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Sémiramis

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Sémiramis
Fonction
Reine d'Assyrie
Titre de noblesse
Reine consort
Biographie
Mère
Conjoint
Enfant
La reine Semiramis (1905), œuvre de Cesare Saccaggi.

Sémiramis est une reine légendaire de Babylone dont le récit est rapporté par Ctésias de Cnide et est reprise par Diodore de Sicile.

Les sources

La source la plus complète à propos de Sémiramis et de sa légende est la Bibliotheca Historica de Diodore de Sicile (vers -). L'auteur y décrit, dans le livre II, l'histoire de l'Assyrie et, en particulier, la vie de l'empereur légendaire Ninus et de son épouse Sémiramis. Le récit est, pour sa plus grande part, inspiré des Persica, récit aujourd'hui disparu, de Ctésias de Cnide (vers -) médecin à la cour d'Artaxerxès II (vers -)[1],[2]. Sa version de l'histoire d'Asie est devenue la tradition « vulgate » utilisée par les historiens grecs et romains dans l'écriture des histoires universelles[3].

La plus ancienne mention grecque de Sémiramis se trouve dans un texte d'Hérodote (vers -) pour qui Sémiramis est avec Nitocris l'une des deux reines babyloniennes les plus importantes de Babylone. Il lui attribue la construction de digues qui ont empêché l'Euphrate d'inonder Babylone et l'appellation d'une des portes de la ville[4].

Le prêtre-historien Bérose, très critique à l'égard des Persica de Ctésias, dans son Babylõniaká (« Histoire de Babylone » écrit en grec entre et ), fait correspondre, dans sa ligne du temps, le nom de Sémiramis à celui de Sammuramat, reine assyrienne de la fin du IXe siècle av. J.-C.[5],[6],[7].

La légende

Sémiramis est la fille de Dercéto (Derketô), une déesse mi-femme mi-poisson qui, selon Lucien de Samosate (IIe siècle av. J.-C.), vit dans un lac voisin d'Ascalon, et de Caÿstros, le fils présumé d'Achille et de Penthésilée (ou d'un jeune Syrien[8]). Cette union est provoquée par Aphrodite. Après la naissance de Sémiramis, Dercéto assassine Caÿstros et se réfugie au fond de son lac en abandonnant sa fille. Le nouveau-né voué à la mort, est pourtant nourri par des colombes dérobant le lait et le fromage dans les bergeries de la région. Découverte par les bergers intrigués par ce manège, elle est confiée à leur chef Simios (principal gardien des troupeaux du roi Ninus de Ninive[8]) qui lui donne le nom de « Sémiramis » (dont le sens fut interprété en « qui vient des colombes » en langue assyrienne)[9].

Devenue jeune femme, elle est remarquée pour sa beauté et son intelligence. Elle épouse Ménonès, un jeune général (ou conseillé) du roi Ninus[8]. Elle conseille son mari de façon si habile qu'il réussit dans la totalité de ses entreprises. Lors d'une expédition en Bactriane, Ménonès en difficulté commet l'erreur d'appeler sa femme qui, prenant la tête d'un groupe de soldats montagnards, s'empare de la citadelle de Bactres et de ses trésors. Ninus tombe amoureux de Sémiramis et contraint Ménonès au suicide. Le roi épouse alors la belle sans difficulté. Elle lui donne un fils Ninyas. Peu de temps après, Ninus meurt et Sémiramis lui succède pour un règne de 42 ans. À la mort de son mari, elle lui fait ériger un tombeau d'une hauteur exceptionnelle[10]. Diodore remarque qu'après la mort de Ninus, elle ne s'est jamais remariée, mais qu'elle a eu de nombreux amants qu'elle a fait disparaître[11].

