Conflit armé colombien

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Conflit armé colombien

Informations générales
Date Depuis 1964 - en cours
Lieu Colombie
Issue En cours
Belligérants
Forces gouvernementales
Armée
Police
Guérillas marxistes
FARC, ELN, EPL
Paramilitaires
AUC (dissoutes en 2006)
BACRIM
Forces en présence
Armée : 283 000
Police : 158 800[1]
FARC : 8 000[2]
ELN : 1 500[3]
EPL : 500[4]
>4 000[5]
Pertes

177 307 civils tués
40 787 combattants tués
25 007 disparus
4 744 046 déplacés

Conflit armé colombien

Batailles

Années 1970
Anorí

Années 1980
Palais de justice

Années 1990

Années 2000

Années 2010

Le conflit armé colombien est un conflit interne en Colombie. On date son origine au milieu des années 1960 avec la création de différentes guérillas marxistes. À partir des années 1980, des groupes paramilitaires se constituent, se présentant comme une force de contre-insurrection opposée aux guérillas que l'État ne parvient pas à vaincre. Au cours des années 2000, les Autodéfenses unies de Colombie, principal groupe paramilitaire, sont officiellement désarmées après un accord de paix avec le gouvernement (remplacées par des «groupes émergents» moins puissants). Le conflit se poursuit à la fin des années 2000 entre les FARC et l'ELN (marxistes), les cartels paramilitaires (BACRIM) et les forces gouvernementales. Entre 1985 et 2005, le conflit aurait fait 250 000 morts[6].

Causes

Définition

Selon les définitions utilisées, basées sur le nombre de victimes, le degré de violence et les motivations des acteurs armés, ce conflit est qualifié par différents instituts ou groupes de réflexion de « guerre civile », de « conflit armé », de « conflit armé interne », de « guerre révolutionnaire », de « conflit civil idéologique », ou de « guerre »[7]. Certains intellectuels et éditorialistes colombiens, dont l'ancien président Alfonso López Michelsen ont, à la fin des années 1990 adopté le terme de « guerre civile », s'appuyant en particulier sur l'intensité du conflit, tandis que d'autres comme Eduardo Pizarro Leongómez ou Daniel Pécaut jugent que l'emploi du terme de guerre civile est inadapté ou même dangereux. Eduardo Posada Carbó, auteur d'un essai sur le sujet, estime que l'affrontement entre les groupes armés illégaux et l'État ne se traduit pas en une polarisation de larges secteurs de la société sur des critères ethniques, politiques où religieux, et que la majeure partie de la population ne se reconnait dans aucun des acteurs armés illégaux (guérillas ou paramilitaires), mais se sent représentée au moins en partie par les institutions de l'État. Il en conclut que le terme de « guerre civile » ne saurait s'appliquer au conflit colombien[8].

Sous les mandats d'Alvaro Uribe (de 2002 à 2010), la position officielle du gouvernement colombien a été qu'il n'existe pas en Colombie un conflit armé, mais plutôt une menace terroriste (ou narco-terroriste) contre laquelle la force publique doit lutter par tous les moyens. Un changement dans cette politique se produit au cours de la préparation sous le gouvernement de Juan Manuel Santos d'une nouvelle loi sur les victimes, qui devrait reconnaitre que la Colombie connait un conflit armé. Selon Santos, « Cela fait longtemps qu'il y a [en Colombie] un conflit armé ». Selon Arturo Mujica, avocat de la Commission colombienne des juristes, cette modification du statut officiel de la situation que connait la Colombie serait à même d'ouvrir la porte à la reconnaissance et à l'indemnisation non seulement des victimes des FARC et des autres groupes de guérrilla, ce qui était déjà le cas, mais aussi à de possibles indemnisations pour les victimes de l'État et des paramilitaires[9]. cette possibilité déclenche une polémique entre les partisans de Juan Manuel Santos et ceux d'Álvaro Uribe, opposés à ce changement d'analyse sur la situation en Colombie. Álvaro Uribe, suivi par Juan Lozano (président du Parti social d'unité nationale) demande que si le terme « conflit armé » était retenu dans la loi sur les victimes, la même loi précise que les FARC comme des autres groupes combattants sont des groupes terroristes[10].

