Utilisateur:Lebelot/Bernard Moitessier

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Bernard Moitessier
Naissance
Hanoï
Décès (à 69 ans)
Nationalité Française

Bernard Moitessier est un navigateur français (1925 - 1994), auteur de plusieurs livres relatant ses voyages.

En 1968, il participe à la première course autour du monde, en solitaire et sans escale, le Golden Globe. Alors qu'il est en tête, il renonce à couper la ligne d'arrivée, abandonne la course, et continue, toujours sans escale, en direction de l'océan Indien. Après dix mois de navigation, son périple s'arrête en Polynésie. Il s'installe ensuite dans un atoll, Ahe, où il choisit de vivre avec Ileana, dont il aura un enfant (Stephan, 1971).

Au cours de sa vie, ce « vagabond des mers des mers du sud » (titre de son premier livre) a parcouru aussi bien l'Atlantique que le Pacifique, fait escale aux Antilles, en Polynésie et en Nouvelle-Zélande, passé trois fois le cap de Bonne Espérance et deux fois le cap Horn. Il a vécu une douzaine d'années entre Tahiti et les Tuamotu et milité contre la nucléarisation du Pacifique sud, pour la désescalade nucléaire pendant la guerre froide et pour la plantation d'arbres fruitiers dans les villages français. Il est mort d'un cancer en 1994. Il repose dans le cimetière du Bono (Morbihan).

Biographie[modifier | modifier le code]

Enfance[modifier | modifier le code]

Bernard Moitessier naît le 10 avril 1925 à Hanoï (Indochine) mais il passe son enfance à Saïgon. Il est le fils de Robert Moitessier, diplômé d'HEC, et de Marthe Gerber, artiste, ancienne élève des Beaux-Arts. Aîné de trois frères et une sœur, il est élevé par son père comme celui-ci gère son entreprise d'import-export : d'une main de fer[1].

Pendant les vacances scolaires, la famille rejoint un village de pêcheurs, près de Rach Gia. Ils participent à la vie du village, aident les pêcheurs à préparer les lignes de pêche, et embarquent parfois avec eux, découvrant une civilisation millénaire dont Bernard Moitessier restera toujours imprégné[2] [3]. Il y connaît une existence proche de la population locale, connaissant parfaitement la langue, et il sert même d'interprète à son père quand celui-ci par en tournée auprès de ses clients. Il apprend que la calligraphie chinoise permet à annamites et cambodgiens de se comprendre malgré l'usage d'une langue différente[4].

A 15 ans, à la vue de ses résultats scolaires catastrophiques, son père décide de lui faire intégrer une école d'agriculture. A 18 ans, il est contremaître dans une plantation d'hévéas, où il apprend l'amour de la terre, et à 19 ans, il est embauché dans l'entreprise familiale, à vérifier les factures et les stocks[5]. Mais il retourne rapidement dans le village où il passait ses vacances, et décide, avec un ami, d'ouvrir une coopérative. A son retour à Hanoï, la guerre est là.

La guerre[modifier | modifier le code]

En 1940, Les Japonais ont envahi l'Indochine, et Robert Moitessier, officier de réserve, est fait prisonnier. Bernard Moitessier établit le drapeau français sur la façade de la maison familiale, et, arrêté avec sa famille, manque d'être tué pour avoir esquivé la gifle d'un officier.

En août 1945, le Japon capitule et toute la famille est relâchée, mais la flambée de violence continue, et c'est une véritable guerre fratricide qui débute : entre ceux qui veulent chasser les colons, ceux qui veulent rester fidèles à la France, et les Français qui veulent garder leur rôles d'avant-guerre, les affrontements se succèdent. Bernard Moitessier fini par être engagé comme matelot-interprète. Il participe aux affrontements, en prenant bien soin de détourner son arme quand il tire sur quelqu'un. Après un an sous les drapeaux, il revient à la vie civile. Symbole de cette guerre fratricide, son frère, Françou, tue un de leur ami d'enfance puis se suicide[6]. Bernard réintègre l'entreprise paternelle pour une courte période, puis monte une entreprise de cabotage à la voile. Mais six mois plus tard, accusé de trafic d'armes par la sureté française, il est contraint d'arrêter son activité florissante[7].

