Les Nuits d'été

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Les Nuits d'été (op.7) sont un cycle de six mélodies composées par Hector Berlioz sur des poèmes de Théophile Gautier, tirés d'un recueil paru en 1838, La comédie de la mort. Écrites entre 1834 et 1838 et publiées en juin 1841, ces mélodies, d'abord accompagnées au piano, étaient composées pour une seule voix de ténor ou de mezzo-soprano.

Ultérieurement, en 1856 (dès 1843 pour Absence), Berlioz orchestra la partie instrumentale et confia chaque mélodie à une voix différente, ce qui l'obligea à effectuer une transposition des airs[1]. Toutefois les interprétations modernes sont en général confiées à une même voix.

Le titre est un clin d'œil au Songe d'une nuit d'été de William Shakespeare[1].

Instrumentation

L'orchestre est restreint à des proportions de musique de chambre. L'économie de l'écriture est remarquable : aucune mélodie ne fait intervenir l'ensemble de l'orchestre. Les cors n'interviennent pas dans la première mélodie, dont l'accompagnement est d'abord confié aux seuls instruments à vent. Les bassons se taisent dans la seconde et la quatrième, le hautbois dans la troisième. La mélodie Au cimetière n'est accompagnée que par les flûtes, les clarinettes et les cordes.

Le tableau suivant donne le détail des variations de l'orchestre :

Instrumentation des Nuits d'été
Villanelle Le spectre de la rose Sur les lagunes Absence Au Cimetière L'île inconnue
2 flûtes 2 flûtes 2 flûtes 2 flûtes 2 flûtes 2 flûtes
Hautbois Hautbois Hautbois Hautbois
2 clarinettes
en La
2 clarinettes
en La
2 clarinettes
en Sibémol
2 clarinettes
en La
2 clarinettes
en La
2 clarinettes
en Sibémol
Basson
soliste
2 bassons 2 bassons
2 cors
en Mi
Cor en Ut
Cor en Fa grave
Cor en La (alto)
Cor en Ré
Cor en Fa
Cor en Ut
Cor en Sibémol
Harpe
1ers violons 1ers violons 1ers violons 1ers violons 1ers violons 1ers violons
2nds violons 2nds violons 2nds violons 2nds violons 2nds violons 2nds violons
altos altos altos altos altos altos
violoncelles violoncelles violoncelles violoncelles violoncelles violoncelles
contrebasses contrebasses contrebasses contrebasses contrebasses contrebasses

Analyse

Villanelle

Cette mélodie, allegretto en La majeur, respecte la structure en trois strophes du poème de Gautier. D'abord accompagné par les flûtes, les clarinettes et le hautbois, pp très légers et staccatto, le chant se développe avec simplicité. Les violoncelles lui répondent, un solo de basson la rejoint. Pour la seconde strophe, les altos et violoncelles jouent en canon la mélodie chantée. Berlioz parvient à éviter la mièvrerie qui menace toujours les poèmes d'inspiration bucolique ou « champêtre ».

Le Spectre de la Rose

Sur ce poème célèbre, qui servit également d'argument en 1911 à la chorégraphie de Michel Fokine pour un ballet du même titre, Berlioz avait composé une mélodie en arpèges, puis en accords et en trémolo brisé au piano, en Ré majeur. Transposant la mélodie (en Si majeur) pour l'orchestrer, le compositeur ajouta huit mesures de prélude et enrichit les détails d'ornementation dans l'accompagnement, en particulier aux violons. Le timbre de la harpe est réservé pour les vers où Gautier exprime le « léger parfum » qui est « l'âme » de la rose.

Sur les Lagunes (Lamento)

Cette mélodie, d'abord écrite en Sol mineur, puis transposée un ton plus bas, est dominée par l'appel du cor en Fa, sur une seconde mineure que l'on retrouve dans de nombreuses partitions de Berlioz [2]. Tout le romantisme du « départ », même du naufrage, qui sera développé dans les Troyens, est déjà présent dans cette pièce mélancolique aboutissant à un soupir, aux limites du silence.

Absence

Un autre thème majeur de l'œuvre de Berlioz, ce « mal de l'isolement » dont les Mémoires donnent un douloureux témoignage, constitue l'argument de cette mélodie écrite dans la tonalité, rare, de Fa dièse majeur, où la sensible (mi dièse) provoque une dissonance insistante dans le refrain du poème.

Au Cimetière (Clair de lune)

Cette mélodie, un modèle de transparence et de clarté dans l'écriture instrumentale, est en Ré majeur. Le chant (noté pour ténor, bien que la majorité des réalisations en concert soit pour voix de femme) entre pp à un quart de voix. Pour l'évocation des fantômes, à la mes.87, Berlioz a recours aux harmoniques des cordes, qu'il avait merveilleusement employés dans le scherzo de la reine Mab de son Roméo et Juliette en 1839.

La ligne vocale, à trois temps, est si limpide qu'on ne s'aperçoit pas des irrégularités métriques du poème de Gautier. L'humour délicatement ironique de la fin du poème trouve son équivalent musical dans le pizz. des violoncelles. Toute la fin est notée ppp perdendo.

Ce poème a été mis en musique par Henri Duparc en 1883.

L'Ile inconnue

Pour achever le cycle, cette mélodie fait intervenir tous les instruments à l'exception de la harpe. Le contraste avec la fin de la mélodie précédente, débutant ici avec un tutti, f allegro spiritoso, renouvelle l'intérêt musical et l'attente de l'auditeur.

L'ironie du poème, plus marquée, se trouve soulignée par des arpèges de clarinettes dans le médium, mes.96 et suivantes, comme un rire un peu « gros » sous les vers répondant à la demande de la bien-aimée, qui souhaite qu'on la mène à « la rive fidèle, où l'on aime toujours » :

Cette rive, ma chère,
On ne la connaît guère
Au pays des Amours.

Berlioz s'autorise, pour cette fois seulement, une répétition des mots du poème.

L'exécution de l'ensemble est d'environ trente-trois minutes.

Influence

Avec les Nuits d'été, Berlioz crée un modèle de mélodie française débarrassé de la « romance » de salon (avec piano obligé), de la « cantate » religieuse ou profane, et de la « scène d'opéra ». Un demi-siècle plus tard, Ernest Chausson composera sa Chanson perpétuelle pour soprano, piano et quatuor à cordes, sur un poème de Charles Cros. Gabriel Fauré arrangera la bonne chanson avec quatuor à cordes.

Au début du XXe siècle, l'abandon de l'orchestre post-romantique conduira Maurice Ravel à composer ses trois poèmes de Mallarmé, et Maurice Delage ses quatre poèmes hindous pour un effectif très proche de celui employé par Berlioz.

Discographie sélective

À noter que Anne Sofie von Otter, Véronique Gens, Janet Baker, ont enregistré plusieurs fois l'œuvre soit au concert, soit de nouveau en studio avec différents chefs.

Pour les versions voix/piano, se reporter aux enregistrements de José Van Dam, Jean-Philippe Collard, Isabelle Druet ou encore Marie-Nicole Lemieux (contralto) accompagnée par Daniel Blumenthal.

Filmographie sélective

Références

  1. a et b L'éducation musicale septembre/octobre 2002
  2. Offertorium du Requiem, Détresse de Joseph et Marie à Saïs dans L'Enfance du Christ, etc.