Aulos (instrument)

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L'aulos (en grec ancien αὐλός, aulós) est un ancien instrument de musique à vent utilisé notamment en Grèce antique. Le musicien est appelé un aulète. Le terme aulos est traditionnellement traduit par « flûte (double) »[1], mais il est plus proche du hautbois[2].

Selon la légende, l'aulos est inventé par Athéna pour imiter le thrène funéraire de Méduse[3] ; la déesse le jette ensuite au loin[4], s’étant aperçue que souffler dans l'instrument déforme ses traits[5]. L’aulos est récupéré par le satyre Marsyas qui l’utilise dans son concours contre Apollon, qui joue de la lyre[6].

Facture

Détail d'une coupe attique, garçon jouant de l'aulos en gonflant les joues. 460 av. J.-C. Musée du Louvre

L'aulos est composé d’un double tuyau percé de trois ou six trous et doté d'une anche double[7]. Il est fabriqué en roseaux, en bois ou même en ivoire. Il s’oppose au flageolet des bergers, la syrinx, qui ne possède pas d’anche ; on le qualifie donc parfois de flûte noble. Sa sonorité est aigrelette.

Jeu

L’aulos est très utilisé à l'époque archaïque où il accompagne la poésie lyrique[8]. Il est l'un des deux instruments appris par les jeunes Athéniens, avec la lyre[2]. Il passe ensuite de mode auprès des nobles ; Alcibiade refuse d'apprendre à en jouer pour le même motif qu’Athéna — c'est-à-dire qu'il déforme le visage lorsqu'on en joue. Cet événement précipite le déclin de l'instrument[9]. Son apprentissage reste enseigné au IVe siècle av. J.-C.[10], mais Aristote l'exclut de son programme d'enseignement[11]. À Athènes, l’aulos est donc surtout un instrument de musiciens professionnels. Il est utilisé dans les banquets, aux funérailles ou encore pendant les sacrifices religieux, mais aussi dans la marine de guerre, pour rythmer les mouvements de rame[12].

Dans d’autres cités, l’aulos connaît davantage de vogue : Thèbes est un centre renommé[2]. Au Ve siècle av. J.-C., l'aulète thébain Antigénidas révolutionna l'instrument en l'adaptant à sa musique, faisant en sorte que le roseau vibre davantage afin d'y ajouter des fioritures : il le coupa plus jeune et le tailla plus souple, facilitant ainsi un jeu « ornementé »[13]. Le jeu ornementé et la taille du roseau devinrent rapidement à la mode et sa présence est de bon ton lors des fêtes de personnes d'un certain statut : Iphicrate engagea Antigénidas pour ses noces avec la fille du roi Cotys Ier. Un autre aulète thébain, Andron de Catane[14], ajouta à son jeu des mouvements de corps : on parla alors d'un jeu « sicilisé ».

À Sparte, l’aulos joue le rôle du fifre des armées occidentales à l’époque moderne : il rythme la cadence pour les soldats et sert de support pour les chants de marche[15].

Aulos des anciens Grecs

Introduction

Pélikè représentant un berger jouant du aulos et monté sur un bélier. Musée du Louvre.470 av. J.-C.

Le terme aulos se rattache, à tort ou à raison, au verbe souffler (ἄημι). Il dérive très certainement du monaulos (μόναυλος). Dans la Grèce antique, l'aulos est un ancien instrument de musique à vent assimilé à nos anciens hautbois ou clarinette. Il est préférable de le traduire par chalumeau. L'aulos est le plus important des instruments à vent. Aucun instrument de l’Antiquité grecque n’a été représenté avec autant d’erreurs par nos contemporains. Jusqu’au milieu du XXe siècle, il a été confondu avec la trompe ou plus couramment avec la flûte. Un contre-sens traditionnel chez les hellénistes non musiciens (cf. dictionnaire de grec).

Les joueurs d'aulos se nomme aulètèr (αὐλητήρ) à ne pas confondre avec le chanteur d'une auloodia (αὐλῳδία), c'est-à-dire l'auloodos (αὐλῳδός) qui ne joue pas de chalumeaux. L'aulos n'est pas un instrument pastoral, il s’oppose au flageolet des bergers (syrinx) ; on qualifie donc parfois l'aulos de flûte noble. Sa sonorité est aigrelette… Même avec tous ses raffinements, l'aulos resta un instrument familier. D’autres instruments à vent ont existé, mais ils sont en retrait car leur technique n’a pas été approfondie autant que celle de l'aulos.

On peut entendre l'aulos sur :

L'invention légendaire de l'aulos

cratère représentant Marsyas jouant du aulos, Athéna et Apollon sont à sa droite. British Museum ;410 av. J.-C.

L'origine (supposée) exotique du chalumeau en fait un instrument peu apprécié par les mythes grecs. Son invention est souvent divine et viendrait d'Athéna (voire Apollon ou Euterpe). Mais parfois l'invention est attribuée à Hyagnis (il serait même le plus ancien joueur de chalumeau), le silène Marsyas ou son disciple Olympos. Au XVe siècle avant J.-C., on situe le fameux aulètèr Olympos, élève de Marsyas. Olympos aurait composé divers nomes sacrés et funèbres, encore conservés au temps d'Aristote qui les admiraient. Olympos passe encore pour avoir inventé la gamme enharmonique. D'après certains auteurs, l'invention de la syrinx par Cybèle aurait suggéré à Marsyas l'invention du chalumeau simple μόναυλος ou du plagiaulos πλαγίαυλος. Quand l'invention est divine, c'est pour rejeter l'instrument (cf. Athéna). Parce que le jeu de l'aulos (αὐλητικός) déforme les traits de son visage.

Dans le mythe avec Athéna, cette dernière inventa la trompette et l'aulos double en os de cerf qui émet le même son que les deux Gorgones qui pleurent la mort de leur sœur Méduse, pour imiter le thrène funéraire.

« La Vierge (Athéna) créa l'air tout vibrant des chalumeaux afin d'imiter avec son apparat, jaillit des mâchoires convulsives d'Euryale, la stridente plainte. La déesse l'inventa et l'ayant inventé pour que les hommes mortels l'eussent. Elle l'appela nome à plusieurs têtes, le glorieux évocateur des joutes pousse-peuples. » (Pindare, Pythiques, XII, 18-22)

Un jour, alors qu'Athéna était à un banquet des dieux pendant lequel elle jouait à ravir du aulos, Héra et Aphrodite se sont moquées d'elle à cause de ses joues gonflées d'air. Athéna en eut assez et s'éclipsa dans un bois en Phrygie, joua d'aulos et regarda, au bord de la rivière, son image dans l'eau. Pendant qu'elle soufflait dans le aulos, ses joues se mirent à gonfler et son visage se mit à congestionner. Elle jeta donc l'aulos et lança une malédiction sur quiconque la ramasserait.

Le pauvre et innocent Marsyas (satyre) ramassa l'instrument. Il s'entrava sur l'aulos et il n'eut même pas le temps de la porter à ses lèvres que, se souvenant de la musique d'Athéna, l'aulos se mit à jouer tout seul. Il parcourut la Phrygie dans la suite de Cybèle, enchantant les paysans qui disaient que même Apollon n'aurait pas pu faire mieux sur sa propre lyre.

Apollon se mit donc très en colère quand il apprit que Marsyas jouait de l'aulos mieux que lui, il le défia dans un concours et le vainqueur aurait le droit d'infliger au perdant le châtiment de son choix. De prime abord, il est impossible de départager les deux musiciens. Comme on n'arrivait pas à les départager, Apollon retourna sa cithare sans cesser de jouer dessus. Il exigea que Marsyas en fit de même. Mais il ne put pas. Ou bien Apollon chanta en s'accompagnant et exigea que Marsyas en fit de même. Jouer d'aulos et chanter en même temps était bien évidemment impossible et Marsyas échoua.

Marbre de Mantinée représentant le concours d'Apollon (avec une cithare) contre Marsyas (avec l'aulos), IV s. av. J.-C.

