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Apaches (voyous)

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Portant une casquette plate à visière de titi parisien, un foulard rouge, un veston sur pull rayé, un pantalon « mince des g'noux et large des pattes » (Aristide Bruand)[1] ainsi que des chaussures luisantes de cirage, un apache surdimensionné domine la police parisienne qu'il menace de son surin. À l'arrière-plan, un bourgeois gît dans son sang tandis qu'une bande d'apaches s'en prend à un policier. La légende de l'illustration affirme : « L'apache est la plaie de Paris. Plus de 30 000 rôdeurs contre 8 000 sergents de ville » (supplément illustré du Petit Journal, ).
Par une série de unes consacrées à l'« apacherie », le quotidien participe pleinement à la campagne sécuritaire lancée par Le Matin, notamment contre le projet d'abolition de la peine de mort débattu à l'époque[2],[3],[4]

Les apaches sont des bandes criminelles du Paris de la Belle Époque. Ce terme, qui apparaît vers 1900, résulte d'une construction médiatique basée sur un ensemble de faits divers. En 1902, deux journalistes parisiens, Arthur Dupin et Victor Morris, nomment ainsi les petits truands et voyous de la rue de Lappe (dans le 11e arrondissement de Paris) et « marlous » ceux de Belleville, qui se différencient de la pègre et des malfrats (notamment la bande à Bonnot) par leur volonté de s'afficher et, parfois, par la revendication de cette appellation.

L'apacherie désigne ainsi la manière d'être ou de parler des apaches[5].

Origines du phénomène

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Publiée dans Le Matin, cette carte de Paris pointe les « fiefs » des gangs apaches ().

Les premières utilisations attestées du terme « apache » remontent à 1900. Le terme y est alors utilisé par le journal Le Matin pour décrire une bande bellevilloise, caractérisée par un grain de beauté tatoué sur la joue droite ou sous l'œil. Il est popularisé en , lors de l'assassinat de deux ouvriers dans la rue Piat[6]. C'est à cette occasion que le journaliste du Matin Henri Fouquier élabore une première véritable définition du terme « apache » dans la presse :

« Par contre, nous avons l'avantage de posséder, à Paris, une tribu d'Apaches dont les hauteurs de Ménilmontant sont les Montagnes rocheuses. Ceux-ci font beaucoup parler d'eux [...]. Ce sont des jeunes hommes pâles, presque toujours imberbes, et l'ornement favori de leur coiffure s'appelle les rouflaquettes. Tout de même, ils vous tuent leur homme comme les plus authentiques sauvages, à ceci près que leurs victimes ne sont pas des étrangers envahisseurs, mais leurs concitoyens français. »

Cette première définition associe durablement les apaches à des bandes de jeunes effectuant des actes de violence gratuite, de vols associés à de la violence, ou même des viols[7].

Photographie d'identité judiciaire de Joseph Pleigneur, dit Manda.
Photo d'identité judiciaire de François Leca.
Amélie Élie dite « Casque d'Or » (carte postale, vers 1900).

Le terme se généralise en 1902, lors de l'affaire Casque d'Or, du surnom donné à la prostituée Amélie Élie : deux bandes s'y affrontent alors pour cette prostituée. Les deux « chefs » rivaux, Manda et Leca, y sont alors qualifiés d'« apaches », sans que l'information soit pour autant vérifiable ou certaine, permettant aux journaux d'utiliser ce terme intrigant et percutant dans les titres de leurs articles[8]. Entre le et le , Casque d'Or publie ses « Mémoires » en dix-huit livraisons dans la revue littéraire Fin de siècle[9]. Si l'authenticité de ces mémoires est soumise à caution[10],[11], ce feuilleton donne un nouveau souffle au phénomène apache dans la presse. Dès lors, le terme se généralise pour couvrir également le proxénétisme et la prostitution[7], et, à partir de 1903, est utilisé pour décrire l'ensemble de la pègre parisienne – mais aussi, ponctuellement, pour décrire des criminels originaires de Lyon, Bordeaux ou Marseille[8]. L'« apache » demeure cependant profondément associé à la capitale : Le Matin déclare ainsi le qu'il « fait partie des curiosités parisiennes au même titre que la Tour Eiffel ou les Invalides »[12].

