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Europe néolithique

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L'Europe vers 5500 av. J.-C.
L'Europe vers 5000 av. J.-C.
Carte simplifiée des plus grandes cultures de l’« Europe ancienne » de la fin du IVe millénaire av. J.-C.. En vert la culture des vases à entonnoir (TRB). En bleu, la culture rubanée, à céramique linéaire (LBK). En orange, la culture de Lengyel, en violet, la culture Vinča, en rouge, culture de Cucuteni-Trypillia et en jaune, la partie occidentale de la culture Yamna.

L’Europe néolithique correspond à la période néolithique en Europe. Durant cette période, l’agriculture et l’élevage se sont diffusés au fil des migrations et des échanges, et ont été adoptés par les différentes communautés vivant en Europe, sans pour autant se généraliser car encore à l’âge du fer on trouve des communautés vivant exclusivement de chasse et de cueillette, notamment en Europe du Nord[1].

Le développement en Europe de la métallurgie du cuivre est si progressif et les changements dans les modes de vie et l’organisation sociale sont si peu marqués que les expressions « âge du cuivre » ou « Chalcolithique » tendent chez les préhistoriens à être remplacées par les expressions « Néolithique récent » ou « Néolithique final ». Le Néolithique s'achève donc avec le développement et la généralisation de la métallurgie du bronze, qui permet de définir l’âge du bronze, mais ce processus, commencé en Grèce et dans les Balkans au début du IIIe millénaire av. J.-C., ne s'est déroulé que progressivement et selon différentes modalités selon les régions d'Europe.

Principales caractéristiques culturelles

L'Europe néolithique est un patchwork de cultures, le plus souvent définies, pour l'essentiel, sur la base des formes et des décors de la céramique. Ces cultures sont d'une ampleur géographique et chronologique très variable. En outre, le Néolithique européen recouvre en fait des modes de vie et une organisation sociale très variés selon les périodes et les régions. Certaines cultures sont marquées par le développement de très vastes villages d'agriculteurs, d'autres correspondent à des communautés vivant pour l’essentiel du pastoralisme, dans d’autres encore l’agriculture et l’élevage restent des activités marginales par rapport à la chasse, la cueillette ou la pêche.

Le développement du Néolithique : les différentes hypothèses

L’origine proche-orientale du Néolithique européen a été avancée dès 1925 par l’archéologue australien V. Gordon Childe dans son ouvrage majeur L’Aube de la civilisation européenne. Pour ce chercheur, la diffusion de l’élevage, de l’agriculture et des autres techniques liées au mode de vie néolithique en Europe est liée à la migration à travers l’Anatolie de populations proche-orientales. Cette hypothèse qui fit autorité, fut nuancée par différentes découvertes successives. Le développement de la technique de datation par mesure du carbone 14 à partir des années 1960 a permis de l’enrichir et de la préciser. Dans l’article de 1971[2] d’Ammerman et Cavalli-Sforza sont synthétisées les datations des plus anciens sites néolithiques de toute l’Europe jusqu’au Proche-Orient. Les auteurs démontrent la diffusion progressive du Néolithique à partir du Proche-Orient jusqu’au Nord-Ouest de l’Europe. Selon leur calcul, ce processus se serait déroulé à des rythmes différents selon les régions.

