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La question arménienne est une terminologie utilisée au cours de l'Histoire de l'Europe, en particulier dans les milieux diplomatiques et dans la presse populaire après le congrès de Berlin en 1878. Comme pour la question d'Orient, elle se réfère aux problèmes diplomatiques et politiques relatifs aux Arméniens de l'Empire ottoman, rencontrés par les diplomaties à la suite de la guerre russo-turque de 1877-1878. La question arménienne est donc relative à la sécurité et à la volonté d'autonomie des Arméniens vis-à-vis des communautés environnantes, exprimée approximativement des années 1870 aux années 1910.

Historique[modifier | modifier le code]

Prémices[modifier | modifier le code]

Si la diplomatie européenne s'occupe pour la première fois des Arméniens lors de la révolte de Zeïtoun de 1862, qui voit notamment l'intervention personnelle de Napoléon III[1],[2], c'est surtout à l'issue de la guerre guerre russo-turque de 1877-1878 que la question arménienne émerge véritablement.

De la guerre russo-turque jusqu'au Traité de Berlin (1878)[modifier | modifier le code]

La guerre russo-turque de 1877-1878 voit l'avancée russe en Arménie ottomane, l'armée impériale s'emparant notamment de Bayazet et de Kars[3]. Les Arméniens obtiennent des négociateurs russes l'article 16 du Traité de San Stefano (), qui prévoit des réformes immédiates pour les Arméniens ottomans[4] et dont voici le texte[5],[6],[7],[8] :

« Article 16 : Comme l'évacuation par les troupes russes, des territoires qu'elles occupent en Arménie et qui doivent être restitués à la Turquie, pourrait y donner lieu à des conflits et à des complications préjudiciables aux bonnes relations des deux pays, la Sublime Porte s'engage à réaliser sans plus de retard les améliorations et les réformes exigées par les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Kurdes et les Circassiens. »

Cependant, le Traité de San Stefano est révisé lors du congrès de Berlin, qui a lieu à l'[4],[9]. Une délégation arménienne menée par Mkrtich Khrimian se rend au congrès avec l'assentiment de Nersès Varjapétian[6] pour y porter un projet d'autonomie administrative pour l'Arménie inspiré du statut du Liban de 1861[4],[9],[10],[11]. La délégation de Mkrtich Khrimian n'est toutefois pas admise aux travaux du congrès ; source d'amertume[12], cette situation lui fait avoir la célèbre formule : « Les Puissances puisaient à la marmite avec une louche en acier ; nous autres, Arméniens, n'avions qu'une louche en papier »[6], la louche en papier symbolisant sa pétition. Du congrès découle le Traité de Berlin (), dont l'article 61, consacré aux Arméniens, atténue les promesses de l'article 16 du Traité de San Stefano[4]. En effet, il évoque la nécessité de réformes dans les provinces arméniennes, mais soumet leur application au contrôle des puissances[13],[4],[6],[9],[14] :

« Article 61 : La Sublime Porte s'engage à réaliser sans plus de retard les améliorations et les réformes qu'exigent les besoins locaux des provinces habitées par les Arméniens et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes. Elle donnera connaissance périodiquement des mesures prises à ces effets aux Puissances qui en surveilleront l'application. »

Début de la question arménienne, qui est évoquée pour la première fois lors d'une conférence internationale[15],[16] et qui se retrouve donc « internationalisée »[17], l'article 61 n'est jamais appliqué, mais est source d'espoirs pour les Arméniens, tout en nourrissant la méfiance des autorités ottomanes vis-à-vis de cette minorité[4], ainsi désignée comme la cause d'une menace permanente pour la souveraineté de l'Empire ottoman[6]. Cette question est cependant presque immédiatement oubliée par les grandes puissances, alors occupées à étendre leur empire colonial en Afrique et en Asie, et privilégiant la voie de l'impérialisme économique pour étendre leur influence dans l'Empire ottoman[15]. Ainsi, jusqu'en 1881, les grandes puissances se contentent d'envoyer des notes plus ou moins identiques au sultan lui rappelant ses obligations[17]. Puis, leur concert s'effrite : l'Allemagne et l'Autriche le quittent, et la Russie, gouvernée par Alexandre III après l'assassinat de son père la même année, se désintéresse de la question arménienne[17].

Massacres hamidiens (1894-1896) et projet de réformes (1895)[modifier | modifier le code]

Dans les années 1880 et 1890, les premiers partis politiques arméniens (parti Arménagan, parti social-démocrate Hentchak et Fédération révolutionnaire arménienne) apparaissent ; l'une de leurs revendications est l'application de l'article 61[18]. Ainsi, en 1890, lors de la manifestation de Koum-Kapou, des Hentchakistes forcent le patriarche arménien de Constantinople Horen Ier Achekian à délivrer au sultan un manifeste demandant l'application de l'article 61[19].