La paternité exacte de l'expression est incertaine. Elle est souvent attribuée aux rédacteurs en chef des principaux journaux de l'époque qui relataient les faits de ces voyous (Le Matin et Le Petit Journal), mais pourrait également provenir d'une description indignée du comportement de jeunes délinquants ou bien, directement, des jeunes concernés eux-mêmes[13]. Pour l'historien Dominique Kalifa, le terme renvoie à la fois au « roman de la prairie » et au « mythe romantique des barbares »[6] – il s'ancre en effet dans les stéréotypes de la culture populaire et le succès de l'image du Far West[13],[14].

Le Petit Journal illustré du décrit ainsi les origines du terme :

« J'ai vu souvent des gens s'étonner de cette dénomination appliquée aux jeunes rôdeurs parisiens, dénomination dont ceux-ci se glorifient d'ailleurs, et il m'a paru curieux d'en rechercher l'origine. Je vous la donne telle qu'elle me fut contée.

C'est au commissariat de Belleville que, pour la première fois, ce terme fut appliqué à nos jeunes malandrins des faubourgs. Ce soir-là, le secrétaire du commissariat interrogeait une bande de jeunes voyous qui, depuis quelque temps, ensanglantait Belleville par ses rixes et ses déprédations et semait la terreur dans tout le quartier. La police, enfin, dans un magistral coup de filet, avait réussi à prendre toute la bande d'un seul coup, et les malandrins, au nombre d'une douzaine, avaient été amenés au commissariat où le « panier à salade » allait bientôt venir les prendre pour les mener au Dépôt. En attendant, les gredins subissaient un premier interrogatoire. Aux questions du secrétaire, le chef de la bande, une jeune « Terreur » de dix-huit ans, répondait avec un cynisme et une arrogance extraordinaires. Il énumérait complaisamment ses hauts faits et ceux de ses compagnons, expliquait avec une sorte d'orgueil les moyens employés par lui et par ses acolytes pour dévaliser les magasins, surprendre les promeneurs attardés et les alléger de leur bourse ; les ruses de guerre, dont il usait contre une bande rivale avec laquelle lui et les siens étaient en lutte ouverte. Il faisait de ses exploits une description si pittoresque, empreinte d'une satisfaction si sauvage, que le secrétaire du commissariat l'interrompit soudain et s'écria :

— Mais ce sont là de vrais procédés d'Apaches.

Apaches !... le mot plut au malandrin... Apaches ! Il avait lu dans son enfance les récits mouvementés de Mayne Reid, de Gustave Aimard et de Gabriel Ferry... Apaches !... oui l'énergie sombre et farouche des guerriers du Far West était assez comparable à celle que déployaient aux alentours du boulevard extérieur les jeunes scélérats qui composaient sa bande... Va, pour Apaches! Quand les gredins sortiront de prison — ce qui ne dut pas tarder, vu l'indulgence habituelle des tribunaux — la bande se reconstitua sous les ordres du même chef, et ce fut la bande des « Apaches de Belleville ». Et puis le terme fit fortune. Nous eûmes bientôt des tribus d'apaches dans tous les quartiers de Paris : tant et si bien que le mot prit son sens définitif et qu'on ne désigna plus autrement les rôdeurs de la grande ville. Aujourd'hui l'expression est consacrée ; la presse l'emploie journellement, car les apaches ne laissent pas passer un jour sans faire parler d'eux... Il ne manque plus que de la voir accueillie par le dictionnaire de l'Académie... »

Vues de la presse de la Belle Époque

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« Mœurs d'apaches. Atroce vengeance d'un rôdeur ». Supplément illustré du Petit Journal, .