À partir des années 1960 et dans les années 1970 et 1980, de nombreux chercheurs remettent en cause l’idée d’une migration massive de population du sud-ouest de l’Asie pour expliquer l’adoption du Néolithique en Europe, et suggèrent plutôt des passages locaux à l’agriculture et à l’élevage indépendants les uns des autres, dans plusieurs régions européennes. Leur argumentation se base sur la critique des datations de l’article d’Ammerman et Cavalli-Sforza qui ne sont pas calibrées, et qui donc « rajeunissent » artificiellement de plusieurs siècles les sites datés. Après calibration des dates carbone 14, plusieurs sites apparaissent comme aussi anciens voire plus anciens que les sites proche-orientaux desquels ils sont censés être les descendants. D’autres arguments sont avancés ; les chercheurs notent de profondes différences entre les productions matérielles des groupes du Néolithique de l’ouest de l’Europe et ceux du Proche-Orient. Ils relèvent également que dans de nombreuses régions européennes, les espèces animales et végétales domestiquées avaient des ancêtres sauvages, une domestication locale était donc possible. Il existe également des régions dans lesquelles le passage du mode de vie mésolithique vers le mode de vie néolithique semble progressif ; il y a par exemple des communautés qui possèdent de la céramique mais qui vivent encore exclusivement de chasse et de cueillette.

Toutefois l’hypothèse du développement totalement indépendant et autonome du Néolithique dans différentes régions d’Europe de l’Ouest a rencontré le scepticisme de la majorité des chercheurs, notamment parce que le nomadisme était initialement de règle dans la population humaine, et aussi parce que la diffusion d’outils en obsidienne montre des échanges sur de longues distances : les communautés ne vivaient pas isolées. La multiplication des datations carbone 14 sur des sites des différentes régions et les nombreuses recherches sur les plus anciens sites néolithiques du Proche-Orient démontrent clairement l’ancienneté de ces derniers par rapport aux sites européens. D’autre part, la présence supposée d’espèces végétales pouvant correspondre aux espèces domestiquées en Europe a été en partie remise en cause, ce que confirment les analyses génétiques qui montrent que les espèces animales et végétales domestiques des plus anciens sites néolithiques d’Europe sont originaires du sud-ouest de l’Asie. Tout au plus peut-on parler d’hybridation partielle entre des espèces domestiquées ailleurs et les espèces sauvages européennes, par exemple entre les aurochs et les bovins. Enfin, hormis dans quelques régions, le passage au Néolithique n’est pas progressif mais soudain, ce qui n’est pas cohérent avec un développement local car le processus de domestication des plantes et des animaux est nécessairement assez long.

Les modalités selon lesquelles le Néolithique s’est étendu à l’Europe ont fait et font l’objet de nombreux travaux. Zvelebil[3] propose différentes modalités hypothétiques pour ce processus :

  • Folk migration (migration communautaire) : c’est l’ensemble d’une population déjà néolithisée qui se déplace dans une autre région.
  • Demic diffusion (migration progressive) : colonisation progressive d’une région par épisodes successifs par des petits groupes ou quelques familles.
  • Elite dominance (migration d'’une élite) : pénétration dans une région donnée d’une élite sociale qui s’impose à la population locale.
  • Infiltration : pénétration graduelle dans une région de petits groupes généralement spécialisés qui remplissent une niche sociale ou économique spécifique.
  • Leapfrog colonisation (migration sporadique) : ou colonisation par « sauts de grenouille », colonisation sélective d’une zone par des petits groupes qui forment une enclave parmi la population locale.
  • Frontier mobility (mélange frontalier) : mouvements de population de faible ampleur entre les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs (mariages, alliances, etc.) au niveau de la zone de contact.
  • Contact : le commerce, les échanges, les réseaux régionaux ou extra-régionaux permettent la diffusion dans des groupes mésolithiques des innovations comme les pratiques agricoles.

Les modèles actuels

Il existe un consensus sur l’hypothèse d’une origine sud-ouest asiatique du Néolithique européen. La plupart des chercheurs s’accordent également sur le fait que ce développement s’est accompagné au moins dans certaines régions de migrations de populations. Le modèle développé par Guilaine[4] qui se base en premier lieu sur les très nombreuses datations carbone 14, suggère un développement arythmique du Néolithique. Il y aurait eu des vagues relativement rapides de progression du Néolithique suivies dans certaines régions par des arrêts de parfois plusieurs siècles avant de nouvelles phases de progression. Ces phases d’arrêt s’expliquent selon ce chercheur par une nécessaire adaptation des espèces animales et végétales à des environnements différents avant de pourvoir s’étendre à de nouvelles régions, par exemple entre le climat et la végétation méditerranéennes et celles de l’Europe continentale.

