Ô salutaris Hostia
O salutaris Hostia est une hymne chrétienne latine chantée pour rendre gloire à Jésus-Christ présent dans l'Eucharistie. Il s'agit des dernières parties de l'hymne de laudes Verbum supernum prodiens, composée par saint Thomas d'Aquin.
Histoire
Origine du texte
S'il ne s'agit pas de textes bibliques, l'éminence des hymnes dans la liturgie romaine fut amplifiée par saint Thomas d'Aquin avec ses connaissances profondes dans les domaines théologique, philosophique et de la littérature. Ce docteur de l'Église composa ses trois principaux répertoires : l'hymne de matines Sacris solemniis, celle de laudes Verbum supernum ainsi que celle de vêpres Pange lingua. L'hymne O salutaris Hostia se trouve à la fin de l'hymne Verbum supernum.
À la Renaissance
Elle devint l'un des anciens rites propres à la cathédrale Notre-Dame de Paris[a 1].
Quelques compositeurs catholiques à la Renaissance, tels Josquin des Prés, Thomas Tallis, écrivirent leur O salutaris Hostia.
Selon des documents restants, il est probable que c'était le roi Louis XII qui fixa l'usage de cette hymne à la messe exécutée dans le royaume de France, soit d'après ses vœux[1], soit frappé d'une grave maladie à Blois. La vraie raison reste néanmoins inconnue :
- Vœux
- Denise Launay[a 1] (1993) : le roi ayant eu à réprimer une révolte à son retour d'Italie aurait fait des vœux.
- Guillaume Du Peyrat[2] (1645) : après la bataille de Ravenne en 1512, une ligue contre le royaume de France y compris le pape Jules II manifestait la salutation d'Ange à la Vierge Marie ; ne voulant pas entendre à aucune alliance avec le Turc, Louis XII fit chanter cette hymne afin d'obtenir le secours de Dieu ; de sorte que les évêques de France firent exécuter l'hymne lors de l'élévation, d'après l'intention du roi.
- Maladie
- Louis Archon[3] (1711) : tombé dans un état sérieux à cause d'une maladie au château de Blois, en voulant donner un témoignage durable de la reconnaissance et de la dévotion envers le Saint-Sacrement, il souhaitait que tous les évêques du royaume fassent chanter l'hymne O salutaris Hostia dans leurs paroisses, lors de l'élévation de celui-ci aux messes dominicales et des fêtes d'obligation ; en attendant que soit rétablie la santé du roi, la Chapelle royale l'exécutait quotidiennement à la messe basse aussi.
Ensuite, il est certain que cette hymne fut chantée en , dans une messe célébrée juste avant le décès du roi Henri III, blessé, également lors de l'élévation : « Ajoutant cette belle prière que l'Église chante à telle action, O salutaris Hostia[4]. »
Exécution habituelle au XVIIe siècle
Ensuite, dans le livre sorti en 1645, soit après le trépas de Louis XIII, L'histoire ecclésiastique de la Cour, l'abbé Du Peyrat précisait que l'hymne était habituellement exécutée à la Chapelle royale dans la messe : « & comme il eleve la saincte Hostie, ils sonnent une clochette d'argent, tant que dure l'eslevation, & au mesme temps les Chantres chantent l'Hymne, O salutaris Hostia[5]. »
L'hymne se trouve aussi dans le Directorium chori, seu Cæremoniale sancta et metropolitanæ Ecclesiæ ac Diœcesis parisiensis (1656)[a 2]. Elle était également mentionnée dans le Cérémonial de Paris[6] en 1662, en raison de son accompagnement de l'orgue[7].
Cependant, il est probable que l'O salutaris Hostia était chantée non seulement à la capitale mais aussi dans tout le royaume de France. En effet, la cathédrale Notre-Dame de Rodez conservait parfaitement ses répertoires. En 1638, le nouveau maître de musique Pierre Guaydon écrivit [8]:
« [il] faira chanter la musique toutes les festes chomables, doubles et semi doubles et chanter l'hymne O Salutaris hostias à l'adoration du St. Sacrement tous les jours en faux bourdon. »
En 1655, Julien de Villemenque les confirma encore : « et chanter l'hymne O salutaris hostias, en faux bourdon et... ». Une modification fut effectuée en 1743. Mais l'hymne était toujours conservée : « et chanter l'hymne O salutaris hostias en faux bourdon les dimanches et festes chomables... ».