À partir de 1902 et des évènements entourant Casque d'Or, les faits divers attribués aux « apaches » se multiplient dans la presse. Le , Le Petit Journal relate l'altercation de deux jeunes femmes « apaches », Louise Hénin et Andrée Merle, qui se solde par une blessure de la première[15]. Le , Le Petit Journal signale une « véritable bataille rangée entre agents et rôdeurs » près de la rue de la Roquette, ainsi que des rixes quotidiennes sur le boulevard de Sébastopol[16]. Les unes de journaux convoquent régulièrement la figure de l'apache, à l'occasion de rafles dans des bars dans Le Petit Journal Illustré du , du meurtre du gardien Louis Monnier par le menuisier Jolibois dans L'Éclair du [17], ou encore d'arrestations multiples lors du 1er mai parisien dans Le Petit Journal du . Le Petit Journal évoque également « L'atroce vengeance d'un rôdeur » le , l'incendie d'une usine et l'attaque d'agents le , l'attaque d'une voiture cellulaire le , une rafle au Bois de Boulogne le , et la correction de deux voleurs par un fort des Halles le .

Ce portrait dantesque de la criminalité juvénile et parisienne est à replacer dans le contexte des années 1906 et 1907, qui voient se développer la rumeur de la suppression de la guillotine. La description du phénomène apache sert alors à faire pression sur l'opinion publique et sur les parlementaires, comme illustré par l'existence d'une rubrique consacrée à la « campagne anti-apaches » dans Le Matin[18]. Le Petit Parisien organise même en 1907 un referendum, donnant une majorité écrasante aux partisans de la guillotine, en opposition directe au président Armand Fallières, qui avait gracié les 70 condamnés à mort des années 1906 et 1907[19].

Le rapport systématique de faits divers, réels ou exagérés, contribuent à entretenir un sentiment d'insécurité. La criminalité paraît en hausse continuelle, la ville mal gardée. À Paris, les jeunes de moins de vingt et un ans représentent 26 % des arrêtés, contre 19 % dans le reste de la France[20]. En réalité, il y a plutôt eu stabilisation des arrestations de jeunes de seize à vingt-et-un ans entre 1904 et 1910, au cœur de la « folie apache » : pour exemple, les chiffres de la Seine passent de neuf mille cinq cents en 1902 à moins de sept mille en 1910[21]. Le sentiment généralisé d'inadéquation des modes de répression donne lieu à des pamphlets tels que « Faut-il fouetter les apaches ? », publié en 1910 par le docteur Lejeune. Il y appelle à revenir à la punition individuelle et publique, pourtant abolie depuis 1789[22], afin d'humilier des jeunes trop vaniteux, les déshonorer aux yeux de leurs bandes et leur faire perdre la faveur des filles[23].

Disparition des apaches

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Types de « joyeux » ou apaches en France vers 1900.

En réponse au développement d'une criminalité juvénile, un véritable Code de l'enfance, avec une justice spécifique, est développé au début du XXe siècle. En 1912, les tribunaux pour enfants sont créés : l'enfant y comparaît sans sa « bande de copains » et, pour la première fois, est assisté d'un psychologue judiciaire[24]. Ces mesures pourraient avoir été prises avec la volonté de prévenir le développement de nouvelles bandes d'apaches[25].

Les jeunes ne sont cependant pas directement concernés par ce phénomène. La question de la jeunesse est en effet un point mort des sollicitudes sociales de l'époque, et elle ne se retrouve prise en compte que par la loi de défense nationale, le service militaire et les bataillons disciplinaires. Cette réponse est, par ailleurs, jugée comme parfaitement appropriée. Le journaliste et essayiste Louis Latzarus souligne ainsi dans un article dans la Revue de Paris, le , que toutes les violences apaches sont dues à des « qualités guerrières mal employées »[24]. Les mentions des apaches disparaissent cependant progressivement à partir du début de la Première Guerre mondiale – ce fait et les nombreuses pertes engendrées par ce conflit sur cette classe d'âge de la population poussent l'historienne Michelle Perrot à désigner la guerre comme « veuve suprême » des apaches[24].

Le terme est à nouveau utilisé avec la montée du sentiment anti-américain en 1923 pour critiquer la conduite des Américains en France, notamment les bagarres et les expulsions de clients noirs imputées au « préjugé de race » américain. On affirme ainsi que « Montmartre ne sera pas la colonie des Apaches »[26].