Premiers voyages[modifier | modifier le code]

Il visite pendant 6 mois l'Europe, puis rentrant de France, il rencontre Pierre Deshumeurs. Après avoir armé une vieille jonque, le Snark, ils décident, en 1951, de partir en direction de l'Australie, avec un sextant dont ils ne savent pas se servir, et un bateau où il faut pomper tout les jours pour évacuer l'eau qui s'infiltre par le calfatage. Même si l'entente n'est pas toujours excellente entre les deux capitaines, ils arrivent tout de même à Singapour après une escale dans les Îles Anambas. Alors que les deux hommes devraient attendre l'autorisation des autorités de Jakarta, ils continuent en direction du détroit de Malacca, où ils se font arraisonner par les autorités indonésiennes, et, soupçonnés d'espionnage, sont conduits jusqu'à Toboali. En y attendant l'autorisation de continuer, ils calfatent entièrement le Snark, qui, pourri de la quille jusqu'à la pomme du mât, continue malgré tout à faire des quantités d'eau impressionnantes. L'autorisation tant attendue est refusée, et les autorités indonésiennes remorquent les deux aventuriers jusqu'à Singapour. De là, ils remontent jusqu'en Indochine, où Bernard Moitessier récupère l'armement du Snark pour armer Marie-Thérèse, une jonque qu'il vient d'acheter[8].

Marie-Thérèse I et II[modifier | modifier le code]

En 1952, il part à bord de son nouveau bateau. Pour rejoindre l'océan Indien, il passe par le détroit de Malacca, puis remonte la mousson pour trouver les alizés, en direction des Seychelles. Pouvant uniquement se positionner en latitude, Moitessier décide, pour savoir précisément où il se trouve, de courir sur le 7° parallèle, afin de passer entre les îles de l'archipel de Diego Garcia. Il espère ainsi que le calme sous le vent des îles lui annoncera la proximité des terres. Malheureusement, il s'y échoue en pleine nuit, et son bateau est irrécupérable. Il se fait rapatrier à l'Île Maurice, où il vivra trois ans[9].

Pendant ces trois années, recueilli par une famille mauricienne, il exercera tant comme conférencier, pêcheur sous-marin (il se fait mordre par un requin), que comme secrétaire d'ambassade, fabriquant de charbon de bois ou dirigeant d'une pêcherie. Ceci lui permet, avec l'aide de nombreuses amitiés, de construire un nouveaux bateau, Marie-Thérèse II[10].

En 1955, Bernard Moitessier part pour l'Afrique du Sud. Suivant le précepte de Baudelaire: « Si tu peux rester, reste, pars s'il le faut », il quitte Maurice avec un bateau tout juste bon à naviguer. Qu'importe, les escales complèteront l'armement de Marie-Thérèse II. Après une navigation mouvementée, il rejoint le port de Durban, où il se fait embaucher comme charpentier de marine.

S'en suit alors un voyage bord à bord avec Wanda, le petit sloop d'Henry Wakelam, rencontré à Durban. Ensemble, ils feront les poubelles de Cape Town, pour y trouver de vieilles aussières. Après avoir récupérer les brins non usés, ils les toronnent pour faire des écoutes[11]. Ils chassent au lance-pierre les cormorans pour améliorer le riz du bord, et rivalisent de ruse pour s'équiper gratuitement. Ils partent ensuite ensemble pour un long voyage jusqu'aux Antilles, passant par l'île Sainte-Hélène. Alors qu'il veille, après une troisième nuit sans sommeil, entre la Martinique et la Guadeloupe, Bernard Moitessier s'endort trop longtemps et fait naufrage sur l'île de St-Vincent, en 1958.

