Nouvelle cuisine

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La Nouvelle Cuisine est un mouvement culinaire suscité en France en 1973 par les critiques gastronomiques Henri Gault et Christian Millau.

Genèse

L'appellation doit être comparée à celles qui marquent une nouvelle tendance de pensée apparue après la Deuxième Guerre mondiale : la Nouvelle Critique littéraire, le Nouveau Roman, la Nouvelle Vague. Cependant, l'expression n'est pas neuve : elle a déjà été utilisée au XVIIIe siècle comme en atteste Voltaire, qui ne la prisait pas[1].

La Nouvelle Cuisine a largement été influencée par le travail précurseur de Fernand Point et, dans les années 70, Michel Guérard, qui a été l'un de ceux qui ont le plus contribué à la développer et à la faire connaître. Elle est née chez des cuisiniers formés par les grands chefs de la Haute cuisine, qui se sont détournés des traditions pour pratiquer différemment leur art.

La Nouvelle Cuisine a bénéficié des liens qui se sont établis entre le nouveau guide, ses chefs, et une nouvelle clientèle, notamment composée d'hommes d'affaires. Elle a joué un rôle dans la définition d'une "nouvelle gastronomie" et a contribué à faire reconnaître davantage le statut social du cuisinier. Elle a influencé la cuisine des maisons bourgeoises, pour l'allègement des menus dans les années 1970, et la haute gastronomie dans le monde entier.

Au centre d'une assiette blanche à fin bord vert, un moulage de coquilles Saint-Jacques est posé en équilibre sur des morceaux de fenouil cuits et surmonté d'une fleur de couleur bordeaux et de quelques feuilles. De la sauce orange pâle entoure partiellement l'ensemble.
Coquilles Saint-Jacques au fenouil et sauce à la tangerine

Caractéristiques

La formule proposée par Gault et Millau, « Nouvelle Cuisine », fait mouche et attire l'attention sur des jeunes cuisiniers qui voulaient secouer les dogmes de la Haute Cuisine, reposant sur un répertoire limité de recettes (Poisson au beurre blanc de La Mère Michel, Canard au sang de La Tour d'Argent, Cassolette de filets de sole de Lasserre, Tournedos Rossini, sole Dugléré, etc.)

Un autre point commun à ces cuisiniers – dont les plus connus sont Paul Bocuse, les frères Troisgros, Alain Chapel, Alain Senderens, Roger Vergé et Gérard Vié - est de bannir la mise en place qui comportait la perpétuelle préparation de fonds, sauces et mets préparés à l'avance pour être réchauffés avant d'être servis. Ils travaillent les produits qu'ils choisissent eux-mêmes au marché juste avant de les servir.

Ils cherchent pour les sauces la légèreté déjà trouvée par André Guillot en 1934 ; les liaisons à base de farine sont abandonnées au profit de sauces légères à base de fines herbes, d’épices, de jus de viande, d’essences et d’infusions.

Ils utilisent les juliennes de petits légumes comme Alex Humbert, et adaptent leurs menus en fonction du choix du marché comme l'avait fait Raymond Oliver.

Ils utilisent les épices par petites touches, pour faire ressortir le goût du produit qu'elles accompagnent et non pour les mettre en valeur elles-mêmes.

Ils utilisent de nouveaux outils (mixeur, sorbetière, réfrigérateur, casserole anti-adhésive de type Tefal, micro-onde...) et, sous l'influence des diététiciens, préfèrent cuire à la vapeur, en papillotes ou au bain-marie, mouiller brièvement, griller, rôtir – en résumé, cuire rapidement à la plus basse température possible pour respecter la saveur originelle des aliments et leur garder vitamines et sels minéraux.

Les portions servies sont restreintes, le nombre de services l'est drastiquement par rapport à l'Ordonnance du grand repas français au XIXe siècle. Cela correspond aussi au souci de minceur exprimé par la société française, particulièrement pour les femmes.

Désirant stimuler chacun des cinq sens et particulièrement le visuel, la Nouvelle Cuisine privilégie la présentation et l’aspect des aliments au lieu de les surcharger de garnitures qui recouvraient des comestibles parfois surcuits. Elle rejoint cependant en cela une constante de la cuisine française qui a toujours accordé de l'importance au decorum. Le jeu de mots sur les appellations des mets n’est pas négligé non plus : on sert du gigot de poisson, des darnes[2] de viande, des compotes de légumes, des soupes de fruits…

Les 10 commandements de la nouvelle cuisine

Edictés par Christian Millau et Henri Gault en 1973 [3], ces commandements étaient censés illustrer la ligne de conduite de tous les chefs qui voulaient s’inscrire dans les valeurs modernes de la cuisine dans les années 70.