Les données archéologiques semblaient indiquer un processus complexe à l’échelle de l’Europe et pour une même région plusieurs modèles de diffusion ont pu jouer simultanément. Il apparaît aussi que le rôle et la place des derniers chasseurs-cueilleurs est très variable selon les régions considérées, de probablement marginal par exemple en Grèce ou dans le sud de l’Italie[5],[6], et paraissait central pour au moins une partie de l’Europe du Nord.

En réalité, les données génétiques sur l’ADN autosomal ancien ont permis de montrer qu’une seule et unique population, les EEF (pour Early Europeans Farmers), génétiquement très proches des Sardes et des Européens du sud-ouest actuels[7],[8], mais originaires du Proche-Orient ancien (dont la population était très différente au Néolithique par rapport à aujourd'hui)[9], ont colonisé la majeure partie de l'Europe durant le Néolithique ancien, que ce soit par la Méditerranée ou par le bassin du Danube, presque sans mélange avec les populations de chasseurs-cueilleurs autochtones qui ont simplement été supplantés (mais ces anciens chasseurs-cueilleurs qui avaient survécu en zones retranchées connaitront une petite résurgence et un mélange léger avec les EEF au Néolithique moyen et récent). Plus tard les Indo-européens arriveront depuis les steppes d'Europe de l'Est durant les âges des métaux et se mélangeront partout en Europe avec la population EEF issue du Néolithique, donnant les Européens actuels[10],[11]. Dans ce modèle les Européens du sud actuels sont restés plus proches des anciens fermiers néolithiques originaires de l'ancienne population du Proche-Orient (qui était nettement différente de l'actuelle population du Proche-Orient) et les Européens du nord actuels sont plus fortement mélangés avec les Indo-européens des steppes, mais tous les Européens actuels partagent un héritage commun issu de ces deux populations de base, les anciens chasseurs-cueilleurs mésolithiques quant à eux ne sont à l’origine que d'une faible part du pool génétique des Européens actuels.

Principaux courants de développement du Néolithique en Europe

Malgré la complexité extrême des modalités de développement du Néolithique à l’échelle de l’Europe, deux courants majeurs se distinguent. Le premier concerne la majeure partie des régions méditerranéennes, c’est le courant de la céramique cardiale (dit aussi courant impressa ou méditerranéen), le second qui concerne l’Europe continentale est le courant de la céramique rubanée (dit aussi courant LBK ou danubien ou continental).

Expansion néolithique de la Culture cardiale et de la Culture rubanée en Europe d’après l'archéologie

Le courant Impressa ou méditerranéen

Le courant Impressa, ou courant de la céramique imprimée doit son nom aux décors des poteries qui consistent en impressions réalisées par différents moyens sur les vases avant leur cuisson. La céramique imprimée apparaît au Proche-Orient durant la seconde moitié du VIe millénaire, elle apparaît ensuite dans différentes parties de la mer Égée mais demeure marginale dans les sites archéologiques. On la retrouve dans le site de Sidari sur l’île de Corfou à l’Ouest de la Grèce à 6200 av. J.-C. puis en Italie, en Dalmatie, dans le sud de la France jusqu’en Catalogne à des dates autour de 5800 av. J.-C. Dans toute la partie centrale de la Méditerranée, cette céramique apparaît dans les plus anciens sites du Néolithique. L’agriculture et l’élevage sont en effet attestés dans tous les sites en question. La diffusion du Néolithique s’est nécessairement effectuée par voie maritime. Il est très probable qu’elle corresponde au moins en partie à la migration de groupes d’agriculteurs venus de l’est de la Méditerranée.

