Flunitrazépam

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Flunitrazépam
Image illustrative de l’article Flunitrazépam
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Identification
Nom UICPA 5-(2-fluorophényl)-1-méthyl-7-nitro-1,3-dihydro-2H-1,4-benzodiazépin-2-one
Synonymes

6-(2-fluorophényl)-2-méthyl-9-nitro-2,5-diazabicyclo[5.4.0]undéca-5,8,10,12-tétraèn-3-one

No CAS 1622-62-4
No ECHA 100.015.089
Code ATC N05CD03
PubChem 3380
SMILES
InChI
Propriétés chimiques
Formule C16H12FN3O3  [Isomères]
Masse molaire[1] 313,283 2 ± 0,015 1 g/mol
C 61,34 %, H 3,86 %, F 6,06 %, N 13,41 %, O 15,32 %,
pKa 1,8
Données pharmacocinétiques
Biodisponibilité + de 80 %[2],[3]
Métabolisme Hépatique
Demi-vie d’élim. 18 à 26 heures
Excrétion

Urinaire

Considérations thérapeutiques
Classe thérapeutique BenzodiazépineAnesthésique général
Voie d’administration Orale
Intraveineuse
Antidote Flumazénil
Caractère psychotrope
Risque de dépendance élevé

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Le flunitrazépam est un médicament de la famille des benzodiazépines découvert dans les années 1970 par le laboratoire Hoffmann-La Roche et commercialisé sous le nom de Rohypnol. Dans les pays où il est prescrit, ses puissantes propriétés hypnotiques et le risque de dépendance auquel il expose le font réserver aux cas d'insomnies sévères, et sa prescription est limitée (voir Abus et délivrance) .

Le flunitrazépam est également utilisé à l'occasion comme agent d'induction des anesthésies générales (Narcozep), mais il est presque abandonné dans cette indication en raison de sa durée d'action plus longue que celle d'autres alternatives (cf. midazolam)[4].

Indications[modifier | modifier le code]

Le flunitrazépam n'est plus prescrit en France. Il pouvait être indiqué dans certaines insomnies sévères réfractaires aux moyens thérapeutiques habituels (médicamenteux ou psychologiques), mais son utilisation doit être à court terme et très surveillée. La dose habituelle est d'un comprimé dosé à 1 mg (ou anciennement 2 mg), 1 heure avant le coucher.

Pharmacologie[modifier | modifier le code]

Le pic plasmatique du flunitrazépam est atteint rapidement[5], le groupe méthyle lié au cycle diazépine du produit augmentant son caractère lipophile[6]. On estime que 10 mg de diazépam équivalent à 1 mg de flunitrazépam. Sa demi-vie d'élimination se situe légèrement au-dessus de 20 heures[7],[8],[9]; l'élimination lente du produit présente un risque d'accumulation en cas d'usage quotidien.

Tout comme les nombreux produits apparentés, le flunitrazépam influence l'action du GABA en renforçant l'activité des récepteurs GABA-A-alpha[10], activés de manière naturelle par le corps. On parle alors d'un modulateur allostérique positif. Contrairement au barbital, ce produit n'est pas un agoniste de ces récepteurs et ne fait que renforcer leur activité lors de leur activation naturelle[11] (ou bien par le fait d'un autre agoniste, comme l'alcool[12]) ce qui limite quelque peu les risques de surdosage.

Effets secondaires[modifier | modifier le code]

Les effets indésirables à déplorer sont les mêmes que pour les autres produits de sa classe, avec notamment une certaine somnolence, ainsi que des pertes de mémoire (affectant surtout la mémoire épisodique et la mémoire sémantique)[11],[13]. Les risques de rencontrer ces complications varient de façon notoire en fonction des doses.

S'il est utilisé sur le long terme et a fortiori en grandes quantités, il peut mener à une tolérance et une dépendance non négligeable. Utilisés en quantités limitées ou uniquement occasionnellement, les benzodiazépines hypnotiques présentent toutefois un profil addictogène réduit[14],[15],[16].

Le traitement impliquant ce produit doit être le plus bref possible, et la dose de 2 mg ne doit pas être dépassée. Des produits plus modernes à l'élimination rapide comme le zolpidem et le zopiclone, qui ont un potentiel d'accumulation et de dépendance moindre lors d'un usage thérapeutique quotidien lui sont préférés en cas d'utilisation à long-terme[17],[18],[19].