Phénomène aux contours flous

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Loin de se limiter à un seul phénomène et à une seule bande de jeunes, ce terme est une véritable bannière recouvrant à la fois « l'escroc, l'escarpe, le rôdeur de barrière, le faquin à poignard, l'homme qui vit en marge de la société, prêt à toutes les besognes pour ne pas accomplir un labeur régulier, le misérable qui crochète une porte ou éventre un passant », comme résumé par le journal Le Gaulois le . L'historienne Michelle Perrot considère que le terme est un « nouveau synonyme de bandit », avec pour seule nuance qu'il ajoute à l'idée de la délinquance celle d'une « certaine contestation de l'ordre social[27] ».

En effet, le terme cristallise l'inquiétude que suscite la jeunesse urbaine depuis les années 1880 : la société vieillissante y voit la manifestation d'une jeunesse qui refuse de travailler[27]. Le phénomène accuse également implicitement la République et le monde ouvrier de « livrer les jeunes à eux-mêmes et de négliger l'éducation, ce pilier de la culture bourgeoise[28] », créant dès lors une génération vouée à enfanter de nouveaux criminels. La criminalité juvénile est en effet une préoccupation majeure de la Belle Époque, qui apparaît également dans l'importance donnée au phénomène des hooligans de Londres[29]. L'apache apparaît comme une figure antisociale marquée par la haine du « bourgeois », du « flic » et du « travail », refusant à gâcher sa jeunesse pour aller à l'usine[30].

La réunion de toutes ces réalités sous une bannière commune donne lieu à une véritable panique morale, développée par des journaux conscients de la popularité du roman-feuilleton. En effet, le motif apache est utilisé à outrance dans la presse, et probablement avec exagération, notamment les grands quotidiens comme Le Petit Journal, Le Petit Parisien, Le Journal et Le Matin – ce dernier tenant régulièrement une rubrique « Paris-Apache ». Les apaches sont dès lors décrits comme une « franc-maçonnerie basée sur une étroite entente dans le mal »[31], qui devient le pendant « réel » des bandes criminelles du roman policier : bande des Ténébreux (dans le Fantômas de Pierre Souvestre et Marcel Allain), Secte noire (Dans La Fiancée de la secte noire de Guy de Téramond), etc.[32]. En dépit de leur diabolisation, les apaches apparaissent comme fascinants pour la jeunesse populaire – ils s'illustrent comme les « héritiers des bandits de grand chemin célébrés jadis par la littérature de colportage que les feuilletons de la grande presse a domestiquée[20] ».

L'omniprésence des apaches dans la ville donne lieu à une véritable « topographie apache », avec pour principaux lieux Belleville, Charonne, la Goutte d'or, Sébastopol, Ménilmontant, les fortifications, mais aussi le cabaret de l'Ange Gabriel, lieu central de l'histoire de Casque d'Or et de ses deux amants[9]. Le Guide secret des plaisirs parisiens (1906) et Paris-noceur (1910), deux guides touristiques du Paris de la prostitution et du crime, mentionnent ainsi les lieux prisés des apaches[9].

L'ampleur du phénomène « apache » fait l'objet de spéculations dans les journaux de l'époque, qui consacrent des couvertures et articles entiers à cette question en entendant décrire précisément cette frange de la société. Le Petit Journal déclare ainsi le  :

« L'Apache est la plaie de Paris

Plus de 30 000 rôdeurs contre 8 000 sergents de ville : L'apache est la plaie de Paris. Nous démontrons plus loin, dans notre « Variété », que, depuis quelques années, les crimes de sang ont augmenté dans d'invraisemblables proportions. On évalue aujourd'hui à au moins 70 000 le nombre de rôdeurs — presque tous des jeunes gens de quinze à vingt ans — qui terrorisent la capitale. Et, en face de cette armée encouragée au mal par la faiblesse des lois répressives et l'indulgence inouïe des tribunaux, que voyons-nous ?... 8 000 agents pour Paris, 800 pour la banlieue et un millier à peine d'inspecteurs en bourgeois pour les services dits de sûreté. Ces effectifs qui, depuis quinze ans n'ont guère été modifiés, sont absolument insuffisants pour une population dont l'ensemble — Paris et banlieue — atteint, le chiffre énorme de 4 millions d'habitants. C'est ce que nous avons voulu démontrer dans la composition si artistique et si vivement suggestive qui fait le sujet de notre première gravure. »

Description traditionnelle

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Micro-société

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Des apaches combattant la police sur la place de la Bastille. Supplément illustré du Petit Journal, .