Le courant danubien

Le courant danubien correspond à l’extension progressive vers l’Ouest de la Culture rubanée. La première désignation est liée à l’extension géographique principale de ce courant dans le bassin du Danube. Les deux dernières correspondent au décor de la céramique décorée de rubans, d’où le mot « rubané » en français ou LinearBandKeramik abrégé en LBK en allemand (céramique à bandes linéaires). Ce courant est issu des Balkans, notamment du nord de la Serbie (site de Lepenski Vir) et de la Bulgarie, et du sud de la Roumanie, autour de 5800 av. J.-C. On retrouve la céramique rubanée, associée à une architecture particulière, des productions techniques distinctives, et la pratique de l’agriculture et de l’élevage jusque dans le Bassin parisien vers 5000 av. J.-C.

Génétique du Néolithique

La quasi-totalité des archéologues s’accordent sur le fait que le développement du Néolithique en Europe est dû au moins en partie et dans certaines régions à la migration d’individus originaires du Proche-Orient ancien. Néanmoins l’ampleur de ces déplacements de population et le rôle des derniers chasseurs-cueilleurs étaient mal compris et donnaient lieu à d'importants désaccords. La génétique des populations constitue un apport récent et essentiel à ce débat. Cependant au cours de son développement cette science a produit des conclusions pouvant fortement varier selon la méthodologie employée et surtout les référentiels de comparaison disponibles, aussi doit-on interpréter de tels travaux avec précautions.

Il existe deux approches distinctes permettant d’aborder l’analyse génétique de la population européenne du Néolithique. La première se base sur l’analyse de la population actuelle : en analysant la diversité de certains gènes par exemple et notamment la répartition des haplogroupes, les chercheurs établissent les dates supposées de migrations de populations ancêtres, mais cette méthode, qui fut la plus utilisée au début du développement de la génétique des populations est cependant peu fiable et très subjective, donnant lieu à des interprétations contradictoires. La seconde approche, plus récente, se base sur l’analyse génétique des squelettes des populations néolithiques elles-mêmes, permise par le développement de la paléogénétique. Pour cette seconde approche on peut distinguer deux étapes principales dans l'évolution des méthodes: la première méthode est fondé sur l'ADN mitochondrial, strictement matrilinéaire, qui est le plus facile a récupérer, et le chromosome Y strictement patrilinéaire, ces portions très petites de l'ADN fournissent les marqueurs des haplogroupes, les interprétations tirées restent encore subjectives et pas toujours consensuelles. La deuxième méthode enfin, beaucoup plus fiable, est fondée sur l'ADN autosomal, c'est-à-dire quasiment l'ensemble du génome humain, grâce aux progrès récents dans l'efficacité du séquençage du génome humain, cette méthode permet enfin, dans une certaine mesure, d'apporter de la fiabilité et de la précision pour comprendre l’identité et l'origine des populations impliquées dans les différentes cultures archéologiques connues, et même d'estimer précisément des taux de mélange, mais la faible quantité de génomes séquencés et le manque de référentiel qui en découle (identité génétique des autres populations archéologiquement connues qui n'ont pas encore fourni d'ADN) constituent encore une limite importante pour l'interprétation.

Les premiers résultats fondés sur l'ADN ancien, les haplogroupes

Distribution actuelle des haplotypes de chromosomes Y en Europe selon Semino et al, 2000