Apollon se vengea de la plus cruelle des façons: il attacha Marsyas à un pin et il l'écorcha tout vif puis il cloua sa peau près d'une grotte. Les larmes de ses amis, les nymphes et les satyres, venus pour pleurer formèrent le fleuve Marsyas. Apollon aurait regretté ses fautes et aurait même brisé sa lyre par repentance. Dans une autre version, le roi Midas aurait été jugé pour avoir tranché en faveur de Marsyas : le roi aurait reçu une paire d'oreilles d'âne pour avoir préféré Marsyas à Apollon dans le concours qui les opposait.

Le concours entre Apollon et Marsyas symbolise la lutte entre les influences apolliniennes ἔθος (éthos) et dionysiennes πάθος (pathos) de l'homme et reste un sujet favori des artistes antiques (on retrouve ce thème dans la Naissance de la Tragédie de F. Nietzsche).

Les personnages qui jouent souvent de l'aulos sont Cybèle, Silène, Satyres, Ménades, Génies ailés, les Sirènes ou les Muses.

Facture de l'aulos

Schéma d'un aulos

Cinq à six cents fragments d'aulos sont conservés dans les musées, ce qui permet de connaître les matières premières.

Désignations de l'aulos

Lorsque l'on trouve le terme αὐλός au singulier, il désigne tout de même le chalumeau double. On trouve aussi les αὐλοί (pluriel d’αὐλός), les « chalumeaux-jumeaux » δίδυμοι αὐλοί ou le « chalumeau-double » δίαυλος ou le « joug-double » δίζυγος. Attention, les tuyaux des deux αὐλοί pouvaient être aussi bien de la même longueur que de longueurs différentes.

Les deux chalumeaux

L'aulos classique se compose toujours de deux chalumeaux ( βόμϐυκες) distincts. La perce des chalumeaux était cylindrique, comme nos clarinettes, et varie généralement entre 0,80 et 1 cm. La matière des chalumeaux varie selon l'époque et le musicien. Le roseau du Copaïs (près d'Orchomène en Béotie), le buis, le lotus sont naturellement peu coûteux, les moins compliqués à fabriquer et donc réservés aux musiciens modestes.

Annie Bélis a relevé un fait passionnant : les aulos étaient fabriqués sur commande pour les αὐλητήρ professionnels qui formulaient leurs désirs et leurs exigences auprès du facteur d’instruments ; par conséquent, chaque aulos était pour ainsi dire, unique. Les matières les plus courantes, pour les aulos professionnels, étaient l’os (chiens, ânes, aigles, vautours, faon…), l’ivoire, le bronze et l’argent. Par ailleurs, les Thébains furent les pionniers à gainer de bronze les aulos. Il faut encore ajouté les chalumeaux l'argile, la pierre (au néolithique) et d'autre métaux (laiton, or).

Certains chalumeaux atteignaient des prix considérables : Isménias paya 7 talents une paire de chalumeaux. Il arrivait donc que les artistes confectionnent eux-mêmes leurs instruments ou les revendent.

Les trous de jeu

Les deux tuyaux (κοιλία) des deux chalumeaux sont cylindriques et munis de trous (τρῆματα ou τρυπήματα). On perçait les trous au fer rouge. Pour déterminer l'emplacement convenable de chaque trou, les Anciens ont établi des règles mathématiques. Mais de pareils calculs ne peuvent mener qu'à une approximation, car ils supposent un canal intérieur au même diamètre que les trous de jeu. De plus la hauteur peut être modifiée par l'épaisseur de la paroi ou la sensibilité de l'anche. L'important était de d'assurer une cohésion entre les deux chalumeaux qui jouent toujours ensemble. En principe, les trous de jeu sont de forme ronde et alignés sur le dessus du tuyau. Mais on peut trouver des trous forés sur la face inférieure et en alternance avec la face supérieure. On peut encore trouver des trous allongés certainement pour un jeu d'occlusion partiel (du genre enharmonique). L'aulos est souvent représenté avec 4 trous par chalumeaux (jeu sur une octave). C'est d'ailleurs une chose toute naturelle, puisque les pouces sont employés, en opposition, pour maintenir les tuyaux.

L'invention des viroles (voir plus loin) permettant de tenir automatiquement un trou fermé tant qu'on n'en a pas besoin, permit aux facteurs d'instruments de multiplier le nombre de trous au-delà de 4. Les progrès furent même plus spectaculaires que pour la cithare. On trouve alors des chalumeaux doubles à 5 et 6 trous en général, puis deux fois 10 trous. Puis des chalumeaux de 12 ou 15 trous, et même un chalumeau exceptionnel à 24 trous (aulos d'Axos au Musée de Candie, à Héraklion). Comme la gamme de l'aulos primitif ne dépasse pas l'octave, le trou le plus haut se trouve à la moitié du tuyau et la longueur ne dépassait guère 30 cm.

Il existe peu d'informations sur l'emplacement des trous et par conséquent sur la gamme de l'instrument. Ce qui est connu est que les deux bourdons sonnent à l'unisson. En principe, le jeu est hétérophone, la partie grave (celle du chant) s'exécutait sur le tuyau de droite, l'accompagnement sur le tuyau de gauche.

L'embouchure

Une embouchure (ὅλμος) en forme de bulbe se visse au sommet. L'embouchure contient une anche. ὅλμος (mortier) et ὑφόλμιον (socle de mortier) sont des termes empruntés au matériel de boulangerie (pour leur ressemblance). Elles sont fabriquées dans la même matière que l'instrument. L'embouchure est la partie supérieure, en forme d'entonnoir, où l'anche est plantée « comme une fleur dans un pot ». Un étranglement, destiné à maintenir l'anche en place, le relie à ὑφόλμιον, qui a la forme d'un bulbe. Une ligature assujettissait ὅλμος et ὑφόλμιον.

L'anche double ou simple

Vestige d'un diaulos, British Museum.

L'anche est une lamelle de roseau, de jonc. Aujourd'hui encore, le roseau est utilisé pour nos hautbois, clarinettes, bassons etc. L’aulètèr (αὐλητήρ) introduit l'anche dans la bouche, souffle vigoureusement, mettant en vibration les deux languettes et la colonne d'air de l'instrument. Les anches sont taillées dans un roseau spécial, dit kalamos zeugitês (κάλαμος ζευγίτης). Les anches devaient provenir d'un même roseau et d'un même entre-nœud.

Les Anciens étaient très exigeants pour leurs anches : le roseau devait avoir grandi dans l'eau pendant deux ans ! Les sujets dénués d'aigrette (dits eunuques) fournissaient les anches les plus parfaites, mais étaient très délicats à travailler. On les coupait en septembre et on les laissait sécher pendant plusieurs années. Avec l'entre-nœud supérieur, l'anche est trop flexible, avec l'entre-nœud inférieur, l'anche est trop rigide. L'entre-nœud médian fournissait les meilleures anches. On utilise une anche simple (glôtta / glôssa [γλῶττα / γλῶσσα] ou glôssis / glôttis, [γλωσσίς / γλωττίς]) ou double (ζεῦγος, zeugos, signifiant attelage, paire), comme pour le hautbois actuel.

Pour l'aulètèr, les anches faisaient l'objet de tous les soins. Il n'hésitait pas à les enlever, les placer en lieu sûr dans une boîte etc.

Viroles et tubulures

L'aulos primitif était un instrument aux ressources limitées (9 notes distinctes + notes altérées avec obturation à moitié des trous de jeu avec les doigts). Le perfectionnement de l'aulos consista dans deux dispositifs de viroles et de tubes latéraux. Les viroles métalliques sont maintenues par les bagues. La forme des viroles rappelaient les esprits de l'alphabet grec.

Les viroles

Vestiges d'aulos avec viroles

Les ressources de l’aulos furent étendues au Ve siècle av J.-C., par deux artistes de l'école de Thèbes : Pronomos (maître d'Alcibiade) et Diodore. Pronomos trouva, le premier, les moyens d'exécuter sur un seul chalumeau tous les modes. Diodore, quant à lui, introduisit la « multiplicité des trous » et les « chemins obliques » pour le souffle. On imagina d'enfiler une série de viroles en métal (bague placée sur un manche et qui sert à assujettir une autre pièce de bois) qui, par rotation, venait couvrir entièrement ou partiellement les trous (pour le jeu enharmonique). Plus tard, on greffa une petite cheminée auxiliaire, paratrupèma (παρατρύπημα).

