Thomas Philippe

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Thomas Philippe
Thomas Philippe en 1986.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Jean-Marie Joseph PhilippeVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Prêtre catholique (à partir du ), religieux catholiqueVoir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Parentèle
Thomas Dehau (oncle)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Ordre religieux
Ordre des Prêcheurs (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Condamnation

Thomas Philippe, né Jean Marie Joseph Philippe le à Cysoing (Nord) et mort le à Saint-Jodard (Loire), est un prêtre dominicain français. Il est le frère de Marie-Dominique Philippe et le neveu de Thomas Dehau, également dominicains.

À la suite d'abus sexuels sur des femmes, il a été interdit par l'Église de l'exercice de tout ministère sacerdotal.

Il est avec Jean Vanier le cofondateur de l'association L'Arche, qui accueille des personnes ayant un handicap mental.

Biographie[modifier | modifier le code]

Enseignement[modifier | modifier le code]

Thomas Philippe enseigne la théologie au Saulchoir entre 1931 et 1936 et à l'Angelicum entre 1936 et 1939. Après la mise à l'Index par le Saint-Office de la brochure programme du père Marie-Dominique Chenu, il le remplace à partir du 6 juin 1942 comme régent par intérim du Saulchoir. Délié de sa charge en octobre 1948, il se consacre entièrement à l’œuvre de l'Eau vive, un centre de formation et de spiritualité à vocation internationale qu'il a fondée deux ans plus tôt. C'est en rejoignant l'Eau vive que Jean Vanier fait sa connaissance en 1950 et qu'il devient rapidement son fils spirituel[1].

Abus sexuels sur des religieuses[modifier | modifier le code]

Dès les origines de L'Eau vive, la plupart des femmes qui la composent entretiennent des relations mystico-sexuelles consenties ou sous emprise avec Thomas Philippe, formant un noyau sectaire d'initiées[2]. L'une d'elles, Anne de Rosanbo, enceinte de Thomas Philippe, avorte le 8 septembre 1947[3]. Jean Vanier lui-même est initié le le 15 juin 1952 par une autre femme de l'Eau vive, Jacqueline d'Halluin[4] après que Thomas Philippe a été évincé de son œuvre le 3 avril 1952 à la suite des témoignages en mai 1951 de deux de ses victimes, Madeleine Guéroult et Madelien Brunet[5]. Entre décembre 1953 et septembre 1954, il réside au couvent Saint-Dominique de Corbara en Corse[6],[7]« qui sert à la province de France de lieu de relégation pour ses cas difficiles »[1].

En 1956, au terme d'une enquête canonique portant sur des abus sexuels commis sur plusieurs femmes à l'Eau vive et dans des monastères voisins, il est interdit de l'exercice de tout ministère sacerdotal et d'accompagnement spirituel[8] : « Ont été également reconnus comme ayant une responsabilité dans les agissements de Thomas Philippe : sa sœur, Mère Cécile Philippe, Prieure du monastère dominicain de Bouvines, et son oncle le prêtre Thomas Dehau. Mère Cécile a été déposée de sa charge de Prieure. Thomas Dehau, eu égard à son âge et à sa maladie, n’a reçu qu’une monition canonique. »[9] « La mère Cécile Philippe a poussé plusieurs de ses moniales d’Étiolles et de Bouvines dans les bras de son frère Thomas Philippe tout en ayant elle-même des rapports homosexuels avec plusieurs d’entre elles et des rapports incestueux avec son frère. »[10]

Pour se justifier, Thomas Philippe invoque des « grâces très obscures » de nature sexuelle reçues devant la fresque Mater Admirabilis du couvent de la Trinité-des-Monts en 1938 qu'il aurait cherché à partager avec des femmes en invoquant avoir reçu en révélation l’existence de relations incestueuses entre Jésus et Marie au cours de leur vie terrestre et se poursuivant dans leur vie céleste[11].

Fondation de l'Arche[modifier | modifier le code]

Malgré l'interdiction faite aux membres de l'Eau vive de se reformer, Jean Vanier et Thomas Philippe s'installent en 1964 à Trosly-Breuil et fondent L'Arche avec quelques femmes du noyau sectaire de l'Eau vive[12].

Influence sur des communautés déviantes[modifier | modifier le code]

Thomas Philippe a exercé une importante influence sur Gérard Croissant (« Éphraïm ») et Thierry de Roucy, respectivement fondateurs de la communauté des Béatitudes et de Points-Cœur[13].

Fin de vie[modifier | modifier le code]

Il meurt le au prieuré de Saint-Jodard, chez les frères de Saint-Jean qui le soignaient dans sa vieillesse. C'est son frère, Marie-Dominique Philippe, qui le découvre mort et célèbre ses funérailles à Trosly-Breuil. Il est inhumé près de la chapelle à la Ferme de Trosly-Breuil.