Le Joshua[modifier | modifier le code]

Alors qu'il souhaite d'abord fabriquer un bateau en bois et en papier pour rejoindre l'Europe[12], il trouve un emploi sur un pétrolier, et débarque à Paris en 1958, sans un sou en poche, et un hiver à affronter. Il y rencontre Jean-Michel Barrault, fondateur de Voiles et Voiliers, qui lui conseille d'écrire un livre sur ce qu'il a déjà vécu. En parallèle, il est embauché comme représentant médical pour les laboratoires Midy, et sillonnant la France, de cabinet médical en cabinet médical, il commence à écrire son manuscrit aux terrasses des bistros, où il y trouve une ambiance propice à l'écriture.

En 1960 parait Vagabond des Mers du Sud, et les ventes allant bon train, Bernard Moitessier prépare les plans de son futur bateau, qu'il prévoit en bois moulé. L'architecte naval Jean Knocker, qui a lu Vagabond des Mers du Sud, propose au marin de dessiner gratuitement les plans de son bateau. En 1961, Bernard Moitessier se marie, et le chantier Méta, installé à Chauffailles, dans la Loire, propose au couple de construire Joshua au prix de revient[13]. La construction commence en septembre, et en avril 1962, rivalisant de débrouille et d'économie, Joshua est prêt à prendre la mer, avec un petit moteur à son bord, des poteaux télégraphiques comme mât, et des câbles EDF en gréement dormant[14]. Bernard Moitessier propose alors des stages d'école de croisière, où il rencontre Nicole van de Kerchove.

En 1963, Bernard et Françoise Moitessier quittent le port de Marseille, pour un voyage de noces, passant par le détroit de Gibraltar, puis les îles Canaries, où il retrouve Pierre Deshumeurs, le compagnon du Snark.

Ils filent ensuite vers les Antilles, puis le canal de Panama, avant de s'arrêter longuement dans l'archipel des Galapagos, où certaines îles, reculées de toutes civilisations, accueillent une faune et une flore exceptionnelles, qui retient l'attention du couple.

Ils rejoignent en suite la Polynésie française, où ils restent plusieurs mois.

La route logique[modifier | modifier le code]

Pour rentrer en France retrouver leurs enfants, s'offrent alors au couple deux solutions : rentrer par l'ouest en cravachant dans le Pacifique, puis passer le détroit de Torres, rejoindre le canal de Suez, pour arriver en mer Méditerranée. Mais le marin sait que son bateau est fiable et performant, et projette de passer par le cap Horn, et, alors qu'il regarde par dessous le petit globe que leurs enfants leurs ont offert, Françoise éclate en sanglots : « Bernard... regarde-moi... tu ne veux par rentrer par là-bas?... »[15]

Le marin sait que son bateau, même s'il sancit, c'est-à-dire bascule cul par dessus tête, y laissera ses mâts, mais pourra toujours rentrer sous gréement de fortune dans un port du Chili, et repasser Panama après réparation. Françoise accepte finalement la solution, qu'ils appellent « La route logique », et après avoir installé une coupole métallique avec cinq hublots, des bastaques pour compenser l'effort de trinquette, retirer l'hélice en plongée, et fait des stocks de citrons et autres produits frais, rempli un des réservoirs d'eau de vêtements secs, d'une radio de secours et d'allumettes, Joshua quitte la Polynésie, en novembre 1965, après plus de trois mois de préparatif[16].

Après avoir essuyé une tempête de six jours pendant laquelle ils barrent en permanence, le couple passe le cap Horn dans la nuit du 10 au 11 janvier 1966, après avoir failli sancir dans une tempête qui dura 6 jours. Et le 29 mars, le bateau fait son entrée dans le port d'Alicante. Après 126 jours de mer et 14216 milles parcourus, Bernard et Françoise Moitessier battent le record de la plus longue traversée à la voile sans escale.

En 1967, pour le salon nautique, parait Cap Horn à la Voile, roman qui retrace la parcours du couple depuis la France jusqu'en Polynésie, puis ce formidable retour par la Terre de Feu.