L'apache fait l'objet de descriptions détaillées dans la presse, tenant presque de l'ethnographie, entre fiction et réalité - ainsi, un journaliste du Gaulois souligne le que l'« on ne sait plus aujourd'hui si l'apache, de création récente, a produit une certaine littérature ou si une certaine littérature a produit l'apache[33] ».

L'image traditionnelle des apaches les décrit comme un ensemble de « bandes » de quartier. Chaque bande individuelle a son propre nom, qui peut revendiquer ses origines (« les Gars de Charonne », « les Loups de la Butte », « la bande des Quatre Chemins d'Aubervilliers »), une particularité physique ou vestimentaire (« les Cravates vertes », « les Habits noirs »), ou un chef (les Delignon, les Zelingen)[34]. Leur organisation n'est pas aussi stricte que celle d'une mafia ou d'un gang, et correspond plutôt à un simple réseau de camaraderies fluide et organisé autour d'une personnalité plus charismatique que les autres : en 1908, le Larousse mensuel illustré désigne ainsi l'« apacherie » comme une « réunion d'individus sans moralité ». Ces groupes vivent de vol, de bonneteau et d'autres arnaques, de proxénétisme, et affrontent la police ou s'affrontent entre bandes rivales, au couteau ou au revolver[18]. Le capital guerrier influe ainsi sur l'identité du chef, souvent plus expérimenté ou connu pour ses faits d'armes, mais aussi sur la présence de jeunes prostituées en périphérie du groupe, en constituant le gage d'une protection[18].

Il s'agit d'individus jeunes, souvent mineurs, dont l'avenir pourrait aussi bien être la carrière criminelle que le retour dans les rangs de la société. Ils présentent une mode qui leur est propre, incluant le foulard, le pantalon « patte d'éph » de Bénard[35], le veston cintré, la ceinture en flanelle rouge... Ils portent également toujours une casquette à pont (casquette à haute passe[36]) vissée au-dessus d'une nuque rasée et des cheveux lisses et pommadés ramenés en accroche-cœur[37]. Après 1902, ils sont également régulièrement décrits comme tatoués. Le Figaro leur attribue ainsi un signe distinctif, « cinq points en croix tatoués sur la main gauche », tandis que Le Matin décroche une interview avec Médéric Chanut, tatoueur des apaches, le [9]. On leur attribue également des tatouages provocateurs à la façon de « Mort aux vaches », « Vive l'anarchie » ou « Le bagne sera mon tombeau »[30]. Ils utilisent également régulièrement l'argot[10]javanais, louchebem et verlan par exemple.

Rôle des femmes apaches

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Photographie d'identité judiciaire d'Amélie Élie, surnommée Casque d'Or.
« Apaches en jupons », couverture illustrée du périodique L'Œil de la police no 6, 1908.

La personnalité emblématique de Casque d'Or illustre largement la place des femmes dans l'univers apache. Elle a été immortalisée par Simone Signoret dans le film Casque d'Or de Jacques Becker. Pour Michelle Perrot, « la question des filles est au cœur de la violence apache »[10]. Objet de la violence des apaches (lorsqu'ils se battent pour elle), la femme apache constitue également une marchandise, puisqu'elle est souvent prostituée – en cela, elle peut également subir la violence du souteneur ou être remplacée par de nouvelles arrivantes. Elle peut, également, parfois être actrice de la violence, surtout dans le cadre de disputes entre prostituées se soldant à coups de couteau, à coups de revolvers, voire de vitriol[38].

Leur position est cependant ambigüe – les apaches n'étant pas, à proprement parler, des proxénètes. La femme apache conserve en partie sa liberté de circulation, ainsi qu'un libéralisme des attitudes qui tranche avec les mentalités de l'époque. Le récit de Casque d'Or et de ses deux amants est centré également sur la question de l'amour, bien qu'il soit soumis à caution. Michelle Perrot rappelle cependant, au terme de la description de ces relations complexes, que « le couple souteneur-prostituée, pivot de la famille apache, repose souvent sur l'équilibre de la terreur qu'engendre là comme ailleurs l'inégalité des sexes » et que « la femme en est la principale victime[10] ».