Les études fondées sur l'ADN ancien, issu de restes humains datant du Néolithique, se sont enfin développées à partir des années 2000, grâce à d’importants progrès dans l’extraction, le séquençage et l'analyse de l'ADN ancien très fragmenté et altéré. C'est d'abord l'ADN mitochondrial qui est le plus souvent étudié dans un premier temps, car il est le plus facile à extraire et à multiplier en laboratoire, et plus rarement c'est l'ADN du chromosome Y qui sera ensuite extrait, le but dans les deux cas est de déterminer les haplogroupes d'un certain nombre d'individus anciens de diverses cultures archéologiques pour les comparer aux populations actuelles et ainsi tenter de déterminer l'histoire du peuplement de l'Europe. Mais ces portions infimes de l'ADN étant relativement isolées du reste du génome et sujettes à la dérive génétique et aux effets fondateurs, l'interprétation reste très délicate, chaque marqueur ayant sa propre histoire généalogique. Les nombreuses études génétiques de ces années apportent des interprétations diverses et souvent contradictoires[12]. La synthèse de ces données [13],[14] permettait alors de mettre en évidence l’existence d'une importante discontinuité génétique entre le Mésolithique et le Néolithique en Europe, interprété comme l'effet d'importants mouvements de population lors de la néolithisation de l'Europe, probablement en provenance d'une ancienne population du Proche-Orient. Mais aussi ces résultats ont mis en évidence une discontinuité génétique entre la population européenne du Néolithique, très spécifique, et la population européenne actuelle, suggérant qu'il y eut en Europe d'importants mouvements de population plus tardifs au cours des âges des métaux qui succèdent au Néolithique. De plus on concluait alors à une certaine hétérogénéité des populations au Néolithique en Europe, que l'on expliquait par une certaine complexité des mouvements et des mélanges de population, entre colons fermiers et chasseurs-cueilleurs autochtones, au cours de la néolithisation. Enfin, les différents marqueurs qui ont été mis en évidence par l'ADN ancien pour caractériser le Néolithique européen ne sont pas du tout ceux que les anciennes études, qui étaient fondées seulement sur l'étude génétique des populations actuelles, avaient mises en avant, ce qui a mis en lumière que ces anciennes études s'étaient fondées sur des considérations et interprétations arbitraires et non fiables pour mettre en avant des migrations néolithiques.

À ce stade, les rares données sur les haplogroupes Y des populations anciennes permettaient de suggérer que l'haplogroupe R1b-M269, qui représente 60 % des lignées masculines en France, pourrait être associé, non pas aux fermiers du Néolithique, mais aux Proto-Indo-Européens arrivés depuis l'Europe de l'Est durant l'âge du bronze et qui auraient remplacé une grande partie de la population néolithique masculine existante[15],[16]. En conclusion, ces résultats supportent une Préhistoire européenne ponctuée par deux migrations majeures. D'abord l’arrivée des premiers fermiers au début du Néolithique en provenance du Proche-Orient ancien, et ensuite l'arrivée des pasteurs à la fin du Néolithique en provenance des steppes. Les populations celtiques seraient caractérisées par différents sous-groupes de l'haplogroupe R1b-M269 introduit en Europe par ces migrations indo-européennes[17].

Les résultats récents à partir de l'ADN autosomal ancien

Les années 2010 connaissent une révolution des études génétiques sur l'ADN ancien, puisqu'il est désormais possible de séquencer l'ensemble du génome (dans les limites du degré de conservation de celui-ci, la couverture est le plus souvent très partielle, mais dispersée sur tout le génome) avec une efficacité et un rendement de plus en plus élevés, rendant désormais cette technique accessible pour l’archéologie. L'ADN autosomal fournit une manne inépuisable d'information sur les caractéristiques génétiques des individus anciens, et surtout permet enfin de mesurer précisément le degré de parenté génétique des populations entre elles, anciennes ou actuelles, ce qui permet de déterminer l'histoire des migrations humaines et des mélanges qui ont mené aux populations actuelles. La principale limite est cependant le nombre encore limité de génomes anciens séquencés et les grandes lacunes qui persistent alors, ce qui limite encore dans une certaine mesure les interprétations qu'on peut en tirer par manque de référentiels anciens pour comparer, mais les lacunes se comblent peu à peu grâce à l'augmentation du nombre d'échantillons séquencés.

