Jacques Bony

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Jacques Bony
Jacques Bony en 1986.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Jacques Jean Etienne Marie BonyVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activité
Fratrie
Jean Bony
Paul Bony (d)
Pierre Bony (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
signature de Jacques Bony
Signature

Jacques Bony, né le 26 avril 1918 à Alençon (Orne) et mort à Paris le 9 juillet 2003, est un artiste français qui s'est illustré en tant que peintre-verrier.

Biographie[modifier | modifier le code]

Son père, Henri Bony[1], est professeur d'histoire au lycée Montesquieu au Mans[2], ville où il meurt de maladie quand Jacques est encore un nourrisson. Sa veuve Marie emmène alors ses quatre enfants (Jean, Paul, Pierre et Jacques) pupilles de la Nation, à Paris où ils font leurs études.

Il fréquente les lycées Henri-IV et Louis-Le-Grand, puis prépare l'École des chartes. Licencié ès-lettres classiques en 1943, il suit les cours de l'école des arts décoratifs[3] (1943-1944).

Son frère Paul est entré dès 1934 dans l'atelier de vitraux fondé rue Jean-Ferrandi à Paris par Jean Hébert-Stevens et sa femme Pauline Peugniez, dont lui et son frère épouseront les filles Adeline et Geneviève († 2016). À la fin des années 1930, en compagnie de son frère Paul, Jacques fait ses premières peintures à l'huile dans les parages de Flamanville (Manche)[4] et d'Alençon.

Passionné de théâtre, Jacques Bony entre en 1941 au groupe de théâtre antique de la Sorbonne[5],[3] (dirigé par Jean Ritz[Qui ?]) où il crée le décor d'Antigone (Sophocle) et joue Plaute et Eschyle dont il retiendra le rôle du coryphée dans Les Perses jusqu'à la fin de ses jours.

En 1943, son frère Paul[6] et sa belle-sœur Adeline lui demandent de les aider pour la restauration des vitraux de l'église Saint-Pierre de Roye (Somme), réalisés par Jean Hébert-Stevens[7] et Pauline Peugniez[8] entre 1934 et 1939, et endommagés par la guerre.

Il commence à travailler en 1944 comme contractuel délégué au recensement des monuments de France[9] pour le département de la Manche. Il développe alors des aptitudes à la photographie[10] qu'il concrétise ensuite par des séries de recherches photographiques à Paris et en Bretagne.


C'est aussi, en cette année 1944 qu'il réalise son premier vitrail, une nativité qui sera exposée au Salon d'Automne de la Libération sous le nom «Noël». Il est ainsi sociétaire du Salon d'Automne[11].

Après guerre, dans le diocèse de Besançon, le chanoine Lucien Ledeur[12], avec le soutien de François Mathey[10], souhaite s'adresser à des « peintres ayant le sens de l'ampleur décorative » pour « rajeunir » des intérieurs d'églises. Ainsi, ils font appel à Jacques Bony pour repeindre de couleurs chantantes une quinzaine d'églises du XVIIIe siècle en Franche-Comté. C'est encore dans cette région en 1947 qu'il réalise trois premiers vitraux[13] de l'église de Saint-Dizier-l'Évêque (Territoire de Belfort).

Si Jacques Bony est très à l'aise dans la réalisation d'œuvres monumentales, il affectionnait aussi les petits formats. Ainsi il faisait souvent des tout petits vitraux, qu'il appelait des « vitraux d'appartement », constitués de deux ou trois couches de verres plaqués, gravés à l'acide et agrémentés de grisailles et de jaune à l'argent. François Mathey, alors à l'Inspection générale des monuments historiques, avait été séduit par ces réalisations et lui en avait acheté deux.

Le , Jacques Bony épouse Geneviève Hébert-Stevens[3] dans l'église Saint-Pierre de Nanteuil-le-Haudouin, mariage célébré par le père dominicain Marie-Alain Couturier (1897-1954), ami de la famille.