La Longue Route[modifier | modifier le code]

Après une nouvelle école de voile, l'auteur est rongé par les remords d'avoir bâclé son dernier livre. Au bord du suicide, il décide de se racheter en écrivant un autre bouquin. « Un livre tout neuf et tout propre qui raconterait un nouveau voyage... une traversée gigantesque aux dimensions de l'Alliance. » Il travaille tout l'hiver et le début du printemps 1968 à la préparation de son bateau. Il en profite pour réécrire les trois derniers chapitres de son livre et transmet à son éditeur sa volonté de modifier son livre lors d'une nouvelle édition, même lointaine[17].

Apprenant qu'un anglais, Bill King, prépare le même voyage, un quotidien anglais, le Sunday Times, organise une course au règlement simplifié : chacun partira entre le 1er juin et le 31 octobre du port anglais de son choix ; il suffira ensuite de boucler le tour du monde par les trois caps, sans toucher terre et sans assistance. Deux récompenses à la clé : un chèque de 5 000 livres sterling pour le plus rapide, et un trophée (le Golden Globe), au premier arrivé.

Après un premier refus, Bernard Moitessier finit par accepter de participer à cette course. Il part le 22 août 1968 de Plymouth. Très vite, Moitessier n'est plus en course. Il vit les calmes de l'océan Indien comme un bienfait, et passe ses journées à nourrir les oiseaux. Quand il pousse son bateau au maximum, rajoutant des bonnettes sous la trinquette, c'est pour voir Joshua avaler les milles et ne pas rester trop longtemps sous les hautes latitudes, où il ne fait pas bon de traîner. Quand il s'inquiète de savoir où sont les autres, c'est par peur qu'il leur soit arrivé quelque chose. Et le marin passe le cap Leeuwin, au large de l'Australie, puis le cap Horn. Il commence alors à remonter vers le nord, pour s'éloigner de la zone des icebergs, se reposer et décide à ce moment de continuer vers le Pacifique.

Alors que tout le monde l'attend en vainqueur (au train où il avance, il dépassera bientôt Robin Knox-Johnston, parti bien avant lui), Moitessier, passant pour la seconde fois le cap de Bonne-Espérance, catapulte à l'aide d'un lance-pierre un message sur un cargo : « Je continue sans escale vers les îles du Pacifique, parce que je suis heureux en mer, et peut-être aussi pour sauver mon âme. » Pour lui, partir d'Europe pour revenir en Europe, c'était comme partir de nulle part pour revenir nulle part[18].

Le 21 juin 1969, 3 mois et 3 jours après ce message, après avoir traversé une nouvelle fois l'océan Indien, passé le cap Leeuwin une deuxième fois, mis quatre fois les mâts dans l'eau au cours d'une tempête, Joshua rejoint le port de Papeete. Les plaisanciers voient passer la longue carène aux traînées de rouille. Bernard Moitessier jette une ancre, lance les amarres. Parmi ceux qui les saisissent, Pierre Deshumeurs, avec qui, 18 ans plus tôt, il avait tenté de rejoindre l'Australie en partant d'Indochine sur le Snark[19]. Après 300 jours de mer, le périple est fini. Il pulvérise également le record de la plus longue traversée en solitaire sans escale, avec quelques 37 455 milles parcourus, soit 69 367 kilomètres, un tour du monde et demi.

Il faudra plus de deux ans, alors que son éditeur ne lui en donnait qu'un, pour que Bernard Moitessier écrive les dix mois passés seul en mer. Deux années pour recréer « le fidèle reflet du fabuleux sillage ». Alors qu'il va remettre le manuscrit à son éditeur, Bernard rajoute un ultime chapitre. Il y explique alors pourquoi il lègue tous ses droits, français et étrangers, au pape, pour « aider à la reconstruction du monde »[20] [21]. Et si le Vatican ne veut pas de cet argent, la somme ira aux Amis de la Terre. En moins de trois ans, les ventes dépassent les cent mille exemplaires, et, comme son Vagabond des Mers du Sud, le troisième livre de Bernard Moitessier devient rapidement une référence dans le domaine de la littérature maritime.