C'est entre 2010 et 2012 qu'est enfin séquencé le génome d'Ötzi, l'"Homme des glaces" découvert congelé dans un glacier des Alpes, vieux de 5300 ans c'est-à-dire de la fin du Néolithique européen. Ötzi a alors révélé pour la première fois la grande parenté entre la population européenne ancienne du Néolithique et les populations actuelles du sud-ouest de l'Europe et en particulier la Sardaigne qui semble être restée un refuge actuel où l'ancienne population du Néolithique européen a perduré jusqu'à nos jours. Son haplogroupe Y G2a2b confirme également cette parenté, cet haplogroupe aujourd'hui minoritaire en Europe avait déjà été précédemment trouvé comme le plus fréquent au Néolithique européen, il est de nos jours encore très fréquent en Corse et en Sardaigne[18],[12].

Ensuite d'autres génomes anciens de diverses cultures archéologiques, issus de nombreuses régions d'Europe et de périodes différentes, seront peu à peu séquencés, permettant d'avoir un entraperçu de plus en plus affiné de l'histoire du peuplement de l'Europe. La principale découverte en ce qui concerne le mouvement néolithique est alors que tous les échantillons issus de fermiers européens du Néolithique ancien et moyen, que ce soit en Hongrie (culture de Starčevo), en Allemagne (culture rubanée), en Espagne (culture cardiale et dérivés) ou encore en Suède (culture des vases à entonnoir) et en Irlande, entre autres, semblent tous être très semblables génétiquement entre eux et très semblables à Ötzi, et forment une seule et même population génétique (cluster) baptisée EEF (pour Early Europeans Farmers)[19],[20], qui est étonnamment semblable à la population de la Sardaigne actuelle, et dans une moindre mesure très proche de toute l'Europe du Sud-Ouest actuelle. Cette population est très différenciée génétiquement vis-à-vis des anciens chasseurs-cueilleurs du Mésolithique[21], ces derniers ont d'ailleurs persisté un moment à leurs côtés. Dans un premier temps cette population EEF a été perçue comme étant issue d'un mélange complexe entre deux populations initiales pour environ moitié chacune : les anciens chasseurs-cueilleurs du Mésolithique autochtones, divers, et des agriculteurs originaires du Proche-Orient qui étaient dans cette théorie très vaguement apparentés aux Proche-Orientaux actuels (mais pas identiques, plutôt une population ancienne théorique baptisée "ENF"), mais la principale faiblesse de cette interprétation résidait dans l’absence totale d'ADN ancien issue du Néolithique du Proche-Orient lui-même, afin de comparer.

Il existe aussi une discontinuité génétique entre cette ancienne population du Néolithique et la population actuelle de l'Europe, attribuée principalement à l'arrivée des Indo-européens venus des steppes d'Europe de l'Est, durant les âges des métaux, et qui se sont mélangés à cette population du Néolithique pour donner les Européens actuels. Le mélange indo-européen est plus important en Europe du Nord tandis que l'Europe du Sud, surtout du sud-ouest, est restée bien plus proche de l'ancienne population du Néolithique.

En 2015, grâce à l'augmentation du nombre d'échantillons disponibles permettant de plus fines comparaisons, Olalde et al.[22] ont pu déterminer que les anciens fermiers néolithiques européens étaient en réalité une population très homogène, et que, comme cela avait déjà été seulement supposé auparavant, les deux grands courants de néolithisation de l'Europe, le courant danubien (culture rubanée) et le courant méditerranéen (culture cardiale), sont en réalité le fait d'une seule et unique population colonisatrice issue d'une seule et même source commune qui a conquis la majeure partie de l'Europe presque sans mélange avec les chasseurs-cueilleurs rencontrés sur le chemin, même longtemps après la séparation des deux courants et ce jusqu'à l’atteinte des côtes atlantiques. On a pu ainsi déterminer que, si mélange conséquent il y aurait eu avec les anciens chasseurs-cueilleurs, celui-ci aurait alors plutôt eu lieu dans les Balkans, en amont de la séparation des deux grands courants, de sorte que les deux courants sont issus du même mélange génétique. Cependant il manque encore une pièce majeure au dossier : des échantillons du Proche-Orient ancien pour vérifier l'origine des agriculteurs initiaux arrivés dans les Balkans et pour comparer et estimer la proportion de leur mélange avec les chasseurs-cueilleurs européens s'il a eu lieu.

