pas au démon, et donc ne nommaient pas les prêtres comme exorcistes. Le Pape lui avait répondu : « Celui qui ne croit pas au démon ne croit pas à l'Évangile[5]. »

États du possédé

On distingue un état de calme et un état de crise. L'état de crise se traduit par des contorsions, des éclats de rage, des paroles impies et blasphématoires. Pendant la période de calme, tout est généralement oublié et le comportement redevient bien adapté, voire très pieux. Mais l'image que l'on peut en avoir est loin d'être univoque et ne ressemble probablement pas à celle qu'a retenu William Friedkin dans son film de 1973. Il est plus intéressant, pour s'en faire une idée de lire les écrits de Pierre Janet, De l'angoisse à l'extase ou Les médications psychologiques.

Symptômes de la possession

Selon les théologiens, il existe des signes permettant de porter le diagnostic de possession. Le rituel romain énonce trois symptômes essentiels parmi d'autres qui auraient une valeur analogue : malheureusement la traduction de ce rituel limite ces signes à trois alors que la version latine avance que ces signes "possunt" (peuvent être) entre autres ceux qui sont décrits mais cela n'est pas limitatif :

  • parler, écrire ou comprendre une langue inconnue (xénoglossie) ;
  • découvrir des choses éloignées et secrètes (voyance) ;
  • faire montre d'une force inexplicable par l'habitus physique de la personne considérée (psychokinèse).

Les gestes pieux mettent le possédé dans une rage folle et le conduisent à blasphémer horriblement. L'amnésie de la possession est fréquente, et souvent constante.

Les marques du diable, pour l'Église du Moyen Âge, ne se limitaient pas aux trois signes aujourd'hui mentionnés par le rituel romain ; on donnait même la préséance à d'autres symptômes, tels que la lévitation et surtout des zones d'anesthésie, des points du corps anormalement insensibles (il s'agit, pour le neurologue moderne, d'un symptôme de lèpre à son début, de certaines maladies neurologiques ou d'un phénomène de nature hystérique. On peut surtout noter que la personne parle souvent seule).

À titre d'exemple, le cas de Carmen Trasfi, jeune cerdane servante du curé de Llívia (Catalogne), possédée durant quatre ans à partir de 1868, présente plusieurs de ces symptômes : elle s'attribue des noms de démons divers, parle avec des voix qui ne sont pas la sienne et dans des langues qui lui sont inconnues, elle est victime de convulsions et de crises d'hystérie, est insensible au piqûres de clous et ne saigne pas, et avale quantité d'épingles ou d'allumettes qui la laissent indemne et qu'elle recrache lorsqu'on lui fait boire de l'eau bénite[6].

Remèdes

Il est utile de considérer les « remèdes » proposés par l'Église. Les catholiques proposent pour venir à bout de la possession :

  • la confession générale (relative à l'ensemble de la vie passée) ;
  • le jeûne ;
  • la prière ;
  • la communion ;
  • les objets bénis et surtout l'eau bénite (dont le rituel dit qu'elle « chasse le démon ») ;
  • l'exorcisme qui consiste, au nom du Christ, à intimer au démon l'ordre d'avouer son nom, puis de quitter le possédé. Dans l'orthodoxie, cette phase passe par un long rituel et la répétition de prières spéciales impressionnantes[7], pratique comparables à celles du film L'Exorciste[8].

Possession en psychiatrie

En psychiatrie, la possession n'est pas envisagée comme un phénomène religieux, mais comme une forme de délire au cours duquel le malade se croit habité par un être surnaturel qui parle par sa bouche, mobilise sa langue malgré lui et dirige ses mouvements[9].

Cette forme de délire se retrouve dans différentes affections organiques (encéphalites, intoxication) ou non organiques : mélancolie, schizophrénie. Il semble se produire comme moyen d'expression occasionnel d'un désarroi organique ou culturel en Afrique et peut aussi révéler des phénomènes d'acculturation lors d'une émigration.

On définit le trouble « personnalité multiple par la coexistence, chez un même individu de deux ou plusieurs états de personnalités distincts qu'ils aient une mémoire propre, des modalités comportementales spécifiques et leurs propres styles de relation sociale ou qu'ils partagent une partie de ces différents items. Les deux esprits se combattent dans un même champ qui est le corps, et l'âme est comme partagée ; selon une partie de soi, elle est le sujet des impressions diaboliques, et, selon l'autre, des mouvements qui lui sont propres et que Dieu lui donne ». Ce type de trouble commence à s'installer dès l'enfance, mais n'est le plus souvent remarqué par les cliniciens que beaucoup plus tard ; il s'agit presque toujours de filles (60 à 90 %).

Le passage d'une personnalité à une autre est généralement brusque (quelques minutes). La transition est sous la dépendance du contexte relationnel. Les transitions peuvent survenir également lorsqu'il y a conflit entre les différentes personnalités ou lorsque ces dernières ont mis au point un plan commun. Les personnalités peuvent être diamétralement opposées dans leurs caractéristiques et différer même quant aux tests psychologiques et physiologiques : elles peuvent nécessiter par exemple des verres correcteurs différents, répondre de manière différente au même traitement et avoir des QI différents. On décrit l'existence de complications éventuelles, telles que suicide, automutilation, agression, viol, toxicomanie, etc.