D'aspect extérieur, l'instrument semblait revêtu entièrement par une gaine de métal, comme nos instruments modernes (cf. Théobal Boehm).

L'invention des viroles eut pour effet d'augmenter la longueur des tuyaux, généralement entre 30 et 60 cm. Les longueurs restent modestes. Ce qui peut nous interpeller, ce sont les monuments figurés[Quoi ?] qui font voir des instruments démesurés !

L’aulos fut augmenté à douze trous et même quinze. La longueur des tuyaux s'accrut également. L'instrument couvrait deux octaves. Naturellement, un pareil instrument ne pouvait pas se manier à l'aide des seuls doigts des deux mains.

Le doigté consiste, au début, à bien boucher les trous, puis à savoir les obturer partiellement. Et avec le mécanisme de viroles, la main ne reste plus en place, elle se promène avec agilité et rapidité de haut en bas, tourne la virole, manœuvre un crochet, tire la griffe.

Les tubulures

Les tubulures étaient trop fragiles pour résister au temps et parvenir jusqu'à nous. Il n'existe, à priori, qu'un seul exemple : celui du chalumeau de Sambon. En revanche, elles sont souvent représentées sur les monuments. Les tubulures ressemblent à une tige cylindrique terminée par un pavillon, ou parfois elles font penser à une dent qui vient se loger sur le trou de jeu. Les tubulures permettaient d'obtenir des variations au quart de ton très précises, et d'avoir un instrument parfaitement chromatique. Il suffisait de changer les tubulures, pour changer le genre ou le mode, un peu comme on changeait de ton sur les cor naturel au XVIIIe siècle.

Il faut noter qu'aucune représentation de la période classique ne laisse apparaître de tubulures ou de viroles (de même la lyre a toujours 4 ou 7 cordes). L'idéalisme en art, à cette époque, jugeait ce genre de détail futile et indigne d'être représenté dans des scènes mythologiques, tout simplement.

La syrinx de l'aulos

C'est un dispositif du IVe et IIIe siècle av. J.-C., pas très bien défini et qui reste énigmatique. Certains voient une anche susceptible d'être tirée, d'autres un petit trou placé près de l'embouchure, d'autres une « sorte de piston » qui coulisse dans le trou de jeu. Ou peut-être s'agit-il simples tuyaux bourdons ! Les textes antiques nous disent qu'en tirant vers le haut, la syrinx hausse le son, en tirant vers la bas, elle rend le son plus grave.

Le jeu de l'aulos

La gamme de l'aulos

À l'époque archaïque, l'ambitus de l'instrument ne dépassait pas l'octave pour 2 x 4 trous de jeu.

Le chalumeau affecté au chant jouait paranètè (παρανήτη, ré3) – paramésè (παραμέση, si3) – mésè (μέση, la3) – parupatè (παρυπάτη, fa2) – hupatè (ὕπατη, mi2). Le chalumeau d'accompagnement jouait nètè (νήτη, mi3) - tritè (τριτη, des disjointes do3) – tritè (τριτη, des conjointes sib3) - mésè (μέση, la3) – hupatè (ὕπατη, mi2). L'aulos est censé utiliser tous les modes usuels, mais certains témoignages n'évoquent que cinq modes : dorien, phrygien, lydien, iastien et syntono-lydien. C'est le mode phrygien qui est incontestablement préféré pour le jeu de l'aulos.

Au temps d'Aristoxène, les facteurs d'aulos employaient 6 tons, dont les fondamentales étaient échelonnés du grave à l'aigu comme suit : hypophrygien ; ¾ de ton ; hypodorien ; ¾ ; dorien ; 1 ton ; phrygien ; ¾ ; lydien ; ¾ ; mixolydien. Après l'abandon de l'enharmonique et des quarts de ton au IIIe siècle av. J.-C., l'échelle aulétique comporte 7 tons : hypophrygien ; 1 ton ; hypolydien ; 1 ton ; iastien ; ½ ton ; phrygien ; 1 ton ; lydien ; 1 ton ; hyperiastien ; 1 ton ; hyperéolien.

Il n'y a pas trace, dans la théorie musicale antique, de l'observation ou de l'utilisation des sons harmoniques. Les chalumeaux du Moyen Âge ne les utilisaient pas davantage.

Les ornements

Les joueurs d'aulos usaient aussi d'ornements tels que trilles, mordants etc. qu'on appelait teretismoi (τερετισμοί) et niglaroi (νίγλαροι). Ils étaient utilisés surtout dans le nome pythique, où l'artiste devait imiter les sifflements du dragon expirant et le grincement des dents. Un autre artifice permettait d'imiter le son de la trompette. Le trémolo fut introduit par Antigénidas et entraîna une modification dans la préparation des anches. On vanta longtemps les « modulations de miel » de cet artiste.

L'hétérophonie

La particularité de l'aulos, c'est de jouer à deux parties. Un tuyau, appelé melos (μέλος) est chargé du chant, l'autre tuyau, krousis (κροῦσις) fait l'accompagnement. Le chant est au registre grave et l'accompagnement au registre aigu (contrairement à nous). Il faut noter qu'avec l'aulos phrygien, on tient le tuyau à corne (le plus long, donc le plus grave, celui de la mélodie) avec la main gauche. Toutefois Varron dément catégoriquement cette conclusion, ce qui suppose une différence de pratique entre Grecs et Romains.

Le rythme

Musicienne et danseuse avec crotales, Rhyton en tête d'âne. 470 av. J.-C. Musée du Louvre

L'aulètèr qui fait sa partie dans un ensemble joue le rôle de dirigeant. Il doit marquer la cadence. Comme ses mains sont occupées par son instrument, il frappe la mesure avec les pieds. C'est pourquoi son pied droit est armé d'une semelle ou d'un appareil nommé kroupéza (κρούπεζα).

Dans les soli, on attend de l'aulètèr des mouvements rythmiques, mais aussi des balancements du corps, bref une véritable chorégraphie. Cette mode avait été inaugurée par Andron de Catane et Cléolas de Thèbes. L'aulètèr Pronomos avait obtenu un grand succès auprès de son public.

Les accessoires

La muselière (phorbeia)

Joueur d'aulos avec phorbeia, amphore attique 510 av. J.-C. Staatliche Antikensammlungen

Pour les aulètèrs (et trompettistes à anches antiques), il était nécessaire de disposer d’une grande force physique et d’un des accessoires les plus caractéristiques : la phorbeia (φορϐειά). Elle ressemblait à une muselière et était constituée de trois pièces distinctes : une large bande de cuir qui enserrait les joues et passait devant la bouche du musicien ; celle-ci était reliée par deux anneaux à une autre sangle, moins large, qui passait derrière la tête ; et à une seconde lanière, qui passait au sommet du crâne.

Le cuir recouvrant la bouche de l’aulètèr était percé de deux trous qui permettaient le passage des anches. Cet accessoire n’était pas indispensable, mais très utile. La phorbeia contribuait à produire des sonorités de meilleure qualité. Elle facilitait un jeu prolongé, en épargnant une trop grande tension des muscles faciaux. Elle masquait le gonflement des joues et la déformation du visage engendrée par la pression de l'expiration. Enfin elle permettait d’éviter les joues distendues, après des années de pratique (cf. Athéna qui jette l'aulos à cause de la déformation des ses traits). Il est possible aussi qu'elle servait à maintenir l'instrument afin de libérer les pouces pour développer le jeu à dix doigts. Personnellement, je[Qui ?] pense qu'elle devait aussi servir de butée, pour éviter qu'une anche ne perce le palais. Mettre une phorbeia se dit epistomizein (ἐπιστομίζειν).

Les aulètèrs virtuoses portaient la phorbeia lors des concours musicaux où ils devaient faire montre de tout leur talent. Pour eux, l’essentiel était de jouer fort pour se faire entendre en toute circonstance et de loin. Les aulètèrs portaient la phorbeia partout où ils avaient à exercer leur art : au théâtre, lors de compétitions sportives, en conduisant les soldats au combat et même, à en croire Aristophane, jusqu’au tribunal :

« Un aulètèr gagne-t-il sa cause, pour récompense, il met sa phorbeia et joue une sortie aux dicastes quand ils se retirent ».

