Cocher (constellation)

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Cocher
Image illustrative de l'article Cocher (constellation)
Vue de la constellation.
Désignation
Nom latin Auriga
Génitif Aurigae
Abréviation Aur
Observation
(Époque J2000.0)
Ascension droite Entre 67,5° et 110,5°
Déclinaison Entre 28° et 56°
Taille observable 657 deg2 (21e)
Visibilité Entre 90° N et 40° S
Méridien 30 janvier, 21h00
Étoiles
Brillantes (m≤3,0) 4 (α, β, θ, ι)
À l’œil nu 158
Bayer / Flamsteed 58
Proches (d≤16 al) 0
La plus brillante Capella (0,08)
La plus proche ? (? al)
Objets
Objets de Messier 3 (M36, M37 et M38)
Essaims météoritiques Alpha aurigides
Delta aurigides
Constellations limitrophes Gémeaux
Girafe
Lynx
Persée
Taureau

Le Cocher (Auriga en latin), et Εριχθονιος (Erichthonios) en grec, est une constellation de l'hémisphère nord.

Nomenclature et mythologie[modifier | modifier le code]

La figure d’Auriga dans l’édition du Poeticon astronomicon d’Hyginus de 1482.

.

En Mésopotamie, nous avons dès le tournant du 2e millénaire, une étoile nommée mul.giš.GIGIR, ce qui donne en akkadien Narkabtu, « le Char de guerre ou de parade », nom que les astronomes affectent à β Tau. Bien que l’on ne retrouve pas cette appellation dans la Série MUL.APIN, nous pouvons lire, dans la liste des étoiles de comput utilisée par les Journaux astronomiques, deux étoiles qui correspondent à cette figure : 6. ŠUR GIGIR šá SI, « la Boréale du Char » (β Tau), et 7. ŠUR GIGIR šá ULÙ, « l’Australe du Char » (ζ Tau)[1].

Au-dessus du Char (giš.GIGIR) ainsi esquissé, se tient la figure de GÀM = Gamlu, « l’Arme courbe », connue comme giš.TUKUL ša ŠU 2 d.AMAR.UTU, soit « l’arme divine dans les mains de Marduk »[2]. Ce nom est donc l’emblème du personnage de Marduk, quand il devenu le maître des cieux à Babylone, et il correspond désormais à une constellation puisque l’étoile β Aur est elle-même nommée múl.ritti GÀM, « la Poignée de l’Arme courbe » [3]. Selon une tradition conservée par Manilius et Teukros de Babylone, c’est ce personnage qui serait le conducteur du char[4].

Chez les Grecs, la constellation est nommée Ἡνίοχος (Iníochos), littéralement « Celui qui tient les rênes », chez Eudoxe et Aratos, mais ce nom pourrait remonter à Euctémon. Ératosthène nous dit que, selon la légende, il s’agirait du premier homme que Zeus aurait vu atteler des chevaux à un char : Érichthonios, fils d’Héphaistos et de la Terre[5].

Le groupe formé par Aἴξ (Aíx), « la Chèvre » et les Ἔριφοι (Érifoi), « les Chevreaux », intégré dans la constellation d’Ἡνίοχος par Eudoxe et Aratos, n'est probablement pas d’ascendance mésopotamienne et reste vraisemblablement une création grecque. Selon Higynus, les Ἔριφοι auraient été placés par Cléostrate de Ténédos (VIe s.) à côté de Aἴξ, seulement attestée par Euctémon (Ve s.). Ératosthène rapporte que, selon Musée d'Athènes (VIe s. av. è. c.), cette chèvre serait celle à laquelle Amalthée confia Zeus pour en devenir sa nourrice[6].

Auriga dans une édition des Aratea de Germanicus d’époque carolingienne (ca. 830-840).


Chez les Latins la constellation grecque d’Ἡνίοχος a été simplement reprise en Heniochus avec Pline l’Ancien, puis traduite en Auriga dès Cicéron. Le fait que l’étoile β Tauri ait été considérée par Ptolémée et ses prédécesseurs comme commune à Ἡνίοχος et à Ταύρος (Távros) sous-entend que étoiles β, θ et ι Tauri étaient bien placées sur le Chariot du Cocher, dont le timon est amorcé par β Tauri[7]. Il est symptomatique que c’est dans l’édition du Poeticon astronomicon d'Hyginus datant de la Renaissance que l’on trouve l’image d'Auriga guidant un char.

Les Latins ont de plus adopté sans difficulté l’astérisme Aἴξ + Ἔριφοι, dans lequel ils ont distingué Capra, puis son diminutif Capella à partir du poète Ennius (239-139 av. è. c.), et Haedi à partir de Cicéron. Les Latins ont adopté sans difficulté cet astérisme dans lequel ils ont distingué Capra, puis son diminutif Capella à partir du poète Ennius (239-139 av. è. c.), et Haedi à partir de Cicéron[8].





