Expolition
L'expolition (substantif féminin), du latin expolitio (de expolire, « polir »), est une figure de style qui consiste à répéter plusieurs fois la même chose ou le même argument dans des termes équivalents. Il s'agit dès lors de souligner la force, la prégnance d'une idée, et d'insister dessus afin de transmettre un message particulier à son interlocuteur dans le cadre d'un échange rhétorique. Elle est proche de la conglobation et de la répétition.
Exemples
[modifier | modifier le code]« Que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! que son intelligence est épaisse ! et qu'il fait sombre dans son âme ! » (Molière)
« Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,
Et la mer est amère, et l'amour est amer [...] » (Marbeuf)
« Il crut que l'autre l'avait fait exprès. Il savait que d'aucuns ne pouvaient le voir sans lui chercher noise. L'autre, donc, avait dû préméditer. »[réf. nécessaire]
Définition
[modifier | modifier le code]Définition linguistique
[modifier | modifier le code]L'expolition opère une transformation d'un mot morpho-syntaxique à l'identique: elle reprend des arguments sous une autre forme, dans le même syntagme ou le même contexte sans y ajouter pour autant une nouvelle information.On parle aussi de réaffirmation lorsque l'on considère la logique rhétorique.
Définition stylistique
[modifier | modifier le code]D'un point de vue argumentatif, l'expolition peut permettre un développement du raisonnement, en y apportant des arguments certes redondants mais à force illocutoire de conviction. Cependant, d'un point de vue communicationnel et pragmatique, l'expolition peut être comparée à un entêtement argumentatif du locuteur qui cherche à imposer, quitte à les répéter sans y ajouter d'informations nouvelles, des arguments déjà annoncés. En situation de communication, l'expolition est un effet rhétorique typique des discours médiatisés comme ceux des hommes politiques, proche de la démagogie lorsqu'elle ne vise que l'effet seul, sans développement argumentatif. Un autre effet est celui lié à la volonté pour le locuteur de graver dans l'esprit de son récepteur une image ou une idée.
L'oral a recours à cette figure dans des cas à la limite du sens: lorsque le locuteur cherche ses mots par exemple ou dans le cas où son objectif argumentatif n'est pas encore posé ou encore lorsqu'il cherche à mettre en avant une idée particulière, un argument particulier en le répétant.
Genres concernés
[modifier | modifier le code]Tous les genres littéraires sont concernés, en particulier ceux de type argumentatif (essais, sermons...).
Historique de la notion
[modifier | modifier le code]Par ailleurs : « l’expolition est de loin le meilleur moyen de s’entraîner à perfectionner son style » (Livre IV, 58).
Pour Pierre Fontanier[1], l'expolition est une figure essentielle « qui est pour les pensées ce que la synonymie est pour les mots, (qui) reproduit une même pensée sous différents aspects ou sous différents tours, afin de la rendre plus sensible ou plus intéressante ».
Figures proches
[modifier | modifier le code]- figure mère: répétition
- figures proches: conglobation, accumulation, anaphore; du point de vue argumentatif: proche de la palinodie en ce qui concerne l'aspect communicationnel (incapacité à trouver ses mots, changement d'opinion).
- paronymes: délayage (lorsque l'exposé est trop long), logorrhée (lorsque le sens est perdu)
- synonymes: réaffirmation
Débats
[modifier | modifier le code]L'expolition peut parfois ne pas apporter d'information supplémentaire, elle vise donc un effet de simple répétition à la manière d'une anaphore. Du point de vue de l'effet, l’expolition peut s'apparenter à la catégorie plus vaste de la synonymie d'après Fontanier.
Domaines transverses
[modifier | modifier le code]L'expolition peut être prise en compte comme marqueur d'un trouble du langage.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Les Figures du discours
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Pierre Pellegrin (dir.) et Myriam Hecquet-Devienne, Aristote : Œuvres complètes, Éditions Flammarion, , 2923 p. (ISBN 978-2081273160), « Réfutations sophistiques », p. 457.
- Quintilien (trad. Jean Cousin), De l'Institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Budé Série Latine », , 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
- Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
- César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne).
- Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
- Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
- Bernard Dupriez, Gradus, les procédés littéraires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », , 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
- Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
- Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
- Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
- Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
- Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
- Groupe µ, Rhétorique générale, Paris, Larousse, coll. « Langue et langage », .
- Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
- Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).