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Andersen (entreprise)

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Andersen
logo de Andersen (entreprise)
Dernier logotype de l’entreprise, avant sa disparition.

Création Fondation en 1913 à Chicago.
Dates clés Démantèlement en 2002
Disparition Voir et modifier les données sur Wikidata
Fondateurs Arthur E. Andersen (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Personnages clés Arthur Andersen (fondateur)
Joseph Berardino (PDG sous Enron)
Forme juridique Partnerships locaux (États-Unis : Limited Liability Partnership) associés dans l'entité suisse Andersen Worldwide Société Coopérative
Slogan Think straight, talk straight
Siège social 33 West Monroe, 60603
Chicago, Illinois
Drapeau des États-Unis États-Unis
Activité audit ; services financiers ; fiscalité ; juridique ; conseil
Filiales 390 bureaux dans 94 pays (2001)
Effectif 85 000 (en 2001)
Site web www.andersen.comVoir et modifier les données sur Wikidata

Chiffre d'affaires 9,3 milliards de $ US (2001)

Andersen, longtemps connue sous le nom d'Arthur Andersen, était une société basée à Chicago spécialisée dans l'audit, les services fiscaux et juridiques, la finance d'entreprise et le conseil. Elle faisait partie des grands réseaux mondiaux d'audit financier et comptable, appelés aussi à l'époque Big Five. Elle fut démantelée en 2002 à la suite du scandale Enron. De l'entreprise de plus de 9 milliards de dollars de chiffre d'affaires, il ne reste plus qu'une petite structure basée à Chicago et chargée d'apurer les conflits juridiques résultant de la liquidation de la maison mère, opérée en 2010.

Arthur Andersen a été fondée en 1913 par Arthur Andersen et Clarence DeLany sous le nom d'Andersen, DeLany & Co. La firme changea de nom en 1918 pour Arthur Andersen & Co après le départ de M. DeLany. Son premier client fut le brasseur Schlitz de Milwaukee.

Arthur Andersen, le fondateur

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Arthur Edward Andersen.

Fils d'immigrants norvégiens arrivés aux États-Unis quatre ans auparavant, Arthur Edward Andersen est né le à Plano dans l'Illinois. Devenu orphelin à l'âge de seize ans, il dut alors travailler comme coursier tout en suivant des cours du soir.

Il travailla en tant qu'assistant contrôleur chez Allis-Chalmers à Chicago - où il s'intéressa au travail d’independent public accountant (commissaire aux comptes) - puis comme comptable confirmé chez Price Waterhouse de 1901 à 1911. Il fut diplômé certified public accountant (CPA) à l'université de l'Illinois en 1908 et à l'âge de 23 ans, il fut le plus jeune CPA de l'Illinois[1]. Il devint ensuite contrôleur de gestion pour la brasserie Schlitz Brewing Co. à Milwaukee.

En 1913, à l'âge de 28 ans, avec son collègue de Price Waterhouse, Clarence Delany, il créa sa propre société sous le nom d’Andersen, Delany & Co et en 1915, grâce à ses nombreux contacts dans cette ville, il ouvrit un deuxième bureau à Milwaukee. La société devint Arthur Andersen & Co en 1918.

Draft Registration WWI, 1917-1918.

En 1917, après avoir suivi de nouveaux cours du soir - et tout en travaillant à temps plein - il fut diplômé d'un bachelor in business de la Kellogg School of Management à l’Université Northwestern.

De 1912 à 1922, il fut également professeur de comptabilité à l’université Northwestern où il sera le premier à préparer des cours dans lesquels les étudiants sont tenus de résoudre des problématiques réelles de sociétés.

Andersen avait une véritable foi dans la formation comme base de développement de la profession comptable. Il créa le premier centre de formation centralisée et crut à la formation continue au cours des heures de travail. Il était également réputé pour être un homme généreux du fait de ses engagements dans l'éducation et les associations civiques et caritatives. En 1927, il fut élu au Board of Trustees (conseil d'administration) de la Northwestern University et en fut président de 1930 à 1932. Il fut aussi président du conseil des inspecteurs du CPA de l'Illinois. Andersen dirigea la société jusqu'à sa mort en 1947.

