Variétés régionales du roumain

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Les régiolecte du roumain : en rouge – septentrionaux (banatéen, de Crișana, du Maramureș et moldave), en bleu – méridionaux (olténien et munténien).
Atlas Weigand de 1908 des régiolectes du roumain.

Les variétés régionales du roumain ou régiolectes selon le vocabulaire des linguistes roumains du XXIe siècle, sont traditionnellement traitées de deux points de vue :

Les idiomes romans de l'est (roumain, istro-roumain, aroumain et mégléno-roumain) ne sont que très partiellement inter-compréhensibles ; en revanche, les « régiolectes du roumain » présentent une intelligibilité mutuelle d'un degré beaucoup plus grand que les dialectes allemands, par exemple[4].

Cet article utilise les termes des linguistes du premier groupe ci-dessus, à savoir « régiolectes du roumain », subdivisés en « groupes de parlers » et « parlers ».

Configuration dialectale du roumain[modifier | modifier le code]

La configuration dialectale du roumain, c'est-à-dire le nombre de régiolectes, leur classification et leur hiérarchisation, ont toujours fait l'objet de débats[5]. Selon certains linguistes[6] il n'y a que deux régiolectes, celui du Nord ou « moldave » (moldovenesc en roumain), et celui du Sud ou « munténien » (muntenesc en roumain). D'après d'autres auteurs[7] il existe trois régiolectes : moldave, munténien et « banatéen » (bănățean en roumain). D'autres chercheurs[8] en comptent quatre : moldave, munténien, banatéen, et de Crișana » (crișean en roumain). Pour d'autres encore il y en a cinq : moldave, munténien, banatéen, de Crișana et du Maramureș. Ce sont les régiolectes retenus par la plupart de linguistes au XXe[9] et au XXIe[10] siècles. À ces régiolectes, certains linguistes ajoutent d'autres variétés, certaines appelées « de transition », mais dont ils soutiennent l'autonomie. Certains considèrent comme un régiolecte l'olténien (oltean)[11], d'autres celle du pays d'Oaș (oșean)[12]. L'existence de vingt régiolectes roumains fut soutenue par le linguiste Gheorghe Ivănescu.

Ces divergences sont dues au fait que les différences enregistrées dépendent des régiolectes concrets que l'on compare entre eux. La distinction est assez nette entre le moldave et le munténien, mais le banatéen est peu différent de celui de Crișana, d'un côté, et du munténien, de l'autre. Les différences sont encore moindres entre l'olténien et le munténien.

De vives controverses existent autour des variétés de la Transylvanie au sens strict, c'est-à-dire sans le Banat, la Crișana, le pays d'Oaș et le Maramureș. La plupart des linguistes les considèrent comme appartenant aux régiolectes voisins, bien qu'on leur reconnaisse un certain nombre de traits communs distincts. Par contre, certains linguistes[13] soutiennent l'existence d'un régiolecte transylvain qui couvre la Crișana et le Maramureș aussi, avec des traits qui le distinguent nettement du moldave, du munténien et du banatéen, mais qui est plus morcelé en variétés plus petites que ceux-ci. Ils y distinguent quatre groupes de parlers : transylvain du Nord-Est, transylvain du Centre-Sud, de Crișana et du Maramureș[14].

Ci-après sont succinctement traités cinq régiolectes : le munténien, le banatéen, celui de Crișana, celui du Maramureș et le moldave.

Groupe des régiolectes méridionaux[modifier | modifier le code]

Régiolecte munténien[modifier | modifier le code]

