François Denys Légitime

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François D. Légitime
Illustration.
Photographie officielle du président François D. Légitime.
Fonctions
Membre du Conseil d'État représentant le département du Sud

(11 mois et 14 jours)
Président de la République d'Haïti
[N 1]
(10 mois et 6 jours)
Élection
Vice-président Monpoint Jeune
Prédécesseur Pierre Théoma Boisrond-Canal
Successeur Florvil Hyppolite (président à vie)
Vice-président de la République d'Haïti

(1 mois et 15 jours)
Président Pierre Théoma Boisrond-Canal
Prédécesseur Joseph Lamothe
Successeur Monpoint Jeune
Secrétaire d'État des Relations extérieures et des Cultes

(1 mois et 15 jours)
Président Pierre Théoma Boisrond-Canal
Lui-même
Prédécesseur Brutus Saint-Victor
Successeur Osman Piquant (Relations extérieures)
Alix Rossignol (Cultes)
Secrétaire d'État de l'Agriculture, de l'Intérieur de l'Instruction publique, des Cultes et de la Justice

(4 mois et 5 jours)
Président Lysius Salomon
Prédécesseur Lui-même (Agriculture et Intérieur)
Charles Archin (Instruction publique, Cultes et Justice)
Successeur François Manigat (Agriculture et Instruction Publique)
Edouard Pinckombe (Intérieur)
Thomas Madiou (Justice et Cultes)
Secrétaire d'État de l'Agriculture, des Finances, du Commerce et de l'Intérieur

(7 mois et 17 jours)
Président Lysius Salomon
Prédécesseur Lui-même (Agriculture, Finances et Commerce)
Evariste Laroche (Intérieur)
Successeur Lui-même (Agriculture et Intérieur)
Brutus Saint-Victor (Finances et Commerce)
Secrétaire d'État de l'Agriculture, des Finances et du Commerce

(1 mois)
Président Lysius Salomon
Prédécesseur Evariste Laroche
Successeur Lui-même
Biographie
Nom de naissance François Denys Légitime
Date de naissance
Lieu de naissance Jérémie (Haïti)
Date de décès (à 93 ans)
Lieu de décès Port-au-Prince (Haïti)
Nationalité Haïtien
Parti politique Parti libéral
Conjoint Rose Marie Isaure Marion
Profession Militaire (général de division)

François Denys Légitime
Présidents de la République d'Haïti

François Denys Légitime dit François D. Légitime, né le à Jérémie et mort le à Port-au-Prince[1], est un général et homme politique haïtien qui fut président de la République d'Haïti du 16 octobre 1888 au 22 août 1889[2], date de sa démission à la suite du coup d'État de Florvil Hyppolite.

Ministre sous le règne du dictateur Lysius Salomon, il se rallie à la République lors de la révolution de 1888[3] et intègre le gouvernement provisoire présidé par Boisrond-Canal. Candidat à la présidence, il porte les couleurs du parti libéral face au général Seïde Thélémaque[4], candidat du parti nationaliste. Après avoir assurer l'intérim entre octobre et décembre 1888, il est élu président le 16 décembre pour un mandat de sept ans. Favorable à une démocratisation profonde de l'État, il forme un gouvernement d'union nationale avec le parti nationaliste, et tente de renforcer la République en excluant les descendants des autocrates haïtiens des instances politiques du pays. Rapidement, sa politique démocrate et progressiste pousse les vitalistes (partisans d'un pouvoir autocratique assuré par un président à vie) à prendre les armes contre le président. Le soulèvement armé du général Hyppolite, descendant de Dessalines, le force à la démission, le 22 août 1889, et à se réfugié à New York[5].

Revenu d'exil, il est nommé, le , membre du Conseil d'État. En 1923, il est membre fondateur de la Société d'histoire et de géographie d'Haïti. Il meurt le à l'âge de 93 ans.

Biographie[modifier | modifier le code]

Début de carrière[modifier | modifier le code]

François-Denys est le fils de Denys Légitime et de Tinette Lespérance[6], elle-même née de l'union de deux esclaves affranchis d'une propriété de Jérémie à Saint-Domingue, Joseph Lespérance et Modeste Testas.

Après l'obtention de son baccalauréat, il commence une carrière militaire au cours de laquelle il est promit au grade de colonel en 1874. Sous le règne de Fabre Geffrard, Légitime est adjudant général puis aide de camp sous les ordres du républicain Nissage Saget[7].