Dans la culture populaire

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Danse et musique

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Du fait divers à la mode : la « danse apache » (Leo Rauth, 1911).
  • Aristide Bruant chante Chez les apaches et Chant d'apaches (1911).
  • Jean Sinoël chante Y'a des apaches dans la maison (1909).
  • Maurice Chevalier a créé la chanson de Richard Rodgers et Lorenz Hart The Poor Apache dans le film Love Me Tonight de Rouben Mamoulian (1932).
  • Les Bérurier noir chantent Nuit apache, extrait de l'album Abracadaboum (1987).
  • Red Cardell chante La Valse des apaches[39], extrait de l'album Soleil blanc (2010).
  • La « danse apache », principalement appelée valse chaloupée, est une danse née de la culture populaire au début du XXe siècle, à l'instar de la java, mais beaucoup plus dramatique et querelleuse que celle-ci. Elle est souvent décrite comme mimant une violente « discussion » entre un proxénète et une prostituée. « Brutale, vive et acrobatique », la danse évoque « un combat physique entre l'homme et la femme, chacun distribuant à son tour les coups fictifs et prenant le dessus dans le pas de danse[40]. »
  • La Mano Negra chante en 1987 dans La Ronde de nuit sur l'album Patchanka (« Dans la rue il n'y a plus que des matons, tous les apaches sont en prison »).
  • Renaud dans la chanson Manu en 1981 : "Manu faut qu'tu t'arraches. Elle peut pas être heureuse. Dans les bras d'un apache."
  • Mécislas Golberg, Le Sang des perles (en 1 acte, 6 scènes), Sèvres, Société de l'édition libre, 1911, 40 p.
  • Macha Makeïeff a créé le spectacle de théâtre et de danse nommé « Les Apaches », une plongée dans l'intimité des loges d'un ancien music-hall où les acteurs, danseurs et acrobates miment et rejouent le quotidien des apaches.
Cette danse brutalement jouée et dansée, comprenait gifles et coups de poing, l'homme tire la femme par les cheveux, la jette à terre, la ramasse et la lance en l'air, alors qu'elle lutte ou feint l'inconscience. Ainsi, les concordances des actions de danse sont nombreuses avec la danse moderne, le rock acrobatique notamment, mais aussi les sports de combat et le catch. Dans certains cas, la femme peut se défendre et riposter.
Dans les années 1930, cette danse délaissant les bouges et les bas-fonds sera surtout jouée dans les cabarets.

Filmographie

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Télévision

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Affiche publicitaire de Louis Malteste pour Les Apaches de Paris, roman de Jules de Gastyne.

Littérature

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  • Amélie Élie, Mémoires de Casque d'Or, publié en dix-huit livraisons dans Fin de siècle, du au . Réédité dans : Quentin Deluermoz, Chroniques du Paris apache (1902-1905), Paris, Mercure de France, collection « Le Temps retrouvé », 2008.
  • Alphonse Gallais, Amours d'apaches : roman de la basse pègre, Paris, P. Fort, 1903, 270-16 p.
  • Charles-Henry Hirsch, Le Tigre et Coquelicot, Paris, Librairie universelle, 1905, 351 p.
  • Alfred Machard, L'Épopée au faubourg, récits et romans de Paris (édition définitive), Paris, Éditions Diderot, 2 vol. , 1946, 379 et 331 p.