Ce régiolecte est celui des Roumains vivant en Munténie et en Dobroudja[15], mais aussi dans les judeţe transylvains de Județ de Sibiu et de Județ de Brașov et dans le nord de la Bulgarie. Il est divisé en quatre groupes de parlers : central (la majeure partie de la Munténie), du nord-est de la Munténie, de la Dobroudja du Nord et de la Transylvanie du Sud[16].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
palatalisation de [ʃ] devant [ə], qui devient [e] e
loje
ă
lojă
porte
loge
[d] purement dental suivi de [ə], [ɨ] dăștept
dân
deștept
din
intelligent
de
dissimilation de [e] en [i], surtout sous l'influence d'un [e] frappé de l'accent tonique fetili
caprili
fetele
caprele
les filles
les chèvres
au passé composé, la forme de la 3e personne du pluriel du verbe auxiliaire identique à la forme de la 3e personne du singulier ei/ele a venitără ei/ele au venit ils/elles sont venu(e)s
au passé composé, participe avec le suffixe -ără ei/ele a venitără ei/ele au venit ils/elles sont venu(e)s
à l'indicatif présent, la forme de la 3e personne du pluriel identique à celle du singulier ei/ele bea ei/ele beau ils/elles boivent
au futur avec l'auxiliaire a vrea « vouloir », la forme de la 3e personne du pluriel identique à celle du singulier ei/ele va bea ei/ele vor bea ils/elles boiront
le verbe a vrea utilisé au passé composé en tant que verbe modal am vrut să cad era să cad j'ai failli tomber
a veni « venir » utilisé en tant qu'auxiliaire d'aspect vine și/de crește începe să crească commence à croître
a veni auxiliaire de la diathèse passive grinda vine așezată aici grinda este așezată aici la poutre est placée ici
confusion des prépositions după « après » et de pe « qui est sur » floarea după/dupe masă floarea de pe masă la fleur qui est sur la table
de utilisé en tant que pronom relatif omul de vine omul care vine l'homme qui vient
complément d'objet direct avec la préposition la (valeur d'article partitif) mănâncă la pâine mănâncă pâine il/elle mange du pain
l'adverbe mai « plus » devant le pronom réfléchi nu mai mă duc nu mă mai duc je n'y vais plus
l'adverbe decât en construction restrictive utilisé sans la négation n(u) am decât două mere n-am decât două mere je n'ai que deux pommes

Lexique :

Phénomène Exemple dialectal Sens dans la langue standard Correspondant dans la langue standard Traduction
mots à sens spécifiques ginere gendre mire marié (au moment du mariage)
mots d'origine turque peșchir
perdea

rideau
prosop
adăpost pentru vite
serviette (pour s'essuyer)
abri pour le bétail
mots d'origine grecque dârmon ciur tamis

Le lexique du régiolecte munténien parlé en Dobroudja présente la particularité de contenir des vocables d'origines très diverses, à cause des spécificités de l'histoire de cette région. Celle-ci a fait partie de l'Empire Ottoman jusqu'en 1878, à la différence des principautés de Valachie et de Moldavie, qui étaient autonomes en tant que vassaux de l'empire. À côté des Roumains autochtones appelés dicieni par l'ethnographe George Vâlsan (en)[17], y vivaient depuis des siècles des Turcs, des Tatars de Crimée, des Russes lipovènes, des Ukrainiens, des Grecs, des Gagaouzes, etc. Dès avant 1878, des Roumains de Munténie, de Moldavie et même de la Transylvanie du Sud y séjournaient temporairement en tant qu'ouvriers agricoles saisonniers ou bergers transhumants. D'autres s'y réfugiaient pour échapper aux obligations fiscales ou militaires. Certains y sont restés. Lorsque, en 1878, la Roumanie indépendante a récupéré la Dobroudja, des Roumains de Munténie, d'Olténie, de Moldavie et du Banat y ont été colonisés. En conséquence, le lexique des Roumains de la région contient des mots de tous leurs régiolectes d'origine, ainsi que des emprunts des langues des autres ethnies[18]. Certains auteurs appellent la Dobroudja une zone de « mosaïque dialectale »[19].

Sources écrites[modifier | modifier le code]

Les premières attestations écrites du roumain (la Lettre de Neacşu de 1521 et environ 50 documents manuscrits ultérieurs), ainsi que la première dizaine de textes imprimés en roumain reflètent les caractéristiques du régiolecte munténien. C'est la base du roumain standard, qui n'a pas repris toutes leurs spécificités, mais au contraire, en a beaucoup rejeté, surtout pour ce qui est de la morphologie du verbe.