Ce n'est qu'en fin 2015 que les premiers échantillons du Néolithique du Proche-orient sont enfin disponibles[23],[24], plus précisément d'Anatolie. Avec surprise ceux-ci montrent une distance génétique très importante vis-à-vis de la population actuelle du Proche-Orient, cette dernière est donc le fruit de migrations et remplacements de population plus récents dans cette région du monde. La population ancienne du Néolithique d'Anatolie était en revanche bien plus proche des Européens actuels, elle était surtout très étroitement apparentée aux anciens fermiers européens du Néolithique (les EEF) qui étaient très semblables aux actuels Sardes. Cela confirme par ailleurs l'origine orientale des EEF. À leur entrée en Europe ces premiers agriculteurs n'ont connu en réalité qu'un mélange limité (7 à 11 %) avec les chasseurs-cueilleurs européens avant de coloniser et peupler une grande partie de l'Europe.

Langues du Néolithique

Par définition, nous n'avons aucune trace directe ou indirecte des langues parlées par les peuples du Néolithique européen. Quelques paléolinguistes tentent d’étendre les méthodes de la linguistique comparée à l’âge de la pierre, mais cette démarche ne reçoit aucun soutien académique. Le débat sur les langues parlées du Néolithique en Europe est centré sur l'origine des langues indo-européennes et l'importance des langues pré-indo-européennes (voir hypothèse du substrat germanique). On présume généralement que les langues indo-européennes primitives atteignirent l’Europe au Chalcolithique ou aux débuts de l’âge du bronze européen, par exemple avec la culture de la céramique cordée, la culture des champs d'urnes ou la culture campaniforme (voir également l’hypothèse kourgane pour des débats en relation avec ce sujet). L’hypothèse anatolienne postule l’arrivée des langues indo-européennes avec le début du Néolithique. Hans Krahe considère l’hydronymie européenne ancienne comme la plus ancienne trace de la présence des Indo-Européens en Europe.

Les théories sur les langues « pré-indo-européennes » sont fondées sur des indices très minces. Le basque est le meilleur « candidat » pour être le descendant d’une telle langue, mais comme il s'agirait d'un isolat (linguistique), il n’existe encore aucun indice comparatif définitif pour bâtir une théorie. Theo Vennemann postule néanmoins une famille vasconique, dont il suppose la coexistence avec un groupe « atlantique » ou « sémitidique » (c’est-à-dire un groupe para-sémitique). Le bascologue Michel Morvan souligne le fait que les noms d'animaux basques ne sont pas indo-européens et sont donc issus du néolithique pré-indoeuropéen. Un autre candidat est la famille tyrrhénique qui aurait donné naissance à l’étrusque et au rhétique à l’âge du fer, et peut-être aussi aux langues égéennes telles que le minoen ou le pélasgien à l’âge du bronze. La langue originelle des Ligures est aussi considérée comme un des substrats de l'indo-européen primitif.

Principales cultures néolithiques européennes

Habitations mises au jour à Skara Brae (Orcades, Écosse), le village néolithique le plus complet d'Europe.
Reconstitution d'un village néolithique.

Ne sont mentionnées ici que les cultures les plus importantes par leur ampleur chronologique et géographique et les cultures les plus remarquables par certains aspects.

vers 6500 av. J.-C.

  • « Précéramique » (Grèce)
  • Sesklo (Grèce)

vers 6000 av. J.-C.

vers 5500 av. J.-C.

vers 5000 av. J.-C.

vers 4500 av. J.-C.

vers 4000 av. J.-C.

vers 3500 av. J.-C.

vers 3000 av. J.-C.

vers 2500 av. J.-C.