Chez les Arabes, nous avons, de façon habituelle, deux représentations du ciel parallèles et non exclusives, le ciel arabe traditionnel formaté à partir des manāzil al-qamar ou « stations lunaires », et le ciel formaté par les Grecs et adopté par les astronomes arabes au IXe siècle, ou ciel gréco-arabe.

La figure de مممسك العنّان Mumsik al-ᶜInān dans le ciel gréco-arabe (d’après le traité de ᶜAbd al-Raḥmān al-Sūfī, 1606, St-Péterbourg).
La figure de العيّوق al-ᶜAyyūq dans le ciel arabe traditionnel.

En traduisant la Μαθηματική σύνταξις de Claude Ptolémée, les astronomes arabes ont fait de l’Ἑνίοχος grec, Mumsik al-ᶜInān, littéralement « Celui qui tient les rênes ». Dans cette figure, Αἵξ, la « Chèvre », flanquée de deux Ἔριφοι, ses « Chevreaux », est devenue tout naturellement al-ᶜAnz, « la Chèvre » et al-Suḫlatān ou al-Ğudayān, « les Deux Chevreaux ». Cette figure gréco-arabe a donné plusieurs noms d’étoiles aux catalogues internationaux contemporains : Altawabi pour ι Aur, Mahasim pour θ Aur, et Menkalinan pour β Aur.

Mais bien, avant, les Anciens Arabes avaient créé, dans cet espace, la figure d’al-ᶜAyyūq, qui est à rapprocher Yaᶜūq, une des divinités antiques mentionnées par le Coran[9]. Ce nom est passé sous la forme Alhajot dès l’an mil et n’a été remplacé qu’à partir de la Renaissance par son nom latin classique, Capella[10].

Une figure mineure apparaît au milieu de l’espace du Cocher, c’est al-Ḥibā’, « le Tente », objet classiquement imaginé dans le ciel arabe traditionnel, qui correspond en l’occurrence, à l'astérisme λμς Aur et qui a donné le nom Al Hiba pour ces étoiles dans des catalogues contemporains.

en Europe[modifier | modifier le code]

La figure d'Auriga chez Hevelius, 1690.
la figure du Cocher avec la Chèvre et les Deux Chevreaux vue par l’Urania's Mirror, 1824.

Au Moyen Âge, les clercs latins connaissaient le nom Auriga par les encyclopédies et les quelques manuscrits des Aratea, c’est-à-dire les versions latines des Φαινόμενα d’Aratos, à leur disposition, mais ils connurent dès l’an mil le nom arabe de cette figure. Nous lisons pourtant chez Gérard de Crémone (ca. 1175), cette seule appellation : Stellatio habentis palmam delibutam[11], qui est la traduction de ممسك العنّان Mumsik al-ᶜInān, que donne al-Ḥağğāğ b. Maṭar avant العيّوق al-ᶜAyyūq, soit le nom arabe de la constellation et أنيخس Anīḫus, soit la transcription arabe du grec Ἑνίοχος[12]. À son époque, on ne lit pas encore le nom grec dans le texte, ce qui n’adviendra qu’à la Renaissance. Et l’on trouve par exemple, dans l’Uranometria de Johann Bayer (1603), sous le titre AURIGA, une liste de noms connus dans les différentes langues, en particulier en latin Retinens habenas et Erichteus, puis Arab. Alhaiot, seu Alhatod , qui est العيّوق al-ᶜAyyūq, le nom de la figure dans le ciel arabe traditionnel[13]. Ces noms figurent encore dans plusieurs catalogues jusqu’à ce que la nomenclature approuvée en 1930 par l’Union astronomique internationale (UAI) ne chasse définitivement les appellations autres que Auriga, à l’exception du grec Ἑνίοχος.

Bibliographie / Nomenclature[modifier | modifier le code]

  • Hermann Hunger & David Pingree, Astral science in Mesopotamia, Leiden / Boston (Mass.) / Köln : Brill, 1999, , 303 p. (ISBN 90-04-10127-6).
  • Paul Kunitzsch, Untersuchungen zur Sternnomenklatur der Araber, Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1961.
  • Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Geuthner, , 296 p. (ISBN 978-2-7053-3865-7).
  • André Le Bœuffle, Les Noms latins d'astres et de constellations, Paris: Les Belles lettres, , 292+cartes (ISBN 978-2-251-32882-9, ISSN 1151-826X).
  • Otto Neugebauer & Richard A. Parker, Egyptian astronomical texts... 3. Decans, planets, constellations and zodiacs, 2 vol., Providence, R. I. : Brown university press / London : L. Humphries, 1969.
  • Sun Xiachun Sun & Jacob Kistemarker =, The Chinese Sky During the Han, Leiden Köln : Brill, , 240 p..

Observation des étoiles[modifier | modifier le code]

Constellation du Cocher.

Localisation de la constellation[modifier | modifier le code]

La constellation se repère par la position de Capella, son étoile la plus brillante.