Dégradation

Jusqu'aux années 1980, le conflit semble plus structuré que les guerres qu'avait connu la Colombie jusqu'alors, et la guérilla semble porteuse de projets politiques alternatifs et de tactiques nouvelles. Cette « phase de guérilla révolutionnaire » semble alors marquer une nouvelle étape, après les guerres civiles anarchiques du XIXe siècle et la violence généralisée qui frappe le pays pendant La Violencia[11].

Depuis le milieu des années 1980 et la généralisation du conflit, les analystes parlent au contraire d'une « dégradation », ou « dégénérescence », du conflit, la criminalisation des différents acteurs et l'importance croissante du trafic de drogue dénaturant le caractère politique de la confrontation. Durant cette période, le niveau de violence s'accroit fortement et le conflit touche de plus en plus les civils, devenant une « guerre de tous contre tous ». Les massacres deviennent un moyen d'action privilégié des différents acteurs armés. Certains des acteurs de conflit sont conscients de cette évolution et déclarent vouloir la combattre : selon Manuel Pérez (en), commandant en chef de l'ELN, « lorsqu'on parle d'humanisation de la guerre et que l'on reconnait que nous sommes en guerre civile, le problème n'est pas de savoir si elle va se terminer bientôt ou plus tard, mais de la développer par des voies qui permettent d'éviter un bain de sang pour la population civile… »[11]. Au cours des années 1990 et 2000, la cruauté continue d'être utilisée comme un « mode d'accès au politique » par les FARC et les forces paramilitaires. Du fait des atrocités qu'elles ont commises, les forces paramilitaires ont pu forcer l'État à leur donner une reconnaissance politique par une négociation qui débouche en 2005 sur la loi Justice et paix, qui leur garantit d'importantes remises de peines s'ils se démobilisent et confessent leur crimes. Les FARC, pour leur part, refusent le Droit international humanitaire et utilisent la prise d'otages politiques en vue de disposer d'une « monnaie d'échange » pour pouvoir, le moment venu, redevenir un acteur politique reconnu et être reconnu comme « force belligérante ». Dans les deux cas, selon Daniel Pécaut, la cruauté est donc « déterminée avant tout par des calculs éminemment rationnels »[12].

Historique

Origines

L'actuel conflit armé colombien commence à l'issue de la période dite de La Violencia, au milieu des années 1960, avec la formation de deux groupes de guérilla marxistes : les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) et l'Armée de libération nationale (ELN). Le premier de ces groupes émerge comme branche militaire du Parti communiste colombien, à partir de groupes de guérilla issus de la République de Marquetalia et des autres zones d'autodéfense communistes constituées en particulier dans les départements du Tolima et du Meta. Les FARC sont essentiellement constituées de paysans, avec un fort encadrement du Parti communiste. L'ELN est un groupe d'inspiration castriste qui se fonde à la même période dans le département de Santander, bénéficiant initialement du soutien des communistes au travers des syndicats des ouvriers du pétrole. Rapidement, des tensions se font jour entre les deux groupes, reflet en Colombie des tensions entre Moscou et La Havane : tandis que les castristes, selon la théorie foquiste, croient que la guérilla peut mener à la révolution même si toutes les conditions objectives n'en sont pas réunies, les communistes «orthodoxes» jugent que dans la situation de la Colombie de la fin des années 1960, la priorité doit être donnée à l'action de masse au travers du Parti communiste et des syndicats. L'ELN obtient une importante couverture médiatique grâce à des actions à fort impact comme le dynamitage d'un train dans le département de Santander, et à la personnalité de Camilo Torres, prêtre extrêmement populaire qui rejoint l'ELN et périt rapidement lors d'un affrontement avec une patrouille militaire. En 1967, un troisième groupe de guérilla, l'Armée populaire de libération (EPL) émerge à partir d'une scission maoïste du Parti communiste colombien. Toutefois, ces groupes de guérilla ne connaissent pas d'importants succès et, au début des années 1970, sont réduits à quelques centaines d'hommes agissant dans des zones reculées du pays. L'ELN est presque anéantie en 1973 au cours de l'opération Anorí, mais quelques dizaines de guérilleros échappent à l'encerclement de l'armée et continuent leur lutte armée.