La schizophrénie peut aboutir elle aussi au sentiment d'être possédé. Dans ce cas, l'entourage discerne plus facilement qu'il s'agit d'un trouble de la personnalité et non d'un phénomène mystique.

Dans l'Islam

Le Coran, affirme l’existence des djinns : créatures de feu invisibles à l’œil humain. Certains d'entre eux sont des démons: c'est le cas de Satan et de sa descendance. Pour guérir le malade, possédé par un djinn, le raqui (exorciste islamique) utilise la lecture des versets du Coran. L’écoute par le malade des saintes sourates serait à même de le soulager et de le guérir de son mal.

« Et Nous faisons descendre (par révélation) du Coran, ce qui est une guérison et une miséricorde pour les croyants. Mais cela ne fait qu'accroître la perdition des injustes. »

— [17.82]

La sorcellerie est formellement interdite en Islam. Et celui qui la pratique sort de l'Islam.

Dans la culture populaire

Une guérisseuse habitant à Kergornet eut une grande réputation à Gestel aux alentours de 1900 ; représentée dans plusieurs cartes postales, elle était "décompteuse" (elle prononçait une formule magique rapidement, sans prendre haleine, à neuf reprises, après avoir tracé une croix sur la tumeur ou la zone malade avec son pouce gauche préalablement noirci en le frottant contre un trépied ou un chaudron : c'est une formule d'exorcisme).

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Au cinéma
À la télévision
Dans la bande dessinée

Sources

Références

  1. Conjuration, CNRTL, https://www.cnrtl.fr/definition/conjuration
  2. Conjuration, Larousse.fr, https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/conjuration/18266
  3. « Diabolique Le mystérieux "exorcisme" du pape François », Paris Match,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. Praktisches Bibellexicon, 1961, p. 126
  5. « Exorcisme (II) », sur benoit-et-moi.fr (consulté le ).
  6. Fabricio Cárdenas, 66 petites histoires du Pays Catalan, Perpignan, Ultima Necat, coll. « Les vieux papiers », , 141 p. (ISBN 978-2-36771-006-8, BNF 43886275)
  7. (ru) [vidéo] [1] (vidéo sous-titrée en anglais)
  8. (en) « Exorcisme Grec orthodoxe » [vidéo], sur Dailymotion (consulté le ).
  9. Henri Aubin, Manuel alphabétique de psychiatrie

Bibliographie

  • La Roqya : Traitement de la sorcellerie, djinns et mauvais œil par le Coran et la médecine prophétique, Abderraouf Ben Halima, 2001, (ISBN 978-2912213129)
  • Yves-Marie Bercé, Esprits et Démons : histoire des phénomènes d'hystérie collective, Paris, Librairie Vuibert, 2018.
  • Marc-Antoine Fontelle, Comprendre et accueillir l'exorcisme, Éditeur : TEQUI, Paris, 1999, 192 p., (ISBN 2740307284) ; L'exorcisme, un rite chrétien, collection Alpha, édition du Cerf, 2015, 668 pages. Cet auteur est docteur en théologie, en droit canonique et en droit.
  • Philippe Madre, Guérison et exorcisme - Comment discerner ?, Éditions des Béatitudes, 2005. Cet auteur est médecin et diacre.
  • Robert Ambelain, Le grand exorcisme, lire en ligne
  • Piero Cantoni, Demonologia e prassi dell’esorcismo e delle preghiere di liberazione, en Fides Catholica 1, 2006 lire en ligne
  • Catéchisme de l'Église catholique, nn. 391-395; 407.409.414.
  • (it) Don Gino Oliosi, Il demonio come essere personale Una verità di fede, Fede & Cultura, 2008.
  • Éric Baratay, « L'excommunication et l'exorcisme des animaux aux XVIIe-XVIIIe siècles, une négociation entre bêtes, fidèles et clergé », in Revue d'Histoire Ecclésiastique, 107, 1, 2012, p. 223-254, [lire en ligne] sur le site HAL-SHS (Hyper Article en Ligne - Sciences de l'Homme et de la Société).
  • Laurence Wuidar, « Incantare: musica, magia ed esorcismo », a cura di Germana Ernst, Guidi Giglioni, I vincoli della natura. Magia e stregoneria nel Rinascimento, Roma, Carocci, 2012, p. 169-184.
  • Laurence Wuidar, « Les images et le diable. Pouvoir de séduction et destruction des images dans les pratiques d’exorcisme de la Renaissance », Bruniana & Campanelliana. Ricerche filosofiche e materiali storico-testuali 23, 1, 2017, p. 73-88.
  • Laurence Wuidar, Fuga Satanae : musique et démonologie à l'aube des temps modernes, Genève, Droz, coll. « Cahiers d'Humanisme et Renaissance » (no 150), , 337 p. (ISBN 978-2-600-05868-1, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Patrick Sbalchiero, Enquête sur les exorcismes. Une histoire du diable, Perrin, 2018 (ISBN 978-2-262-03764-2).

Annexes

Articles connexes

Liens externes