Groupe des parlers olténiens[modifier | modifier le code]

Ce groupe de parlers est répandu en Olténie (sauf la partie orientale du județ d'Olt), dans le Nord-Ouest de la Bulgarie et en Serbie (une partie de la vallée du Timok)[20].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]
Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
diphtongues [aj], [əj], [oj], [uj] devant [kʲ] et [gʲ][21] straichină
răichită
ureiche
oichi
păduiche
strachină
răchită
ureche
ochi
păduche
écuelle
saule
oreille
œil
pou
introduction d'un [i] entre deux consonnes initiales de mot hirean hrean raifort
[i] devant deux consonnes initiales de mot ișcoală școală école
[i] > [ɨ], [a] > [ə], [e̯a][22] > [a], après [t͡s], [s], [z], [r] zâce
țălină
măsa
zice
țelină
măsea
il/elle dit
céleri
dent (molaire)
pronom démonstratif féminin pluriel spécifique ăștea astea celles-ci
utilisation du passé simple (pour des actions très récentes) cântai[23] am cântat je chantai
adverbes pour trois degrés de proximité/éloignement (a)ici – aci(a) – acolo aici – acolo ici – là – là-bas
forme archaïque de l'impératif négatif au pluriel nu cântareți! nu cântați! ne chantez pas !

Lexique :

Phénomène Exemple dialectal Sens dans la langue standard Correspondant dans la langue standard Traduction
mots archaïques arm șold hanche
mots spécifiques a străfiga a strănuta éternuer
mots à sens spécifiques cotoi matou picior de pasăre cuisse de volaille

Groupe des régiolectes septentrionaux[modifier | modifier le code]

Régiolecte banatéen[modifier | modifier le code]

Ce régiolecte est caractéristique pour le Banat roumain, le Sud du județ d'Arad, le Sud du Hunedoara, pour les Roumains de Voïvodine et une partie de ceux de la vallée du Timok. On distingue trois groupes de parlers : du Sud (y compris la Voïvodine) du Nord-nord-ouest et du Nord-est (y compris la région de Hațeg)[24].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Ce régiolecte comporte beaucoup d'archaïsmes phonologiques, morphologiques et lexicaux. Son trait phonologique principal, par rapport au roumain standard, est un système vocalique riche et équilibré.

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
[ane] latin > [ɨne] câne câine chien
[e] > [ə], [i] > [ɨ], [e̯a] > [a] après [s], [ʃ], [t͡s], [z] să rupe
orășan
țân
zâc
se rupe
orășean
țin
zic
se rompt
citadin
je tiens
je dis
[a] tonique > [ʌ] ['fʌtə] fată fille
[e] tonique > [ɛ] devant une syllabe contenant un [e] ['pɛre] pere poires
[o̯a][25] > [ɒ] ['pɒrtə] poartă portail
[t͡ʃ] > [ʃʲ] devant [e] et [i] șier cer ciel
[d͡ʒ] > [ʒʲ] devant [e] et [i] jier ger gel
chute de [ʲ] final de mot après les consonnes fricatives et affriquées [uʃ]
[pot͡s]
uși
poți
portes
tu peux
chute de [ʲ] final de mot après [n] et palatalisation complète de celui-ci ['wɒmeɲ] oameni hommes, humains
[t] > [t͡ɕ] devant [e] et [i] frace frate frère
[d] > [d͡ʑ] devant [e] et [i] ges des dense
[n] + [e]/[i] latin > [ɲ] cuni cui clou
[u.wa] > [u.va] a luva a lua prendre
[a.wud] > [abd] labd laud je vante
[a.wut] > [apt] capt caut je cherche
article possessif à forme unique a tău, a ta
a tăi, a tale
al tău, a ta
ai tăi, ale tale
le tien, la tienne
les tiens, les tiennes
formes du verbe a fi « être » devenues pronominales mi-s
ni-s
vi-s
(eu) sunt
suntem
sunteți
je suis
nous sommes
vous êtes
forme ancienne de l'auxiliaire du conditionnel présent (v)reaș zișie zice je dirais
sous l'influence du serbe, préfixes marquant l'aspect perfectif m-am uitat am uitat j'ai oublié

Lexique :

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
le suffixe lexical -oni/-oane iepuroni
nemțoane
iepuroi
nemțoaică
lièvre (mâle)
(femme) allemande
mots archaïques d'origine latine nat individ individu
mots d'origine serbe goșt musafir hôte, invité
mots d'origine allemande farbă vopsea peinture (couche de couleur, couleur préparée avec un liquide)

Sources écrites[modifier | modifier le code]

Palia de la Orăștie (L'Ancien Testament d'Orăștie) (1582) comporte des spécificités dialectales du Banat. C'est des parlers banatéens que le roumain standard a adopté au XIXe siècle, à l'initiative de Ion Heliade Rădulescu, la désinence -au de la 3e personne du pluriel de l'imparfait de l'indicatif, différente de celle de la même personne du singulier : ei mergeau « ils allaient », ei făceau « ils faisaient »[26].