On trouve des muselières sur des monuments chypriotes, mais celle-ci est absente en Égypte. Il est possible qu'elle ait une origine phénicienne.

L'étui

Derrière la joueuse d'aulos, il y a un étui. Metropolitan Museum of Art de New York, 480 av. J.-C.

Lorsque le musicien a terminé de jouer, il range l'instrument dans un étui double qu'on voit souvent dans les poteries.

La tenue de l'instrument

L'αὐλητήρ joue debout en général. Quand il est représenté assis, il s'agit souvent d'une répétition ou d'une leçon (le maître tient un bâton). On peut jouer du aulos en tenant l'instrument abaissé, à l'horizontal ou relevé. On tient les chalumeaux regroupés ou écartés. Il est probable que ces changements influençaient l'intonation.

La "grande" famille de l'aulos

Pour avoir une variété de sons, il faut multiplier le nombre de tuyaux (comme la syrinx) ou alors forer des trous dans le tuyau pour obtenir différentes longueurs de colonne d'air en vibration (comme le monaulos), ou encore les deux en même temps (c'est le cas de l'aulos). Le premier procédé oblige à créer un instrument de plus en plus imposant et non plus portatif. Le premier procédé a consacré l'orgue, mais condamné la syrinx.! Le second procédé a fait naître toute une variété d'instruments.

L'aulos est assimilé à la famille des vents

Le terme aulos (pluriel auloi) s'emploie quelquefois dans un sens large, pour désigner la famille des instruments à vent (empneusta, ἐμπνευστά) gradués suivant leur longueur et leur diapason (exception faite des trompettes, coquillages, cornes…). Les tuyaux de la flûte de Pan et même ceux de l'orgue sont qualifiés d'auloi – alors que nous rangeons l'orgue, aujourd'hui, dans la catégorie des claviers, ou une catégorie à part des vents.

Il faut dire que les trompettes, cornes, coquillages (considérés par nous comme des instruments à vents) ont une fonction plus pratique pour les anciens Grecs et n'entrent donc pas dans la famille des instruments « musicaux » à vent.

La famille des vents se divise en deux groupes : les surigges (σύριγγες) et les auloi. Les deux groupes sont des instruments dans lesquels le son est produit grâce à une colonne d'air mise en vibration dans un tuyau (par le souffle humain ou non [pour l'orgue]).

Les tessitures de l'aulos

Aristoxène les rangeait lui-même en cinq classes suivant leur tessiture :

  • les virginaux, parthenioi (παρθένιοι, voix de jeune fille) ;
  • les juvéniles, paidikoi (παιδικοί, voix de jeune garçon) ;
  • les kitharisterioi (κιθαριστέριοι, à l'unisson de la cithare et du kitharaoidos, κιθαραοιδός) ;
  • les parfaits, teleioi (τέλειοι, « terminés, accomplis, achevés », comme l'adulte ; baryton) ;
  • les plus-que-parfaits, huperteleioi (ὑπερτέλειοι, basse).

L'ensemble des cinq classes avait une étendue de plus de deux octaves. Cette classification semble avoir le même principe que celle des voix chorales (SATB).

Les principales sortes d'aulos

Les αὐλοὶ ἡμίοποι (demi-calibre), employés dans les banquets, sont des παιδικοί.

Le plus connu, le αὐλός πυθικός, accompagnateur des péans et instrument des virtuoses du concours de Delphes, est un τέλειοι.

Pour le thrène funèbre, le αὐλός παράτρητοι est un παρθένιοι.

Lors des festins, on joue du αὐλός παροίνιοι qui est un παιδικοί.

Le dithyrambe est accompagné par le αὐλός χορικοί qui est un κιθαριστέριοι.

L'ὑπόρχημα est accompagné par le αὐλός δακτυλικοί qui est un κιθαριστέριοι.

La tragédie est accompagnée par le αὐλός τραγικοί qui est un κιθαριστέριοι.

La λυσιῳδός est accompagnée de l'αὐλός λυσιῳδκοί.

Les νόμος αὐλητικός est joué avec un αὐλός ὐποθέατροι qui est un τέλειοι.

Les marches militaires sont rythmées par l'αὐλός ἐμϐατήριος, qui servait aussi à rythmer les prosodies. C'est un τέλειοι.

Les libations et les hymnes liturgiques sont accompagnées par les αὐλός σπονδειακοί qui sont des ὑπερτέλειοι.

Il y avait encore un αὐλός γαμήλιοι utilisé pour les noces et un αὐλός βόμϐυκες pour les orgies bachiques.

Autres caractéristiques de l'aulos

βαρύϐρομος = au ton grave et fort. Qui produit un grondement sourd.

Diopos = à deux trous (ὅρος borne).

ἡμίοπος = ayant moitié moins de trous (αὐλός à 3 trous).

ὑπότρητος = percé par en dessous.

καλλιϐόας = au son pur, belle voix, beau son.

μεσόκοπος = αὐλός de taille moyenne.

παράτρητος = percé de trous latéraux.

πολύτρητος = à trous multiples.

πολύκαμπής = très courbé.

Polykompos = très bruyant, sonore (κόμπος bruit retentissant).

Polymekes = très long (μῆκος longueur, taille).

πολυμελής et Polymelpes = capable d’un grand nombre de mélodies, au tons variés. (cf. μέλος et μέλπω).

πολύφθογγος et πολύφωνος = tons, sons multiples. 1/ Au son vibrant, qui rend beaucoup de son. 2/ qui a beaucoup de tons.

L'aulos phrygien

Aulos phrygien, Sarcophage d'Aghia Triada. 1500 av. J.-C. Musée archéologique d'Héraklion.

Par la suite, à côté de l'aulos grec, on trouve l'aulos phrygien (flûte en buis avec embouchure en cuir) qui comportait deux tuyaux étroits et de longueur inégale. Le plus long se terminait par une corne recourbée, un pavillon κώδων. L'aulos phrygien avait une sonorité grave qu'on appréciait dans les cérémonies exotiques et bruyantes comme celles de la « Mère des Dieux » ou de Dionysos. Il était alors couplé avec les cymbales et le tambourin. L'aulos phrygien ne fut jamais très populaire en Grèce.

Le joueur d'aulos phrygien se nomme κεραύλης (joueur de corne). Le tuyau incurvé se joue généralement de la main gauche, d'où son nom latin tibia sinistra.

D'après Varron, le tuyau incurvé n'avait que deux trous de jeu et le tuyau droit un seul. L'instrument ne pouvait alors produire que 5 notes et avait la même fonction qu'une trompette. C'est-à-dire de jouer des sonneries.

À l'époque hellénistique, l'aulos phrygien a adopté un jeu complet de trous comme ses rivaux grecs (viroles, tubulures…).

Autres aulos

En Macédoine, un aulos fabriqué à partir de chaume se nommait ῥάπα. Un autre aulos, le γίγγρας, d’origine phénicienne fut tout d’abord propre aux lamentations et au deuil, à cause de son ton perçant. Puis Platon signale qu’il servit par la suite aux festivités les plus débridées des banquets.

Trois termes désignent certainement des instruments de la même famille que l'aulos, il s'agit de ἔλυμος, φῶτιγξ et φυσαλίς.[réf. nécessaire]

Lorsqu'il est fabriqué en lotus, on désigne l'aulos par la matière qui le compose : λωτός

En guise d’anecdote, Plutarque raconte qu’à un moment donné, les os d’âne ont été remplacés par les jambes de cerf car les fabricants les trouvaient plus sonores.


Le monaulos

L'aulos simple possédaient un seul tuyau et il était appelé monaulos (μόναυλος) ou kalamaule. c'est un chalumeau qui n'utilise qu'un seul tuyau. Comme il se joue avec plus d'agilité (à deux mains), il peut comporter 8 trous. Le mécanisme des clefs ne lui était donc pas nécessaire.

Le mot grec μόναυλος désigne aussi celui qui jouait de cet instrument (Hedyl. Epigr. ap. Athen. IV, 78).