Pendant son règne, Sémiramis fonde Babylone[12],[10] et y supervise de nombreux travaux de construction, parmi lesquels les célèbres jardins suspendus, le temple de Marduk (ou de Bel) et l'irrigation de l'Euphrate afin de préserver la ville de ses inondations. Cependant, pour l'historienne Stephanie Dalley, si Quinte-Curce écrit au Ier siècle apr. J.-C. que Sémiramis fonde Babylone, Diodore écrit que l'héroïne fonde une grande ville en Babylonie sur l'Euphrate, mais il ne nomme pas réellement cette ville[13]. Il est cependant à noter que, trois siècles plus tôt, Bérose critique les Persica de Ctésias notamment sur le fait que Sémiramis n'est pas la fondatrice de Babylone[5],[14].

Reine guerrière, elle part en campagne contre les Mèdes, les Perses, l’Égypte (où elle interroge l’oracle d’Amon), la Libye, l’Éthiopie, et la Bactriane. Au IIe siècle apr. J.-C., Polyen raconte qu'à la nouvelle de la révolte des Siraques, un peuple installé entre le Caucase et le Don, elle n’hésite pas à interrompre son bain pour partir réprimer la révolte, pieds nus et « sans se donner le temps de raccommoder ses cheveux »[10].

Sa dernière expédition la mène jusqu'à l'Inde, où, face à une armée d'éléphants, elle est blessée par Stabrobatès le roi d'Inde lui-même et refoulée. Elle était à la tête d'une armée de trois millions de fantassins et de 500 000 cavaliers. Lors de son retour d'Inde, elle apprend que son fils conspire avec les eunuques du palais. Fatiguée, elle lui remet alors le pouvoir et disparaît. Elle se transforme alors en colombe et s'envole[10].

Les origines de Sémiramis

Même s'il est évident que le récit de Ctésias/Diodore n'a aucun rapport avec des faits réels — alors qu'il se voulait à l'époque un récit historique —, la légende de Sémiramis n'est peut-être pas une invention totalement inventée par les deux historiens antiques. Plusieurs endroits en Assyrie et à travers la Mésopotamie, la Médie, la Perse, le Levant, l'Asie Mineure, l'Arabie et le Caucase, ont porté le nom de Sémiramis ou l'ont retenu d'une manière ou d'une autre[Note 1]. Le personnage de Sémiramis, reine assyrienne, est fort probablement un personnage légendaire de type syncrétique (composé à partir de plusieurs personnages réels ou fictifs) déjà bien implantée dans le folklore persan ou grec lors de la rédaction des Persica de Ctésias. En dépit des 29 successeurs qui ont été donnés à Sémiramis, suggérant plusieurs siècles de dirigeants, le personnage de la légendaire reine assyrienne semble avoir été largement façonné auprès de deux reines néo-assyriennes dont l'existence est historiquement avérée : les reines Zakutu et Sammuramat[16],[17]. Celles-ci ayant put être revêtue de l'aura d'une déesse kassite proche de la déesse Astarté ou Ishtar[16].

Deux reines assyriennes

La reine assyrienne Sammuramat est l'épouse de Shamshi-Adad V (-) et mère d'Adad-nerari III (-)[18] dont elle semble assurer la régence à la mort de son époux en Pendant les cinq années entre le règne du père et celui du fils, elle détient apparemment pouvoir et son l'autorité semble plus forte que les autres femmes de roi d'Assyrie. La stèle de Pazarcık qui date de mentionne, par exemple, sa participation directe à une campagne militaire avec (ou sans) son fils Adad-nerari III à l'Ouest de l'Euphrate afin de réprimer une révolte dans le sud de l'Anatolie[19],[20]. Après une période d'importance politique pendant laquelle elle semble gouverner aux côtés d'Adad-nerari III son fils, Sammuramat semble abdiquer au profit de ce dernier pour une vie de prêtrise dans l'un des temples d'Assyrie, peut-être le temple de Nabû à Nimroud où des statues lui avaient été précédemment dédiées[21]. Sammuramat meurt probablement vers [22].