Le régiolecte banatéen est le seul à avoir été et à être encore le terrain d'expériences littéraires modernes. Un auteur relativement connu d'œuvres de ce genre est Victor Vlad Delamarina (en) (1870-1896)[27]. Au début du XXIe siècle, cette littérature a connu un certain renouveau. En 2002 a été fondée l'Association des écrivains en banatéen, avec sa revue Tăt Bănatu-i fruncea (Toujours le Banat à l'avant-garde). À Uzdin, en Voïvodine, fonctionne l'Association littéraire et artistique « Tibiscus », qui s'occupe de littérature dialectale roumaine. Ce régiolecte est également cultivé dans des émissions de radio et de télévision[28].

Régiolecte de Crișana[modifier | modifier le code]

Le régiolecte de Crișana se répartit en trois groupes de parlers : du Bihor, qui s'étend sur le județ de Bihor et le județ d'Arad aussi, ainsi que sur les localités habitées par les Roumains de Hongrie) ; du pays des Moți ; de la vallée du Someș. Les linguistes Emil Petrovici et Ion Coteanu ajoutent aux régiolecte de Crișana les parlers du pays d'Oaș. Dans une grande partie de la Transylvanie sont présents des parlers de transition entre ceux de Crișana, de Moldavie et de Munténie[29].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
nasalisation des voyelles [o'pitə̃'trjagə̃'strajt͡sə] o pâine-ntreagă în traistă un pain entier dans la musette
[ane] latin > [ɨne] câne câine chien
[e] > [ə], [i] > [ɨ], [e̯a] > [a] après [s], [ʃ], [t͡s], [z] să rupe
orășan
țân
zâc
se rupe
orășean
țin
zic
se rompt
citadin
je tiens
je dis
[e̯a] > [a] après [t], [d], [l], [n] palatalisés ['cakə]
[ɟal]
[ʎak]
[ɲam]
teacă
deal
leac
neam
fourreau
colline
remède
parent
[e] tonique > [ɛ] devant une syllabe contenant un [e] ['pɛre] pere poires
[o̯a] > [ɒ] ['pɒrtə] poartă portail
[d͡ʒ] > [ʒ] jer ger gel
palatalisation des consonnes occlusives dentales devant [e] et [i] (peut être de divers degrés) [tʲej] ou [cej]
[dʲintʲe] ou [ɟince]
tei
dinte
tilleul
dent
palatalisation de [n] devant [e] et [i] ['biɲe]
['domɲi]
bine
domnii
bien
les messieurs
palatalisation de [k] et [p] devant [e] et [i] [cej]
[pʲej] ou [cej]
chei
piei
clés
peaux[30]
[e̯a] tonique et atone > [ɛ] [lumɛ] lumea le monde
[ɨj] > [ij] întii întâi premier
introduction de [k] entre [s] et [l] sclab slab faible, maigre
introduction de [a] initial de mot[31] anumără numără il/elle compte
rhotacisme de [n] dans le parler du pays des Moți lură lună lune
génitif/datif archaïque de l'article défini omuli omului de l'homme / à l'homme
article possessif à forme unique a tău, a ta
a tăi, a tale
al tău, a ta
ai tăi, ale tale
le tien, la tienne
les tiens, les tiennes
formes spécifiques du verbe a fi « être » îs
îi
sunt
este, e
je suis, ils/elles sont
il/elle est
formes spécifiques de la 3e personne du singulier et du pluriel de l'auxiliaire du passé composé o făcut, or făcut a făcut, au făcut il/elle a fait, ils/elles ont fait
conjonction spécifique du subjonctif dans les parlers de Bihor și merg merg que j'aille
forme spécifique, composée, de l'indicatif plus-que-parfait m-am fo dusă mă dusesem j'étais allé(e)
conditionnel passé avec l'auxiliaire a vrea « vouloir » au passé composé o vu(t) hori ar fi cântat il/elle aurait chanté
l'auxiliaire après le verbe principal Făcut-ai foc?
Duce-m-oi.
Ai făcut foc?
Mă voi duce.
Tu as fait du feu ?
Je vais m'en aller.