Parcours politique[modifier | modifier le code]

Portrait de l'adjudant Légitime (1878).

Sa carrière politique le conduit tout d'abord au Sénat. En , il participe au Comité Central de Salut Public, présidé par Pierre Théoma Boisrond-Canal. La tâche principale du gouvernement provisoire est alors de préparer la future élection présidentielle. Le coup d'État du général Lysius Salomon[8] met un terme à cette transition démocratique, avec un retour à un régime autocratique. Refusant de prendre la route de l'exil, il continue sa carrière au service du nouveau pouvoir et est nommé Ministre de l'Agriculture, puis ministre des Affaires étrangères. Le , il est élevé au grade de général.

Président de la République[modifier | modifier le code]

La révolution et le gouvernement provisoire[modifier | modifier le code]

Écarté du gouvernement Salomon en 1881, Légitime rejoint l'opposition républicaine et participe à la révolution libérale de 1888 qui contraint le dictateur Salomon à quitter le pays, le 10 août[9].

Dès la chute du régime autocratique, un gouvernement républicain provisoire est mis en place, présidé par l'ancien président de la République Boisrond-Canal, du parti libéral, qui décrète l'instauration d'une assemblée constituante, chargée d'écrire et d'adopter une nouvelle constitution républicaine (approuvée le 16 décembre 1888)[10].

Ami et allié politique de Boisrond-Canal, Légitime intègre le gouvernement provisoire en tant que deuxième homme, et assure l'intérim présidentiel après la démission de Boisrond-Canal le 16 octobre 1888[11]. Membre du parti libéral, Légitime est investi comme candidat officiel par le parti pour l'élection présidentielle prévue pour le 16 décembre 1888 (date de l'adoption officielle de la constitution). Malgré une certaine notoriété, Légitime n'apparaît pas comme le favori du scrutin. Le général Seïde Thélémaque, candidat pour le parti nationaliste, est clairement perçu comme le mieux placé pour remporter cette élection.

Campagne présidentielle de 1888[modifier | modifier le code]

Lors d'un rassemblement à Port-au-Prince, des tensions éclatent entre le cortège des partisans libéraux et celui des nationaux, et de violents affrontements ont lieu dans les rues de la capitale. Présent avec ses sympathisants, le général Thélémaque se retrouve piégé dans une échauffourée et est tué par un partisan de Légitime, le 28 septembre 1888[12].

Après cet épisode dramatique, les représentants des départements du Nord, du Nord-Ouest et de l'Artibonite considèrent Légitime comme co-responsable de la mort de son rival, notamment à cause de son manque de réaction lors des violences entre ses partisans et ceux de Thélémaque, et demande à ce qu'il retire sa candidature. Les députés des départements de l'Ouest et du Sud expriment leur soutien à Légitime, car, selon eux, celui-ci ne pouvait pas être impliqué dans un crime, ni dans un assassinat politique aussi grave. Pour cette raison, ils demandent de s'abstenir de blâmer Légitime pour la mort de Thélémaque. Quelques semaines plus tard, Légitime succède à Boisrond-Canal comme président par intérim, et confirme sa candidature[13]. Avec la disparition de son champion, le parti nationaliste est contraint de se trouver un nouveau représentant solide, en la personne du général Callisthène Fouchard[14]. Ancien ministre et partisan du régime dictatorial de Lysius Salomon, il se rallie à la République et intègre le parti nationaliste après la victoire des révolutionnaires. Face à Légitime, Fouchard à un sérieux avantage, celui d'être bien connu des milieux bourgeois aisés.

Pour séduire la bourgeoisie haïtienne, Légitime écrit et publie La nation ou la race haïtienne, un recueil politique dans lequel il donne une vision politique et militante de la nation haïtienne, et où il défend une certaine idée de la nation et de la république[15], affirmant qu'il croit en l'union nationale contre les agissements des fidèles du système autocratique.

Le 16 décembre 1888, le collège électoral de 243 votants, dont les représentants de la Chambre des communes (157 membres), les sénateurs (39 membres), les commandants militaires des régions (deux membres) et les conseillers départementaux (45 membres), est appelé à se prononcer pour l'élection du président de la République. Sur 225 votes valables, Légitime l'emporte avec 150 voix, soit 66 %, contre 75 voix pour Fouchard, soit 33 %[16].