Le monaulos est mentionné par Sophocle, mais comme instrument exotique. Il se répand en Grèce, au IVe siècle av. J.-C. Mais c'est surtout à Alexandrie qu'il fut particulièrement apprécié. On l'emploie dans les banquets, les κῶμος lascifs, les fêtes nuptiales pour accompagner les chants d'hyménée et cérémonies funèbres.

Pline attribue son invention à Pan.

L'askaulos

La musette (ou cornemuse) ou en grec askaulos (ἀσκαυλος - sac de cuir), est composée d'un ou deux chalumeaux (comme l'aulos) et munie d'une outre gonflée d'air qui, en pressant avec le bras (sous l'aisselle), provoque la vibration des anches. Le musicien alimente l'outre en air et ainsi le son est continu. Cette nouvelle technique permettait certainement d'éviter un jeu avec les joues gonflées (cf. Alcibiade ou Athéna). Cet instrument apparut sous l'Empire romain. Le joueur de cornemuse se nomme ἀσκαύλης.

La première mention du joueur de cornemuse dans la littérature est faite dans la Copa de Virgile, puis chez Martial. C'est donc un instrument antique, mais tardif.

La musette, la cornemuse et l'amusement n'ont pas de rapport étymologique avec les Muses. Ils viennent de l'ancien français « mus » (museau) car on en joue le museau en l'air. L'askaulos n'a pas de bourdons comme la cornemuse. muse = musée, muséum, music-hall, musicien, musique etc.

Le piagiaulos

Plagiaulos

Le piagiaulos (πλαγίαυλος) n'est pas une flûte traversière. Les Alexandrins l'appelaient phôtinx (φῶτιγξ). C'est un chalumeau tenu transversalement. L'instrument eut du succès à l'époque alexandrine. C'est un instrument tardif. L'anche est introduite obliquement dans un tube greffé sur l'instrument. Un bout de l'instrument est obturé. Il est en bois de lotus.

Son invention est parfois attribuée à Pan ou à une origine exotique (Phrygie, Libye ou Égypte). Il est utilisé par les bergers, dans les festins et pour le culte de Sérapis. Dans la mythologie, il est l'instrument d'Éros et des Satyres.

Au British Museum, deux piagiauloi sont assez bien conservés. Ils possédaient 5 et 6 trous de jeu, et utilisaient des viroles. L'un des deux a même un trou en dessous pour le pouce.

Parfois, sur les monuments figurés, il est difficile de faire la différence entre piagiaulos et flageolet.

Hydraulis (orgue), le piston, le clavier, le jacquemart et l'horloge musicale

Reconstitution d'un orgue antique.

L'hydraulis (ὑδραυλις) est inventé vers 250 avant JC. par l'ingénieur Ctésibios d'Alexandrie. Il est considéré comme le fondateur de l'école des mécaniciens grecs d'Alexandrie dont la tradition se poursuivra avec Philon de Byzance, Vitruve à Rome et Héron d'Alexandrie. On ne connaît pas grand-chose sur sa vie, ni les lieux et dates de sa naissance et de son décès. On sait juste qu'il a vécu à Alexandrie vers -270, car des documents parlent d'une corne d'abondance chantante qu'il créa pour une statue de la femme du pharaon Ptolémée II. Entre le piston, l'hydraulis (c'est-à-dire l'orgue), le clavier, la soupape, le monte-charge, la clepsydre, l'horloge musicale, le canon à eau et bien d'autres inventions, Ctésibios était un authentique génie. Ses inventions ont eu un retentissement majeur sur la civilisation occidentale. Il a laissé un ouvrage (perdu) : Les Commentaires. On en connaît des bribes de Ctésibios grâce à Héron d'Alexandrie qui en a repris des fragments dans sa Pneumatique.

Une invention admirable de Ctésibios est l'orgue hydraulique (hydraulos, hydrolis ou hydraule), le premier Orgue de l'histoire. Après avoir constaté les propriétés élastiques de l'air, Ctésibios cherche à les contrôler en créant le piston, ce qui n'était pas si simple à l'époque, à cause des problèmes de fuites d'air et plus encore, de fabrication de cylindres parfaitement réguliers. Pour prouver que son invention fonctionne, il décide de faire sonner des aulos grâce à son piston. Le problème de la régulation de la pression de l'air se pose. Ctésibios propose l'eau comme moyen de régulation. Le principe est simple et génial : une cloche en bronze (le pnigée) est immergée dans un grand volume d'eau. Deux pistons alimentent une bulle d'air prisonnière sous le pnigée, via deux tuyaux abouchés au sommet du pnigée. Des clapets ou soupapes empêchent le retour de l'air vers les pistons. Ensuite, l'air, sous la pression de l'eau, sort du pnigée par une 3e perforation à son sommet vers les tuyaux. Un clavier (également invention de Ctésibios) permet d'ouvrir ou fermer l'accès de l'air à ces tuyaux : le premier instrument à clavier est né, c'est l'ὑδραυλις (hydr(o) + aulos). D'où vient le mot actuel « hydraulique »donné à la science de l'écoulement de l'eau. La partie supérieure comporte des tuyaux gradués en airain et munis à leur extrémité inférieure d'anche en bois. La vibration est générée par un déplacement d'air circulant dans le sommier.

Ce sont les « aides » qui manient les pompes et les pistons pour fournir en air. L'air peut ainsi être comprimée par saccade, la pression se fait par la masse d'eau et donc donne une pression constante. Ces instruments avaient des dimensions certes réduites, mais étaient extrêmement puissants (pression d'air trois fois supérieure à celle des orgues d'aujourd'hui).

Mosaïque romaine avec un orgue, 200 après J.-C.

L'hydraulis connaît un succès fantastique et fulgurant, qui ne s'est jamais démenti depuis. On a commencé à organiser des concours d'orgue dans toute la Grèce très rapidement. On trouvait l'hydraulis au service de dieu comme Dionysos. Il était même utilisé pour couvrir le vacarme des spectateurs dans les jeux sanglants du cirque romain. Quelques siècles plus tard, sous Charlemagne, il devient l'instrument par excellence du culte nouveau : le christianisme.

On a aussi retrouvé des restes d'hydraulis à Aquincum (Budapest), à Dion (en Macédoine), à Aventicum (en Suisse) et à Pompéi entre autres. On a une description complète de l'hydraulis dans le Livre X du De Architectura du grand architecte du Ier siècle Vitruve.

Un joueur d'hydraulis se nomme ὑδραύλης.

En associant l'hydraulis à la clepsydre, Ctésibios a créé la première horloge musicale. Il y a ensuite associé des automates, créant ainsi les premiers jacquemarts.

La syrinx (tuyau)

Plateau romain en argent représentant Pan (syrinx) et une Ménade (aulos). IVe siècle après J.-C. British Museum

Les syrinx σύριγξ ou σûριγγος, instrument polycalame (plusieurs tuyaux de roseau), sorte de flûte que les Grecs considéraient comme un instrument « folklorique » de berger. Jouer du syrinx se dit συρίζω. On souffle sur le bord, la colonne d'air se briser sur l'arête du tuyau comme avec le capuchon d'un stylo. On la promène sous les lèvres de haut en bas.

Les plus anciennes syrinx découvertes en Europe sont originaires d’une nécropole néolithique d’Ukraine méridionale et d’un site de la région de Saratov (2000 avant J-C). Chacune se compose de sept à huit tuyaux en os creux d’oiseau.

Théoriquement, la syrinx est la « flûte de Pan », et elle consiste en un assemblage de roseaux creux de longueur égale (et plus tard inégale) fermés à un bout par un bouchon de cire (permet de régler la hauteur des notes) et le tout assemblé dans un cadre.

La syrinx monocalame est une sorte de flageolet bouché en bas. On insuffle comme dans une flûte traversière. Des trous de jeu permettent de suppléer aux roseaux manquants.

Plus tardivement, il existera une Flûte de Pan actionnée par un système de soufflet (Égypte ptolémaïque).

Selon certains mythe, c'est Pan qui inventa la syrinx (d'où le nom flûte de Pan). Il poursuivait la nymphe Syrinx pour s'accoupler avec elle. La nymphe se noya volontairement pour lui échapper et fut transformée en roseaux qui faisaient une douce mélodie avec le souffle du vent. Pan les découpa et les assembla pour en faire une flûte.