Il est certain qu'elle était également chantée au Mans. En 1633, un règlement de concours avait été établi pour la création d'une fête consacrée à Sainte Cécile en paroisse de Saint-Julien. L'hymne y était bien mentionnée :
« [à l'élévation], on chante avec respect et dévotion l'O salutaris selon l'usage puis, sans intervalle, le Domine salvum fac Regem et exaudi nos en musique [a 3]......... »
— Chanoine Bernardin Le Rouge, La feste de Madame Saincte Cécile (Archives de la Sarthe, G21, le 25 février 1633)
À la chapelle royale du château de Versailles
Ainsi tous les documents suggèrent-ils que l'hymne était toujours et exclusivement exécutée lors de l'élévation.
Sous le règne du roi Louis XIV aussi, cette hymne était chantée dans la messe quotidienne en présence du Roi Soleil, à la chapelle royale de Versailles. Mais la musique était évoluée en tant que petit motet en symphonie, à savoir en ensemble instrumental, par exemple celui de Michel-Richard de Lalande, S.80[9].
Selon cette tradition française, elle remplaçaient donc le deuxième verset Hosanna dans le Sanctus[a 4].
Époque moderne
L'hymne a beaucoup été mise en musique au XIXe siècle, Camille Saint-Saëns a composé 7 O Salutaris (1884 - 188. Même des compositeurs contemporains s'y sont intéressés. Ainsi, Edward Elgar, musicien anglais, écrivit plusieurs O salutaris Hostia[10]. Au XXIe siècle, Ēriks Ešenvalds en a composé en 2009.
De nos jours, cette hymne est toujours chantée dans certaines paroisses, par exemple à celle de Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Paris.
Texte
Texte original de Thomas d'Aquin
O salutaris Hostia |
Ô réconfortante Hostie, |
Tradition française
En France, on intercalait autrefois ce couplet entre les deux précédents. La strophe était traditionnellement exécutée par les choristes agenouillés de la cathédrale Notre-Dame de Paris, pendant l'élévation de la messe[a 5] :
Ô vraiment digne Hostie, |
Cette modification fut tout d'abord commencée à la Chapelle royale, à la suite d'une maladie dangereuse du roi Louis XII, selon l'abbé Archon[3].
« ... lorsque le Prêtre éleve la Sainte Hostie pour être adorée, le Cantique, ô Salutaris Hostia ; Elle commença à faire observer cet usage dans sa Chapelle, même aux Messes basses ; mais au lieu des derniers paroles du Cantique, fer auxilium, les Chantres disoient, serva lilium, pour demander à Dieu qu'il lui plût conserver le Roy, signifié par le lis. »
— Abbé Louis Archon, Histoire de la Chapelle des rois de France, tome II, p. 470 (1711)
Si l'abbé Du Peyrat avait auparavant donné une autre explication, vœu du roi lors de la guerre d'Italie, le même remplacement était précisé dans son livre[1].
Quoi qu'il en soit, il est assez probable que l'évolution de l'hymne se commença à la Chapelle royale sous le règne de ce roi, avec la modification des deux mots. En effet, en 1645, l'abbé ne connaissait qu'une strophe[1] :
O salutaris Hostia,
Quæ cœli pandis ostium :
In te confidit Francia,
De pacem, serva lilium.
