Gloria, laus et honor
L'hymne Gloria, laus et honor est un chant liturgique catholique, réservé en particulier à la procession solennelle du dimanche des Rameaux. Depuis le Xe siècle, la tradition bénédictine attribuait l'auteur à Théodulf d'Orléans, prédécesseur de son ordre. De nos jours, la plupart des chercheurs favorisent cette attribution, avec des manuscrits assez anciens et nombreux.
Texte
[modifier | modifier le code]L'hymne, formée de distiques élégiaques, s'inspire de l'Évangile selon Matthieu XXI, 1-16, ainsi que du livre des Psaumes 117, 26 et le reste[1],[2].
latin | français |
---|---|
Gloria, laus et honor tibi sit, Rex Christe, Redemptor, |
(refrain) Gloire, louange et honneur à Toi, Christ Roi Sauveur. |
latin | français |
---|---|
Israel es tu rex, Davidis et inclyta proles, |
1. Tu es le roi d'Israël, tu es le glorieux rejeton de David, |
Partition et exécution
[modifier | modifier le code]- Site Gregorian Chant Hymn (deux exécutions, de la Schola Sanctæ Scholasticæ et du chœur de l'abbaye de Pluscarden) :
[écouter en ligne]
Il s'agit d'une version plus simple, d'après les manuscrits allemands [29][jp 1]. Voir aussi une version selon d'autres manuscrits qui possède plus de poids et d'ampleur [30] (transcription par Dom Joseph Pothier)[jp 2].
Historique
[modifier | modifier le code]Origine
[modifier | modifier le code]À la différence de plupart des chants médiévaux, cette hymne compte un certain nombre de manuscrits très anciens. Et ces derniers indiquent que le prototype était assez probablement un texte composé de dix-huit strophes et sans refrain. Il s'agit des seuls quatre documents copiés avant 1000[3]. Les manuscrits tardifs se constituaient, au contraire, de six strophes. Tardivement, la première strophe fut transformée en refrain de chant, devenue version actuelle.
L'attribution de l'auteur dans la publication fut tenue en 1646, dans l’Éditio princeps de Jacques Sirmond, qui contenait plusieurs poèmes de Théodulf d'Orléans († 821) dont la Gloria, laus et honor. Toutefois, il s'agissait d'une publication d'après un manuscrit aujourd'hui perdu[4].
En ce qui concerne le document le plus ancien et sûr, qui reste de nos jours, est le manuscrit 227 de la bibliothèque de l'Arsenal, folios 73r - 74r, Pontifical dit de Poitiers, d'après le lieu présumé de sa réalisation [manuscrit en ligne]. Aujourd'hui, la bibliothèque donne sa date entre 870 et 880[5]. Ce manuscrit contient des textes de trois auteurs : Théodulf d'Orléans, évêque Flavius et Bède le Vénérable († 735). Pontifical dédié à saint Pierre, les chercheurs considéraient qu'il était en usage à l'abbaye Saint-Pierre-des-Fossés, bénédictine[5].
De nos jours, l'hymne Gloria, laus est, par la plupart des chercheurs, attribuée à Théodulf, évêque d'Orléans et 14e supérieur de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire[6]. Il est à noter que, dans les archives, cette attribution était donnée tardivement et singulièrement auprès de l'ordre de saint Benoît. Pour conclure, il vaux mieux trouver un manuscrit plus ancien[7]. Quoi qu'il en soit, cette hymne de qualité avec dix-huit strophes indique que l'auteur doit être l'un des savants de cette époque-là, tel Théodulf d'Orléans.
Livres de chant grégorien les plus anciens
[modifier | modifier le code]L'hymne se trouve dans le fonds ancien du chant grégorien authentique. Ainsi, elle était copiée vers 965 sur folio 381 du manuscrit Einsiedeln 121 avec rubrique Versus Thiotolfi (Théodulf d'Orléans)[jp 3]. Il s'agit du graduel grégorien le plus ancien, qui est complet, neumé et conservé. La bibliothèque d'État de Bamberg aussi possède un manuscrit ancien, issu de l'abbaye de Saint-Gall et daté entre 900 et 973 avec rubrique Versus Tieotolfi[jp 3]. L'usage en grégorien était établi, au Xe siècle, dans la région suisse[jp 3]. On s'aperçoit que, dans ces manuscrits, l'hymne était chantée sans refrain, tout comme un psaume sans antiennes[jp 3]. Authentique, car, sans refrain, la mélodie respecte le rythme verbal et se varie délicatement d'après le texte (à savoir chant en prose)[jp 3].