Selon un autre mythe, c'est Hermès qui inventa la syrinx en gardant ses troupeaux. Apollon désira acquérir ce nouvel instrument en échange de sa houlette d'or et de leçons de divination.

Selon d'autres traditions, c'est Silène qui inventa la syrinx, et le Satyre Marsyas le collage à la cire d'abeille.

Platon par ailleurs évoque la Syrinx en ces termes : « Il te reste la lyre et la cithare, utiles à la ville, aux champs, les bergers auront la Syrinx ». Cette citation est importante pour situer la flûte de Pan dans son contexte. Il s'agit d'un instrument de pasteurs, fortement associé à une économie pastorale où la fertilité des troupeaux. La syrinx a longtemps été populaire (instrument folklorique) et considéré comme l'ancêtre de l'orgue et de l'harmonica.

Aujourd'hui la syrinx n'est plus classée dans la famille de l'aulos (hautbois), mais pour les Anciens, c'était le cas.

Le répertoire musical

L'aulos s'emploie seul ψιλὴ αὔλησις (philè aulèsis), ou à deux συναυλία (synaulia), ou en concert avec une cithare ἔναυλος κιθάρισις (ènaulos kitharisis), ou avec un voix humaine αὐλῳδία (auloodia), ou avec un chœur χοραυλικά (khoraulika), ou enfin faisant partie d'un ensemble plus complexe.

Les airs de chalumeau μέλη (mèlè) sont joués à l'occasion :

Joueur d'aulos au travail, Kylix attique 490 av. J.-C. Musée du Louvre


- pour rythmer le travail Le solo de hautbois ψιλὴ αὔλησις comprend un grand nombre de ritournelles traditionnelles et stéréotypées, usitées pour cadencer le travail de certains corps de métier, pour animer une marche, une procession… Chez les peuples primitifs, l'emploi de la musique vocale et instrumentale sert à marquer le rythme, la cadence pour diminuer l'effort et soutenir le moral. On trouve un air du pressoir επιληνιον (épilènion) ; l'air des femmes qui mondent le grain πτισμος (ptismos) ; l'air des pêcheurs ; l'air des boulangers ; ainsi que l'emploi rustique par les bergers, pâtres ou les porchers.

Ménade versant une libation à Dionysos. Un satyre joue de l'aulos. Pélikè 430 av. J.-C. Staatliche Antikensammlungen Munich


- Les libations σπονδαί (spondaï) Les libations accompagnent ou remplacent le sacrifice et ne peuvent pas se passer de l'aulos. Elles ont même donné leur nom à une catégorie spéciale d'exécutants σπονδαῦλαι (spondaulaï), à leurs longs et graves instruments αἠλοὶ σπονδειακοί (aèloi spondéiakoï), aux airs solennels qu'ils y soufflaient σπονδεῖα μέλη, αὐλήματα, au style particulier des airs σπονδειακὸς τρόπος, et même au pied favori qu'ils mettaient en usage σπονδεῒον.

- Les funérailles Les Anciens appréciaient le chalumeau pour les cérémonies de deuil. Ils associaient à son timbre, un ton lugubre (les manifestations d'allégresse aussi employaient le hautbois double). Le chalumeau accentue la tristesse de l'assistance (comme le rôle du hautbois dans Pierre et le Loup). L'émotion et les larmes soulage l'assistance (catharsis). Le chalumeau accompagne le cortège funèbre par l'élégie ou le thrène. On se frappe la poitrine auprès de la tombe. Les airs de chalumeau (αὔληματα ; ἐπικήδεια ; ἐπιτύμϐια) ont une tessiture élevée (donc hautbois de petite taille).

- Les rites orgiaques de Cybèle Μητρῷα

Scène de banquet, une femme joue de l'aulos. 420 av. J.-C. Musée archéologique national d'Espagne


- Banquets et mascarades Le chalumeau est utilisé au moment de la libation qui inaugure le συμπόσιον (symposium ! là encore, c'est une conséquence naturelle de son caractère religieux. On comprend mieux pourquoi il fut évincé par le Christianisme), ainsi que le péan et le κῶμος (komos) qui le clôturent. Comme le dit Pratinas, c'est là que le hautbois est roi. Il accompagne les tours d'acrobatie…

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- Les fêtes nuptiales La présence du chalumeau dans les cérémonies du mariage est une conséquence naturelle de leur caractère religieux. On le retrouve en littérature dans le bouclier d'Achille (Iliade d'Homère) ou dans le bouclier d'Hésiode. Le chant d'hyménée s'accompagne du chalumeau seul ou mêlé à d'autres instruments, comme l'épithalame et le κῶμος nuptial. Le chalumeau accompagnait le λουτροφόρος (loutrophoros ! qui porte de l'eau pour un bain) : jeune garçon qui apportait au fiancé, le jour du mariage, de l'eau de la fontaine.

- Les concerts publics et privés de hautbois ἐπιδείξεις : Le hautbois est souvent associé à un danseur ou une danseuse outillé de crotales pour marquer la cadence. Le hautbois est souvent marié avec la cithare, la trompette, les cymbales, le tambourin etc. Un chanteur vient compléter le tout.

- Le duo d'αὐλητήρ Nous ne connaissons rien du répertoire de la συναυλία, mais ne devait guère différer de la ψιλὴ αὔλησις. Car l'art musical des Grecs ignorait l'harmonie à plus de deux parties. Les deux instruments devaient certainement se doubler mutuellement.

- L'aulos et la cithare ou l'ἔναυλος κιθάρισις. Elle existe depuis des temps immémoriaux pour soutenir la danse, les chœurs, les marches militaires etc. Mais le duo concertant de deux artistes ne fut créé qu'au VIe siècle avant J.-C. par l'école d'Epigone et perfectionné par Lysandre de Sicyone. Le rôle principal appartient à la cithare.

Couples de danseurs au son de l'aulos. Détail d'une loutrophore « géométrique » 700 av. J.-C. Musée du Louvre


- Le duo aulos et chant αὐλῳδία Après la ψιλὴ αὔλησις, c'est la branche la plus importante de la composition αὐλητικός. On faisait remonter l'origine au légendaire Ardalos de Trézène. D'autres y voyaient un emprunt asiatique. Le plus ancien répertoire d'αὐλῳδία se composait d'élégies (chantées dans les cérémonies funèbres, les banquets ou les concours). Le rythme élégiaque est né sous l'influence de l'aulos. L'instrument à vent est seul à pouvoir marquer nettement les deux tenues nécessaires à la versification. Deux compositeurs célèbres de νόμος d'αὐλῳδία : Clonas de Tégée et Polymnestos de Colophon. Dans une αὐλῳδία, le rôle principal appartient à la voix, le chanteur s'appelle αὐλῳδός. Le jeu de l'aulos est si puissant qu'il couvre les « fausses notes » du chanteur (chose impossible avec la lyre). On avait coutume de dire que les αὐλῳδός étaient recrutés parmi les κιθαραοιδός manqués.

- Aulos et chœur Le répertoire joué par le χοραύλης (khoraules) est immense, car le rôle de l'aulos consiste à diriger et soutenir le chant choral. Les latins comparaient même l'instrument à un étai d'une construction. Mais hélas, nous ne savons rien de l'accompagnement.

Le νόμος αὐλητικός

C'est un morceau d'apparat, où triomphe les virtuoses, sorte de concerto à caractère religieux. L'origine de leur composition se perdait dans la nuit des siècles. On attribuait leur composition à Athéna, Hyagnis, Marsyas, Olympos… On louait leur simplicité.

Les premiers νόμος d'une date historique sont ceux de Sacadas ou Polymnestos, au VIe siècle av. J.-C. Après eux, tous les grands virtuoses s'essayèrent à ce genre dans un style de plus en plus modulant et libre.

Le plus célèbre νόμος était le νόμος πυθικός C'était un νόμος à programme et morceau de concours obligatoire aux Jeux Pythiques. Il peignait cinq sections décrivant le combat d'Apollon contre le dragon (septerion). Le texte mélodique de Sacadas fut certainement remis au goût du jour par Timosthène. C'est ce remaniement qui explique probablement la différence des deux sommaires que nous ont laissés Pollux et Strabon.