Une étude récente a mis en exergue le rôle possible de certaines benzodiazépines dans le développement de la maladie d'Alzheimer[20]. Toutefois, leur rôle dans l'apparition de ces symptômes (ou dans le développement de cancers) est infirmé par des études contradictoires[21],[22]. Davantage de recherche est nécessaire pour s'exprimer avec certitude sur le rôle de ces médicaments vis-à-vis des cas de démence ou de certains cancers[23].

Abus et délivrance[modifier | modifier le code]

Malgré sa demi-vie longue, le flunitrazépam aurait donné lieu dans les années 1980/90 à des usages dits « festifs » par les toxicomanes expérimentés. On nomme cela se faire une « fiole », parce qu'il est mélangé à d'autres psychotropes (morphiniques, alcool…). L'existence de comprimé à 2 mg favorisait ce genre de « voyage » spécial où les usagers perdent le contrôle d'eux-mêmes et peuvent avoir des comportements illégaux et/ou dangereux, sans qu'après le « réveil », ils n'en aient aucun souvenir. En 2001, le flunitrazépam fut soumis à une réglementation particulière concernant sa prescription et sa délivrance[24] :

  • suppression du conditionnement à 2 mg/cp ;
  • prescription par le médecin limitée à 14 jours ;
  • délivrance par le pharmacien limitée à 7 jours ;
  • conservation des ordonnances ;
  • pas d'autre prescription pendant la durée du traitement ;
  • ordonnance spéciale sécurisée.

En France, le , le laboratoire Roche informe l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de l’arrêt de la commercialisation de la spécialité Rohypnolmg à compter du pour le modèle hospitalier et du pour le modèle ville, à cause d'un usage détourné et de reventes sur le marché noir trop fréquentes[25],[26].

Ce produit est parfois utilisé par les violeurs comme produit pour annihiler les défenses de la victime et lui faire perdre la mémoire. C'est ce que les médias nomment une drogue du viol. Elle est communément appelée « rup »[27] ou « roofie ». Son utilisation dans ce cadre semble toutefois avoir été en partie surestimée dans les médias[28],[29],[30].

Surdosage[modifier | modifier le code]

La surdose, comme pour toutes les benzodiazépines, peut entraîner un coma. Les risques sont grandement majorés par la prise simultanée d'autres dépresseurs, comme l'alcool ou les narcotiques.

Anecdotes[modifier | modifier le code]

C'est cette drogue qui est consommée par Phil, Stu, Doug et Alan dans le film Very Bad Trip et qui donne lieu à toute l'intrigue du film.

Dans Kingsman : Services secrets, les trois derniers espions en lice ont pour mission de soutirer des informations à une jeune femme dans une boîte de nuit. Ils sont alors drogués par un barman avec du Rohypnol.

Dans la série Trauma épisode 2 de la saison 5, une femme arrive à l'hôpital avec du Rohypnol dans le sang, après avoir été tabassée, mais elle nie en avoir consommé.

Dans l'épisode Left Around head saison 2 épisode 11 de Dexter : Lila en prend intentionnellement.

Dans la série The IT Crowd, ce médicament est utilisé par le PDG de Jen afin d'obtenir ses faveurs.

Dans le film Merci pour le chocolat, le pianiste André Polonski (Jacques Dutronc) s'avoue accro au Rohypnol, et ce produit joue un rôle important dans l'intrigue dramatique.

Dans la série Supernatural saison 9 épisode 13, Dean dit avoir été drogué après avoir mangé du pudding contenant un "extra" qu'il croit être du Rohypnol.

Le chanteur et guitariste de Nirvana, Kurt Cobain, a tenté de se suicider à Rome en mélangeant du champagne et une cinquantaine de ces comprimés, le 4 mars 1994.

Dans la série Les Frères Scott saison 1 épisode 8, Peyton Sawyer Scott se fait droguer avec ce produit.

Dans le film Loser, Noah a l'habitude d'utiliser cette drogue (conditionnée en comprimés) dans les fêtes pour séduire les filles plus facilement. Pour éviter qu'il recommence, Paul lui vole ses comprimés, les jette à la poubelle et les remplace par d'autres, inoffensifs.