De 1949 à 1954, il est secrétaire de la revue L'Art sacré, dirigée par les pères dominicains Couturier et Pie Raymond Régamey et se retrouve en première ligne du combat pour l'ouverture de la commande d'art sacré à des artistes modernes (Ronchamp, Assy, Audincourt, Vence, Les Bréseux[14]…).

En 1953, François Mathey et le chanoine Lucien Ledeur[12] (les mêmes qui avaient porté en 1950 le projet de la chapelle de Ronchamp par Le Corbusier), obtiennent pour Jacques Bony la réalisation d'un vitrail pour le baptistère de l'église Saint-Désiré de Choye en Haute-Saône. Cette fenêtre, non figurative, est exposée au Salon d'art sacré. À son propos, André Chastel écrit « …la pièce la plus intéressante est la verrière claire et calmement découpée de J. Bony, sur le thème du baptême »[15]. Également exposé à la Galerie du Bac, ce vitrail sera signalé par la revue Cimaise. Et pourtant le curé de Choye refuse ce vitrail : « Mes paroissiens n'accepteraient jamais que je fasse cette dépense pour un vitrail moderne[16] ».

Comme l'écrit Philippe Dagen[17], critique d'art, à propos de Jacques Bony :« Son nom et son œuvre sont liés à la question délicate de l'art sacré et de ses relations avec l'art moderne au XXe siècle. »

« Le style de Jacques Bony - poursuit Dagen – d'un modernisme tempéré, se fonde sur un équilibre entre une stylisation cubisante qui s'approche de l'abstraction et le maintien de repères figuratifs, qu'il juge nécessaires à la compréhension des fidèles. »


En 1968, Jacques Bony reçoit la commande de réalisation des vitraux de l'église de l'Immaculée-Conception de Boulogne-Billancourt. Il partage cette réalisation avec son frère Paul. L'ensemble est essentiellement abstrait mais, pour le vitrail de la tribune, il réalise une Vierge à l'Enfant. Jamais un vitrail ne l'aura autant motivé : il fera une centaine d'esquisses pour ce vitrail.

Après la disparition de son frère Paul en 1982, et de sa belle-sœur Adeline Hébert-Stevens en 1998, Jacques Bony prend la succession de l'Atelier avec sa fille Dominique Bogros. Souvent avec son aide, il réalise des vitraux à partir de maquettes de peintres : Jean-Baptiste Ambroselli, Bernard-Marie Lauté, Pierre Lafoucrière[18].

En 1982, le ministère de la Culture confie au peintre Jean Bazaine la réalisation des vitraux de la cathédrale Saint-Dié de Saint-Dié-des-Vosges. L'artiste s'entoure de peintres avec lesquels il se sent en affinité, pour réaliser une œuvre collective. Il demande à Jacques Bony de réaliser les 6 baies romanes des bas-côtés sud, ainsi que les vitraux dessinés par Geneviève Asse et Elvire Jan.

Jacques Bony perpétue ainsi l'esprit de l'Atelier voulu par Jean Hébert-Stevens en poursuivant la même ligne d'ouverture à la peinture contemporaine.

Cependant, comme il l'a écrit, « voulant éviter l'écueil de réalisations trop exclusivement décoratives, il s'adonne à la peinture (pastels, gouaches, huiles) sorte de contrepoint nécessaire au vitrail, pour remonter aux sources de la lumière et du rythme ». Les paysages parisiens (bords de Seine) et bretons (La Turballe, Lérat, Piriac, Le Croisic…) sont « ses motifs de prédilection »[17].

Réalisations[modifier | modifier le code]

Entre 1944 et 1994, Jacques Bony réalise de nombreux vitraux soit pour les monuments historiques, soit pour des églises reconstruites après-guerre :

Expositions[modifier | modifier le code]

De 1942 à 1945, il expose des peintures au Salon des moins de 30 ans.

Il a des vitraux exposés au Salon d'Automne (1944 à 1951), au Salon d'Art sacré (1950 à 1956), à la Galerie du Bac (1954), au musée national de l'Art occidental de Tokyo (1960), au musée d'Art et d'Histoire de Melun (1986-1987).