Années 1970-1980

Les années 1970 sont marquées par la reconstitution des structures des FARC et de l'ELN, qui parviennent à conserver leurs bases d'appui rurales, par l'émergence du Movimiento 19 de Abril (M-19). À partir des années 1980, le conflit prend une nouvelle dimension avec l'essor du narcotrafic et l'émergence des premiers groupes paramilitaires financés par les narcotrafiquants pour se protéger des actions des guérillas. En 1984, un cessez-le feu est décrété entre toutes les guérillas (à l'exception de l'ELN) et le gouvernement, mais le processus échoue rapidement et en 1985, seules les FARC poursuivent les négociations, allant jusqu'à fonder un Parti politique, l'Union patriotique. Mais ce parti est rapidement décimé par les paramilitaires et des éléments des forces de l'ordre, et les FARC reprennent à leur tour la lutte armée en 1987.

À partir de cette époque, le conflit n'épargne plus les grands centres urbains : la prise du palais de justice de Bogota, les 5 et 6 novembre 1985, par le M-19, fait une centaine victimes dont 33 des 35 assaillants, 11 employés et civils et 48 militaires et une dizaine de disparations[13]. La Coordination guérilla Simon Bolivar est créée en 1987. Cette structure est un espace de travail commun entre l'ELN, l'EPL, le M-19, ainsi que des groupes de moindre importance : le PRT (maoïste), le Commando Ricardo Franco (un groupe dissident des FARC) et le Movimiento Armado Quintín Lame, guérilla indigène du département du Cauca. Elle explose toutefois rapidement quand plusieurs guérillas (M-19, Quintín Lame et la majeure partie de l'EPL) déposent les armes et signent un accord de paix avec le gouvernement, qui aboutit à l'assemblée constituante de 1991 : à partir de cette date, les seules guérillas actives sont les FARC, l'ELN, et la frange de l'EPL qui a refusé de déposer les armes.

1990-2002

En décembre 1990, le siège du secrétariat des FARC à La Uribe est pris par l'armée, déclenchant en 1991 une contre-offensive des FARC sur tout le territoire colombien. Les dirigeants de FARC sont désormais contraints à la mobilité et les contacts avec le gouvernement sont rendus beaucoup plus difficiles. Les FARC se placeront désormais dans une stratégie militaire, au détriment du politique : cette orientation s'explique en particulier par l'affaiblissement du Parti communiste (décimé suite à l'expérience de l'Union Patriotique), et par la mort de Jacobo Arenas, principal idéologue du mouvement, en 1990. La conférence de 1993 des FARC réaffirme l'objectif de la conquête du pouvoir, et elle est suivie par une importante vague d'offensives des FARC entre 1993 et 1998, qui se traduit par la prise de plusieurs bases militaires et de villages, au cours d'opérations concentrant plusieurs centaines de guérilleros, la plus importante étant sans doute la prise de Mitú le . Selon certains observateurs, le conflit colombien passe alors à la phase de guerre de mouvement, et les forces armées ne semblent plus en mesure de maîtriser les guérillas. L'action des FARC et de l'ELN passe également par des barrages routiers, des enlèvements et des sabotages (oléoducs, centrales hydroéléctriques…).

Face à l'inefficacité de l'armée, le phénomène paramilitaire prend de l'ampleur et se structure. D'abord essentiellement présent autour du golfe d'Urabá, il se structure en 1994 au niveau régional par la constitution des Autodefensas campesinas de Córdoba y Urabá (ACCU), puis en 1997 par la constitution des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), sous la direction de Carlos Castaño. Le président Samper autorise également la constitution de groupes citoyens d'autodéfense appelés Convivir (vivre ensemble), qui dans les faits servent de couverture aux paramilitaires. L'un des modes d'actions des paramilitaires est le massacre de civils dans des villages supposés favorables à la guérilla, comme le massacre de Mapiripán, en juillet 1997. Dans ce dernier cas, la complicité de l'armée a été reconnue par la justice colombienne et la Cour interaméricaine des Droits de l'Homme.

Unité féminime des FARC entre 1998 et 2002.

C'est dans ce contexte explosif que le président Andrés Pastrana décrète en 1998 la création d'une zone démilitarisée de 42 000 km2 dans les départements du Meta et du Guaviare pour y conduire des dialogues avec les FARC. Les dialogues tenus dans cette zone, occupée par les FARC de janvier 1999 à février 2002 aboutissent à des échanges de prisonniers entre les FARC et le gouvernement (en 1998, les FARC détenaient plus de 500 militaires et policiers), mais ils ne permettent pas un règlement du conflit, et la zone démilitarisée est utilisée par les FARC pour recruter de nouveaux soldats, toucher les rançons des enlèvements et servir comme base arrière pour des opérations militaires. En février 2002, le président Pastrana décrète la réoccupation de la zone démilitarisée. Les FARC comptent alors environ 17 000 hommes et disposent de milices urbaines dans certains quartiers de Bogota, Cali et Medellín, et de groupes de guérilla dans le páramo de Sumapaz, aux portes de Bogota.