Dans le clip Baby's got a Temper du groupe The Prodigy.[pas clair]

Dans la série Bones saison 1 épisode 19 , la secte rouge Dr T.Brennan a été droguée avec ce médicament.

Dans le film Le Flingueur Arthur Bishop donne une dose du produit à Steve McKenna pour effectuer son premier contrat.

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. https://link.springer.com/article/10.2165/00003088-198106050-00002
  3. (en) R Amrein, « Bioavailability from various galenic formulations of flunitrazepam », sur PubMed, Arzneimittel-Forschung, (ISSN 0004-4172, PMID 23801, consulté le ), p. 2383–2388.
  4. Claude MARTIN, « Sédation en milieu pré-hospitalier »
  5. M. Seppälä, J. Alihanka, J. J. Himberg et J. Kanto, « Midazolam and flunitrazepam: pharmacokinetics and effects on night time respiration and body movements in the elderly », International Journal of Clinical Pharmacology, Therapy, and Toxicology, vol. 31, no 4,‎ , p. 170–176 (ISSN 0174-4879, PMID 8500918, lire en ligne, consulté le )
  6. H. G. Boxenbaum, H. N. Posmanter, T. Macasieb et K. A. Geitner, « Pharmacokinetics of flunitrazepam following single- and multiple-dose oral administration to healthy human subjects », Journal of Pharmacokinetics and Biopharmaceutics, vol. 6, no 4,‎ , p. 283–293 (ISSN 0090-466X, PMID 29954, DOI 10.1007/BF01060092, lire en ligne, consulté le )
  7. C. Drouet-Coassolo, A. Iliadis, P. Coassolo et M. Antoni, « Pharmacokinetics of flunitrazepam following single dose oral administration in liver disease patients compared with healthy volunteers », Fundamental & Clinical Pharmacology, vol. 4, no 6,‎ , p. 643–651 (ISSN 0767-3981, PMID 2096104, DOI 10.1111/j.1472-8206.1990.tb00044.x, lire en ligne, consulté le )
  8. « Flunitrazepam », sur www.drugbank.ca (consulté le )
  9. (en) Alphapharm, « Hypnodorm »
  10. Tianze Cheng, Dominique Marie Wallace, Benjamin Ponteri et Mahir Tuli, « Valium without dependence? Individual GABAA receptor subtype contribution toward benzodiazepine addiction, tolerance, and therapeutic effects », Neuropsychiatric Disease and Treatment, vol. 14,‎ , p. 1351–1361 (ISSN 1176-6328, PMID 29872302, PMCID 5973310, DOI 10.2147/NDT.S164307, lire en ligne, consulté le )
  11. a et b (en) Wolfgang Löscher et Michael A. Rogawski, « How theories evolved concerning the mechanism of action of barbiturates », Epilepsia, vol. 53, no s8,‎ , p. 12–25 (ISSN 1528-1167, DOI 10.1111/epi.12025, lire en ligne, consulté le )
  12. « modulations de la réponse GABA-A : l'alcool », sur neurobranches.chez-alice.fr (consulté le )
  13. Allison Matthews, Kenneth C. Kirkby et Frances Martin, « The effects of single-dose lorazepam on memory and behavioural learning », Journal of Psychopharmacology (Oxford, England), vol. 16, no 4,‎ , p. 345–354 (ISSN 0269-8811, PMID 12503834, DOI 10.1177/026988110201600409, lire en ligne, consulté le )
  14. Azmeh Shahid, Sharon A Chung, Ron Phillipson et Colin M Shapiro, « An approach to long-term sedative-hypnotic use », Nature and Science of Sleep, vol. 4,‎ , p. 53–61 (ISSN 1179-1608, PMID 23620678, PMCID 3630971, DOI 10.2147/NSS.S28362, lire en ligne, consulté le )
  15. L. Kangas, J. Kanto, V. Lehtinen et J. Salminen, « Long-term nitrazepam treatment in psychiatric out-patients with insomnia », Psychopharmacology, vol. 63, no 1,‎ , p. 63–66 (ISSN 0033-3158, PMID 112623, DOI 10.1007/BF00426923, lire en ligne, consulté le )
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  29. (en) « What is the "Date Rape" Drug? », sur Office for Science and Society (consulté le )
  30. (en) « Date-rape drugs may not be as prevalent as you think », sur cbc.ca, CBC/Radio-Canada.