En 1953, Arthur Andersen entra au Hall of Fame de l'université d'État de l'Ohio en reconnaissance de cette foi dans la formation.

Réputation d'Arthur Andersen

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M. Andersen était un partisan de hauts standards de qualité dans le secteur de la comptabilité. Intraitable avec l'honnêteté, il soutenait que la responsabilité des auditeurs se faisait auprès des investisseurs, et non des clients. En 1914, quelques mois après avoir créé son cabinet, une compagnie de chemins de fer lui demanda d'approuver une transaction contestable qui aurait dû diminuer les dépenses de la compagnie et donc accroître son résultat. M. Andersen répondit au président de la société en question qu'il n'y avait pas assez d'argent dans la ville de Chicago pour lui faire faire cela, selon un livre publié en 1988 [Information douteuse]. Le client renvoya le comptable et quelques mois plus tard, la compagnie de chemins de fer fit faillite.

La réputation de M. Andersen fut telle qu'on lui demanda en 1938 de devenir le premier président salarié de la Bourse de New York, pour redorer le blason de l'institution passablement ébranlée depuis le krach d'octobre 1929[2]. Ce qu'il déclina.

Leonard Spacek, qui succéda à Andersen à la mort du fondateur jusqu'en 1973, continua de revendiquer cette honnêteté. Leonard Spacek accusa même dans un livre la société Bethlehem Steel d'avoir surestimé ses profits de 60 % en 1964. Dans un autre, il remit en cause le rôle de la SEC à réprimander les sociétés qui falsifiaient leurs comptes. Au cours de nombreuses années, le slogan de la firme fut ainsi « Think straight, talk straight » (« Penser droit, parler droit ») et au sein des cabinets d'audit et des Big Five en particulier, Andersen a toujours eu une réputation d'excellence.

Développement de l'entreprise

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Développement du chiffre d'affaires Andersen de 1992 à 2001 (en millions de US$, hors Andersen Consulting). Source : communiqués Andersen.

Dès ses origines, le cabinet de Chicago grossit rapidement, en partie du fait d'une forte demande de services d'audit et de comptabilité à la suite de l'établissement de l'impôt fédéral sur les sociétés en 1913. Colgate-Palmolive fit partie de ses premiers clients.

La société fut connue dans les années 1920 comme une spécialiste des utilities[N 1] et des compagnies gazières notamment, qui représentèrent jusqu'à la moitié de son chiffre d'affaires. D'autres bureaux furent ensuite ouverts : New York en 1921, Kansas City en 1923 et Los Angeles en 1926. Arthur Andersen profita ensuite des lois suivant post-krach de 1929 qui obligèrent les sociétés cotées en Bourse à certifier leurs comptes chaque année.

La véritable reconnaissance de la société intervint en 1932 lors de la prise en charge du redressement financier du groupe fondé par Samuel Insull, à la demande des créanciers de ce dernier. Non seulement le cabinet accrut son chiffre d'affaires de l'ordre de 20 %, parvint à éviter la faillite à l'ensemble des sociétés, mais gagna surtout auprès des marchés financiers une réputation d'honnêteté et d'indépendance.

Après la mort du fondateur en 1947, l'entreprise faillit être dissoute mais Leonard Spacek réussit à convaincre que la structure pouvait continuer à vivre, malgré ses difficultés financières.

Dans les années 1950, les enjeux des entreprises devinrent de plus en plus complexes et à partir de son métier historique de comptable, l'entreprise se développa dans les métiers de l'audit, du juridique et fiscal, et du conseil. En 1950, Arthur Andersen mit au point le « Glickiac », une machine du nom d'un ingénieur maison : pour la première fois, un ordinateur se mettait au service des sociétés, non plus en vue d'une utilisation purement scientifique mais pour tenir leurs comptes. La maîtrise de cette technologie a permis à Andersen non seulement d'auditer les comptes de ses clients, mais aussi à les aider dans la tenue de ceux-ci, ce qui contribua à accroître les profits de la firme.

Sous la présidence Spacek, la firme se développa à l'international et en 1959, le réseau admit ses premiers associés non américains. Spacek ouvrit personnellement les cinq premiers bureaux en Europe.

