Institut dentaire George-Eastman (Paris)

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Institut dentaire George-Eastman
L'institut vu depuis le parc de Choisy.
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Fondation
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Carte
L'institut vu depuis la rue George-Eastman.

L'institut dentaire George-Eastman est un centre médical de soins dentaires situé au 11 rue George-Eastman dans le 13e arrondissement de Paris, le long du parc de Choisy. Construit sur les plans d'Édouard Crevel dans les années 1930 grâce à une donation de l'industriel américain George Eastman, il se caractérise par ses murs en briques rouges ornés de sculptures monumentales de Carlo Sarrabezolles.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment est réquisitionné par la Wehrmacht comme hôpital militaire, avant de servir de centre de répression contre les collaborateurs lors de l'épuration qui fait suite à la Libération de Paris. Il revient ensuite à sa destination initiale de centre bucco-dentaire puis, en 2019, est inscrit aux monuments historiques et réaménagé.

Historique[modifier | modifier le code]

Fondation[modifier | modifier le code]

L'établissement est créé au milieu des années 1930 sous le nom de Fondation George-Eastman en vue de surveiller l'hygiène dentaire des enfants parisiens, à partir d'une donation de l'industriel américain George Eastman, inventeur de la pellicule photographique et fondateur de Kodak. Le bâtiment est conçu par Édouard Crevel, architecte en chef de la Ville de Paris et de la préfecture de la Seine.

La construction de l'institut est d'abord envisagée en 1934 dans le quartier des Épinettes, dans le 17e arrondissement[1]. Néanmoins, la destruction en 1933 de l'usine à gaz d'Ivry libère un terrain pour l'aménagement du parc de Choisy, demandé depuis 1930 par le conseiller municipal communiste Louis Gélis[1]. Le projet de l'institut vient donc se greffer sur celui du parc et sera bâti sur son emprise[1]. Le parc est dessiné par un autre architecte de la Ville de Paris, Roger Lardat[1].

La première pierre de l'institut est posée le , et il est inauguré le [2]. Carlo Sarrabezolles en conçoit en 1938 les décorations intérieures et extérieures, et Raymond Subes réalise certaines ferronneries[3].

La rue George-Eastman est ouverte à la même époque, en 1937, et prendra son nom en 1947[2].

Seconde Guerre mondiale et occupation[modifier | modifier le code]

Pendant la Seconde Guerre mondiale et l'occupation de Paris, il sert d'hôpital militaire pour les soldats allemands. Il est réquisitionné le sous le nom Wehrmacht Zahnklinik Eastmann [sic] der Kriegslazarett, Abteilung 680 (littéralement « Clinique dentaire de l'hôpital militaire, département 680 »)[4],[5].

Libération et épuration[modifier | modifier le code]

Lors de la Libération de Paris en , ce bâtiment est tenu par des FTP, souvent des résistants de la dernière heure (baptisé ironiquement FFS pour « Forces françaises de septembre »[6]) avec à leur tête le capitaine Bernard (René Sentuc) nommé par le colonel Fabien. Le bâtiment sert officiellement, lors de l'Épuration, de centre de répression contre les collaborateurs, mais devient officieusement un centre clandestin de séquestration et d'exécution, où plus de deux cents personnes sont incarcérées et torturées, souvent sur simple dénonciation, entre le et le [6].

Le collaborateur Jean-Pierre Abel, arrêté le , y passe 76 jours et publie en 1948 L'Âge de Caïn[7] dans lequel il raconte sa détention.

Arrêtée par erreur, Madeleine Goa est fusillée dans l'enceinte de l'institut et son corps criblé de balles sera retrouvé abandonné dans la rue par la police ; son mari est jeté sous un char de la division Leclerc. Après enquête, il s'avère qu'ils avaient protégé des résistants et caché des Juifs et des parachutistes. Trente-huit personnes détenues dans l'institut sont exécutées sur les bords de la Seine et leurs cadavres sont par la suite repêchés[8],[9].

René Sentuc ne sera arrêté pour ces faits qu'en 1952, mais bénéficiera de la loi d'amnistie de 1953 pour les infractions commises pendant la guerre[10].

En 2022, le polar J'étais le collabo Sadorski[11] de Romain Slocombe prend pour scène l'Institut dentaire pendant l'épuration[12].

Après guerre[modifier | modifier le code]

Après la guerre, le bâtiment retrouve sa vocation et abrite un centre bucco-dentaire municipal et depuis 1991 deux laboratoires de la mairie de Paris (laboratoire d'hygiène de la ville de Paris et laboratoire d'étude des particules inhalées).

Il est inscrit dans sa totalité aux monuments historiques par arrêté du [13]. En , dans le cadre du projet « Réinventer Paris 2 », son réaménagement est confié à la Compagnie de Phalsbourg[14].

Description[modifier | modifier le code]

Bâtiment[modifier | modifier le code]

Le bâtiment est construit sur une ossature métallique supportant une double paroi de briques rouges[15], dont les joints horizontaux sont accentués et les joints verticaux diminués[16]. L'architecture de l'institut, « sobre et monumentale, peut être vue comme un savant compromis entre le style épuré des avant-gardes et un respect des modes de composition à la française »[17].

Sculptures de Sarrabezolles[modifier | modifier le code]

Carlo Sarrabezolles a réalisé sept médaillons pour l'institut, cinq à l'intérieur et deux à l'extérieur.