Après sa victoire, Légitime déclare devant les représentants de la Nation : « Insensé qui croit pouvoir remonter le courant populaire ou le refouler ! »[17].

Gouvernement et démission[modifier | modifier le code]

Portrait du président François D. Légitime.

Élu pour un mandat de sept ans non renouvelable, Légitime prête serment le 18 décembre 1888. Dès le début de sa présidence, ses opposants, en particulier les sympathisants du parti nationaliste, protestent contre cette élection. Cependant, l'autorité légitime du nouveau président de la République, reconnue par les puissances européennes ainsi que par les États-Unis[18], finit par être acceptée par les nationaux. Ayant comme priorité celle de sauvegarder la République, qu'il juge comme trop fragile face aux ambitions de certains généraux et des descendants des autocrates haïtiens, Légitime décide de conclure une entente politique avec l'opposition nationaliste, et constitue un gouvernement d'union nationale en nommant à la tête de certains ministères des représentants du parti nationaliste, comme Osman Piquant (ministre de l'Intérieur), Anselme Prophète (ministre de la Défense) ou encore son ancien adversaire à la présidence, Callisthène Fouchard (ministre des Finances).

Rapidement, le général Florvil Hyppolite, petit-fils de l'empereur Jean-Jacques Dessalines, exclue des affaires politiques par le nouveau gouvernement républicaine, revendique le pouvoir et réclame la suspension de la nouvelle constitution de la République. L'ambassadeur français de l'époque en Haïti, doutant de la stabilité du système républicain, considéré comme trop fragile, commence à entamer des discussions avec le général Hyppolite, tout comme les Américains, qui pensent qu'un coup d'État se prépare contre Légitime[19].

À la fin de l'année 1888, le navire de guerre haïtien Dessalines parvient à prendre possession du bateau à vapeur américain Haytian Republic en quittant le port de Saint-Marc. À bord du bateau à vapeur se trouve une commission qui tente de saper l'autorité du gouvernement haïtiens dans plusieurs ports du sud d'Haïti. En outre, à bord de la Haytian Republic, il y a des soldats, des armes et des munitions pour les troupes du général Hyppolite, qui prépare son coup d'État dans le Nord. Pour résoudre la crise, l'appel d'un tribunal de prisé a lieu, au cours duquel le département d'État américain est convoqué. Après plusieurs longues négociations, le gouvernement haïtien libère le bateau à vapeur Haytian Republic[20], auparavant confisqué et le 20 décembre 1888, il est remis au contre-amiral américain Stephen Luce[21].

Des tensions régionales éclatent également, ce qui conduit les politiciens originaires du nord à se ranger autour d'Hyppolite et à demander la démission du président. En mars 1889, Légitime parvient à faire échouer une première tentative de coup d'État, déclenchée par des proches d'Hyppolite. Les meneurs sont arrêtés et traduits en justice. Le mois suivant, deux autres soulèvements, provoqués par des partisans d'Hyppolite, sont matés par le gouvernement. Alors que le président pense à avoir pris le contrôle de la situation, il fait face à un nouveau putsch en août 1889. Hyppolite, à la tête de ses troupes, se proclame chef du pouvoir exécutif dans le Nord, et marche sur Port-au-Prince. Vaincu, Légitime démissionne le 22 août suivant. Son vice-président, le général Monpoint Jeune, qui tente de se faire reconnaître comme président de la République, est écarté par Hyppolite qui s'empare du pouvoir, suspend la constitution républicaine, et se fait proclamer président à vie.

Dernières années[modifier | modifier le code]

Contraint de s'exiler, Légitime s'installe d'abord à New York puis, peu de temps après, s'exile à Paris[22]. Après la mort d'Hyppolite en 1896, son successeur, le général Tirésias Simon Sam, autorise l'ancien président François Denys Légitime à revenir en Haïti, à la condition qu'il renonce définitivement à la politique, et qu'il reste en retrait, ce qu'il fait jusque dans les années 1910. Fidèle au nouveau régime républicain, il se montre intéressé par la politique et écrit plusieurs essais sur des sujets politiques tels que Les considérations générales du peuple de la République d'Haïti (1911)[23]. Membre fondateur de la Société d'Histoire et de Géographie d'Haïti, il revient activement en politique en devenant membre du conseil départemental du Sud, en 1918. Il meurt le 29 juillet 1935, à l'âge de 93 ans, et reçoit des funérailles nationales de la part du président Sténio Vincent.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Sans Auteur, Histoire Du Gouvernement Du Général Légitime, Président de la République d'Haïti (23 Août 1890), Paris, E. Leroux, , 490 p. (lire en ligne)