À la demande de L'Arche, son corps est exhumé le 25 mars 2021 et enterré dans le cimetière communal de Trosly-Breuil. En soutien à la famille de Thomas Philippe, une messe est célébrée par Michel-Marie Zanotti-Sorkine[14],[15].

Enquêtes post mortem[modifier | modifier le code]

En 2015, une seconde instruction canonique validée par Pierre d'Ornellas, archevêque de Rennes, affirme que Thomas Philippe s’est rendu coupable d’abus à caractère sexuel dans le cadre de l’accompagnement spirituel sur des femmes majeures. Selon ce document, quatorze personnes (des témoins et une dizaine de victimes) ont été entendues et les conclusions ont confirmé les faits qui se sont déroulés des années 1970 jusqu’en 1991. « Le P. Thomas a eu des agissements sexuels sur des femmes majeures, par lesquels il disait rechercher et communiquer une expérience mystique », peut-on lire dans le document. « Ils attestent une emprise psychologique et spirituelle sur ces femmes auxquelles il demandait le silence car, selon lui, cela correspondait à des “grâces particulières“ que personne ne pouvait comprendre. » L’enquête canonique a permis de confirmer que ces témoignages étaient dignes de foi[16]. La communauté de l'Arche reconnaît la véracité des faits dans un communiqué[17].

Début 2016, l'Avref publie sous pseudonyme le témoignage d'une ancienne religieuse carmélite, Michèle-France Pesneau, dans lequel elle fait état de relations sexuelles sous emprise avec Thomas Philippe et son frère Marie-Dominique Philippe[18]. La publication de ce premier témoignage incite deux autres femmes à témoigner à leur tour quelques semaines plus tard auprès de l'Avref : elles confirment de manière très explicite que Thomas Philippe entretenait des relations sexuelles sous emprise avec elles[19],[20]. En 2019, Michèle-France Pesneau livre son témoignage dans un documentaire diffusé sur Arte et sur la Radio télévision suisse (RTS)[21]. Elle écrit un récit détaillé sur le site de l'association Sentinelle en mars 2020[22] et publie un livre-témoignage en janvier 2021[23]. Le rapport Emprise et abus, enquête sur Thomas Philippe Jean Vanier et L’Arche (1950-2019) paru le 30 janvier 2023 lui est dédié, ainsi qu'aux autres femmes qui ont lancé l’alerte en leur temps[24].

Après le rapport rendu public par l’Arche le 22 février 2020, quatre commissions historiques mandatées par les Dominicains, L'Arche et des Frères de Saint-Jean enquêtent sur les abus des frères Philippe, dont une commission théologique chargée d'étudier les écrits de Thomas Philippe[25]. Deux commissions rendent leurs rapports le 30 janvier 2023 mettant en lumière l'existence de pratiques sectaires[26]. Le rapport de la communauté Saint-Jean est publié le 26 juin 2023[27],[28].

Ouvrages[modifier | modifier le code]