D'origine araméenne, Zakutu est la femme de Sennachérib souverain assyrien de à héritier direct de Sargon II. L'un des actes principaux du souverain est l'agrandissement, la fortification et l'embellissement de la ville de Ninive, en faisant d'elle la capitale de l'empire assyrien. En , alors qu'il doit faire face à une rébellion, Sennachérib détruit la ville de Babylone. L'acte lui vaut une réputation de sacrilège et il est tué en Sous le règne de son fils Assarhaddon, Zakutu supervise la reconstruction de Babylone[23].

Il semble donc que le couple Sennachérib/Zakûtu inspire la reconstruction de Ninive par le roi Ninus (équivalent grec du nom « Ninive ») et la fondation de la Babylone par la Sémiramis de la version de Ctésias reprise par Diodore. Il en va de même avec le couple Sammuramat/Shamshi-Adad V : après la mort de l'époux et après une période de régence, un grand nombres de conquêtes sont effectuées par Adad-nerari III, au même titre qu'aurait pu le faire la reine Sémiramis après à la mort de son mari Ninus dont elle avait un fils. Notons que les nombreuses conquêtes attribuées à Sémiramis correspondent à peu près à celles attribuées par les scribes de l'époque au fils de l'historique Sammuramat, Adad-nerari III[12].

Ishtar et les colombes

D'après plusieurs sources babyloniennes et assyriennes, la déesse du pays kassite et en particulier celle de l'Inscription de Behistun — par ailleurs, indiqué par Ctésias/Diodore comme un lieu créé par Sémiramis — se nomme Shimaliya. Celle-ci possède beaucoup de traits communs avec la déesse babylonienne Ishtar, et peut avoir été plus tard absorbée par la figure de la reine Sémiramis[24].

Ishtar, est la déesse babylonienne de l'amour et de la guerre. Comme dans le récit, cette déesse est parfois représentée sous la forme d'une colombe[Note 2]. Dans un autre récit, la Descente d'Ishtar aux Enfers, elle tue également ses amants, tout comme le font Derceto et Semiramis : Derceto supprime Caÿstros avec qui elle conçoit Sémiramis, tandis que Sémiramis, même si elle n'est pas directement responsable de la mort de son compagnon Onnes, pousse tout de même le père de ses deux fils aînés au suicide. En outre, après la mort de Ninus, elle met régulièrement à mort ses amants[26].

Culture

Littérature et musique

Le personnage de Sémiramis a inspiré de nombreux auteurs :

Cinéma

Sémiramis a fait l'objet de plusieurs péplums, dont les films italiens :

Télévision

  • Sémiramis apparaît dans l'œuvre Fate/Apocrypha en tant qu'assassin des Rouges.

Art contemporain

Notes et références

Notes

  1. Il se peut, par exemple, que le nom originel de la ville de Van était Šamiramagerd (« Créée par Šamiram »), au temps où l'Arménie était incluse dans l'Empire assyrien[15].
  2. Il n'est pas impossible d'envisager la colombe comme un symbole de la déesse Ishtar (les deux étant présentes dans plusieurs récits), mais celui-ci n’est pas formellement attesté en Babylonie. Par contre, il l’est bien en ce qui concerne la Palestine où la colombe est le symbole d’Astarté[25]De plus, il semble qu'Astrasté ait également été représentée avec la colombe de la sagesse sur la monnaie phénicienne. En outre, plusieurs descriptions du temple d'Hiérapolis signalent la présence d'une colombe auprès d'une statue de Sémiramis[24].