La Polynésie[modifier | modifier le code]

Ahe[modifier | modifier le code]

Huit mois avant de finir la Longue Route, il rencontre Iléana Draghici, avec qui il s'installe durablement en Polynésie. En octobre 1971, elle accouche prématurément de deux jumeaux dont un seul survivra : Stephan.

Après une grand période d'oisiveté à regarder grandir son enfant[22] et essayer de préserver le port de Papeete de l'avancée du béton, Bernard Moitessier réarme Joshua, qui a été privé de soins pendant près de trois ans. Il lui faudra un an pour être prêt à repartir. Il met alors le cap sur la Nouvelle-Zélande. Passant par Suvarov, un atoll de Polynésie où vit Tom Neadle, il est émerveillé de voir comment cet homme de 72 ans survit seul sur cet atoll en cultivant son jardin et élevant ses poules. Il gagne la Nouvelle-Zélande, puis s'ensuit un voyage en Israël, où il rejoint une communauté dirigée par un de ses amis. Travail spirituel, travail de méditation, et travail de la terre sont le quotidien. Il y reste quelques temps avant d'aller en France, où il rencontre Jacques-Yves Le Toumelin. Il retrouve à Hong Kong les saveurs de l'Asie, puis ramène Joshua à Tahiti, rejoignant Iléana et Stephan qu'il avait laissés pour cette longue escapade[23].

En 1975, le couple décide de s'installer sur un atoll de Polynésie, Ahe. Le but est de donné à Stephan un cadre de vie proche de la nature, et Bernard Moitessier veut aussi prouver que sur un atoll réputé stérile, il est possible de faire pousser avocatiers, légumes et manguiers. Il s'était offusqué auprès de son ami et journaliste Dominique Charnay que chaque atoll de Polynésie restait dépendant au point de vue alimentaire. Après un bref séjour pour évaluer le projet, Bernard Moitessier y retourne, avec Joshua chargé de madriers, tôles métalliques et terre végétale. Il y construit son faré en bois, toiture en feuilles de palmes tressées, alors que la mode sur les atolls est de construire des cases en dur, couvertes de tôles ondulées, transformant l'habitat en véritable serre, et ce pour un cout astronomique, tous les matériaux provenant de Tahiti, et étant acheminés par goélette. Un atelier pour qu'Iléana fabrique ses pareos est aussitôt construit, vient ensuite le jardin et le parc à poissons[24] [25].

En amenant une pastèque de 18 kilos à la réunion dominicale du village, il prouve qu'il est possible de cultiver sur cette terre aride, mais il est pour lui difficile de faire passer ses messages : alors qu'il essaie d'expliquer que la vie organique dans l'humus fourni un engrais naturel et gratuit, les Polynésiens continuent de brûler les palmes sèches et autres débris végétaux tombés par terre. Alors qu'il explique qu'un verre de pétrole dans les citernes d'eau suffirait à détruire les larves de moustiques privées d'oxygène, une enfant de six ans meurt du paludisme[26]. Un des gros coups que Bernard Moitessier à tenté d'instaurer sur l'île fut l'acheminement d'une vingtaine de chats pour éradiquer la population de rats qui détruit les cocotiers, privant les atolls d'une de leur principale ressource, le coprah. Malheureusement, au lieu de laisser un peu grossir les chats en les nourrissant avant de les lancer à l'attaque des rats, les habitants du village laisse les chats mourir, et se sont les rats qui se régaleront des chats. Une idée, excellente à l'origine, tourne au fiasco et le marin, malgré son acceptation au sein de la communauté, est dégouté de l'indolence polynésienne, tout comme sa compagne...[27] Son surnom, Tamata, qui signifie « essayer » en polynésien reflète bien ce que Bernard Moitessier à tenté sur l'île.