Le projet de réformes en Arménie ottomane (1912-1914)[modifier | modifier le code]

Le projet de réformes en Arménie ottomane, aussi appelé accord de Yeniköy, est un plan de réformes négocié entre et par les grandes puissances en faveur des Arméniens ottomans et plus précisément en faveur de leur foyer de peuplement que sont les six vilayets (ou Arménie occidentale), à l'est de l'Empire ottoman. Après des décennies de persécutions qui atteignent leur apogée lors des massacres hamidiens (1894-1896) puis des massacres d'Adana (1909), les Arméniens ottomans, alors en plein éveil national, sont de plus en plus nombreux à demander des réformes au cours du XIXe siècle et au début du XXe siècle, appuyant notamment leurs revendications sur l'article 61 du Traité de Berlin (1878) par lequel l'État ottoman s'était engagé à en mettre en œuvre dans ses provinces orientales sans toutefois avoir tenu cette promesse.

Pendant un an et demi, l'Empire russe, le Royaume-Uni, l'Empire allemand, la France, l'Empire austro-hongrois et l'Empire ottoman, mais aussi les instances dirigeantes des Arméniens ottomans eux-mêmes, négocient un plan de réformes destiné à mettre fin aux exactions subies par les Arméniens ainsi qu'à assurer une certaine autonomie aux provinces arméniennes et ce sous surveillance européenne. Ce plan de réformes, signé le par le gouvernement ottoman, prévoit ainsi la création de deux provinces en Arménie ottomane, chacune administrée par un inspecteur général européen chargé de gérer les questions relatives aux Arméniens. Dernier épisode de la question arménienne avant l'anéantissement quasi-total de cette minorité lors du génocide de 1915, le projet est abrogé le , quelques mois après l'entrée de l'Empire ottoman dans la Première Guerre mondiale, sans jamais avoir été mis en place.

Génocide arménien (1915-1923) et délégations aux conférences de la paix[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Hagop Barsoumian, « The Eastern Question and the Tanzimat Era », dans Richard G. Hovannisian, The Armenian People From Ancient to Modern Times, vol. II : Foreign Dominion to Statehood: The Fifteenth Century to the Twentieth Century, Palgrave Macmillan, (1re éd. 1997), 493 p. (ISBN 978-1-4039-6422-9), p. 200-201
  2. Anahide Ter Minassian 2007, p. 495.
  3. Anahide Ter Minassian 2007, p. 499.
  4. a b c d e et f Anahide Ter Minassian 2007, p. 500.
  5. « Grands traités de paix - Paix de San-Stefano, 1878 », sur mjp.univ-perp.fr
  6. a b c d et e Annie Mahé et Jean-Pierre Mahé, Histoire de l'Arménie des origines à nos jours, Paris, Éditions Perrin, coll. « Pour l'histoire », , 745 p. (ISBN 978-2-262-02675-2, BNF 42803423), p. 440-441
  7. Richard G. Hovannisian 2004, p. 208-209.
  8. Krikor Zohrab 1913, p. 27.
  9. a b et c Richard G. Hovannisian 2004, p. 209.
  10. Hans-Lukas Kieser, Mehmet Polatel et Thomas Schmutz 2015, p. 286.
  11. Texte disponible dans Krikor Zohrab 1913, p. 28-30 : [lire en ligne]
  12. Richard G. Hovannisian 2004, p. 210.
  13. « Grands traités politiques - Congrès de Berlin de 1878 », sur mjp.univ-perp.fr
  14. Krikor Zohrab 1913, p. 31.
  15. a et b Claire Mouradian 2003, p. 70.
  16. Richard G. Hovannisian 2004, p. 203.
  17. a b et c Richard G. Hovannisian 2004, p. 212.
  18. Claire Mouradian 2003, p. 72.
  19. Richard G. Hovannisian 2004, p. 218.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Histoire générale de l'Arménie[modifier | modifier le code]

Question arménienne[modifier | modifier le code]

Mouvement arménophile[modifier | modifier le code]

  • Edmond Khayadjian, Archag Tchobanian et le mouvement arménophile en France, Marseille, Centre Régional de Documentation Pédagogique, , 352 p. (ISBN 2-86614-093-1). 2e édition : Sigest, Alfortville, 2001
  • Vincent Duclert et Gilles Pécout, « La mobilisation intellectuelle face aux massacres d'Arménie », dans André Gueslin et Dominique Kalifa (dir.), Les Exclus en Europe (1830-1930), Paris, Éditions de l'Atelier, coll. « Patrimoine », , 480 p. (ISBN 978-2708234154), p. 323-344
  • Agnès Vahramian, « De l'Affaire Dreyfus au mouvement arménophile : Pierre Quillard et Pro Armenia », Revue d'histoire de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine, nos 177-178 « Ailleurs, hier, autrement : connaissance et reconnaissance du génocide arménien »,‎ , p. 335-355 (ISBN 978-2850566400)
  • Claire Mouradian (dir.), Edmond Khayadjian, Anahide Ter Minassian, Dzovinar Kévonian et Léon Ketcheyan, Arménie, une passion française : Le mouvement arménophile en France, 1878-1923, Paris, Magellan et Cie, , 160 p. (ISBN 978-2-35074-072-0)
  • Vincent Duclert, « Jean Jaurès et la défense des Arméniens : Le tournant du discours du 3 novembre 1896 », Cahiers Jaurès, vol. 217, no 3,‎ , p. 63-88 (DOI doi.org/10.3917/cj.217.0063, lire en ligne Accès libre)

Liens externes[modifier | modifier le code]