Pollux : 1/ πεîρα (épreuve), Apollon examine le terrain et examine s'il est propre au combat. 2/ κατακελευσμός (exhortation), le dieu défie le monstre. 3/ ἰαμβικός, rythme vif, le combat s'engage. Ici le soliste imitait des fanfares de trompette, et à l'aide d'un trait, ὀδοντισμός, particulier à son instrument, il exprimait les grincements de dents du dragon. 4/ σπονδεîον (vase pour les libations), prière et danse où la victoire du dieu était célébrée. 5/ καταχόρευσις (danse de réjouissance), ovation où Apollon entonnait des chants de triomphe, tandis que le serpent expirait dans d’horribles sifflements.

Strabon 1/ Ἄγκρουσις (prélude) 2/ Ἄμπειρα (escarmouche) 3/ κατακελευσμός (combat) 4/ Ἴαμϐοι καὶ δάκτυλοι (chants de triomphe) 5/ Σύριγγες (sifflements du dragon expirant)

Le répertoire de l'αὐλητήρ comprend encore : les préludes (προαύλια προίμια προνόμια), courts morceaux servant d'introduction à une composition. Parfois ils étaient improvisés (comme les toccata à l'orgue au XVIIIe siècle). les interludes (μεσαύλια διαύλια) exécutés entre deux épisodes d'un drame ou d'un dithyrambe dramatique.

Les joueurs de chalumeaux

À l'époque archaïque, les hautboïste sont très souvent des asiatiques de condition servile et méprisés par les poètes. Au Ve siècle av. J.-C., les hautboïstes phrygiens faisaient encore fureur dans les concours musicaux.

Mais dès le VIe siècle av. J.-C., on trouve des hautboïstes grecs, comme Tyrtée à Lacédémone, Mimnerme en Ionie ou Pindare à Thèbes. Ils sont à la fois compositeurs et virtuoses. La première école prestigieuse de hautbois fut fondée au nord du Péloponèse par Sacadas d'Argos et Pythocrite de Sicyone (eux-mêmes vainqueur au concours pythique).

Au V et IVe siècle av JC, Thèbes en Béotie devient le foyer de l'art de jouer du hautbois. Pronomos, Diodore et Antigénidas réalisent des perfectionnement dans la technique de jeu et la construction de l'instrument qu'ils colportent de ville en ville. D'autres comme Isménias, Nicomaque ou Dionysodore sont parés de pierres précieuses et deviennent des expressions proverbiales qui désignent une existence de parasite. Sacadas eut sa statue sur l'Hélicon et une tombe monumentale à Argos. La vocation semble héréditaire !

Le prolétariat des hautboïstes : le σπονδαύλης, le τυμϐαύλης ou le τριηραύλης. Et tout en bas de l'échelle sociale le καλαμαύλης, le ῥαπαύλης et l'ἀσκαύλης qui mènent une vie comme celle de nos anciens ménestrels.

Aulos et liturgie

Sacrifice avec aulos et lyre. 540 av. J.-C. Musée national d'archéologie d'Athènes

Le aulos est employé pour jouer les hymnes liturgiques usités dans le rituel des temples. À l'époque classique, ce sont les péans, les prosodies, παρθένειος, ὑπόρχημα, ἐπινίκια, qui comportaient l'accompagnement de l'aulos. Ce dernier fut introduit en compagnie de la lyre, puis peu à peu, on voit l'aulos expulser l'instrument à cordes. Deux religions (à demi exotique) du monde grec font une grande part à l'aulos : celle de Dionysos (dans les mystères, les cortèges, les banquets et les sacrifices) et celle de Cybèle et Attis (dans les orgies, l'aulos est mêlé aux cymbales, au tambourin et aux danses frénétiques).

Dionysos et son thiase, cratère 500 av. J.-C. Musée du Louvre

Souvent les prêtres ont des αὐλητήρ rattachés au sanctuaires. Ils touchent une rémunération et ont une place réservée lors des cérémonies. Mais il pouvait exister des limites à l'utilisation du hautbois : par exemple, à Ténédos, l'entrée du temple était interdite aux αὐλητήρ. Les hautboïstes des grands sanctuaires ont un poste fixe, comme le αὐλητήρ de la Boulè. Ils ont aussi une notoriété, comme celle de notre premier violon des orchestres classiques.

L'aulos est très utilisé à l'époque archaïque, où il est l'accompagnement obligé de la plupart des cérémonies religieuses et, grâce à cela, il est prédominant dans le dithyrambe et le drame grec qui en sont issus.

Aulos militaire

Tout à gauche, on voit les bras du joueur de aulos. VIIe siècle av. J.-C. Musée Villa Giuliana à Rome

L'aulos est beaucoup utilisé dans le domaine militaire. Chez les Lacédémoniens, l'air de Castor καστόρειον soutenait l'attaque des phalanges, la charge des guerriers ἐμϐατήριον se faisait en entonnant un péan accompagné par le hautbois. Les chants de marche des soldats, les parades, les défilés sont appelés εμϐατήριος αὐλός ou αὐλός d'Enyalios (assimilé à Arès). Ayant accompagné les soldats victorieux des deux Guerres médiques, l'aulos gagne en notoriété dans toute la Grèce après -490/-480.

On trouve encore le hautbois dans la marine (et marine de guerre) pour marquer la cadence des rameurs. Le hautboïste se nomme τριηραύλης et il joue ερετικόν ειρεσια.

Athlète de saut en longueur (il s'aide de poids) et joueur d'aulos. Lécythe 500 av. J.-C. Staatliche Antikensammlungen Munich

Plusieurs danses militaires comportaient aussi l'accompagnement du hautbois (pyrrhique, ενόπλιον, νόμος orthien). Le hautboïste peut-être un esclave comme un musicien professionnel (en -408, Alcibiade entre triomphalement au Pirée pendant que Chrysogonos – vainqueur à Delphes – l'accompagne.

La palestre grec est l'école de la guerre. Comme à la guerre, le hautbois est omniprésent pour régler les mouvements des gymnastes. C'était même un service très honorifique (le hautboïste jouait soit αυλημα πυθικον, soit l'ancienne ritournelle de Hiérax ενδρομη).

Aulos et éducation

L'aulos à l'école

À Athènes, l'aulos est même introduit dans le programme éducatif avec la lyre. Après les deux guerres médiques, les aristocrates suivent l'enseignement du aulos (Callias, Critias ou encore Périclès). Il passe ensuite de mode auprès des nobles. Alcibiade, qui avait pris des cours avec le célèbre Pronomos, refuse d'apprendre à en jouer, pour le même motif qu’Athéna (instrument barbare de mauvais goût), et précipite son déclin. De plus les deux mythes d'Apollon/Marsyas et Athéna/aulos donnèrent la primauté de la lyre sur l'aulos. Une réaction le bannit en -430. Le cithariste Damon trouva des raisons philosophiques pour condamner sans appel l'aulos au profit de la lyre et la cithare. Aristote, aussi, l'exclut de son programme d'enseignement. Néanmoins son apprentissage reste enseigné au IVe siècle av JC. L'instrument fut donc exclusivement joué par des professionnels étrangers (venant de Béotie, Sicyone, Ambracie, Epidaure) étrangers d'Athènes et de ses colonies.

L'éducation des virtuoses étaient longue et difficile. De plus, le jeu de la lyre était mieux considéré que celui de l'aulos jugé plus facile. Les débutants s'exerçaient sur un instrument de petite taille γιγγρίας (gingras). La technique de l'αὐλητήρ comprend avant tout le souffle et le doigté. Le souffle est régulier et puissant. L'effort est considérable, ainsi ce sont de solides gaillards qui jouent cet instrument. Les femmes apprenaient le hautbois dans des écoles spéciales.

Ses pouvoirs sur l'âme

Au lieu d'apaiser l'âme, de lui apporter l'équilibre moral, les Anciens pensaient que l'aulos avait une voix frémissante, proche de la voix humaine et qui nous fait sortir de nous-même, engendre des désordres intérieurs sur la nature humaine (joie, douleur, enflamme l'amour, exalte la ferveur religieuse…). On prête aussi à l'aulos une action merveilleuse sur les animaux (magie), ou encore dans le domaine de la médecine.

