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Zone indo-pacifique

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Pays et territoires généralement inclus dans la région Asie-Pacifique en vert foncé.

En géopolitique et en relations internationales, la zone indopacifique est, comme l'a montré Vaimiti Goin, un espace aux limites floues, allant de l'Afrique orientale aux États-Unis, constitué en rivalité avec la montée en puissance de la Chine, et organisé autour de l'Asie du Sud-Est, du détroit de Malacca notamment, comme pivot central[1].

Cet espace est caractérisé par sa dimension maritime. L’Indopacifique constitue de fait le nouveau centre de gravité de la planète où se concentrent près de 60 % du PIB mondial et 4,5 milliards d’habitants. C’est également là que se joue en grande partie l’avenir d’un ordre multilatéral fondé sur les règles et notre capacité à répondre aux grands enjeux contemporains tels que le dérèglement climatique, la protection de la biodiversité, ou la santé mondiale.

La taille de la région d'activité socio-économique varie selon le contexte, mais intègre la plupart des pays de l'Asie de l'Est, de l'Asie du Sud, de l'Asie du Sud-Est, et de l'Océanie.

Le concept indo-pacifique

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L'indo-pacifique combine l'océan Indien et l'océan Pacifique, ainsi que les terres continentales qui les entourent. Même si le concept est en constante évolution, son étendue géographique irait de la côte de l'Afrique de l'Est, en passant par l'océan Indien, jusqu'au Pacifique occidental, et intégrant l'Inde, contrairement au concept plus ancien d'Asie-Pacifique[2],[3].

C’est à la fois un domaine d'activité stratégique sur le plan sécuritaire et sur le plan économique et commercial, comprenant d’importantes lignes de communication maritimes qui relient les littoraux des deux océans[4]. Globalement, les objectifs communs des différentes stratégies indo-pacifique sont de promouvoir la paix et la stabilité dans la région, développer le commerce maritime libre et équitable[5] et renforcer les liens énergétiques[6].

L'indo-pacifique

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La notion d'indo-pacifique est en passe de structurer le discours géostratégique non seulement de nombreux pays de la région (à commencer par le Japon – son berceau originel – et l'Australie), mais aussi de plusieurs pays occidentaux[7]. Les États-Unis ont déjà rebaptisé le United States Pacific Command en United States Indo-Pacific Command.

En Europe, la France a été l'un des premiers pays de l(Union européenne à faire de l'indo-pacifique une de ses priorités géopolitiques, comme en a témoigné le discours d'Emmanuel Macron du à Garden Island (Sydney)[8]. Depuis, l'Allemagne a formulé sa propre vision de la zone en , suivie peu après par les Pays Bas[9]. À cette liste de pays européens, il faut ajouter le Royaume-Uni qui cherche lui aussi à se tourner vers l'Asie, notamment pour amortir les conséquences du Brexit[10].

L’expansionnisme de la Chine, l’augmentation constante de son budget de défense et la multiplication des opérations d’intimidation en mer[11], ont conduit les pays de la région à renforcer leurs dépenses militaires — le budget annuel chinois, qui, comme les années précédentes, prévoit une augmentation des dépenses militaires d’environ 7 % – soit deux points de plus que la croissance économique attendue dans le pays cette année 2024[12].

Stratégie deux pôles

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Parmi les Occidentaux, la stratégie dite indo-pacifique[13] oscille entre deux pôles :

  • Pour les États-Unis de Donald Trump, il s'agissait principalement de constituer une coalition acquise à une politique de China containment[14], coalition dont le noyau dur devait être le Quad (États-Unis, Australie, Japon, Inde)[15]. Pour la France et l'Allemagne, si cet objectif est parfois évoqué, il s'agit officiellement de veiller – de manière inclusive et sans hostilité déclarée vis-à-vis de Pékin – au respect du droit international public dans la zone, en défendant notamment la liberté de navigation et en promouvant un multilatéralisme plus large (et, à travers lui un monde multipolaire).
  • Au niveau européen, des nuances parfois très fortes subsistent toutefois. Si la France privilégie une approche stratégico-militaire (à laquelle les contrats d’armement qu’elle a remportés en Inde et en Australie ne sont pas étrangers), l'Allemagne a de l'indo-pacifique une vision davantage économique et commerciale. Et si la France s'appuie surtout sur l'Inde et l'Australie, pour l'Allemagne, l'Asie du Sud-Est constitue le centre de gravité géographique de l'indo-pacifique[16]. Paris et Berlin convergent néanmoins de plus en plus sur un point : ils souhaitent européaniser leur politique – ne serait-ce que pour mutualiser certains coûts financiers – en obtenant de l'Union européenne qu'elle s'y investisse[17].