Mandats d'Álvaro Uribe: 2002-2010

Les deux mandats d'Álvaro Uribe sont marqués par une politique dite de sécurité démocratique, aux antipodes de celle de son prédécesseur Andrés Pastrana : la priorité est donnée à la réponse militaire aux guérillas, avec pour objectif la rétablissement de la présence de l'État sur tout le territoire colombien. L'armée voit son budget, ses effectifs et sa capacité aérienne fortement renforcés (en particulier suite au Plan Colombie, qui se traduit par une importante aide militaire américaine à la Colombie). Le budget de la défense représente en 2008, 6,5 milliards de dollars soit 4 % du produit national brut[14]. Les capacités opérationnelles de l'armée lui permettent de nouveau de résister aux FARC et de les faire reculer, aidées en cela par une forte offensive des AUC, jusqu'à leur démobilisation en 2006.

Paramilitarisme pendant la sécurité démocratique

Au moins jusqu'en 2003, les forces paramilitaires des AUC jouent un rôle plus important que celui de l'armée dans la reconquête des territoires contrôlés par les guérillas. En effet, depuis leur formation en 1997, les AUC sont parvenues à expulser les FARC de nombreux territoires qu'elles contrôlaient, en particulier dans l'Urabá et le Magdalena Medio. Ces mêmes forces parviennent à expulser les milices urbaines des FARC des zones où elles sont influentes, comme l'«Arrondissement 13» de Medellín. Cette avancée passe par une stratégie de terreur s'attaquant à la population civile soupçonnée de soutenir les guérillas, et en particulier par des massacres.

D'autre part, les paramilitaires, démobilisés entre 2003 et 2006 dans le cadre d'un processus de paix entre le gouvernement et les AUC (accord de Santa Fe de Ralito le 15 juin 2003) se sont partiellement remobilisés, au sein des Águilas Negras et d'autres groupes paramilitaires dits émergents, qui regroupent d'anciens cadres des AUC et des nouvelles recrues. Ces nouvelles structures appelées Bandes criminelles (Bacrim) par le gouvernement colombien, conservent en fait selon certains experts de nombreux traits du paramilitarisme, en particulier une structure de commandement de type militaire et la capacité à contrôler certains territoires, sur une échelle plus réduite que les AUC. Ces groupes auraient compté 4 000 membres en 2008, et plus de 6 000 en 2010, répartis en environ six structures différentes[15].

Guérillas face à la sécurité démocratique

Face à cette offensive, les guérillas ont été mises sur la défensive. Depuis 2003, les FARC n'avaient plus la capacité de prendre des bases militaires, ce qu'elles avaient fait à plusieurs reprises à la fin des années 1990, et leurs effectifs seraient passés de 17 000 hommes en 2002 à quelque 8 000 en 2010, tandis que l'ELN compte à cette date moins de 3 000 hommes. Au cours du seul mois de mars 2008, deux dirigeants importants des FARC sont tués au combat (Iván Ríos et Raúl Reyes), et leur fondateur Manuel Marulanda meurt de mort naturelle.

Il est toutefois clair qu'on ne peut pas parler, à l'issue des deux mandats d'Álvaro Uribe, de défaite des guérillas. Les FARC et l'ELN ont conservé une importante capacité d'action en se recentrant sur les tactiques de guérillas : petits groupes très mobiles, utilisation de mines antipersonnel et de francs-tireurs, parvenant ainsi à infliger des pertes à l'armée et à mettre partiellement en échec la politique de sécurité démocratique. Malgré la politique de fumigations au glyphosate associée au Plan Colombie, la production de cocaïne reste importante et fournit une source abondante de financement pour les guérillas et les paramilitaires.