  • La Prière,
  • Le Cœur de Dieu, le Cœur de l'homme, Trosly-Breuil, Les Chemins de l'Arche-la Ferme, , 204 p.
  • Déjà les blés sont blancs pour la moisson : le Lion de Juda au cœur d'une communauté nouvelle, Paris, Le Sarment / Fayard / Éditions du Lion de Juda, , 207 p.
  • Fidélité au Saint-Esprit, Nouan-le-Fuzelier, Éditions du Lion de Juda, , 281 p.
  • Des miettes pour tous : conseils pour la vie intérieure et la prière du cœur, Paris, Éditions Saint-Paul, , 219 p.
  • Le Quart d'heure de prière, Paris, Éditions Saint-Paul, , 31 p.
  • Une nouvelle maturité chez nos aînés, Paris, Éditions Saint-Paul, , 31 p.
  • Les Chemins de lumière chez l'enfant, Paris, Éditions Saint-Paul, , 31 p.
  • L'Éveil à l'amour du tout-petit, Paris, Éditions Saint-Paul, , 31 p.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Étienne Fouilloux, « PHILIPPE Thomas », sur Dictionnaire biographique des frères prêcheurs,
  2. « Le groupe comprend 9 personnes en 1952 et 8 en 1954. Cinq d’entre elles sont identifiées par les témoignages collectés par le Saint-Office comme des « initiées » ou des complices potentielles. Ces cinq femmes aux âges variables (de la vingtaine à la cinquantaine) ne sont pas mariées. Il s’agit de Marguerite Tournoux, qui assure l’accueil téléphonique et la réception des visiteurs, Marise Hueber et Jacqueline d’Halluin, qui assurent le secrétariat, Paulette Posez, responsable de la cuisine et Lucie Denis, qui est affectée à l’infirmerie. Ces listes n’incluent pas cependant toutes les « initiées ». C’est le cas d’Anne de Rosanbo, qui est officiellement écartée pour donner suite au témoignage de M. Guéroult en mars 1952. Mais aussi celui de Myriam Tannhof (Chemla de son nom de jeune fille) qui figure uniquement dans la liste de 1952 parmi le groupe des « ménages ». » Arche 2023, p. 251
  3. Arche 2023, p. 111-112
  4. Arche 2023, p. 94
  5. Arche 2023, p. 82-83
  6. Arche 2023, p. 107
  7. Bernadette Sauvaget et Adrien Franque, « Enquête : «Bienvenue au monastère» sur C8, des dérives à la chaîne », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  8. « L’Arche Internationale publie les résultats de l’enquête sur son fondateur », sur larche.org, .
  9. Céline Hoyeau, « Les frères de Saint-Jean optent pour une complète refondation », La Croix,‎ , p. 18-19 (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le ).
  10. Arche 2023, p. 81
  11. Arche 2023, p. 36
  12. Arche 2023, p. 285-291
  13. Marie-Béatrice Baudet et Sarah Belouezzane, « Violences sexuelles dans l’Eglise : la nébuleuse sectaire des frères Philippe », Le Monde,‎ (lire en ligne Accès payant)
  14. « "Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu’on vous accorde la grâce d’un meurtrier." Actes des Apôtres 3, 14 | Blog », sur Histoire d'une foi, (consulté le )
  15. Céline Hoyeau, « Abus sexuels dans l’Église : les influences souterraines des frères Philippe », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. Céline Hoyeau, « L’Arche fait la lumière sur la face cachée du P. Thomas Philippe », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  17. « Lettre de Patrick Fontaine et Eileen Glass » [PDF], sur L'Arche internationale, (consulté le )
  18. « Témoignage de Anne-claire Fournier » [PDF], sur avref.fr, Avref, (consulté le ).
  19. « Témoignage de Mary Donnely », sur avref.fr, Avref (consulté le ).
  20. Hervé Pinchon, « Témoignage de Cynthia Howard », sur avref.fr, Avref (consulté le ).
  21. « Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église », sur Portail du film documentaire. Film également disponible à la visualisation sur la chaîne Youtube d’Arte.
  22. « Témoignage de Michèle-France Pesneau » [PDF], sur sentinelle-asso.org,
  23. Michèle-France Pesneau, L'Emprise, Golias, , 296 p. (ISBN 978-2-35472-275-3)
  24. Théo Metton-Régimbeau, « "Il me disait : ‘Viens, on va prier ensemble’" : une victime de l’un des fondateurs de l’Arche raconte les abus qu’elle a subis », France Info,‎ (lire en ligne, consulté le )
  25. Céline Hoyeau, « Enquête sur les frères Philippe : des années d’abus en toute impunité », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  26. Christophe Henning et Céline Hoyeau, « Affaire Jean Vanier et frères Philippe, une secte au cœur de l’Église », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )
  27. « Sortie du rapport « Comprendre et guérir » », sur Communauté Saint-Jean, (consulté le )
  28. Céline Hoyeau et Christophe Henning, « Abus sexuels chez les frères de Saint-Jean : un rapport à la fois juge et partie », La Croix,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Xavier Le Pichon, Rapport sur la place du père Thomas Philippe dans la fondation de l'Arche, (lire en ligne)
  • L'Arche internationale, Rapport de synthèse, (lire en ligne [PDF])
  • Michèle-France Pesneau, L'Emprise, Golias, , 296 p. (ISBN 978-2-35472-275-3)
  • Céline Hoyeau, La Trahison des pères, Paris, Bayard, , 351 p. (ISBN 978-2-2274-9870-9, lire en ligne)
  • Florian Michel, Antoine Mourges et al., Commission d’étude mandatée par L’Arche internationale, Emprise et abus, enquête sur Thomas Philippe Jean Vanier et L’Arche (1950-2019), , 907 p. (ISBN 979-10-92137-15-6, lire en ligne)
  • Tangi Cavalin, L'affaire : Les dominicains face au scandale des frères Philippe, Éditions du Cerf, , 766 p. (ISBN 9782204153539)
  • Commission interdisciplinaire des Frères de Saint-Jean, Comprendre et guérir : Origines et analyses des abus dans la Famille Saint-Jean, , 826 p. (lire en ligne [PDF])

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]