En 1978, après avoir réussi son pari de cultiver et faire pousser toutes sortes de légumes sur l'île, la famille quitte Ahe pour aller s'installer à Moorea, la petite sœur de Tahiti. Iléana continue de fabriquer ses paréos, et Bernard s'occupe de l'entretien de Joshua, tout en préparant une lettre pour les maires de France, les incitant à planter des arbres fruitiers dans les villages.

Arbres fruitiers[modifier | modifier le code]

Alors que Moitessier est à nouveau en train de rentrer dans une période de torpeur, Iléana décide qu'il faut quitter la Polynésie. Elle parle avec le marin, et lui explique que tant que Joshua n'aura pas retrouver sa splendeur d'avant, rien ne sera possible. Bernard Moitessier essaie déjà depuis des années d'écrire un nouveau livre, mais rien ne sort. Le couple décide ensuite qu'ils partiront pour l'Amérique. Bernard veut profiter des images qu'il a tourné pendant la Longue Route pour rétablir ses finances. Il rejoint alors Papeete, et rencontre les quatre propriétaires du ketch Kim, qui accompliront un merveilleux voyage en Terre Adélie. Entre eux se tisse immédiatement un courant d'amitié, et ils sont cinq pour reprendre entièrement le pont de Joshua et le remettre à neuf. Deux semaines plus tard, Bernard Moitessier revient à Moorea avec un bateau neuf.

En 1980, prêt à partir pour la Californie, Bernard expédie une lettre à différents journaux de France, appelant à planter des arbres fruitiers dans tous les villages de France. Comme il lui semble que les mots ne suffiront pas à faire bouger les choses, il joint la promesse d'un chèque de 15 000 francs au premier maire qui répondra et utilisera cet argent pour accomplir des vergers. Mais rien ne se passe. L'auteur relance la presse, certain journaux lui répondent que la chose ne les intéresse pas, puis le Figaro publie l'appel. Suit alors Le Nouvel Observateur, puis le Sauvage, Voiles et voiliers, et VSD. Grâce à l'appui d'Antoine, que Bernard avait rencontré à Suvarov, Antenne 2 reprend la balle au bond, et s'en suit une série d'émission sur France Inter. Le maire de Lachelle répond en premier, suivit d'une soixantaine d'autres lettres. Bernard envoie le chèque promis ainsi que des sommes plus médiocre à d'autres maires. Il répond néanmoins à chacun par une lettre d'amitié[28].

La Californie[modifier | modifier le code]

Arrivé en Californie, Bernard Moitessier tente de rétablir ses finances, mais l'Amérique est dure : malgré ses difficultés pour travailler avec un visa touristique, le marin arrive tout de même à projeter le film qu'il a monté à partir des images tournées pendant la Longue Route, et l'utilise comme support pour faire passer plusieurs messages : planter des arbres fruitiers partout où c'est possible, et, en pleine guerre froide, l'utilité d'une désescalade nucléaire, même unilatérale.

Deux ans après son arrivée aux États-Unis, Moitessier est contraint de partir. Bien qu'impressionné pas ce pays où tout le monde relève les manches pour travailler, il lui a été difficile de s'y refaire une santé financière : après s'être essayé comme conférencier, il travaille pour un entrepreneur en travaux publics pour payer l'école de Stephan et la marina qui accueille Joshua. Des amis de passage lui offrent de nouvelles voiles, Iléana et Stefan restent en Californie, et il part avec l'acteur Klaus Kinski, qui rêve un jour de s'acheter un voilier. Il le déposera au Mexique, et continuera vers le Costa Rica pour commencer la rédaction de son livre.

Le naufrage de Joshua[modifier | modifier le code]

Joshua, en restauration au musée maritime de La Rochelle

Le 8 décembre 1982, alors qu'il font une halte dans la baie de Cabo San Luca, au Mexique, Bernard Moitessier tente d'expliquer à l'acteur les secrets de la navigation astronomique. Surpris par un cyclone hors-saison, le bateau est drossé à la cote, démâté, puis rempli de sable. 25 bateaux sont massacrés dans la nuit, les carcasses gisent sur la plage. Bernard Moitessier est recueilli par un couple qui l'aide à récupérer tout le matériel de Joshua. Pendant que les billets de banque sèchent au soleil, sortis des entrailles du bateau, le marin vide son bateau du sable. « Marée haute... le bulldozer pousse de toute sa puissance... le chalutier tire à mort... premier crissement du sable sous la coque.. ce n'est déjà plus vraiment une épave... Joshua glisse tout doucement vers la vie... un long hourra s'élève de la foule des curieux venus assister au miracle... et deux minutes plus tard le bateau magique se balance au bout de son ancre. Et mon cœur éclate de joie »[29].