Limites de la sécurité démocratique

Les succès de la sécurité démocratique (succès contre les guérillas, processus de paix avec les paramilitaires) sont ternis par deux scandales majeurs. Le scandale de la parapolitique, révèle les liens entre une partie importante de la classe politique, dont de nombreux parlementaires favorables à la majorité présidentielle, et les paramilitaires. Le scandale des faux positifs, qui éclate fin 2008, désigne la pratique consistant, pour les forces militaires, à abattre des civils avant de les faire passer pour des guérilleros. L'objectif de cette pratique est d'améliorer les statistiques (nombre de guérilleros tués), et donc d'obtenir des primes ou des permissions.

En 2010, alors que le mandat de Juan Manuel Santos débute, de nombreux analystes pensent que la politique de sécurité démocratique doit être repensée[16],[17].

Mandat de Juan Manuel Santos

Le début du mandat de Santos est marqué par une recrudescence de la violence. Les FARC lancent une série d'attaques, tuant plusieurs dizaines de policiers et militaires durant le mois de septembre[18],[19]. Une contre-offensive est lancée par le pouvoir: le 19 septembre, 22 guérilleros sont tués lors du bombardement de 3 camps près de la frontière équatorienne[20], tuant du même coup Domingo Biojo, un des dirigeants politiques du 48e front des FARC[21]. Le 23 septembre, un coup majeur est porté à l'organisation marxiste lors de l'Opération Sodome: Jorge Briceño Suárez, alias Mono Jojoy, chef militaire de l'organisation est tué ainsi qu'une vingtaine d'autres gérilleros, lors du bombardement de leur camp par l'armée colombienne[22]. Le camp détruit, constitué d'un bunker, est décrit comme le « cœur » des FARC en Colombie[23]. Les États-Unis saluent « une victoire importante pour la Colombie »[24].

Le , selon le ministre de la Défense Rodrigo Rivera, 8 145 membres de groupes armés illégaux ont été tués ou arrêtés, tandis que 2 271 se sont volontairement démobilisés. Il a également déclaré que « Nous avons mis à la disposition de la justice 1 406 membres des FARC, 237 de l'ELN, 2 998 membres de groupes criminels et 3 051 criminels de droit commun »[25] tandis que le think tank de gauche Nuevo Arco Iris déclare pour sa part que les FARC et l'ELN ont tué ou blessé 2 500 membres des forces de sécurité en 2010 et que les FARC disposent de 11 200 membres et non de 7 000[26]. Le gouvernement considère début 2011 les FARC comme affaiblies et en repli. La priorité des forces de sécurité colombiennes est à cette date de lutter contre les bandes criminelles héritières du paramilitarisme, qui sont pour le général Oscar Naranjo, commandant en chef de la police, « la principale menace pour le pays »[27].

Le 27 août 2012, le président Santos confirme, après plusieurs jours de rumeurs, que le gouvernement colombien a entamé des entrevues avec les responsables de FARC pour aboutir à un dialogue de paix et terminer le conflit[28]. Il rencontre à cet effet un « ferme soutien » de la part des Évêques de Colombie qui estiment que ce dialogue peut « conduire, avec l’aide de Dieu, à mettre un terme au conflit armé »[29]. Le communiqué, du 28 août, de la Conférence épiscopale de Colombie, présidée par Mgr Rubén Salazar Gómez, Archevêque de Bogota, invite les fidèles et tout le peuple de Colombie « à faire propre la cause de la paix, apportant, chacun selon sa condition, les éléments nécessaires à la construction d’un État de droit rendant possible la coexistence dans la justice, la solidarité et la fraternité »[29].

Conséquences

Le conflit armé génère bien sûr des victimes militaires appartenant à la force publique ou aux différents acteurs armés, mais sa dégradation au cours des dernières décennies a créé en Colombie un contexte propice à toutes sortes de violations des Droits de l'homme et du droit international humanitaire (DIH), qui font que ce sont de plus en plus les civils qui ont supporté les conséquences du conflit. Ces phénomènes de violences dirigées contre les civils prennent des formes extrêmement graves (massacres, assassinats ciblés, disparitions forcées, prise d'otages etc.). Cette réalité, en partie ignorée ou masquée jusqu'alors, a été rendue incontournable par les confessions d'anciens chefs paramilitaires dans le cadre des «versions libres» prévues par la loi «Justice et Paix». Les paramilitaires ne sont toutefois pas les seuls responsables des actions visant les civils (massacres et disparitions forcées en particulier), et l'État et les FARC utilisent également, dans une moindre mesure, ces modes d'action[30],[31].