Références

  1. (en) Jan Stronk, « Semiramis’ Legacy », dans Jan Stronk, Semiramis’ Legacy, Edinburgh, Edinburgh University Press, (DOI 10.1515/9781474414265-015, lire en ligne), p. 526.
  2. Georges Roux, La Mésopotamie, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 9782020236362), p. 346 et 347 pages totales=600
  3. (en) Deborah Gera, Warrior Women : The Anonymous Tractatus De Mulieribus, Oxford, Oxford University Press, coll. « BRILL », , 265 p. (ISBN 978-90-04-10665-9, présentation en ligne), p. 66
  4. (en) Reinhard Bernbeck, « Sex/Gender/Power an Šammuramat: A View from the Syrian Steppe », dans Dominik Bonatz, Rainer M. Czichon, F. Janoscha Kreppner, Fundstellen Gesammelte Schriften zur Archäologie und Geschichte Altvorderasiens ad honorem Hartmut Kühne, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, , 395 p. (ISBN 978-3447057707)
  5. a et b Gera 1997, p. 66.
  6. Roux 1995, p. 347.
  7. (en) Paul‐Alain Beaulieu et Eckart Frahm (éditeur), « Assyria in Late Babylonian Sources », dans A Companion to Assyria, Padstow, Cornwall, John Wiley & Sons Ltd, , 643 p. (DOI https://doi.org/10.1002/9781118325216.ch28), p. 552.
  8. a b et c Joël Schmidt, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Larousse, 1965-1969 (ISBN 2-03-075408-0), p. 279.
  9. Francis Joannès, « Sémiramis, une reine assyrienne de légende », sur histoire-et-civilisations.com, (consulté le ).
  10. a b c et d Francis Joannès 2021.
  11. Bernbeck 2008, p. 353.
  12. a et b Stronk 2017, p. 529-530.
  13. (en) Stephanie Dalley, The mystery of the Hanging Garden of Babylon, Oxford, Oxford University Press, , 303 p., p. 20 & 120.
  14. Beaulieu et Frahm 2017, p. 552.
  15. Stronk 2017, p. 526.
  16. a et b Stronk 2017, p. 526-527.
  17. Bernbeck 2008, p. 3359-364.
  18. Gera 1993, p. 69.
  19. Frahm 2017, p. 174.
  20. Siddall 2013, p. 91, 92.
  21. (en) Stephanie Dalley, « Cultural Borrowings and Ethnic Appropriations in Antiquity », dans Erich S. Gruen, Cultural Borrowings and Ethnic Appropriations in Antiquity. Oriens et Occidens. : Studien zu antiken Kulturkontakten und ihrem Nachleben 8, Stuttgart, Franz Steiner, (ISBN 3515087354), p. 14.
  22. Frahm 2017, p. 174.
  23. Stronk 2017, p. 529.
  24. a et b Stronk 2017, p. 527.
  25. Mathias Delcor, « Allusions à la déesse Ishtar en Nahum 2,8 », Biblica, vol. 58, no 1,‎ , p. 10 (JSTOR 42610820).
  26. (en) Deborah Gera, Warrior Women : The Anonymous Tractatus de Mulieribus, vol. 1, Leyde, Brill, coll. « Mnemosyne suppl. », , 264 p. (ISBN 90-04-10665-0), p. 72.
  27. a et b « La véritable histoire de Sémiramis, la légendaire reine assyrienne », sur National Geographic, (consulté le ).
  28. Earl Jeffrey Richards, « À la recherche du contexte perdu d’une ellipse chez Christine de Pizan : la “coagulence regulée” et le pouvoir politique de la reine », Acadomia,‎ , p. 5 (lire en ligne).
  29. Benoît Dratwicki, Antoine Dauvergne (1713-1797), Wavre/Lagny-sur-Marne, Mardaga / Sodis diff., , 479 p. (ISBN 978-2-8047-0082-9, lire en ligne), p. 250.
  30. Voltaire (1694-1778) Auteur du texte, La tragédie de Sémiramis , par M. de Voltaire. Et quelques autres pièces de littérature du même auteur, qui n'ont point encore paru, (lire en ligne).
  31. Paul Fièvre, « Sémiramis, tragédie », sur theatre-classique.fr (consulté le ).
  32. (en) « Questions sur l’Encyclopédie. Voltaire Foundation » (consulté le ).
  33. https://menoventi.com/fr/semiramis/.
  34. Musée de Brooklyn - Centre Elizabeth A. Sackler - Sémiramis.

Annexes

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Sources

Bibliographie

  • Pierre Marello, « Les Femmes et le Palais » dans Les dossiers d'archéologie no 171, mai 1992, pp. 50-55.

Articles connexes

Liens externes