Lexique :

Phénomène Exemple dialectal Sens dans la langue standard Correspondant dans la langue standard Traduction
archaïsmes d'origine latine vă! mergi!, du-te! va !
mots spécifiques nari nas nez
mots à sens spécifiques a cânta chanter a plânge pleurer
mots d'origine hongroise a cuștuli a gusta goûter
mots d'origine allemande firhang perdea rideau, voilage

Régiolecte du Maramureș[modifier | modifier le code]

Le régiolecte du Maramureș est répandu principalement dans le Maramureș historique, qui se trouve dans la partie du județ de Maramureș actuel située au nord des Monts Gutâi, et dans l'oblast de Transcarpatie ukrainienne. Les linguistes qui ne comptent pas les parlers du pays d'Oaș parmi ceux de Crișana, les considèrent comme faisant partie du régiolecte du Maramureș[32].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Phonologie :

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
[ane] latin > [ɨne] câne câine chien
[e] > [ə], [i] > [ɨ], [e̯a] > [a] après [s], [ʃ], [t͡s], [d͡z] să rumpe
orășan
țân
dzâc
se rupe
orășean
țin
zic
se rompt
citadin
je tiens
je dis
[e̯a] > [a] après [t], [d], [l], [n] palatalisés ['cakə]
[ɟal]
[ʎak]
[ɲam]
teacă
deal
leac
neam
fourreau
colline
remède
parent
fermeture de [e] atone, sauf final de mot oamini oameni hommes, humains
[e] > [ə] après [t͡ʃ] et [d͡ʒ] [t͡ʃər]
[d͡ʒər]
cer
ger
ciel
gel
[e] tonique > [ɛ] devant une syllabe contenant un [e] ['pɛre] pere poires
[o̯a] > [ɒ] ['pɒrtə] poartă portail
chute de [ʲ] final de mot après les fricatives et les affriquées [uʃ]
[nut͡ʃ]
[pot͡s]
uși [uʃʲ]
nuci [nut͡ʃʲ]
poți [pot͡sʲ]
portes
noix (pluriel)
tu peux
chute de [ʲ] final de mot après [n] et palatalisation complète de celui-ci ['wɒmiɲ] oameni hommes, humains
[de] latin > [d͡zə] Dumnedzău Dumnezeu Dieu
[di] latin > [d͡zɨ] dzâc zic je dis
[du] latin > [d͡zu] vădzut văzut vu
palatalisation complète des consonnes occlusives dentales devant [e] et [i] [cej]
[ɟince]
tei
dinte
tilleul
dent
palatalisation complète de [k] devant [e] et [i] [cej] chei clés[33]
palatalisation de [f] et [v] devant [e] et [i] sier
zin
fier
vin
fer
vin
palatalisation de [l] devant [e] ['pɛriʎe] perele les poires
[l] > [w] devant les occlusives, dans l'Oaș aub
autu
caudură
meuc
alb
altul
căldură
melc
blanc
autre
chaleur
escargot
palatalisation de [n] devant [e] et [i] ['biɲe]
['domɲi]
bine
domnii
bien
les messieurs
dépalatalisation des affriquées ['t͡ʃɒrə]
[d͡ʒam]
['tsavə]
cioară
geam
țeavă
corneille
vitre
tuyau
introduction de [ɲ] entre [m] et [j] [mɲel] miel agneau
introduction de [c] entre [p] et [j] ou [i] ['pcatrə] piatră pierre

Morphosyntaxe :

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
article possessif à forme unique a tău, a ta
a tăi, a tale
al tău, a ta
ai tăi, ale tale
le tien, la tienne
les tiens, les tiennes
forme spécifique unique de la 3e personne du singulier et du pluriel de l'auxiliaire du passé composé o făcut a făcut, au făcut il/elle a fait, ils/elles ont fait
chute des syllabes après celle tonique dans les verbes ce-i fa ce vei face qu'est-ce que tu vas faire
désinence spécifique de la 1re personne du pluriel de l'indicatif présent aux 2e et 3e conjugaisons ave
duce
avem
ducem
nous avons
nous portons
chute des syllabes après celle tonique au vocatif mătu!
[ɟo]!
mătușă!
Gheorghe!
ma tante !
Georges !
formes spécifiques de l'auxiliaire du futur a vrea « vouloir » oi / îi / a / om / îț / or mânca voi / vei / va / vom / veți / vor mânca je vais / tu vas / il/elle va / nous allons / vous allez / ils/elles vont manger
forme spécifique du plus-que-parfait de l'indicatif am fo dzâsă zisesem j'avais dit
emploi archaïque de l'infinitif S-o dus a ara. S-a dus să are. Il est allé labourer.
l'auxiliaire après le verbe principal Făcut-ai foc?
Duce-m-oi.
Ai făcut foc?
Mă voi duce.
Tu as fait du feu ?
Je vais m'en aller.