Il participe à de nombreux salons et expositions à Paris, Le Touquet, Chartres, Rome ou Tokyo.

En 1978, François Mathey écrit dans le catalogue de l'exposition de peintures de Jacques Bony à la galerie d'art international[Où ?] :

« Le Mouvement des eaux, des ciels, le rythme des arbres, le pelage des pierres procèdent chez lui de cet accord parfait entre le peintre et cette intelligence instinctive qu'il a de la nature, à ce point que la ville, pourtant formellement identifiée renaît sous les aspects du village primitif que le temps n'a pas encore aboli. Est-ce tellement dérisoire, maintenant encore, d'admettre que ses gouaches naïvement, d'après nature sont l'aboutissement d'une émotion, l'incarnation de sa sensibilité ? »

— François Mathey

Jacques Bony écrit en 1981[Où ?] :

« Ce qu'est le vitrail, on le retrouve dans les êtres : ce jeu de transparences et d'opacités, d'élans et de ruptures, et la musique qui nait de leurs rapports. Le style est l'homme même. Cette équation, impossible d'y échapper : on ne fait jamais que ce qu'on est. Encore faut-il combler sa mesure, en s'efforçant de se dépasser. Feu de passion, illumination qui nous guide. Là aussi, le plus fragile est le plus vivant, et l'instant côtoie l'éternité (1955). Tout cela est bien lyrique, et correspond à une époque où l'on croyait encore (où l'on espérait du moins) que la création pouvait avoir la meilleure part dans le métier de verrier. Illusions perdues : depuis quelques années plus que jamais ceux qui décident ont tendance à privilégier l'habileté aux dépens de la création, d'où cet engouement pour les vitraux de la fin du XIXe siècle (où selon la formule, il y a 99 pour cent de transpiration contre 1 pour cent d'inspiration[38]) et une grande confusion dans l'appréciation des œuvres »

— Jacques Bony

En 2017, le musée du verre de Conches-en-Ouche organise une grande rétrospective sur l'Atelier Hébert-Stevens Rinuy Bony[39]. Plusieurs vitraux de Jacques Bony y sont exposés, dont la Nativité (1944), le vitrail du Baptême (Choye, 1953) et des vitraux d'appartement. Devant la réussite de cette exposition, les descendants de Jacques Bony décident de confier à ce musée les archives de Jacques Bony concernant son travail de peintre-verrier et d'y déposer les vitraux précités de la Nativité et du Baptême.

Distinctions[modifier | modifier le code]

Jacques Bony a été décoré chevalier des Arts et des Lettres[Quand ?][réf. nécessaire].

Écrits[modifier | modifier le code]