Pertes militaires

Les estimations du nombre de victimes de conflit varient fortement, avec des chiffres se situant autour de 50 000 victimes entre 1964 et 2002, ces chiffres n'incluant que les victimes directes d'affrontements entre différentes parties au conflit[7]. Selon l'institut canadien Ploughshares, le conflit a fait entre 50 000 et 200 000 victimes entre 1964 et 2010, dont au moins 40 000 depuis 1990[32].

Selon les donnés du ministère de la défense colombien, de 2002 à juillet 2011, 16 853 membres des FARC et 3 493 membres de l'ELN ont été démobilisés. Dans le même temps, 38 459 membres de groupes armés ont été capturés par l'armée colombienne, et 14 209 tués. L'armée colombienne déplore 5 244 tués sur la même période[33].

Victimes civiles

Selon Amnesty International, « la grande majorité des 70 000 personnes tuées dans le cadre du conflit armé au cours des 20 dernières années sont des civils ». La majeure partie d'entre eux ont été victimes des forces paramilitaires, mais avec le désarmement partiel de ces groupes à partir de 2003, la part de l'armée et de la police n'a cessé d'augmenter (voir scandale des faux positifs). Le nombre des victimes civiles des paramilitaires est au contraire passé de 1 560 en 2002 à plus de 300 en 2007. Les victimes sont pour la plupart des paysans ou des leaders communautaires présentés par les militaires et les paramilitaires comme des guérilleros tués au combat[34].

Les groupes de guérilla sont également responsables d'homicide sur des civils, avec un nombre de victimes qui passe de 720 à 260 en 2007. Parmi ces civils victimes des groupes guérilleros, on trouve des candidats aux élections (la plupart des 29 candidats aux élections locales et régionales de 2007), ainsi que des paysans ou des leaders syndicaux accusés de sympathiser avec le groupe de guérilla rival dans le cadre de la guerre entre les FARC et l'ELN dans le département d'Arauca[34].

Un rapport d'un centre de l'OTAN sur le terrorisme relève en 2011, selon les sources publiques, un total de 340 actes terroristes (7e rang mondial) faisant 448 tués, 634 blessés et 123 personnes enlevées[35].

Déplacements forcés

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, avec trois millions de personnes déplacées depuis 1950, la Colombie était en 2008 le pays au monde le plus touché par ce phénomène devant l'Irak et la République démocratique du Congo[36]. Selon les chiffres officiels du gouvernement colombien, qui ne considère pas la Colombie comme le pays le plus touché par ce phénomène, le nombre de personnes déplacées entre 1950 et 2010 s'élève à 3 551 106, mais la tendance est à la baisse : alors que le nombre de personnes déplacées en 2007 s'élevait à 327 740 en 2007, ce chiffre s'établissait à 161 222 en 2009. Selon l'ONG Codhes, qui chiffre à 3 700 000 le nombre de colombiens déplacés par le conflit, 380 000 de ces personnes demandent ou ont obtenu le statut de réfugiés dans 36 pays, l'Équateur étant la destination la plus commune (52 000 colombiens bénéficient en 2010 du statut de réfugié en Équateur)[37].

Selon les chiffres du CICR, la majorité des personnes déplacées (52 %) sont des mineurs. Les causes principales de ces déplacements forcés sont les recrutements forcés par les groupes armés illégaux (guérillas ou paramilitaires), les menaces de mort ainsi que les fumigations au glyphosate pratiqués à grande échelle. Dans de nombreux cas, des groupes illégaux, en particulier paramilitaires et narcotraficants, s'approprient les terrains laissés par les personnes déplacées : cette situation concerne plus de 5 millions d'hectares dans le pays[38],[39],[40]. Concernant les femmes qui constituent la moitié de la population déplacée, une sur cinq a dû fuir des violences sexuelles[41].

Violences sexuelles

Comme dans beaucoup de conflits, on déplore des actes de violences sexuelles de la part des belligérants sur la population civile. Selon une étude publiée en décembre 2010 par Intermon Oxfarm, 489 687 personnes, en grande majorité des femmes, auraient été victimes de ce type de violence dans 407 municipalités. Des éléments des groupes paramilitaires, de guérilla et de l'armée colombienne auraient violé entre 2001 et 2009 14 779 femmes. Les membres des groupes armés seraient à l'origine de 12 809 de ces viols, tandis que l'armée serait, elle, à l'origine de près de 2 000 viols entre 2001 et 2009. Les groupes armés auraient également forcé plus de 1 500 femmes à se prostituer durant cette même période[42].