Notes et références

Notes
Références
  1. André Leroi-Gourhan (dir.), Dictionnaire de la préhistoire, Paris, 1994.
  2. A. J. Ammerman et L. L. Cavalli-Sforza, « Measuring the Rate of Spread of Early Farming in Europe », Man, 1971, vol. 6, nº 4, p. 674-688
  3. M. Zvelebil, « The agricultural transition and the origins of Neolithic society in Europe », Documenta Praehistorica, 2001, vol. 28, p. 1-26
  4. J. Guilaine, « La diffusion de l’agriculture en Europe : une hypothèse arythmique », Zephyrus, 2001, vol. 53–54, p. 267–272
  5. C. Perlès, « An alternate (and old-fashioned) view of Neolithisation in Greece », Documenta Praehistorica, 2003, vol. XXX, p. 99-113
  6. D. Guilbeau, « Le début du Néolithique en Italie méridionale : ce que nous disent les productions en silex du Gargano », Origini, 2011, vol. XXXIII, p. 83-106
  7. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2013/12/27/Les-m%C3%A9solithiques-europ%C3%A9ens-sont-de-l-haplogroupe-du-chromosome-Y%3A-I
  8. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2015/09/03/Origine-g%C3%A9n%C3%A9tique-commune-des-premiers-fermiers-d-Europe-Centrale-et-de-M%C3%A9diterran%C3%A9e
  9. http://eurogenes.blogspot.fr/2015/09/ashg-2015-abstracts.html
  10. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2015/02/11/Migration-massive-des-Steppes-vers-l-Europe-li%C3%A9e-%C3%A0-la-propagation-des-langages-Indo-Europ%C3%A9ens
  11. http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2015/06/11/G%C3%A9n%C3%A9tique-de-la-population-de-l-%C3%82ge-du-Bronze-en-Eurasie
  12. a et b http://secher.bernard.free.fr/blog/index.php?post/2012/08/16/L-histoire-g%C3%A9n%C3%A9tique-des-europ%C3%A9ens
  13. Ron Pinhasi et al, « The Genetic History of Europeans », Trends in Genetics, 2012, vol. 28, nº 10, p. 496-505.
  14. Marie Lacan, La néolithisation du bassin méditerranéen : apports de l'ADN ancien, thèse de doctorat, université de Toulouse III Paul Sabatier, 2012.
  15. « L'un des plus importants mouvements migratoires serait celui des proto-Indo-Européens caractérisés par les haplogroupes de l'ADN-Y R1a et R1b provenant des peuples des steppes pontiques et asiatiques utilisant des sépultures recouvertes de tumulus, les kourganes », Jean Chaline (préf. Jean-Louis Beaucarnot), Généalogie et génétique : La saga de l'humanité : migrations, climats et archéologie, Paris, Ellipses, , 471 p. (ISBN 9782729888718), p. 307
  16. « R1a and R1b are the most common haplogroups in many European populations today, and our results suggest that they spread into Europe from the East after 3,000 BCE. » in Haak et al., 2015, Massive migration from the steppe was a source for Indo-European languages in Europe
  17. Jean Chaline (préf. Jean-Louis Beaucarnot), Généalogie et génétique : La saga de l'humanité : migrations, climats et archéologie, Paris, Ellipses, , 471 p. (ISBN 9782729888718), p. 254
  18. A. Keller et al, New insights into the Tyrolean Iceman's origin and phenotype as inferred by whole-genome sequencing, 2012, http://www.nature.com/ncomms/journal/v3/n2/full/ncomms1701.html
  19. Lazaridis et al, Ancient human genomes suggest three ancestral populations for present-day Europeans, 2013, http://biorxiv.org/content/early/2013/12/23/001552
  20. Haak et al, Massive migration from the steppe is a source for Indo-European languages in Europe, 2015, http://biorxiv.org/content/early/2015/02/10/013433
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Voir aussi

Articles connexes

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