Après ce sauvetage, Le Joshua, bien que cabossé, ne fait pas une goutte d'eau. Mais il est dans un tel état que Bernard n'a ni les moyens financiers ni la force de tout reconstruire et préfère s'en séparer. Il l'offre à deux jeunes qu'il l'ont aidé à sauver le bateau.

Ceux- ci le remettent en état et naviguent avec lui quelques années, puis cèdent le bateau à une navigatrice américaine. Le voilier mythique est ensuite racheté et restauré par le musée maritime de La Rochelle. Il est désormais, avec quelques autres bateaux remarquables, classé monument historique[30].

La bête[modifier | modifier le code]

Grâce à un courant de solidarité aux États-Unis et en France par l'intermédiaire de nombreux amis, un appel à verser des dons permet au marin d'acquérir un nouveau bateau. Il est construit en Amérique sur un chantier appartenant à un couple qui fabrique des bateaux en acier, et qui lui propose de mettre leur chantier à disposition. Ugo Conti, rencontré à Suvarov, fournit l'argent pour l'achat de la tôle. Une personne qui a suivi ses cours de navigation en Amériquue lui offre un poteau télégraphique qu'un inconnu lui taille en mât à la tronçonneuse et au rabot. Un autre lui propose un moteur contre une navigation vers Hawaii sur le nouveau bateau. En France, par l'intermédiaire de Dominique Charnay et Jean-Michel Barrault, Voiles et Voiliers lance un appel à contribution et les chèques arrivent pour renflouer la caisse de bord.

En 1983, quelques mois après la naufrage du Joshua, le bateau est prêt à prendre l'eau, et Bernard l'appelle de son surnom tahitien: Tamata.

S'ensuit alors, à l'âge de 58 ans, un départ pour Hawaii, où Bernard Moitessier rêve toujours de trouver l'inspiration pour son livre qu'il n'a toujours pas pu commencer. Il y reste huit mois, où il continue à œuvrer pour la désescalade nucléaire. Il rejoint Tahiti, puis, en septembre 1985, retourne à Suvarov avec une femme qui sera sa compagne jusqu'à sa mort, Véronique Larebours.

Alors qu'il y a maintenant dix ans que Bernard Moitessier tente de débuter sa biographie, il s'installe en banlieue parisienne chez Véronique, où il peut alors réellement travailler. Il lui faudra huit ans pour finir Tamata et l'alliance. Entre la difficulté d'écrire son passé en Indochine, les retours en Polynésie pour voyager sur Tamata, le marin doit en plus traiter un cancer de la prostate, déclaré en mai 1988. il accepte la fatalité, espérant que la maladie lui laissera tout de même finir son livre.

En 1990, Joshua est ramené à La Rochelle, son célèbre propriétaire à la barre.

En 1993 parait Tamata et l'alliance, aux éditions Arthaud, et il connaît rapidement un grand succès[31]. Malgré une grande fatigue, il se rend au salon nautique, où il dédicace son livre, et rencontre Marie-Thérèse, son amour d'enfance qui avait donné le nom à ses deux premiers bateaux.

En février 1994, Voiles et Voiliers propose à Moitessier de l'emmener au Vietnam sur les lieux de son enfance. Il retrouve alors Saigon et le village de ses vacances. Après une attaque de choléra, Moitessier rentre en France, où le cancer le ronge de plus en plus. Avant sa mort, il multiplie les gestes de générosité, notamment auprès de l'océanographe Anita Conti.