En 1979, la firme devenait le leader dans son métier historique[3], et pesait 51 millions de dollars de chiffre d'affaires contre 7 millions en 1950, et continuait son développement dans de nouveaux métiers, dont le conseil : en 1988, Andersen était numéro un mondial du conseil, avec déjà 40 % de ses revenus provenant de cette branche (voir aussi plus bas séparation de la branche conseil).

Arthur Andersen changea de nom en 2001 pour adopter celui d'Andersen[4].

La firme de Chicago aura été la seule des Big Four historiques qui ne soit pas regroupée avec un de ses principaux concurrents.

Identité visuelle (logotype)

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Séparation de la branche conseil

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La branche de conseil de la société prit de plus en plus d'importance au cours des années 1970 et 1980, et sa croissance était bien plus forte que celle des autres métiers. Peu à peu, les associés de la branche conseil jugèrent qu'ils ne recevaient pas une juste part des bénéfices à due proportion de leurs efforts et cela commença à créer des rapports de plus en plus tendus entre les consultants et les auditeurs.

Le logo de l'ancienne branche de conseil d'Andersen.

Ce jusqu'en 1989 où Arthur Andersen et Andersen Consulting (AC) devinrent des unités juridiquement séparées au sein de Andersen Worldwide Société Coopérative (AWSC), une entité suisse qui chapeautait dès lors l'ensemble des structures. Avec cette organisation ombrelle, Andersen continuait à utiliser ses services de comptabilité et d'audit comme produit d'appel dans le but d'obtenir des contrats pour Andersen Consulting, le conseil étant un métier bien plus lucratif que l'audit.

Néanmoins, au cours des années 1990, les dissensions devinrent plus violentes en même temps que les résultats d'AC progressaient. Échaudés de devoir reverser une part non négligeable de leurs gains aux auditeurs[N 2], Andersen Consulting demanda finalement en 1997 à quitter le réseau. Après trois ans de procédures d'arbitrages auprès de la Chambre de commerce internationale, Andersen Consulting obtint finalement gain de cause et son indépendance. Les raisons de la séparation divergent, chacun citant l'avidité et l'arrogance de l'autre camp.

Le logo d'Accenture.

À la suite de leur séparation, Andersen Consulting changea son nom en « Accenture » le jour de l'an 2001 et Accenture paya un milliard de dollars à Arthur Andersen, montant qui correspondait simplement aux indemnités contractuelles qui avaient été bloquées pendant les trois ans de la procédure. S'il y eut une obligation de supprimer la référence au nom Andersen, il n'y eut donc pas de compensation financière.

Arthur Andersen reforma en parallèle un second groupe de conseil, Arthur Andersen Business Consulting (AABC), dès 1994. La plupart des firmes formant le groupe AABC furent rachetés par d'autres sociétés de conseil en 2002, notamment par Hitachi Consulting et KPMG Consulting, ce dernier changeant plus tard son nom pour BearingPoint.

Amputé d'Andersen Consulting, le groupe devint le plus petit des cinq grands cabinets, et afin de retrouver au plus vite une position de leader, Andersen signa de nombreux contrats, parfois avec des clients au profil risqué comme des acteurs de la nouvelle économie, ce jusqu'à des affaires financières dont la plus retentissante reste incontestablement l'affaire Enron.

Mise en cause dans des scandales financiers

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Comme d'autres cabinet d'audits de grande réputation, le cabinet eut affaire à quelques troubles au cours des années 1980 et 1990 à mesure qu'il convenait de faire un arbitrage entre le commerce de services et la probité intellectuelle[5]. Andersen n'était pas épargné par un équilibre difficile à trouver entre croissance des profits et rigueur professionnelle et fut accusé d'être impliqué dans des affaires de fraudes comptables telles que,