Il faut remarquer encore que les transcriptions publiées en 1895 par Dom Joseph Pothier n'employaient pas de quilisma[jp 2].
En résumé, cette version était, à l'origine, un chant grégorien authentique et banal, mais sans refrain, même s'il était sans doute un chant de procession. De surcroît, selon Dom Pothier, le double-chœur en chantait en alternance[jp 3].
De 18 strophes à 6 strophes
[modifier | modifier le code]Un autre document parmi les manuscrits les plus anciens, celui de la British Library Add. 19768, indique la transition du prototype à la version actuelle. Copié sans doute au milieu du Xe siècle à Mayence, pour l'abbaye Saint-Alban, l'un des monastères bénédictins les plus importants de l'époque, le texte de ce manuscrit compte dix-huit strophes. Toutefois, le copiste ne écrivit la notation que pour six premières strophes, exactement texte actuel[3].
Deux manuscrits issus de Fleury
[modifier | modifier le code]L'attribution de l'auteur à Théodulf d'Orléans dans les écritures apparut plus tardivement que les notations. D'une part, le manuscrit latin 1720 de la bibliothèque nationale de France contient la première strophe de l'hymne[jb 1]. Selon la bibliothèque, ce document date entre 1075 et 1100 et est attribué à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, dite de Fleury. Le texte se trouve dans le catalogue des abbés de Fleury[8],[jb 1]. Une autre source est un manuscrit copié au XIIe siècle duquel l'auteur était Hugo Floriacensis († sans doute vers 1120), moine bénédictin de la même abbaye. Dans sa Historia ecclesiastica, lui aussi mentionnait le nom de Théodulf et la première strophe de Gloria, laus[jb 2] (bibliothèque nationale de France, manuscrit latin 13701). Or, tous les deux manuscrits ne citaient que la première strophe. Il est évident qu'ils ont la même source[jb 3]. Et le premier manuscrit raconte qu' « il [Théodulf] chanta ces très beaux vers, qu'il avait lui-même composés, qui aujourd'hui [vers 1100] sont récités à travers toute la Gaule par les ecclésiastiques, et qui débutent ainsi : Gloria ... »[jb 4].
Bulle de Boniface VIII pour la canonisation de Louis IX
[modifier | modifier le code]Hymne célèbre, le pape Boniface VIII fit intituler l'incipit d'une de ses bulles Gloria laus et honor [31], en faveur de Louis IX. En fait, le Saint-Père avait dénoncé un sermon Reddite quæ sunt Cæsaris Cæsari et quæ sunt Dei Deo à Orvieto le 4 août 1297, en mentionnant la vertu de Louis IX, qui accéda du royaume terrestre de France au royaume éternel de gloire. Puis le 11 août, Boniface VIII déclara, à l'église des Frères Mineurs d'Orvieto, par son seconde sermon, Très saint roi Louis. Aussitôt, la bulle Gloria laus fut rédigée par la chancellerie pontificale[9].
Composition musicale
[modifier | modifier le code]Dans le contexte musical, l'hymne Gloria, laus et honor avait une particularité. Après que la pratique en monodie avait été établie, il existait peu de composition polyphonique, mais, entre 1400 et 1550 singulièrement, plusieurs compositeurs de la Renaissance prirent ce texte pour leur œuvre, ce qui reste rare dans l'histoire de la musique sacrée. La modification de mélodie se commença, au XVe siècle, dans les livres des franciscains[jp 1]. Puis, ceux qui défigurèrent le chant monodique étaient des musiciens flamands, espagnols, anglais. Il faut remarquer, parmi eux, deux musiciens qui étaient étroitement liés au Vatican. Antonio Zacara da Teramo († 1413), dont l'œuvre reste la plus ancienne, laissa une pièce très particulière dans laquelle le chœur chantait trois textes, Patrem omnipotentem du Credo, Et in terra pax du Gloria et Gloria Laus Honor[10]. Celle-ci se trouve tant dans plusieurs manuscrits italiens que ceux de l'Espagne et de la Pologne. Un manuscrit de Rome contient une œuvre Gloria laus et honor copiée par Ghiselin Danckerts († 1565)[11]. Si le compositeur restait anonyme, l'analyse de l'écriture attribue ces folios 5v et 6 à la main de Danckerts. Il est très probable que cette copie était effectuée pour l'exécution auprès du Vatican. Lorsqu'il fournit ce manuscrit, il était en service à la chapelle Sixtine[12].