Le rôle de la musique est plus important que la philosophie, pour le redressement des mœurs. On raconte que Pythagore ramena à la raison, des jeunes gens ivres en faisant jouer un air de libation par l'aulos.

Aulos et concours musicaux

Dans les Jeux musicaux, l'aulos figurent beaucoup pour deux raisons : il est présent dans l'orchestre (il accompagne les chœurs dans leur concours, les acteurs dans les œuvres dramatiques), il existe aussi des concours d'aulos (seul dans un solo ou αὐλῳδία).

Le solo d'aulos fut introduit en parallèle des Jeux Pythiques en -586 par Sacadas d'Argos qui remporta le premier prix ainsi que les deux éditions suivantes. Les concurrents revêtent une longue tunique brodée de points et d'étoiles. La chevelure est soigneusement lissée et ceinte d'une couronne de lauriers. L'αὐλητήρ joue debout sur une estrade carrée. L'αὐλῳδία fut introduite à Delphes en même temps. Ce fut l'Arcadien Echembrotos qui le remporta. Le chanteur et le hautboïste se tiennent tous les deux sur l'estrade, mais le véritable concurrent est le chanteur, souvent un adolescent.

Aux Panathénées, le concours d'aulos fut introduit au VIe siècle et successivement dans d'autres Jeux/concours de toute la Grèce, jusqu'au IIIe siècle de notre ère.

Il existe aussi un συναυλία (duo avec un autre aulos, une cithare, un danseur ou un chœur ?) dont on ne sait pas grand chose.

La seule composition chorale qui réclame l'aulos, c'est le dithyrambe (l'aulos étant l'instrument exotique et attaché au culte de Dionysos). C'est à Athènes, lors des Grandes Dionysies, que le dithyrambe acquiert toute son importance, mais aussi aux Panathénées et aux Thargélies. En raison de la disposition circulaire du chœur (dans son emplacement primitif), le hautboïste était qualifié de κύκλιος αὐλητής (cyclios aulètès). Ce dernier est toujours unique et débauché par le χοροδιδάσκαλος (korodidascalos). Petit à petit le rôle du κύκλιος αὐλητής grandit en prestige et devient le collaborateur du poète dans l'instruction des choreutes. Il a la charge d'abord de donner le ton et la mesure, ensuite il joue un rôle dans la pièce, exécute des intermèdes etc.

le κύκλιος αὐλητής est richement vêtu (tunique, manteau, chaussures…). Au IVe siècle avant JC les κύκλιος αὐλητής cumulaient le rôle de hautboïste cyclique et pythique.

Dans les concours de tragédie et de comédie à Athènes, le hautboïste était un simple salarié du chorège. Il entre dans l'orchestre avec le chœur en soutenant le chant et en marquant la cadence de la strophe et de l'antistrophe. Il accompagnait aussi la monodie des acteurs et le récitatif mélodramatique. Il exécute encore les interludes μεσαύλιον ou διαύλιον.

L'aulos dans l'Iliade d'Homère

Il est fait deux mentions de l'aulos dans l'Iliade d'Homère :

« Auprès de leurs vaisseaux, les autres chefs de tous les Achéens dormirent toute la nuit, domptés par le tendre sommeil. Mais le doux sommeil n'avait point saisi le pasteur des guerriers, l'Atride Agamemnon ; trop de soucis divers s'agitaient en son âme. Tout comme il advient lorsque l’époux d’Héra aux superbes cheveux lance l’éclair, soit pour apprêter des torrents de pluie, la grêle, une bourrasque de neige, quand ses flocons ont saupoudré les champs, soit pour faire quelque part apparaître la grande gueule de la guerre amère ; de même, en sa poitrine, Agamemnon gémissait sans relâche, du plus profond du cœur, et ses entrailles tremblaient au dedans de lui-même. En vérité, lorsqu’il jetait les yeux sur la plaine troyenne, il admirait les feux sans nombre qui brûlaient en avant d’Ilion, la voix des aulos et des syrinx et le tumulte des hommes… »<re>αὐλῶν συρίγγων τ' ἐνοπὴν ὅμαδόν τ' ἀνθρώπων (la voix des aulos et des syrinx et le tumulte des hommes) : ce vers servit de devise à Pylade, créateur du pantomime.</ref>

« Il [Héphaistos] y représenta deux villes, deux belles villes où habitaient des hommes doués de la parole. Dans l'une, figuraient des noces et des festins. Sortant de leurs appartements, les épousées, sous des torches flambantes, étaient menées à travers la cité, et le chant d'hyménée s'élevait de partout. De jeunes danseurs tournoyaient, tandis qu'au milieu d'eux, des aulos et des lyres faisaient entendre leur voix. Les femmes admiraient, debout chacune sur le pas de sa porte. »

Postérité

Joueurs d'aulos et de harpe, statue de marbre 2600 av. J.-C., Musée national d'archéologie d'Athènes

Dans certaines cités, l'aulos connaît du succès : Thèbes est un centre renommé. À Sparte, il joue le rôle du fifre dans les armées. À Alexandrie, l'instrument perdura encore longtemps. Mais son étroite association au culte de Dionysos et au culte de Cybèle lui valut d'être condamné par le christianisme. Sa pratique a disparu vers le Ve siècle de notre ère. Si le christianisme a adopté Orphée et sa lyre, il a détesté Marsyas et son hautbois, d'où l'abandon de l'instrument en Grèce. Il ne subsiste finalement que dans l'orgue (ὕδραυλις) et dans le mot hydraulique. Les Grecs voyaient dans l'aulos un instrument oriental (Libye ou Phrygie). Contrairement aux idées reçues, l'archéologie montre que c'est un instrument traditionnel des Grecs préhelléniques. En Égypte, l'aulos tenu à la grecque (tuyaux divergents), n'apparaît qu'à la XVIIIe dynastie (au milieu du IIe millénaire avant J.C.). Dans la péninsule arabique, l'instrument similaire n'apparaît qu'à la période assyrienne.

Le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, publié en 1877, ne précise pas l'origine exacte de l'instrument et aucune source archéologique récente ne semble montrer une évolution. Certains musicologues verraient son origine en Asie mineure, mais d'autres le rapprochent d'instruments africains. Pour les grecs anciens, l'aulos est un instrument exotique et la lyre est un instrument national. Dans les faits, la lyre n'est pas attestée avant l'époque dite minoenne (2700 à 1200 av. J.-C.), alors que l'aulos est présent à l'époque dite cycladique (3200 à 2000 av. J.-C. ; autrement dit l'aulos semblerait plus national que la lyre.

Notes

  1. Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999 (édition mise à jour), 1447 p. (ISBN 978-2-25203-277-0) à l'article αὐλός.
  2. a b et c Marrou, p. 202
  3. Pindare, Odes [détail des éditions] (lire en ligne) (Pythiques, XII, 18-22).
  4. Mélanippide de Mélos, frag. 758 PMG ; groupe de bronzes de Myron, voir Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne] (XXXIV, 57) et Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (I, 24, 1).
  5. Déjà chez Mélanippide, repris par Palaiphatos, Histoires incroyables [détail des éditions] (lire en ligne) (47), Properce, Élégies [détail des éditions] [lire en ligne] (II, 30, 16-18) et Ovide, Fastes [détail des éditions] [lire en ligne] (VI, 697).
  6. Attesté d'abord dans la céramique à figures rouges de la fin du Ve siècle av. J.-C. ; Gantz, p.95.
  7. A. A. Howard, « The Mouth-Piece of the Αὐλός », HSCP vol. 10 (1899), p. 19.
  8. Théognis de Mégare (I, 239-243).
  9. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Alcibiade, II, 5-7).
  10. Xénophon, Mémorables (I, 2, 27).
  11. Aristote, Politique (lire en ligne) (VIII, 1341 a 18.
  12. Marrou, p. 352, note 25.
  13. Histoires des plantes de Théophraste, Livre IV
  14. Fragment 92 de Friedrich Wimmer
  15. Plutarque, Vie de Lycurgue (XXII)

Bibliographie

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