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Par intérim jusqu'au 16 décembre 1888.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Justin Chrysostome Dorsainvil. Manuel d'histoire d'Haïti. University of Texas (1958), p. 351. (OCLC 1571092).
  2. (en) « Cet ancien président a passé seulement huit mois au pouvoir | Loop Haiti », sur Loop News (consulté le )
  3. The Encyclopedia Americana: A Library of Universal Knowledge. Encyclopedia Americana Corp. (1919), vol. 17, pp. 255-6. Cet article reprend du texte de cette source, qui est dans le domaine public.
  4. « “From Salomon to Légitime” by Jacques Nicolas Léger (1859-1918) », sur islandluminous.fiu.edu (consulté le )
  5. The Encyclopedia Americana: A Library of Universal Knowledge. Encyclopedia Americana Corp. (1919), vol. 17, pp. 255-6. Cet article reprend du texte de cette source, qui est dans le domaine public.
  6. « Haiti-Reference : Notables d'Haiti » François Denys Légitime n. 20 nov 1841 Jérémie d. 29 juil 1935 Port-au-Prince », sur www.haiti-reference.com (consulté le )
  7. "Légitime François Denis". Haiti-reference.com.Modèle:Unreliable source? Accessed April 20, 2010.
  8. « Salomon Jeune, Louis Félicité n. 30 juin 1815 Cayes d. 19 oct 1888 France: Notables d'Haiti : Haiti-Référence », sur www.haiti-reference.info (consulté le )
  9. Pierre Emmanuella TANIS, « 10 Août 1888: fin du gouvernement de Salomon Jeune - Juno7 », sur www.juno7.ht, (consulté le )
  10. Documents pour l'histoire d'Haïti. Révolutions de 1888-1889. Actes des trois départements du Nord, du Nord-Ouest et de l'Artibonite, et du gouvernement provisoire du 27 novembre 1888, recueillis et annotés par M. E. Mathon,..., (lire en ligne)
  11. Histoire du gouvernement du général Légitime, président de la République d'Haïti. (23 août 1890.), (lire en ligne)
  12. Pierre Emmanuella TANIS, « 28 septembre 1888. Le général Seïde Thélémaque est tué au cours d’une sanglante échauffourée - Juno7 », sur www.juno7.ht, (consulté le )
  13. The Encyclopedia Americana: A Library of Universal Knowledge. Encyclopedia Americana Corp. (1919), vol. 17, pp. 255-6. Cet article reprend du texte de cette source, qui est dans le domaine public.
  14. « Fouchard, Callisthènes n. 01 Mai 1840 Jérémie d. 8 avr 1915 Port-au-Prince: Notables d'Haiti : Haiti-Référence », sur www.haiti-reference.info (consulté le )
  15. « “From Salomon to Légitime” by Jacques Nicolas Léger (1859-1918) », sur islandluminous.fiu.edu (consulté le )
  16. « Éphéméride du jour,… 20 novembre 1841, Naissance à Jérémie de François Denys Légitime, homme politique haïtien, ancien président d’Haïti », sur Radio Vision 2000, (consulté le )
  17. „Unsinnig ist, wer glaubt, mit dem Strom des Volkes mitgehen oder diesen zurückdrängen zu können!“ Légitime, in: Zitate haitianischer Persönlichkeiten
  18. Recognition Of Légitime. (PDF) In: New York Times, 6. Februar 1889
  19. Haytis Rival Claimants; Hyppolites Offer To The United States. (PDF) In: New York Times, 4. April 1889
  20. Hayti Was Easily Cowed; The Galena And Yantic Looked Very Warlike. (PDF) In: New York Times, 30. Dezember 1888
  21. Légitimes Act Illegal; The Steamer Haytian Republic Must Must Be Released. (PDF) In: New York Times, 5. Dezember 1888
  22. Légitime Coming Here; Expected In New York This Week. (PDF) In: New York Times, 1. September 1889
  23. Ferdinand Tönnies: Gesamtausgabe Band 9 – 1911–1915. 1998, ISBN 3-11-015842-6

Liens externes[modifier | modifier le code]