— Abbé Guillaume du Peyrat, L'histoire ecclésiastique de la cour, p. 792 (1645)
Œuvres
- O salutaris Hostia : extrait d'une prière grégorienne (no 5 dans cette vidéo : à 1 min 19 s), interprétation sémiologique [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : version ambrosienne d'après la mélodie de Maria Mater gratiæ [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Josquin des Prés (vers 1450 - 1521) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Pierre de La Rue (vers 1460 - 1518) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Thomas Tallis (1505 - 1585) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Giovanni Pierluigi da Palestrina (vers 1525 - 1594) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : William Byrd (vers 1543 - 1623) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Valerio Bona (vers 1560 - vers 1620) [écouter en ligne] (publié en 1594, dans les Missa et motecta ternis vocibus)
- O salutaris Hostia : Estêvão Lopes Morago (vers 1575 - vers 1630) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Marc-Antoine Charpentier (1643 - 1704) [écouter en ligne]
- (O salutaris Hostia : Michel-Richard de Lalande (1657 - 1726) perdue[12])
- O salutaris Hostia en faux-bourdon : partition dans le Cantus diversi, pro dominicis, festis, et feriis per annum, Toulouse 1729, p. 227 (fac-similé de sa version en 1745) [1][écouter en ligne]
- présentés par Philippe Canguilhem, professeur de l'université Toulouse 2, au sein du projet FABRICA (Faux-Bourdon, Improvisation et Contrepoint mental)
- O salutaris Hostia : François Giroust (1738 - 1799) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Wolfgang Amadeus Mozart (1756 - 1791) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Ludwig van Beethoven (1770 - 1827) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Gioachino Rossini (1792 - 1868) [écouter en ligne]
- O salutatis Hostia : Gioachino Rossini (1792 - 1868) dans la Petite messe solennelle écouter en ligne
- O salutaris Hostia : Franz Liszt (1811 - 1886) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Charles Gounod (1818 - 1893) [écouter en ligne] ; [notations en ligne (1/2)] ; [notations en ligne (2/2)]
- O salutaris Hostia : César Franck (1822 - 1890) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Camille Saint-Saëns (1835 - 1921) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Léo Delibes (1836 - 1891) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Gabriel Fauré (1845 - 1924) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Edward Elgar (1857 - 1934) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Jehan Alain (1911-1940)
- O salutaris Hostia : Marcel Dupré (1886 - 1971) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Eriks Esenvalds[13] (1977 - ) [écouter en ligne]
- O salutaris Hostia : Paweł Bębenek (1972 - )
Références bibliographiques
- Denise Launay, La musique religieuse en France du Concile de Trente à 1804, Société française de musicologie et Éditions Klincksieck, Paris 1993 (ISBN 2-85357-002-9 et 2-252-02921-8) 583 p.
- p. 285
- p. 286 ; Cramoisy et Clopejeau, Paris.
- p. 145 ; transcrit par Denise Launay ; pour le texte intégrale, http://poirierjm.free.fr/Ste-Cecile/cecile.htm
- p. 77
- p. 286
Notes et références
- https://books.google.fr/
- https://books.google.fr/books?id=CY0GVs9HM3AC&pg=PA791 Guillaume du Peyrat, L'histoire ecclésiastique de la cour, p. 791 - 792, Paris 1645
- https://books.google.fr/books?id=pDE-AAAAcAAJ&pg=PA470 Histoire de la Chapelle des rois de France, tome II, p. 470, Paris 1711
- https://books.google.fr/books?id=cSeyAAAAMAAJ&pg=PA211 Abbé Étienne Oroux, Histoire ecclésiastique de la cour de France, tome II, p. 211, Paris 1777
- https://books.google.fr/books?id=CY0GVs9HM3AC&pg=PA533 p. 533
- https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57387398.r=.langFR
- (en)https://books.google.fr/books?id=7X64T1FCEhYC&pg=PA123
- http://philidor3.cmbv.fr/Publications/Cahiers-PHILIDOR Françoise Talvard, La Maîtrise de la cathédrale de Rodez au XVIIe et XVIIIe (2005) pdf p. 24-25
- Lionel Sawkins et John Nightingale, A Thematic Catalogue of the Works of Michel-Richard de Lalande (1657-1726), , 700 p. (ISBN 978-0-19-816360-2, lire en ligne), p. 7.
- Christopher Kent, Edward Elgar : A Research and Information Guide, , 491 p. (ISBN 978-1-135-27189-3, lire en ligne), p. 483.
- Il existe une petite hésitation. D'après la paroisse Saint-Eugène-Saint-Cécile, il s'agit de « vere ». Selon Denise Launay, « vera ».
- (en)https://books.google.fr/books?id=kiK0yEnw4_kC&pg=PA47
- (lv) Ēriks Ešenvalds