Reforme liturgique de Pie X
[modifier | modifier le code]Élu pape en 1903, saint Pie X effectua une immense reforme liturgique avec l'Édition Vaticane. Aussi, en 1908, à la suite de la publication de son graduale romanum, l'usage de la Gloria, laus et honor devint-il obligatoire pour le dimanche des Rameaux, au sein de toutes les églises catholiques[13].
Usage liturgique
[modifier | modifier le code]Parfaitement adaptée à la liturgie du dimanche des Rameaux, cette hymne est toujours réservée à la procession d'acclamation au moment du 1er Évangile, dans la célébration en forme extraordinaire[14]. Le Graduale novum, publication officielle du Vatican, contient cette hymne dans le tome I sorti en 2011, à la page 99[1].
Dans d'autres traditions
[modifier | modifier le code]Celle-ci fut traduit, et est toujours en usage dans des cérémonies anglicanes sous le titre All Glory, Laud and Honour[15], ainsi que dans les offices luthériens en plusieurs langues, comme en allemand Rhum, Preis und Ehre[16].
Mise en musique
[modifier | modifier le code]À la Renaissance
[modifier | modifier le code]- Antonio Zacara da Teramo (vers 1350 - † vers 1413) : œuvre particulière pour 3 textes, Patrem omnipotentem (Credo), Et in terra pax (Gloria) et Gloria Laus Honor, trouvée dans plusieurs archives[10]
- Gilles Binchois (vers 1400 - † 1460) : hymne à 3 voix, dans le manuscrit Museo nazionale 87 de Trente[17]
- Antonius Janue (14... - † 14...) : hymne, dans le manuscrit de la bibliothèque nationale centrale de Florence[18]
- Johannes Martini (vers 1440 - † 1497) : motet particulier avec le texte de la Salve Regina[19]
- Heinrich Finck (1444 - † 1527) : motet dans 2 manuscrits allemands[20]
- Francisco de Peñalosa (1470 - † 1528) : hymne à 4 voix, dans le manuscrit des archives de la cathédrale de Tarazona[21]
- Thomas Stoltzer (vers 1470 - † vers 1540) : motet à 7 voix[22]
- Jean Richafort (vers 1480 - † 1547) : motet à 4 voix[23]
- Christopher Tye (vers 1505 - † vers 1573) : motet dans le recueil Gyffard Partbooks, n° 52[24]
- Ghiselin Danckerts (vers 1510 - † 1565) : motet composé ou adopté lorsque Danckerts était en service à la chapelle Sixtine[11]
- Caspar Othmayr (1515 - 1553) : motet dans un manuscrit utilisé en Bavière[25]
- John Blitheman (vers 1525 - † 1591) : motet dans le recueil Gyffard Partbooks supplémentaire[26]
Musique baroque
[modifier | modifier le code]- Juan García de Salazar (1639 - † 1710) : hymne à 8 voix In Dominica Palmarum, dans le manuscrit 1/34 de la cathédrale de Zamora[27]
- Esteban Salas (1725 - † 1803) : hymne de la procession du dimanche des Rameaux à 3 voix avec instruments[28]
- Niccolò Antonio Zingarelli (1752 - † 1837) : hymne à 3 voix et basse continue[29]
Musique classique
[modifier | modifier le code]- Diego Llorente y Sola (170... - † 1836) : hymne pour la procession du dimanche des Rameaux à 4 voix, manuscrit 56-19 de la cathédrale de Huesca[30]
Attribution par erreur
[modifier | modifier le code]- Giovanni Pierluigi da Palestrina, motet édité par Franz Xaver Haberl et publié en 1907 chez Breitkopf & Härtel[31]
Voir aussi
[modifier | modifier le code]- Hymne religieux
- Dimanche des Rameaux, Procession religieuse
- Théodulf d'Orléans
- Chant grégorien, Chant vieux-romain