  • Levaillant Françoise, Françoise Perrot, Centre International du Vitrail, Chartres, avec la participation de Jacques Bony: Le vitrail français contemporain : Lyon, La Manufacture, 1984. 174 p., 73 ill. coul., vol. 74, coll. « Revue de l'Art », (présentation en ligne), p. 77.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Léon Eugène Henri Bony (12 juin 1872 - 7 octobre 1918) in Base mémoire, capitaine d'infanterie, croix de guerre, proposé au grade chevalier de la Légion d'honneur en juillet 1918 in Base Léonore.
  2. Association amicale des anciens élèves du lycée Montesquieu, janvier 2014.
  3. a b et c Françoise Caussé, op. cit..
  4. Un couple de maîtres-verriers à l'honneur, ouest-france.fr, 10 juillet 2018.
  5. Groupe de Théâtre Antique de la Sorbonne.
  6. « Arbre de Jessé », notice no IM80000754, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  7. « Saint Joseph », notice no IM80000767, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  8. « Saint Georges et le dragon », notice no IM80000766, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  9. Chargé de la protection des monuments historiques : un professionnel du patrimoine au métier diversifié, pour l'association MoHiCan (Monument Historique Culture association nationale), Enora Juhel, Sophie Loppinet-Méo et Clémentine Albertoni.
  10. a et b Brigitte Gilardet, op. cit..
  11. Catalogue du salon d'automne au no 184 bis.
  12. a et b « Chanoine Ledeur cité », notice no PA25000092, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  13. Religion, site de la mairie.
  14. « Église Saint-Michel des Bréseux », notice no PA25000092. La commande est ici passée à Alfred Manessier.
  15. in Le Monde, 23 octobre 1953, op. cit..
  16. Lettre du , op. cit..
  17. a et b Le Monde, juillet 2003, op. cit..
  18. Pierre Lafoucrière (1927-2017), sur data.bnf.fr.
  19. Verrière hagiographique (chœur) : L'Assomption de la Vierge, service de l'inventaire du patrimoine de la Région Alsace.
  20. « Crucifixion », notice no IM14004127, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture, église Notre-Dame.
  21. « Calvaire, Dieu le Père surmonté du pélican (baie 0) », notice no IM74000028, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture, église Saint-Étienne.
  22. Notice no EA14000002, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  23. Les Amis du donjon et du pays de Bricquebec.
  24. Notice no IM70000998, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  25. Larré. Des vitraux de l'église ont été restaurés, ouest-france.fr, 23 septembre 2021.
  26. Livret de présentation de l'église Saint-Blaise.
  27. Notice no IM27016375, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  28. « Mobilier de l'église paroissiale Saint-André », notice no IM61001185, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  29. Notice no IM56001399, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  30. Inventaire du patrimoine de la Reconstruction dans la Manche, p. 22.
  31. Il y a 50 ans naissait l'église du Planty, la nouvelle république.fr, 2012.
  32. Buxerolles (Vienne) L'église Notre-Dame-de-l'Annonciation du Planty.
  33. « Verrière décorative de l'église Saint-Vincent », notice no IM88003770, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  34. Notice no IM27018292, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  35. Larchamp, église, éléments de vitraux aux motifs symboliques de Paul Bony : détails.
  36. Notice no IM27018300, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  37. Notice no IM27018298, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Palissy, ministère français de la Culture.
  38. Cette citation est attribuée à Thomas Edison (en ligne).
  39. Exposition sur «L'atelier de vitrail au XXe siècle», Le Monde de la Bible, 4 juillet 2017.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Françoise Caussé, La revue "L'Art sacré", le débat en France sur l'art et la religion (1945-1954), vol. Livre de poche, Cerf, , 683 p. (ISBN 2204088919, présentation en ligne, lire en ligne), p. 601.
  • Françoise Caussé, « Eglise et art contemporain : la Commission diocésaine d’art sacré de Besançon, 1945-1955 », Liturgie et sacrements,‎ s.d. (lire en ligne, consulté le ).
  • Le Chanoine Lucien Ledeur et la Commission d'Art Sacré du Diocèse de Besançon de 1945 à 1955 – Mémoire présenté en 1998 par Annick Flicoteaux sous la direction du père Paul De Clerck. - L'Artisan et les Arts Liturgiques, 1948 no 1
  • André Chastel, « L'Art religieux et son Salon » in Le Monde, 23 octobre 1953, p. 8 Lire en ligne
  • Herta Wescher in Cimaise, février-mars 1954, p. 10
  • archives de la commission départementale d'art sacré, M. le curé de Choye au chanoine Ledeur, lettre, 14 novembre 1953
  • Galerie d'Art International, 12 rue Jean-Ferrandi 75006 Paris. Catalogue 1978
  • Revue Espace no 13, p. 51 - 1981[source insuffisante]
  • Centre André-Chastel (Paris) : campagne d'archives orales « Art et architecture religieux en France (1920-1980) ». Entretien oral avec Jacques Bony, maître verrier, enregistré le (entretien réalisé par Véronique David, Michel Hérold, Jean-Charles Cappronnier), durée : 65 min
  • « Jacques Bony, un rénovateur de l'art sacré », Le Monde,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Brigitte Gilardet, « François Mathey ou la recherche du ” spirituel dans l'Art ” », halshs-00860263f,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]

Films et vidéos[modifier | modifier le code]