  • Boston Chicken : Andersen accepta que certaines pertes de ce groupe de restauration soient conservées au sein de ses franchisés au moment où le groupe était coté en bourse. Celui-ci déposa son bilan en 1998 et Andersen dut payer 10,3 millions de dollars aux actionnaires en 2002.
  • Sunbeam Products : Ce fabricant d'équipements pour la maison gonfla artificiellement son chiffre d'affaires en obligeant ses revendeurs à acheter plus de produits qu'ils ne pouvaient eux-mêmes écouler. Le cabinet dut s'acquitter de 110 millions de dollars aux actionnaires en .
  • Waste Management Inc : En 1997, la société a revu ses résultats à la baisse de 1,7 milliard de dollars, du fait d'une surestimation manifeste des profits tout au long des années 1990, ce qui constitua à l'époque le plus important ajustement jamais effectué. Andersen fut suspecté de complaisance face aux contrats juteux obtenus en parallèle dans le conseil (17,8 millions de dollars d'honoraires non-audit entre 1991 et 1997, contre 7,5 millions pour les honoraires d'audit) et eut à payer 75 millions de dollars aux actionnaires.
  • Asia Pulp and Paper : En 2001, ce producteur de papier singapourien ne put honorer sa dette, sans que personne n'alerte les marchés de la mauvaise santé financière de cette société[6].
  • The Baptist Foundation of Arizona : à la suite de l'effondrement de cette fondation, Andersen accepta de débourser 217 millions de dollars en mars 2002.

Ce qu'était Andersen avant l'affaire Enron

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Chiffre d'affaires 2001 par zone en US$. Chiffre d'affaires 2000 retraité pour comparaison. Source : Andersen.

En 2001, dernière année complète avant son démantèlement, Andersen représentait dans le monde :

  • 9,3 milliards de dollars de revenus
  • 85 000 employés
  • 390 bureaux dans 94 pays[7]

Équipe dirigeante

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L'équipe de direction mondiale était composée fin 2001 de cinq personnes :

  • Joseph Berardino, Chief Executif Officer (président exécutif mondial),
  • Thomas L.Elliott III, associé responsable des marchés et offres,
  • Kay G. Priestly, associée chargée des ressources humaines,
  • Philip A.Randall, associé responsable des opérations,
  • Xavier de Sarrau, associé responsable mondial de l'organisation des services de gestion.
Chiffre d'affaires
2001
Audit Tax & Legal Services Conseil Corporate Finance Total
En milliards US$ 4,26 2,98 1,71 0,39 9,34

Affaire Enron

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La société Enron était une multinationale américaine de Houston spécialisée dans le domaine de l'énergie, sixième capitalisation boursière des États-Unis. Mise en cause fin 2001 pour des pratiques financières douteuses l'ayant entraînée vers une faillite retentissante, la compagnie était auditée par Andersen.

Auditeur de la société depuis 1986, Andersen installa, avec le temps, des bureaux réservés à ce client au sein même du siège d'Enron, où près de 150 collaborateurs travaillaient à temps plein. Enron était devenu si puissant au sein du bureau de Houston que lorsqu'un associé émit en 1999 un avis négatif sur certains principes comptables du client, l'associé en question fut relevé de ses fonctions de supervision des règles comptables à la suite de nombreuses pressions d'Enron.

Dans une ambiance de surchauffe de l'économie et face à des honoraires plantureux, pour les services d'audit comme hors audit, le cabinet avait fermé les yeux sur la « comptabilité créative » d'Enron et surtout détruit des documents comptables lors d'une enquête fédérale. Elle s'est donc prêtée à la manipulation et la dissimulation frauduleuses de données stratégiques, apparemment à la suite d'un conflit d'intérêts entre prestations légales d'audit des comptes et celles, plus rémunératrices, de conseil auprès d'Enron. L'affaire est à l'origine de la polémique des années 2000 sur les stock-options.