Coopération économique

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Le président français Emmanuel Macron s'est rendu le à Bangkok au sommet annuel du forum de coopération économique pour l'Asie-Pacifique, région élevée au rang de priorité par la diplomatie française[18].

Le , le président Emmanuel Macron s'est rendu au Sri Lanka. Il s'agit d'une visite historique, la première d’un président français au Sri Lanka. Avec le président Ranil Wickremesinghe, il aborda les projets de coopération en cours (eau, électricité) et souligna l’importance d'étendre cette coopération à d’autres secteurs. Sur Twitter, Emmanuel Macron écrit : Le Sri Lanka et la France sont deux nations de l'océan Indien qui partagent un même objectif : un Indo-Pacifique ouvert, inclusif et prospère[19].

La stratégie française en Indo-Pacifique résistera-t-elle à la crise en Nouvelle-Calédonie ? Depuis 2018, c'est un leitmotiv de la diplomatie d'Emmanuel Macron[20], qui veut contrer l'attraction de Pékin dans la région et présenter la France comme une alternative au face-à-face de plus en plus tendu entre la Chine et les États-Unis. Au cœur du grand jeu des puissances et de la recomposition des rapports de force mondiaux, la Nouvelle-Calédonie est considérée comme la pierre angulaire de cette politique[21],[22].

L’Indo-Pacifique : noyau des échanges commerciaux

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En économie, on parle surtout d’« Asie-Pacifique », le terme « Indo-Pacifique » étant davantage géopolitique, sécuritaire et n’étant pas complètement adapté à l’économie[23].

Néanmoins, c’est dans cette zone de l’Asie-Pacifique que l’on trouve le plus grand nombre d’accords commerciaux au monde — avec pas loin de 300 accords — ainsi que les plus grands accords[24]. Il y a d’abord l’accord de partenariat transpacifique (TPP) porté par l’administration Obama, repris par le Canada et le Japon et devenu le partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP). Ensuite, il y a le partenariat économique régional global (RCEP), l’accord multilatéral le plus important au monde centré autour de la Chine. Puis enfin, il y a le petit nouveau, l’Indo-Pacific economic framework (IPEF) porté par l’administration Biden, mais qui n’est pas un accord multilatéral à proprement parler[25].

C’est une locomotive dynamique en Indo-Pacifique à laquelle plusieurs pays européens veulent se rattacher pour soutenir leur développement économique[26].

Pays et territoires de la zone Asie-Pacifique

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Notes et références

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  1. Vaimiti Goin, « L’espace indopacifique, un concept géopolitique à géométrie variable face aux rivalités de puissance », sur Géoconfluences, octobre 2021. (consulté le 31 mai 2022).
  2. L'Europe et l'Asie non-chinoise : historique du concept d'Indo-Pacifique.
  3. (en) Institute for Defence Studies and Analyzes, " What does the term Indo-Pacific " signifies, as distinct from Asia-Pacific ?.
  4. Le concept d’Indo-Pacifique : instrument conjoncturel ou réalité ancrée ? / Frédéric Lasserre, professeur de géographie, directeur du Conseil québécois d’Études géopolitiques (CQEG), titulaire de la Chaire en Études indo-pacifiques.
  5. Le commerce maritime se porte bien mais risque de faire les frais des guerres commerciales, alerte la CNUCED.
  6. (en) Une nouvelle stratégie de politique étrangère : « Stratégie indo-pacifique libre et ouverte ».
  7. L'Océan Pacifique devenant le centre mondial de gravité tant politique qu'économique, l'Institut du Pacifique s'attache à suivre l'évolution des pays riverains de cette zone en diffusant des points d'actualité mensuels et des synthèses thématiques.
  8. Discours à Garden Island, base navale de Sydney.
  9. Cinquante nuances « d’Indo-Pacifique ».
  10. L'Indo-Pacifique : Quels contours ? Quels enjeux ?.
  11. Mer de Chine : quand Pékin sort les griffes de son « monstre maritime » (consulté le 12 juillet 2024).
  12. Indo-pacifique : face à la menace chinoise, les pays de la région se réarment.
  13. L’Indo-Pacifique : entre stratégies étatiques, alliances et contrepoids face à la Chine.
  14. L’endiguement de la Chine.
  15. À Tokyo, l'alliance du « Quad » plus que jamais unie contre la Chine (24 mai 2022.
  16. L’espace indopacifique, un concept géopolitique à géométrie variable face aux rivalités de puissance.
  17. Emmanuel Macron, le seul à parler d’Indopacifique : « Si nos yeux sont actuellement braqués sur les frontières de l'Europe, nous ne devons pas oublier que notre avenir se joue aussi (et surtout) dans l'indopacifique ».
  18. Emmanuel Macron ira au sommet de l'Asie-Pacifique, invitation inédite pour un président français.
  19. E. Macron, « X », sur https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1685021742174273536
  20. Indopacifique : 8 questions pour comprendre la stratégie de la France dans la région.
  21. Isabelle Lasserre, « La stratégie indo-pacifique d’Emmanuel Macron fragilisée » Accès payant, sur Le Figaro, (consulté le ).
  22. L'espace indopacifique, au cœur de la stratégie multipolaire de la France.
  23. Éric Mottet est directeur de recherche et responsable du développement à l’IRIS. Il co-dirige également l’Observatoire géopolitique de l’Indo-Pacifique.
  24. Le partenariat Asie-Pacifique crée un nouveau centre de gravité du commerce mondial.
  25. L'Indo-Pacifique : quels contours ? quels enjeux ? / La notion d’Indo-Pacifique est en passe de structurer le discours géostratégique non seulement de nombreux pays de la région (à commencer par le Japon – son berceau originel – et l’Australie), mais aussi de plusieurs pays occidentaux.
  26. « L’Indo-Pacifique : noyau des échanges commerciaux », Diplomatie (magazine),‎ (lire en ligne, consulté le ).

Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Collectif (Auteur) et Europe-Asie Finance - EURASFI (Sous la direction de), La Chine : un colosse financier ? : Le système financier chinois à l'aube du XXIe siècle, Vuibert, , 247 p. (ISBN 978-2-7117-7888-1)
  • Pierre Dallenne, Frédéric Buchy et Axelle Degans, Un Monde Multipolaire : Géopolitique et Géoéconomie, Ellipses, , 400 p. (ISBN 978-2-3400-0049-0)
  • Nicolas Balaresque, Michel Bruneau et Sébastien Colin, Géopolitique de l'Asie, Nathan, , 384 p. (ISBN 978-2-0916-4936-8)
  • Pierre Verluise, Histoire, Géographie et Géopolitique de l'Asie : Les dessous des cartes, enjeux et rapports de force, Diploweb, , 300 p. (ISBN 979-1-0926-7620-4)
  • Diplomatie (magazine), Diplomatie Gd n°53 : Indo-Pacifique, Groupe Areion, , 100 p. (ASIN B07Q53R3GX)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Jean-Loup Samaan (Auteur) et Eddy Fougier (Auteur), Indo-Pacifique : un concept flottant ?, Institut français des relations internationales (IFRI), , 196 p., Format Kindle (ASIN B07XSCN9PD)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Pierre Grosser, L'Histoire du monde se fait en Asie : Une autre vision du XXe siècle, Odile Jacob, , 667 p. (ISBN 978-2-7381-4877-3)
  • Éric Sarraute et Céline Pierdet, L'Asie du Sud-Est : Une géographie régionale, Ellipses, , 576 p. (ISBN 978-2-3400-3441-9)
  • Rodolphe De Koninck, L'Asie du Sud-Est - 4e éd., Armand Colin, , 400 p. (ISBN 978-2-2006-2658-7)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Florian Louis (Sous la direction de), Histoire, géographie et géopolitique du monde contemporain, PUF, , 768 p. (ISBN 978-2-1308-3071-9)
  • Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine (IRASEC), L'Asie du Sud-Est 2021 : Bilans, enjeux et perspectives, Indes Savantes, , 480 p. (ISBN 978-2-8465-4570-9)
  • Éric Mottet, La puissance décomplexée de la Chine, PU Montréal, , 64 p. (ISBN 978-2760642942)
  • Isabelle Saint-Mézard, Géopolitique de l'Indo-Pacifique, Presses universitaires de France, , 210 p. (ISBN 978-2130837770). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    Apparue dans les années 2000, l'idée de pouvoir englober les océans Pacifique et Indien au sein d'une même entité spatiale - appelée « Indo-Pacifique » - est devenue incontournable.
  • Paco Milhiet (préf. Christian Lechervy), Géopolitique de l'Indo-Pacifique : Enjeux internationaux, perspectives françaises, Cavalier Bleu, , 221 p. (ISBN 979-1031805443)
  • Valérie Niquet et Marianne Peron-Doise, L'Indo-Pacifique : Nouveau centre du monde, Tallandier, , 256 p. (ISBN 979-1021057234). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    En une décennie, le concept d’Indo-Pacifique s’est imposé comme le lieu d’échanges incontournable pour la Chine, les États-Unis, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie, les pays d’Asie du Sud-Est, sans oublier la France, deuxième puissance maritime mondiale par ses Outre-mer.

Articles connexes

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Liens externes

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