Lexique :

Phénomène Exemple dialectal Sens dans la langue standard Correspondant dans la langue standard Traduction
grande fréquence du suffixe diminutif -uc(ă) slăbuc slăbuț maigrelet
suffixe diminutif -ucă au féminin et au neutre pluriel piciorucă piciorușe petits pieds
mots archaïques d'origine latine sărune tărâțe cu sare son (de céréales) salé
mots spécifiques cătilin încet doucement, lentement
mots à sens spécifiques cocon petit monsieur copilaș petit enfant
mots d'origine ukrainienne a cușăi a gusta goûter

Régiolecte moldave[modifier | modifier le code]

C’est le régiolecte qui occupe le territoire le plus étendu : la Moldavie roumaine, la Bucovine roumaine, la Bucovine du Nord appartenant à l'Ukraine, une partie de la Transylvanie du Nord-est (județ de Bistrița-Năsăud), certaines parties des judeţe de Mureș, Harghita et Covasna, la Munténie du Nord-est (județe de Brăila et de Buzău), le nord du județ de Tulcea (en Dobroudja), la République de Moldavie, y compris la Transnistrie et le Boudjak ukrainien[34].

La notion linguistique de « régiolecte moldave » n'est pas à confondre avec celle politique de « langue moldave », dénomination officielle du roumain standard au temps de l'URSS et, au XXIe siècle, en Transnistrie[35].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Phénomène Exemple dialectal Correspondant dans la langue standard Traduction
[e̯a] finale de mot > [ɛ] [vi'nɛ] venea venait
fermeture de [ə] atone [sɨ 'vinɨ] să vină qu'il/elle vienne
fermeture de [e] atone fetili fetele les filles
[e] > [ə], [i] > [ɨ], [e̯a] > [a] après [s], [ʃ], [t͡s], [z] sî rupi
orășan
za
țân
se rupe
orășean
zea
țin
se rompt
citadin
liquide
je tiens
chute de [ʲ] final de mot après les fricatives et les affriquées [uʃ]
[pot͡s]
uși [uʃʲ]
poți [pot͡sʲ]
portes
tu peux
[de] latin > [d͡ze] dzece zece dix
[di] latin > [d͡zɨ] dzâc zic je dis
[t͡ʃ] > consonne proche de [ʃ] șier cer ciel
[d͡ʒ] > consonne proche de [ʒ] jier ger gel
palatalisations : [b] > [g], [p] > [k], [m] > [ɲ], [v] > [ʒ] ghini
chiept
[ɲik]
jin
bine
piept
mic
vin
bien
poitrine
petit
vin
article possessif à forme unique a tău, a ta
a tăi, a tale
al tău, a ta
ai tăi, ale tale
le tien, la tienne
les tiens, les tiennes
les pronoms personnels dânsul, dânsa, dânșii, dânsele se référant à des inanimés aussi Uiti masa. Puni lingurili pi dânsa. Uite masa. Pune lingurile pe ea. Voilà la table. Mets les cuillers dessus.
forme spécifique unique de la 3e personne du singulier et du pluriel de l'auxiliaire du passé composé o făcut a făcut, au făcut il/elle a fait, ils/elles ont fait
formes spécifiques de l'auxiliaire du futur a vrea « vouloir » oi / îi / a / om / îț / or mânca voi / vei / va / vom / veți / vor mânca je vais / tu vas / il/elle va / nous allons / vous allez / ils/elles vont manger
participe avec de trebuii di spus trebuie spus il faut dire

Lexique :

Phénomène Exemple dialectal Sens dans la langue standard Correspondant dans la langue standard Traduction
mots spécifiques agud dud mûrier
mots à sens spécifiques moș vieillard unchi oncle
mots d'origine ukrainienne hulub porumbel pigeon
mots d'origine russe (surtout à l'est du Prut) cori rujeolă rougeole
mots d'origine turque bostan citrouille pepene pastèque
mots d'origine grecque colțun ciorap bas (le vêtement)

Sources écrites[modifier | modifier le code]

Le document écrit le plus ancien comportant des caractéristiques moldaves date de 1566. Les parlers moldaves ont eu un rôle important dans la formation du standard du roumain, surtout par les œuvres des chroniqueurs Grigore Ureche, Miron Costin et Ion Neculce, puis d'écrivains tels Vasile Alecsandri, Ion Creangă, Mihai Eminescu et Mihail Sadoveanu.