Chronologie de l'affaire

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  •  : la SEC ouvre une enquête sur Enron[8].
  •  : David Duncan, associé d'Andersen à Houston, est limogé à la suite de la révélation selon laquelle Andersen aurait sciemment détruit des documents au cours d'une instruction judiciaire. Trois autres cadres seront suspendus. Enron rompt son contrat avec le cabinet[9].
  •  : en plus de l'affaire Enron, la SEC ouvre une enquête sur les pratiques comptables de Global Crossing, un groupe américain de télécommunications par fibre optique, alors audité par Arthur Andersen.
  •  : Merck, un groupe pharmaceutique américain met fin à son contrat avec Arthur Andersen. S'ensuivent alors de nombreuses sociétés : Trust Bank, Riggs National, Delta Air Lines, Ford, Freddie Mac, FedEx[10]
  •  : George W. Bush rend public son programme selon lequel les dirigeants d'entreprise et leurs commissaires aux comptes deviennent responsables de la véracité des résultats présentés aux actionnaires.
  •  : Ernst & Young et Deloitte Touche Tohmatsu discutent d'un rapprochement avec Arthur Andersen.
  •  : Ernst & Young et Deloitte Touche Tohmatsu renoncent à une alliance capitalistique. KPMG continue toutefois les négociations.
  •  : Arthur Andersen LLP est mis en examen par le grand jury fédéral de Houston et plaide « non coupable ».
  •  : des entités nationales du réseau tentent de se revendre.
  •  : Paul Volcker, ancien président de la Réserve fédérale américaine (FED) prend la tête d'un comité indépendant de supervision du cabinet d'audit.
  •  : Paul Volcker propose un plan de sauvetage des activités d'Arthur Andersen.
  •  : Joseph Berardino, PDG d'Arthur Andersen, annonce sa démission sur CNN.
  •  : le conseil de surveillance d'Andersen Worldwide se réunit à Londres.
  •  : Andersen España se rapproche de Deloitte Touche Tohmatsu. Le cabinet KPMG, qui jusqu'alors cherchait une solution globale pour toutes les activités d'Andersen hors des États-Unis estima qu'un accord était désormais irréalisable[11].

Dénouement juridique

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Pour avoir détruit des documents lors d'une enquête de la Sec, Arthur Andersen LLP (la branche américaine) fut reconnue coupable en juin 2002 et interdite d'exercer le métier d'auditeur[12].

Andersen Worldwide accepta de régler à l'amiable une partie du dossier Enron aux anciens créanciers, pour un montant de 60 millions de dollars[13]. Sur cette somme, 40 millions sont revenus à l'université de Californie.

Le cabinet de Houston fut condamné pour entrave à la justice dans l'enquête sur les comptes d'Enron en juillet 2002 mais ce jugement sera annulé trois ans plus tard par la Cour suprême des États-Unis, ce qui finalement innocentera Andersen.

L'effondrement d'Andersen

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Ricochet immédiat à une affaire médiatisée, la firme perdit la confiance de nombreux clients et effectua un plan de licenciement de plus de 7 000 employés aux États-Unis[14]; ce plan de licenciement ne représentant qu'une très faible partie des licenciements et des démissions, parfois contre indemnités, au sein de toutes les entités. Cela ne suffira néanmoins pas à sauver la marque Andersen.

La perte de crédibilité et de réputation dans le monde entier du nom Andersen, pourtant considéré alors comme la référence de la profession, à la suite de l'affaire Enron mais aussi aux scandales Worldcom et Global Crossing, lui seront en fin de compte fatales. En effet, ces qualités sont indispensables à la sécurité financière, composante première de la signature d'un commissaire aux comptes ou auditeur. De plus le scandale toucha avant tout les États-Unis, le centre névralgique du réseau.

Dès lors, si une reprise globale du réseau mondial hors États-Unis fut un temps envisagé avec KPMG[15], une vente sur une base nationale du réseau - déjà largement entamée - fut effectuée et une répartition par pays s'est ensuivie. Certains pays ayant déjà fait sécession, les négociations pour une reprise globale ont donc échoué, notamment à la suite de l'alliance de Andersen Espagne à Deloitte, alors que ce pays aurait dû jouer un rôle majeur dans ce schéma de rapprochement[16].

Un dépeçage d'Andersen s'opéra majoritairement au cours de l'année 2002, jusqu'à réduire Andersen à la portion congrue. Les activités d'audit ont ainsi été rachetées par les principaux concurrents d'Andersen :

Les autres activités que l'audit ont subi un démantèlement similaire, parfois décorrélé des choix de l'audit. Ainsi les activités de conseil d'Arthur Andersen au Royaume-Uni ont-elles rejoint le groupe Atos Origin, tandis que celles en France ou en Espagne rejoignaient le groupe KPMG Consulting (désormais BearingPoint).