Forme de la constellation[modifier | modifier le code]

La constellation dessine sensiblement un pentagone formé dans le sens des aiguilles d'une montre par Capella (α Aurigae), ι Aur, β du Taureau située juste à la limite sud de la constellation, puis en remontant vers le nord, θ Aur et β Aur.

L'autre élément remarquable de la constellation est formé par les trois petites « chevrettes », ε, η et ζ Aur, qui forment un triangle serré au Sud de Capella.

Étoiles principales[modifier | modifier le code]

Capella (α Aurigae); composé de deux étoiles jaunes de classe G, chacune 10 fois plus grosse que le Soleil,

Capella (α Aurigae)[modifier | modifier le code]

L'étoile la plus lumineuse de la constellation du Cocher, Capella (α Aur), est une étoile géante jaune de magnitude apparente 0,08 et la sixième étoile la plus brillante du ciel, l'étoile de première magnitude la plus proche du pôle nord céleste.

Capella n'est pas très lointaine ; à 42 années-lumière de nous, elle fait partie des 100 plus proches étoiles de la Terre. Ce qui la caractérise, c'est qu'il s'agit d'une étoile double, deux étoiles jaunes de classe G, chacune 10 fois plus grosse que le Soleil, deux géantes séparées de 0,60 UA.

Son nom signifie « chevrette » en latin et il s'agit de la chèvre que le cocher porte sur son dos. Dans la mythologie grecque, elle est assimilée à Amalthée.

AE Aurigae[modifier | modifier le code]

AE Aurigae, une étoile bleue de la séquence principale en apparence banale, de magnitude apparente 5,99, distante d'environ 1 400 années-lumière, est l'une des trois « étoiles évadées », se déplaçant extrêmement rapidement dans l'espace. Les deux autres étoiles sont µ Columbae et 53 Arietis et toutes trois semblent s'échapper à environ 100 km/s du même point dans la nébuleuse d'Orion et plus précisément de ι Orionis. Selon une théorie, ces étoiles auraient été à l'origine partie prenante d'un système multiple qui se serait désagrégé lors de l'explosion en supernova de l'un des membres il y a 3 millions d'années, projetant les trois autres étoiles dans des directions différentes.

Autres étoiles[modifier | modifier le code]

Menkalinan (β Aur) dont le nom signifie épaule du cocher en arabe est une étoile multiple et variable de magnitude apparente 1,90.

Almaaz (ε Aur), Hoedus I (ζ Aur) et Hoedus II (η Aur) sont appelées les Chevreaux. Almaaz est l'une des étoiles doubles connues les plus étranges : sa période orbitale est de 27 ans, dont une éclipse de 18 mois. Le compagnon visible est une supergéante jaune ; selon l'équipe de Brian Kloppenborg, de l'université de Denver, l'autre étoile est petite et massive entourée d'un disque de poussière de 1,5 milliard de kilomètres de diamètre vu par la tranche. Hoedus I est une autre étoile binaire, d'une période de 970 jours, composée d'une supergéante et d'une étoile bleue de la séquence principale.

Objets célestes[modifier | modifier le code]

Le Cocher comporte plusieurs amas ouverts : M36, M37, M38 et NGC 2281.

La constellation abrite également les nébuleuses IC 405 et NGC 1893.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Roland Laffitte, « Les étoiles de comput dites 'normales' dans les Journaux astronomiques (652-61 av. J.-C.), sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  2. Roland Laffitte, « La liste V 46, sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  3. Roland Laffitte, «  Le cercle des culminantes (‘kippat ziqpi’), sur URANOS, le site astronomique de la Selefa. »
  4. André Le Bœuffle, Les Noms latins d’astres et de constellations, éd. Paris : Les Belles Lettres, 1977, p. 106-108.
  5. Ératosthène, Le Ciel, mythes et histoires des constellations, Pascal Charvet (dir.), Paris : Nil Éditions, 1998, p. 77.
  6. Ibid., p. 78.
  7. André Le Bœuffle, Ibid., pp. 106-108.
  8. André Le Bœuffle, Les Noms latins…, ibid. , pp. 109-110.
  9. Roland Laffitte, Le ciel des Arabes. Apport de l’uranographie arabe, Paris : Geuthner, 2012, pp. 37 et 89.
  10. Roland Laffitte, Héritages arabes. Des noms arabes pour les étoiles, Paris : Geuthner, 2005, p. 179.
  11. Gérard de Crémone, Almagestum Cl. Ptolemei Pheludiensis Alexandrini astronomorum principis…, Venise : ex. Officina Petri Liechtenstein, 1515, fol. 79v.
  12. Claudius Ptolemäus, Der Sternkatalog des Almagest. I. Die arabischen Übersetzungen, éd. par Paul Kunitzsch, Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1986, p. 306.
  13. (la)Johann Bayer, Uranometria, omnium asterismorum continens schemata, nova methodo delineata…, Augusta Vindelicorum : C. Mangus, 1603, fol. 12r.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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