Les 4 communautés de roumanophones des Portes de Fer et de la vallée du Timok, d'après Paun Durlić, auxquels s'ajoutent les Roms "valaques" de langue roumaine.

Les parlers des Roumains des Portes de Fer et de la vallée du Timok[modifier | modifier le code]

Ces parlers sont proches pour une partie de ceux du Banat, pour une autre partie de ceux d’Olténie, puisque leurs locuteurs proviennent de ces régions. Leur situation est particulière. Le pouvoir yougoslave, puis le pouvoir serbe les appelait vlasi (Valaques), bien qu’ils ne soient pas assimilables aux Aroumains, aux Mégléno-roumains et aux Istro-roumains, qu’on a l’habitude de dénommer par cette appellation commune. Les Roumains du Timok étaient en même temps considérés comme une ethnie différente des Roumains de Voïvodine, ne bénéficiant, à la différence de ceux-ci, ni d'enseignement ni de liturgie en leur langue. Ce n'est qu’en août 2007 que le gouvernement serbe a reconnu leur statut de minorité nationale et le fait que leur langue maternelle est le roumain. Les Serbes continuent à les appeler et eux-mêmes s'appellent vlasi en serbe, mais dans leur parler ils s’identifient comme rumâni (Roumains).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Cf. Sala 1989, p. 274-275.
  2. Par exemple Caragiu Marioțeanu 1975.
  3. Par exemple Sala 1989, Guia 2014 ou Spînu 2015.
  4. Sala 1989, p. 90.
  5. Section d'après Sala 1989, p. 90, sauf les informations des sources indiquées à part.
  6. Par exemple Alexandru Philippide (en), Iorgu Iordan et Emanuel Vasiliu.
  7. Par exemple Gustav Weigand (de) et Sextil Pușcariu.
  8. Par exemple Emil Petrovici (en) et Ion Coteanu.
  9. Par exemple Sever Pop ou Romulus Todoran.
  10. Par exemple Pană Dindelegan 2013 (p. 6), Guia 2014 (p. 29) ou Spînu 2015 (p. 48).
  11. Par exemple Grigore Brâncuș (en) et Valeriu Rusu.
  12. Par exemple Dorin Urițescu.
  13. Par exemple Vasile Frățilă et Vasile Ursan.
  14. Ursan 2008, p. 83.
  15. En Dobroudja a existé un parler « dicien » (qu'évoque George Vâlsan dans ses Opere alese (« Œuvres choisies », dir.: Tiberiu Morariu, Ed. științifică, Bucarest 1971, p. 123) aujourd'hui fondu dans le parler munénien, mais dont il subsiste sur place des tournures et un lexique influencés par le grec et le turc : voir Mariana Iancu, (ro) « De ce eşti baistruc ? Cuvinte ciudate ale dobrogenilor », dans Adevărul [1] du 26 mars 2015.
  16. Section d'après Sala 1989, p. 203, sauf les informations de la source indiquée à part.
  17. Graiul românesc, I, no 7, 1927, p. 142 et Opere postume (Œuvres postumes), Bucarest, 1936, p. 49.
  18. Penișoară 2003, p. 193.
  19. Par exemple Guia 2014 p. 35.
  20. Section d'après Sala 1989, p. 225.
  21. [k] et [g] palatalisés.
  22. Diphtongue formée d'un [e] semi-vocalique et d'un [a].
  23. Le passé simple subsiste dans la langue littéraire aussi, uniquement dans les textes narratifs.
  24. Sala 1989, p. 47.
  25. Diphtongue formée d'un [o] semi-vocalique et d'un [a].
  26. Gheție 1975, p. 492.
  27. Auteur, par exemple, du poème comique Ăl mai tare om dân lume (L'homme le plus fort du monde), Facla, Timișoara, 1972.
  28. Ghinea Nouraș, p. 2004.
  29. Section d'après Sala 1989, p. 88.
  30. Ainsi la prononciation des deux mots peut devenir identique. Si on leur ajoute le mot tei « tilleul » avec [t] palatalisé, on a trois mots à prononciation identique.
  31. Moins fréquente qu'en aroumain.
  32. Section d'après Sala 1989, p. 192 et 226.
  33. Ce mot devenant homophone de celui signifiant « tilleul ».
  34. Section d'après Sala 1989, p. 201.
  35. Le parler moldave est un enjeu politique dans la controverse identitaire en République de Moldavie. Le point de vue des linguistes russes affirme que le parler moldave, remontant aux Volochovènes et beaucoup plus influencé par les langues slaves orientales que les autres, serait une langue à part entière, différente du roumain « invention moderne et artificielle venue plus tard » s'y surimposer. En conséquence, la dénomination officielle légale de la langue parlée en république de Moldavie a longtemps été double : elle est appelée « Moldave » (limba moldovenească /'limba moldoven'e̯ascə/) aux termes de l’article 13 de la Constitution (voir Constitution de la République de Moldavie : c’est le nom utilisé par les slavophones et les pro-russes), mais « Roumain » (limba română /'limba ro'mɨnə/) aux termes de la déclaration d’indépendance de 1991 et de l’arrêt n° 36 de la Cour constitutionnelle du 5 décembre 2013 (voir [2] : c’est le nom utilisé par les pro-européens et par la Roumanie). En République de Moldavie, ces deux dénominations concernaient aussi bien le parler populaire moldave que la langue moderne officielle en Moldavie et Roumanie. Toutefois depuis la loi no 52 du 16 mars 2023 modifient l'article 13 de la Constitution (voir (ro) « VIDEO Îmbrânceli și scandal în Parlamentul de la Chișinău/„Limba moldovenească” dispare din toate legile Republicii Moldova », hotnews.ro,‎ (lire en ligne)), seule la dénomination « Roumain » reste légale et officielle en République de Moldavie (voir (ro) « Decizie cu scântei: „limba moldovenească” va fi înlocuită cu „limba română” în legislație », Europe Libera Moldova,‎ (lire en ligne)).