Médias

Le conflit armé colombien a inspiré plusieurs artistes. Parmi ceux-ci, il faut citer Fernando Botero, qui a exposé en 2004 au Musée national de Colombie une série de cinquante dessins et peintures réalisés entre 1999 et 2004. Ces œuvres rompent avec les thèmes d'inspiration antérieurs de Botero, qui avait toujours privilégié des sujets plus légers. Ce tournant est justifié par la volonté de l'artiste de « laisser un témoignage » sur un moment irrationnel de l'histoire de Colombie :

« J'ai peint la Colombie toute ma vie, les aspects agréables que j'ai connus pendant mon enfance et mon adolescence. Je ne ressens pas directement la violence puisque je vis hors du pays depuis longtemps, mais je la connais par la presse. La violence a commencé à être dans ma tête et un jour, j'ai senti que je devais peindre, déclarer l'horreur qui est la mienne face à ce panorama du pays. »

— Fernando Botero, (es) Botero retrata décadas de violencia en Colombia, El Pais, 4 mai 2004

Le chanteur Juanes a dédié plusieurs chansons au conflit armé colombien et au fléau que représentent les mines antipersonnel[43].

Au cinéma, on peut citer le film Golpe de estadio, de Sergio Cabrera, qui dépeint de façon burlesque les relations entre l'armée et la guérilla dans un village reculé pendant les phases qualificatives de la Coupe du monde de football de 1994[44]. Le film Soñar no cuesta nada, Rêver ne coûte rien (2006), de Rodrigo Triana se fonde sur l'histoire réelle d'un groupe de soldats qui parviennent en 2003 à s'emparer d'une importante somme d'argent appartenant aux FARC. Se partageant la somme entre eux, ils finissent par être démasqués et jugés[45]. D'autres œuvres audiovisuelles prennent le parti de montrer le conflit au travers du regard des enfants, comme le film Les couleurs de la montagne (2011, de Carlos César Arbeláez ), qui au-delà de l'histoire de trois enfants qui veulent récupérer leur ballon de football envoyé sur un terrain miné, montre la vie d'un petit village de l'Antioquia dans le conflit[46]. Le dessin animé Pequeñas voces (petites voix), sorti comme court-métrage en 2003 puis en 2010 comme long-métrage, est présenté cette même année au festival de Venise. Le conflit y est vu « au travers des yeux des enfants, d'une manière totalement neutre », selon Adela Manotas, la directrice artistique du projet. Les seules voix de la bande-son sont celles de quelques-uns des enfants déplacés en Colombie (un million selon l'UNICEF), l'objectif étant de « transmettre ce document sur le conflit depuis le monde qui leur appartient »[47].

Le conflit armé est également un thème récurrent dans l'art populaire de toutes les régions de la Colombie. Il se traduit par la récurrence dans les œuvres appartenant à ce courant de thèmes comme celui du drapeau (déchiré, ensanglanté), et celui du sang et de la mort[48], celui enfin des enfants comme victimes du conflit armé[49]. Dans le cadre d'un programme soutenu par plusieurs ONG, les populations indigènes du nord du Cauca ont fait de la peinture une façon de soigner les blessures. La réalisation dans ce cadre de plusieurs peintures murales permet de maintenir la mémoire des tragédies (massacres, déplacements forcés) qu'a subies cette région entre 1999 et 2004[50].

Notes et références

  1. Balance de la seguridad democrática de Uribe, a ocho días de entregar el poder, Lapatria.com, août 2010
  2. (es) Les FARC n'ont plus que 8 000 hommes, El Espectador,
  3. Colombia's ELN rebels show new vigour, BBC News, 5 novembre 2009
  4. (en) Venezuela and Colombia:The FAN is outmatched, Hispanic American Center for Economic Research, 2005
  5. {es}Human Rights Watch. Informe Colombia 2010
  6. No easy road to peace in Colombia
  7. a et b The severity of the Colombian conflict : cross-country datasets versus new micro data, J. Restrepo, M. Spagat and J.Vargas
  8. ¿Guerra Civil? El lenguaje del conflicto en Colombia, Eduardo Posada Carbó, août 2002, Ed. Alfaomega, (ISBN 958-682-413-6)
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