Références bibliographiques
[modifier | modifier le code]- Joseph Pothier, L'hymne de Théodulphe au Dimanche aux Rameaux, dans la Revue du chant grégorien, 3e année, n° 8, le 15 mars 1895, p. 115 - 117 [lire en ligne]
- p. 117
- p. 115 et 117
- p. 116
- Jean-Paul Bouhot, Les explications catéchistiques attribuées à Théodulfe d'Orléans, dans la Revue d'histoire des textes, tome II, p. 299 - 318, 2007 [lire en ligne]
- p. 303 - 306 (texte latin et traduction française de la liste des abbés)
- p. 307, note n° 23 (transcription)
- p. 307
- p. 306
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Académie de chant grégorien [1]
- Liturgie latine. Mélodies grégoriennes, Solesmes, Abbaye Saint-Pierre, , 136 p. (ISBN 2852742527), pp. 90-91
- Henry Parkes, The Making of Liturgy in the Ottonian Church, p. 76, Cambridge University Press 2015 (en) [2]
- Enimie Rouquette (Sorbonne Nouvelle Paris 3), Édition critique et commentée de l'œuvre poétique de Théodule d'Orléans, consulté en ligne le 17 septembre 2021 ; spécialiste de l'hymne Gloria, laus, elle présentera, le 2 octobre 2021, dans le colloque Un tombeau de papier pour Théodore d'Orléan, sa présentation L'insertion de l'hymne Gloria, laus et honor dans la liturgie [3].
- Notice Bnf [4]
- Par exemple, le Dictionnaire de la Musique de Michel Huglo, p. 476, 1976 [5].
- La bibliothèque nationale de France ne donne pas cette attribution dans la notice de Théodulf d'Orléans, mais uniquement dans celle de Gloria, laus de Gilles Binchois (« Texte de Théodulfe d'Orléans, Analecta hymnica »).
- Notice Bnf [6]
- Louis Carolus-Barré, Les enquêtes pour la canonisation de saint Louis, 1971 [7]
- Université d'Oxford [8]
- Université d'Oxford [9]
- Université d'Oxford [10]
- Graduale romanum, 1908, Dominica in Palmis p. 151 - 152 [11]
- Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle (Conférence des évêques de France) [12]
- Traduction de John Mason Neale (XIXe siècle) (en) [13]
- Therese Bruggisser-Lanker, Musik und Liturgie im Kloster St. Gallen, p. 181, note n° 3 (de) [14]
- Notice Bnf [15]
- Université d'Oxford [16]
- Université d'Oxford [17]
- Université d'Oxford [18]
- Université d'Oxford [19]
- Université d'Oxford [20]
- Notice Bnf [21]
- Université d'Oxford [22]
- Université d'Oxford [23]
- Université d'Oxford [24]
- Notice Bnf [25]
- Notice Bnf [26]
- Notice Bnf [27]
- Notice Bnf [28]
- Ainsi, le site DIAMM (Université d'Oxford) ne donne aucune notice à Palestrina.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- À Lendru, Théodulfe, évêque d'Orléans et l'hymne Gloria, laus. La procession des Rameaux, in: La Province du Maine, no 6, 1926, p. 60–72.
Liens externes
[modifier | modifier le code]Notices
[modifier | modifier le code]- Académie de chant grégorien (Belgique) : [32]
Rite romain avant la réforme tridentine
[modifier | modifier le code]- Missale romanum peroptime ordinatu, 1507 [lire en ligne] (folios LX - LXI)
- Missale Romanum nunc quidem, Apud Juntas, Venise 1558 [lire en ligne] (folios 64r - 64v, voir page suivante en ligne)
Publication de texte
[modifier | modifier le code]- Jacques Sirmond, Theodvlfi Avrelianensis episcopi opera, p. 170 - 172 (en 39 strophes, sans présenter la source, vraisemblablement paraphrase) [lire en ligne]