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (ro) Caragiu Marioțeanu, Matilda, Compendiu de dialectologie română (nord- și sud-dunăreană) [« Abrégé de dialectologie roumaine (nord- et sud-danubienne) »], Bucarest, Editura Științifică, (lire en ligne)
  • (ro) Gheție, Ion, Baza dialectală a românei literare [« La base dialectale du roumain littéraire »], Bucarest, Editura Academiei,
  • (ro) Ghinea Nouraș, Cristian, « Literatura în grai bănățean este un fenomen viu » [« La littérature en régiolecte du Banat est un phénomène vivant »], sur poezie.ro, (consulté le )
  • (ro) Guia, Sorin, Elemente de dialectologie română [« Éléments de dialectologie roumaine »], Iași, Vasiliana ’98, (ISBN 978-973-116-384-0, 978-973-116-384-0)
  • (en) Pană Dindelegan, Gabriela, The Grammar of Romanian [« Grammaire du roumain »], Oxford, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-964492-6, lire en ligne)
  • (ro) Penișoară, Ion, « Unele aspecte dialectale în entopica dobrogeană » [« Certains aspects dialectaux des noms communs géographique de la Dobroudja »], Dacoromania, vol. nuvelle série, nos 7-8,‎ 2002-2003, p. 193-196 (lire en ligne [PDF], consulté le )
  • (ro) Sala, Marius (dir.), Enciclopedia limbilor romanice [« Encyclopédie des langues romanes »], Bucarest, Editura Științifică și Enciclopedică,
  • (ro) Spînu Stela, Dialectologia (Suport de curs) [« Dialectologie (Support de cours) »], Chișinău, Université de l'Académie des sciences de Moldavie, (ISBN 978-9975-933-60-5, lire en ligne)
  • (ro) Ursan, Vasile, « Despre configurația dialectală a dacoromânei actuale » [« Au sujet de la configuration dialectale du daco-roumain actuel »], Transilvania, vol. 37, no 1,‎ , p. 77-85 (lire en ligne [PDF], consulté le )