Les cinq médaillons intérieurs sont des bronzes représentant l'enfant dans ses activités vitales : le sommeil, le repas, le jeu, l'étude et la musique[18],[19].

Les deux médaillons extérieurs, ornant la façade côté jardin, sont des hauts-reliefs en pierre représentant des figures allégoriques tirées notamment de la mythologie grecque :

  • Sur l'aile est, George Eastman, fondateur de Kodak, offrant à la France l'institut de stomatologie qui porte son nom représente l'Amérique, accompagnée du dieu de la médecine Esculape avec son serpent, traversant l'Atlantique sur une barque ornée des étoiles du drapeau américain, pour offrir l'institut à la France et à un enfant qui lui tendent les bras[18],[19].
  • Sur l'aile ouest, La Santé publique triomphant de la maladie[20],[21],[22] représente la maladie vaincue par la médecine, personnifiées par l'hydre tuée par Hercule, dans le deuxième de ses douze travaux. L'hydre prend ici la forme d'une créature au corps humain avec deux queues de serpent à la place des jambes, dont l'une empoisonne un enfant ; elle est terrassée par un Hercule triomphant, armé de sa massue à la main droite et d'un pavot à la main gauche[18],[19].

Ferronneries de Subes[modifier | modifier le code]

Blason de Paris au-dessus de la porte d'entrée de Raymond Subes.

Raymond Subes a réalisé certains éléments de ferronnerie, dont la porte d'entrée principale. Celle-ci était située initialement côté jardin et se trouve actuellement côté rue[3]. Il s'agit d'une porte vitrée à double vantail et double poignée[23]. Son chambranle, formant en plan des redents, avance en saillie[23]. À son sommet est fixée une sculpture représentant le navire du blason de Paris, exécutée en cuivre repoussé au marteau et patiné[23].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d CVP 2018, p. 44–45.
  2. a et b Berlière et Liaigre 2012.
  3. a et b CVP 2018, p. 47.
  4. Desprairies 2008.
  5. Hier Aujourd'hui, « soldats allemands devant l'institut de stomatologie Eastman, rue George Eastman », sur Flickr, d'après Desprairies 2008.
  6. a et b Nicolas Jacquard, « Les purges aveugles de la Libération », Le Parisien, .
  7. Jean-Pierre Abel (pseudonyme de René Château), L'Âge de Caïn : Premiers témoignages sur les dessous de la libération de Paris, Paris, Les Éditions nouvelles, , 239 p.
  8. Jean-Marc Berlière et Liaigre, Ainsi finissent les salauds
  9. Dominique Richard, « Une balle dans la tête et une corde de soie au cou », Sud Ouest, .
  10. Christine Masuy, « 1944, le temps de la vengeance », Télépro, (consulté le ).
  11. Romain Slocombe, J'étais le collabo Sadorski : L'Épuration comme vous ne l'avez jamais vue, Paris, Robert Laffont, coll. « La Bête noire », (ISBN 978-2-221-25974-0 et 978-2-221-25975-7, lire en ligne).
  12. Philippe Blanchet, « Un automne à Paris », Le Figaro Magazine,‎ , p. 74.
  13. « Institut dentaire George Eastman », notice no PA75130008, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  14. H. G., « Paris : Une réinvention soignée pour l'institut George-Eastman », Le Moniteur, .
  15. « Journées du Patrimoine 2010 - Paris 13ème », Le Figaro, .
  16. Bernard Marrey, « La maçonnerie : À Paris au début du siècle », Monuments historiques, no 185 « Le patrimoine en brique »,‎ , p. 85–86.
  17. Simon Texier, Action artistique de la ville de Paris, Le 13e arrondissement : Itinéraires d'histoire et d'architecture (publié à l'occasion de l'exposition Paris en 80 quartiers à la mairie du 13e arrondissement, -), Paris, Mairie de Paris, Direction générale de l'information et de la communication, coll. « Paris en 80 quartiers » (no 13), , 143 p. (ISBN 2-913246-13-3), p. 65.
  18. a b et c Geneviève Sarrabezolles-Appert et Marie-Odile Lefèvre, Carlo Sarrabezolles : Sculpteur et statuaire, 1888-1971, Paris, Somogy, (réimpr. 2003), 191 p. (ISBN 2-85056-572-5 et 2-85056-646-2), p. 152–153.
  19. a b et c « L’institut George Eastman à Paris 13 (75) », sur petit-patrimoine.com.
  20. Georges Belleiche, Statues de Paris : Les rues de la rive gauche, Paris, Massin, , 204 p. (ISBN 978-2-7072-0528-5), p. 170.
  21. Marc Gaillard (photogr. Françoise Masson), Les fontaines de Paris : Guide historique, Amiens, Martelle, , 206 p. (ISBN 2-87890-049-9), p. 146.
  22. « Square de Choisy », sur Les statues de rue de Paris.
  23. a b et c « Subes, ferronnier d'art », L'Architecture française, vol. 2, no 4,‎ , p. 37 (lire en ligne).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sources générales sur l'institut :

Sources sur l'histoire de l'institut pendant la Seconde Guerre mondiale :

Filmographie[modifier | modifier le code]

  • Joseph Beauregard, Règlements de comptes à l'Institut : Paris, -, documentaire, 52 min, diffusé sur Histoire TV, .

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]