1 « Tu ne cuiras pas trop. »

2 « Tu utiliseras des produits frais et de qualité. »

3 « Tu allégeras ta carte. »

4 « Tu ne seras pas systématiquement moderniste. »

5 « Tu rechercheras cependant ce que t’apportent les nouvelles techniques. »

6 « Tu éviteras marinades, faisandages, fermentations, etc. »

7 « Tu élimineras les sauces riches. »

8 « Tu n’ignoreras pas la diététique. »

9 « Tu ne truqueras pas tes présentations. »

10 « Tu seras inventif. »

Diffusion de la Nouvelle Cuisine

Au centre d'une assiette blanche bordée de feuilles vertes portant la marque du restaurant Lameloise, quatre bouchées. L'une avec des petits pois surmontés d'une sorte de chips, une autre contenant un ognon, un peu de tomate, un mini-poireau surmontés de persil plat. Les deux dernières, accolées, contiennent une sorte de confiture de myrtille, surmontée d'une mousse vert pâle en forme ovoïdale et de persil plat. Deux taches d'une sauce brune achèvent la décoration.
Chez Jacques Lameloise.

Les guides de Gault et Millau, mais plus encore les médias audio-visuels, mettent cette nouvelle cuisine en évidence et entretiennent la controverse.

Raymond Oliver apparait le premier dans une émission de télévision hebdomadaire qui va durer quatorze ans et faire de lui une star.

D'autres chefs y acquièrent de la notoriété et une richesse suffisante, pour devenir de véritables hommes d'affaires ouvrant leurs propres restaurants et investissant dans d'autres projets.

Paul Bocuse est le premier à diffuser cette cuisine à l'étranger où elle remporte un grand succès.

Le déclin

Ce succès « mondial » incite d'autres cuisiniers, moins formés ou moins doués, à pratiquer cette nouvelle cuisine mais sans en respecter totalement les règles, ce qui provoque une baisse de la qualité et alimente le discours de certains de ses détracteurs qui la tournent en dérision car des portions minuscules sont souvent présentées sur des assiettes disproportionnées.

L'imitation devient plagiat, voire caricature et une « industrie de la Nouvelle Cuisine » se développe et aboutit aux stéréotypes des petits légumes, terrines de poisson, mousses de légumes, etc. au point que certains de ces innovateurs, comme Bocuse, vont affirmer leur retour aux valeurs d'Auguste Escoffier.

Dans les années 1980, « Nouvelle Cuisine » a même parfois une connotation péjorative. Elle laisse depuis la place à, « d'un côté, la mise en concurrence de hautes cuisines nationales de plus en plus nombreuses et, de l'autre, l'affrontement de la cuisine technico-conceptuelle avec la cuisine supernaturelle[4]. Ce qui donne lieu, à chaque fois, à de beaux affrontements entre néophiles et néophobes »[5]. La mondialisation conduit depuis à des cuisines transnationales avec l'internalisation (en) de la consommation alimentaire de masse[6].

En dépit de l’héritage controversé de la Nouvelle Cuisine, il est indéniable que nombre de ses acquis ont été intégrés dans la cuisine actuelle et dans le monde entier :

  • Les produits doivent être frais et de qualité.
  • Le temps de cuisson doit être court et précis.
  • Les sauces doivent être légères.
  • L'esthétique doit être présente autant que la saveur et la diététique.

Notes et références

  1. Œuvres de Voltaire avec des remarques et des notes historiques, scientifiques et littéraires. Correspondance générale, Tome XI, P. Pourrat Frères, Paris, 1839.
  2. Darne : « Tranche de gros poisson taillée à cru », CNRTL. Entrée en ligne Sur le site cnrtl.fr
  3. Les 10 commandements de la nouvelle cuisine - GaultMillau
  4. Cuisine prônée par Joël Robuchon, Michel Guérard ou René Redzepi.
  5. Jean Lebrun, « La nouveauté en cuisine », émission La Marche de l'Histoire sur France Inter, 6 mai 2013
  6. Bénédict Beaugé, op. cité, p. 285

Annexes

Bibliographie

  • Louis Nicolardot, James B. Herndon, Histoire de la table : curiosités gastronomiques de tous les temps et de tous les pays, E. Dentu, 1868
  • Georges Santoni, Société et culture de la France contemporaine, Suny Press, 1981
  • Isabelle Terence, Le monde de la grande restauration en France : la réussite est-elle dans l'assiette ?, L'Harmattan, Paris, 1996
  • Alain Drouard, Jean-Pierre Williot, Collab. Alberto Capatti, Collectif, Histoire des innovations alimentaires. XIXe et XXe siècles, L'Harmattan, Paris, 2007
  • Bénédict Beaugé, Plats du jour - Sur l'idée de nouveauté en cuisine, Métailié, 2013
  • Bénédict Beaugé, Aventure de la cuisine française, Editions du Nil, 1999

Article connexe