Aller au contenu

Exorcisme

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Saint François et les diables, œuvre de Giotto.

L'exorcisme est un rituel religieux destiné à expulser une entité spirituelle maléfique qui s'est emparée d'un être animé (humain ou animal) et, plus rarement, inanimé (objet, lieu). Le mot provient du grec ancien ἐξορκισμός (exorkismós) : « action d'obliger quelqu’un à accomplir une action en lui faisant prêter serment » passé directement en latin : exorcismus.

Il constitue une réponse à la possession par un ou plusieurs démons ou plus simplement à une maladie. L'existence de cette pratique est supposée en Mésopotamie dès le IIe millénaire av. J.-C. et attestée au Ier millénaire av. J.-C.. Il est également présent dans le chamanisme caucasien, les rituels africains et le vaudou.

On le retrouve dans l'Ancien Testament, où le bouc émissaire chargé des fautes des Israélites est envoyé dans le désert (Lv 16,20-22).

Dans le Nouveau Testament, Jésus pratique l'exorcisme à plusieurs reprises, ainsi que ses disciples qui en son nom « chassent les démons » : dans Mt 8,28-34 ; Mt 9,32-34 ; Mt 12,22-24 ; Mt 15,21-28 ; Mc 1,23-28 ; Mc 5,1-20 ; Lc 4,33-36 ; Lc 8,26-39 ; Lc 11-14 ; Lc 13,10-17etc. L'exorcisme est ainsi pratiqué dans les diverses confessions chrétiennes.

Dans l'islam, le Coran a en lui-même valeur d'exorcisme dans le cadre de la Roqya (Ruqiya), afin de lutter contre des djinns.

Dans le christianisme

[modifier | modifier le code]

Les différentes confessions chrétiennes se réfèrent au commandement de Jésus-Christ : « Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons. Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » Mt 10,8. L'exorcisme vise donc à libérer une personne d'une emprise démoniaque, par l'autorité qu'a lui-même le Christ sur les démons, qu'il a remise à son Église[1].

Dans l’Église catholique

[modifier | modifier le code]

Dans le catholicisme, l'exorcisme est un sacramental (et non un sacrement) qui ne peut être donné que par l'évêque du lieu, en tant que successeur des apôtres, ou par un prêtre avec sa permission. Le plus souvent ce ministère est confié à un exorciste diocésain[2].

Le pape, en tant qu'évêque de Rome, peut effectuer des exorcismes. Dans les cas de possession avérée, on procède à un exorcisme solennel, appelé aussi « grand exorcisme »[réf. nécessaire].

Sous sa forme simple, l'exorcisme est pratiqué lors de la célébration du baptême[réf. nécessaire].

Actions des démons visées par l'exorcisme

[modifier | modifier le code]

On distingue l'action ordinaire des démons de leurs actions extraordinaires. Leur action ordinaire consiste dans la simple tentation décrite ainsi par Thomas d'Aquin dans la Somme théologique : « Le diable n'est pas cause du péché d’une manière directe ou suffisante, mais uniquement de la façon de quelqu'un qui persuade, ou à la façon de quelqu'un qui propose une chose désirable. » Cependant « il est bien clair que le diable ne peut en aucune façon amener fatalement l'homme à pécher ; le diable n'est pas la cause de toutes les fautes des hommes, à ce point d'insinuer chacune d'elles en particulier. »[3]

L'exorcisme vise à délivrer des actions extraordinaires des démons :

  • l'infestation des lieux et des choses. Ainsi des lieux d'habitation où se sont déroulés des actes de sorcellerie ou des crimes ; des objets maléficiés.
  • la vexation est une attaque extérieure contre les hommes (parfois les animaux). Le démon tourmente la personne dans son corps.
  • l'obsession où le démon agit de manière externe sur l'imagination, la mémoire ou la sensibilité de la personne afin d'induire en elle des pensées envahissantes, hostiles à Dieu, à sa foi ou à sa loi.
  • la possession qui est la forme la plus grave : elle est une action interne du démon qui agit sur le corps de la personne. Elle se traduit par des contorsions du corps, des blasphèmes, et des maladies inexpliquées. Les troubles physiques et psychiques ne sont évidemment pas tous causés par une possession[4]. Aussi, dans son préambule, le rituel romain destiné à l'exorcisme fixe trois critères pour reconnaître un cas de possession : « le fait de parler ou de comprendre une langue inconnue ; de dévoiler des faits lointains ou cachés ; de faire preuve de forces qui dépassent, selon l’âge ou la condition, les forces naturelles. »[5]

Le rituel précise qu' « il faut de plus être attentif à d'autres signes, principalement d'ordre moral et spirituel qui, d'une autre manière, manifestent l'intervention diabolique, comme par exemple une aversion violente envers Dieu, le saint Nom de Jésus, la bienheureuse Vierge Marie et les Saints, l'Église, la Parole de Dieu, les choses et les rites, en particulier ceux qui touchent aux sacrements, les images saintes. »[5]

Crise de possession et hystérie

[modifier | modifier le code]

La possession se présente comme un état dissociatif tel qu'il est décrit dans les psychoses schizophréniques ; mais la réponse à y apporter n'est jamais univoque et ne doit pas être dissociée du contexte culturel dans lequel elle apparaît.