Il meurt le 16 juin 1994, et un hommage lui est rendu dans la commune du Bono, dans le Morbihan, où il est enterré. Toutes les femmes qui l'ont aimé seront présentes: Marie-Thérèse, Françoise, Iléana et Véronique. Joshua est également présent, amené de La Rochelle[32].

Influence du marin[modifier | modifier le code]

Citation[modifier | modifier le code]

Le bateau c'est la liberté, pas seulement le moyen d'atteindre un but.

Un jour, à force de fouiller l'atome, un savant expliquera peut-être la joie et la paix de l'esprit par des formules mathématiques. Ce serait intéressant, mais sûrement trop compliqué pour moi. Et peut-être risquerait-il aussi, avec son cerveau, d'abîmer quelque chose d'essentiel. Je préfère ce que dit Romain Gary: « Ce dont l'homme à le plus besoin, c'est d'amitié »

Le destin bat les cartes mais c'est nous qui les jouerons...

Je n'ai pas lu la Bible. C'était écrit trop petit.

Dieu a créé la mer et il l'a peinte en bleu pour qu'on soit bien dessus.

Tout ce que les hommes ont fait de beau et de bien, ils l'ont construit avec leurs rêves...

On ne se trompe jamais en pardonnant!

Livres écrits par Bernard Moitessier[modifier | modifier le code]

  • Bernard Moitessier, Vagabond des mers du sud, Flammarion,
  • Bernard Moitessier, Vagabond des mers du sud, Arthaud,
  • Bernard Moitessier, Cap Horn à la voile, Arthaud, 1967, 1974, 1987
  • Bernard Moitessier, Cap Horn à la voile, J'ai Lu, , 375 p. (ISBN 2-277-24038-9)
  • Bernard Moitessier, Voile, mers lointaines, îles et lagons, Arthaud,

Livre sur le marin[modifier | modifier le code]

  • Jean-Michel Barrault, Moitessier, le long sillage d'un homme libre, Le Seuil, , 217 p.
  • Marie-Jeanne Kraft, La Vie de Bernard Moitessier à travers son thème astral, L'Ancre de Marine, 1994
  • Dominique Charnay, Moitessier, le chemin des îles, Glénat, 1999
  • Françoise Moitessier de Chazalet, 60 000 Milles à la voile, L'Ancre de marine, 1999
  • Véronique Lerebours, Bernard Moitessier au fil des rencontres, Arthaud, 2004
    Recueil de témoignages de gens qui ont croisés le chemin du marin

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Barrault 1994, p. 13 et 14
  2. Moitessier 1993, p. 39 à 54
  3. Barrault 1994, p. 16 et 17
  4. Moitessier 1993, p. 102
  5. Barrault 1994, p. 17
  6. Barrault 1994, p. 19
  7. Moitessier 1993, p. 143
  8. Moitessier 1993, p. 149 à 153
  9. Moitessier 1960, p. 7 à 16
  10. Moitessier 1960, p. 17 à 43
  11. Moitessier 1960, p. 174
  12. Moitessier 1995, p. 13 et 14
  13. Moitessier 1995, p. 44
  14. Moitessier 1995, p. 53
  15. Moitessier 1995, p. 128
  16. Barrault 1994, p. 67
  17. Moitessier 1993, p. 206 et 207
  18. Moitessier 1994, p. 203 à 233
  19. Moitessier 1994, p. 237 à 241
  20. Barrault 1994, p. 133
  21. Moitessier 1993, p. 218 à 227
  22. Barrault 1994, p. 138
  23. Barrault 1994, p. 141 à 147
  24. Barrault 1994, p. 149 à 152
  25. Moitessier 1993, p. 247 à 259
  26. Moitessier 1993, p. 264
  27. Barrault 1994, p. 149 à 152
  28. Barrault 1994, p. 161 à 165
  29. Moitessier 1993, p. 360
  30. Panoramas 360° de Joshua (consulté le 02/11/08)
  31. Barrault 1994, p. 211
  32. Barrault 1994, p. 214

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