Style apache

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Cette sous-culture est également reliée à certains accessoires qui définiraient le « style apache », un style particulier, comprenant entre autres la casquette apache, la chemise apache (fripée), le couteau apache (un cran d'arrêt dénommé le « surin » ou l'« eustache » en argot). L'« eustache » est un petit couteau populaire comme arme parmi les apaches, portant le nom de son inventeur,

Notes et références

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  1. Berlière 2015, p. 27.
  2. Claude Bellanger (dir.), Histoire générale de la presse française, t. III : De 1871 à 1940, Paris, Presses universitaires de France, , 687 p., p. 299.
  3. Dominique Kalifa, « Insécurité et opinion publique au début du XXe siècle », Les Cahiers de la sécurité intérieure, no 17,‎ 3e trimestre 1998, p. 65-76.
  4. Martine Kaluszynski, La République à l'épreuve du crime : la construction du crime comme objet politique, 1880-1920, Paris, LGDJ, coll. « Droit et société, recherches et travaux. Série politique » (no 9), , 251 p. (ISBN 2-275-02194-9, présentation en ligne), p. 187.
  5. « Apache », sur cnrtl.fr (consulté le ).
  6. a et b Kalifa 1995, p. 153.
  7. a et b Pierret 2013, p. 81.
  8. a et b Kalifa 1995, p. 154.
  9. a b c et d « Casque d'Or et les Apaches », sur Le Blog Gallica, (consulté le ).
  10. a b c et d Perrot 2001, p. 356.
  11. Quentin Deluermoz, Chroniques du Paris apache (1902-1905), Paris, Mercure de France, collection « Le Temps retrouvé », 2008, p. 12.
  12. Kalifa 1995, p. 155.
  13. a et b Perrot 2001, p. 351.
  14. Kalifa 2002, p. 19-37.
  15. « Duel au sac de sable », Le Petit Journal. Supplément du dimanche,‎ (lire en ligne).
  16. Sire-Marin 2009, p. 71.
  17. Quentin Deluermoz, « Les funérailles des victimes du devoir », dans Policiers dans la Ville, Paris, éditions de la Sorbonne, 2012.
  18. a b et c Pierret 2013, p. 82.
  19. « Apaches au trou ! », Criminocorpus, 26 décembre 2005, mis à jour le 25 octobre 2015 (consulté le ).
  20. a et b Perrot 2001, p. 361.
  21. Perrot 2001, p. 362.
  22. Pierret 2003, p. 224.
  23. Perrot 2001, p. 363.
  24. a b et c Perrot 2001, p. 364.
  25. Pierret 2013, p. 79-96.
  26. Dominique Chathuant, « Français de couleur contre métèques : les députés coloniaux contre le préjugé racial (1919-1939) », Outre-mers, revue d’histoire, T. 98, no 366-367, 1re semaine 2010, pp. 239-253.
  27. a et b Perrot 2001, p. 352.
  28. Kalifa 1995, p. 158.
  29. Pierret 2013, p. 79.
  30. a et b Perrot 2001, p. 357.
  31. Le Matin, 30 septembre 1907.
  32. Kalifa 1995, p. 159.
  33. Kalifa 1995, p. 156.
  34. Perrot 2001, p. 353.
  35. Tailleur parisien du XXe siècle qui a donné en argot un bénard (voire un ben’ ou bénouze) pour désigner un pantalon.
  36. Notamment la casquette Desfoux à visière dont l'apocope donne la deffe, casquette en argot.
  37. Jean-Yves Barreyre, Les Loubards : une approche anthropologique, éditions L'Harmattan, (lire en ligne), p. 65.
  38. Pierret 2013, p. 83.
  39. Jean-Pierre Riou, « La Valse des apaches », Soleils Blancs, (consulté le ).
  40. Steven Jezo-Vannier, Contre-culture(s) : des Anonymous à Prométhée, Marseille, Le Mot et le Reste, , 442 p. (ISBN 978-2-36054-206-2).

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Sources primaires

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Écrits contemporains

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  • Camille Toureng, « Les Apaches et la Presse », Pages libres, no 359, 7e année, , pp. 489-502.
  • « À propos des forçats, des apaches et de la presse (correspondance) », Pages libres, no 361, 7e année, , p. 568-571.
  • Anonyme, « Les conscrits du crime », Lectures pour tous, no 10, .
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Bibliographie

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  • (es) Servando Rocha, Apaches. Los salvajes de París, La Felguera, 2014.

Documentaires

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  • À la belle époque des mauvais garçons, auteur-réalisateur : Nicolas Lévy-Beff, auteur : Emmanuel Migeot, production : AB, diffusion : Toute l'Histoire.

Articles connexes

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