Ainsi l'histoire des possédées de Loudun peut être rapportée à une schizophrénie (ou hystérie collective) présentée par toutes les religieuses d'un même couvent ; il en est de même des cas de possession présentée au sein même du territoire africain à comparer aux bouffées délirantes présentées par des africains transplantés en Europe par exemple et subissant les effets pathogènes de l'acculturation.

Mis à part sa signification théologique (ou culturelle) particulière, ainsi que les éventuels phénomènes parapsychologiques qui pourraient lui être associés, la crise de possession ne se distingue pas d'une crise d'hystérie au sens de Charcot ou des phénomènes de spasmophilie, de transe, voire des états de rebirth provoqués dans certaines thérapeutiques.

Pour les théologiens catholiques, le diagnostic différentiel entre maladie mentale et possession diabolique, s'est fondé pendant un certain temps[Combien ?] sur l'existence de phénomènes paranormaux. L'Église catholique a très nettement révisé sa position. Par exemple, dans le Praktisches Bibellexicon[6] : « Étant donné la ressemblance frappante entre la possession et les phénomènes décrits par la parapsychologie, aujourd'hui s'impose la plus extrême réserve. Ce qui, auparavant était considéré comme le signe certain de l'authenticité d'une possession ne peut plus aujourd'hui passer pour tel sans plus ample examen. »

Pourtant, d'autres théologiens et prêtres insistent sur le caractère réel et profondément néfaste des influences sataniques de tous ordres (infestation, obsession, possession). Dom Amorth s'était ainsi une fois plaint à Jean-Paul II que nombre d'évêques ne croyaient pas au démon, et donc ne nommaient pas les prêtres comme exorcistes. Le Pape lui avait répondu : « Celui qui ne croit pas au démon ne croit pas à l'Évangile[7]. »

Possession en psychiatrie

[modifier | modifier le code]

En psychiatrie, la possession n'est pas envisagée comme un phénomène religieux, mais comme une forme de délire au cours duquel le malade se croit habité par un être surnaturel qui parle par sa bouche, mobilise sa langue malgré lui et dirige ses mouvements[8].

Cette forme de délire se retrouve dans différentes affections organiques (encéphalites, intoxication) ou non organiques : mélancolie, schizophrénie. Il semble se produire comme moyen d'expression occasionnel d'un désarroi organique ou culturel en Afrique et peut aussi révéler des phénomènes d'acculturation lors d'une émigration.

On définit le trouble « personnalité multiple par la coexistence, chez un même individu de deux ou plusieurs états de personnalités distincts qu'ils aient une mémoire propre, des modalités comportementales spécifiques et leurs propres styles de relation sociale ou qu'ils partagent une partie de ces différents items. Les deux esprits se combattent dans un même champ qui est le corps, et l'âme est comme partagée ; selon une partie de soi, elle est le sujet des impressions diaboliques, et, selon l'autre, des mouvements qui lui sont propres et que Dieu lui donne ». Ce type de trouble commence à s'installer dès l'enfance, mais n'est le plus souvent remarqué par les cliniciens que beaucoup plus tard ; il s'agit presque toujours de filles (60 à 90 %).

Le passage d'une personnalité à une autre est généralement brusque (quelques minutes). La transition est sous la dépendance du contexte relationnel. Les transitions peuvent survenir également lorsqu'il y a conflit entre les différentes personnalités ou lorsque ces dernières ont mis au point un plan commun. Les personnalités peuvent être diamétralement opposées dans leurs caractéristiques et différer même quant aux tests psychologiques et physiologiques : elles peuvent nécessiter par exemple des verres correcteurs différents, répondre de manière différente au même traitement et avoir des QI différents. On décrit l'existence de complications éventuelles, telles que suicide, automutilation, agression, viol, toxicomanie, etc.

La schizophrénie peut aboutir elle aussi au sentiment d'être possédé. Dans ce cas, l'entourage discerne plus facilement qu'il s'agit d'un trouble de la personnalité et non d'un phénomène mystique.

Dans l'islam

[modifier | modifier le code]

Le Coran affirme l’existence des djinns : créatures de feu invisibles à l’œil humain. Certains d'entre eux sont des démons: c'est le cas de Satan et de sa descendance. Pour guérir le malade, possédé par un djinn, le raqui (exorciste islamique) utilise la lecture des versets du Coran. L’écoute par le malade des saintes sourates serait à même de le soulager et de le guérir de son mal[réf. nécessaire].

« Et Nous faisons descendre (par révélation) du Coran, ce qui est une guérison et une miséricorde pour les croyants. Mais cela ne fait qu'accroître la perdition des injustes. »

— [17.82]

La sorcellerie est formellement interdite en islam.

Dans d'autres religions

[modifier | modifier le code]

Iman Bassalah décrit une scène d'exorcisme par les Noirs de Djerba qui pratiquent le culte des génies et des esprits[9].

« Une voyante identifie le mal, un maître de cérémonie armé d'un gumbri, instrument à cordes pincées, conduit, en compagnie des musiciens-guérisseurs aux tambours et castagnettes maghrébines en acier, le processus de libération du possédé. Celui-ci entre en contact avec les divinités à la ferveur des instruments, jusqu'à atteindre la transe merveilleuse. Le boussadia arrive parfois à la fin, bâton agité à la main, pour parachever le mystère et le miracle. C'est un mendiant, de folklore ancien, devenu rare, il va de ville en ville danser, chanter (…) L'exorcisme réalisé est à la fois individuel et collectif. »

En peinture

[modifier | modifier le code]

En littérature

[modifier | modifier le code]

À la télévision

[modifier | modifier le code]

Dans la bande dessinée

[modifier | modifier le code]

Références

[modifier | modifier le code]
  1. Chiron 2024, p. 7
  2. Chiron 2024, p. 12
  3. Thomas d'Aquin, Somme théologique, Ia IIae, chap. q° 80 art. 1, 2 et 4 cité par Chiron 2024, p. 10-11
  4. Chiron 2024, p. 10-11
  5. a et b Rituel de l'exorcisme et prières de supplication, Paris, Desclée Mame, , p. 22 cité par Chiron 2024, p. 11-12
  6. (de) Praktisches Bibellexicon, , p. 126
  7. « Exorcisme (II) », sur benoit-et-moi.fr (consulté le ).
  8. Henri Aubin, Manuel alphabétique de psychiatrie
  9. Iman Bassalah, À gauche du lit, éd. Anne Carrière, (ISBN 9782380822052, lire en ligne)

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Abderraouf Ben Halima, La Roqya : Traitement de la sorcellerie, djinns et mauvais œil par le Coran et la médecine prophétique, (ISBN 978-2912213129)
  • Yves-Marie Bercé, Esprits et Démons : histoire des phénomènes d'hystérie collective, Paris, Librairie Vuibert, .
  • Marc-Antoine Fontelle, Comprendre et accueillir l'exorcisme, Paris, Éditions Téqui, , 192 p. (ISBN 2740307284) ; L'exorcisme, un rite chrétien, édition du Cerf, coll. « Alpha », , 668 p..
  • Robert Ambelain, Le grand exorcisme
  • Piero Cantoni, « Demonologia e prassi dell’esorcismo e delle preghiere di liberazione », en Fides Catholica, no 1,‎
  • (it) Don Gino Oliosi, Il demonio come essere personale : Una verità di fede, Fede & Cultura, .
  • Éric Baratay, « L'excommunication et l'exorcisme des animaux aux XVIIe – XVIIIe siècles, une négociation entre bêtes, fidèles et clergé », Revue d'Histoire Ecclésiastique, nos 107, 1,‎ , p. 223-254 (lire en ligne).
  • (it) Laurence Wuidar, « Incantare: musica, magia ed esorcismo : a cura di Germana Ernst, Guidi Giglioni », I vincoli della natura. Magia e stregoneria nel Rinascimento, Roma, Carocci,‎ , p. 169-184.
  • Laurence Wuidar, « Les images et le diable. Pouvoir de séduction et destruction des images dans les pratiques d’exorcisme de la Renaissance », Bruniana & Campanelliana. Ricerche filosofiche e materiali storico-testuali, vol. 23, no 1,‎ , p. 73-88 (lire en ligne).
  • Laurence Wuidar, Fuga Satanae : musique et démonologie à l'aube des temps modernes, Genève, Droz, coll. « Cahiers d'Humanisme et Renaissance » (no 150), , 337 p. (ISBN 978-2-600-05868-1, présentation en ligne), [présentation en ligne].
  • Patrick Sbalchiero, Enquête sur les exorcismes. Une histoire du diable, Perrin, (ISBN 978-2-262-03764-2).
  • Yves Chiron, Exorcistes. Vingt siècles de lutte contre le diable, Mame, , 216 p. (ISBN 9782728933877, présentation en ligne)

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]