Conséquences pour l'audit de la chute d'Andersen et de l'affaire Enron

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Des Big Five aux Big Four

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Conséquence directe de la fin d'Andersen, il ne reste aujourd'hui plus que quatre grands cabinets d'audit dans le monde, d'où leur surnom de Big Four (quatre grands) voire de Fat Four (quatre gros). S'il apparaît aujourd'hui que les Big Four sont très puissants dans leur domaine, des problèmes de manque de concurrence peuvent faire débat. Un exemple en France : les comptes consolidés d'une société doivent être revus par deux commissaires aux comptes. Or, les grandes entreprises faisant presque exclusivement appel aux Fat Four de l'audit, la sélection devient d'autant plus réduite dans le cadre de travaux non-audit auxquels les deux auditeurs légaux ne peuvent prétendre. De même se pose la question des conséquences d'une hypothétique « nouvelle affaire Enron ».

Toutefois, la constitution d'un cinquième réseau de poids équivalent est encore très illusoire : BDO, 5e mondial, ne représente que 27 % du chiffre d'affaires mondial de KPMG, le plus « petit » des Big Four (à fin , 6.45Mds USD de chiffre d'affaires contre 23,4Mds USD pour Deloitte).

Un contrôle des auditeurs renforcé

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Aux États-Unis, la chute d'Enron a mis en exergue les faiblesses des procédures de contrôle au sein des entreprises. Pour y remédier, le Sarbanes-Oxley Act, du nom des deux parlementaires instigateurs de la loi, fut adopté en juillet 2002. Celle-ci, parmi d'autres obligations, renforce la notion d'indépendance des auditeurs[17].

En France, si les procédures étaient déjà plus structurées qu'outre-Atlantique, la Loi de sécurité financière accroît les contrôles. Considérée comme un pendant français de la loi Sarbanes-Oxley (« loi SOX »), elle institue entre autres sujets un Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C, placé sous l'autorité du ministère de la Justice) chargé d'assurer la surveillance de la profession et renforce ses règles internes[18].

Au niveau européen, la mise à jour de la huitième directive sur les entreprises européennes pourrait instaurer de nouvelles règles à la profession, notamment une rotation des associés chargés des dossiers d’audit et une définition de l'indépendance du contrôleur[19].

Andersen dans l'espace francophone

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Andersen au Canada

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Arthur Andersen ouvrit son premier cabinet au Canada en 1960 avec 26 employés.
En 2002, 1 800 professionnels travaillaient pour le compte de la branche canadienne à Calgary, Montréal, Ottawa, Toronto, Vancouver et Winnipeg[20].

Andersen en France

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Un des anciens bâtiments d'Andersen à Neuilly-sur-Seine, avenue Charles-de-Gaulle.

En France, Andersen était représenté par le cabinet Barbier, Frinault et Associés (BFA), où plus de 3000 personnes travaillaient.

La première représentation d’Arthur Andersen en France apparaît en 1952 tandis que le premier cabinet français membre du réseau Arthur Andersen, est créé en 1970. Des implantations en province ont lieu à Lyon en 1980 et à Strasbourg en 1985. En 1988, Arthur Andersen se rapproche du cabinet Péronnet, Gauthier & Associés, donnant ainsi naissance à PGA, société d’expertise-comptable et de commissariat aux comptes. En 1989 a lieu le rapprochement du cabinet avec Frinault Fiduciaire, qui sera complet en 1994: il est à l’origine de l’entité juridique Barbier Frinault & Associés. BFA sera longtemps le cabinet tourné vers les grands comptes alors que PGA se spécialisera sur les clients de plus petite envergure. PGA intégra toutefois la bannière BFA quelque temps avant la chute d'Andersen.

Parallèlement au métier des chiffres, le réseau développe le métier juridique et en 1992, Arthur Andersen International et SG Archibald, cabinet créé en 1883, se rapprochent pour créer Archibald Andersen, qui deviendra Andersen Legal en 2000.

En 2001, dernière année sous l'ombrelle Andersen, BFA certifiait les comptes de nombreuses sociétés prestigieuses, telles que Alcatel, Suez ou Vivendi.

Au cours de l'exercice clos le , Andersen France réalisa un chiffre d'affaires de 416 millions d'euros, en hausse de 19 % par rapport à l'exercice précédent[21]. Ce chiffre d'affaires se décomposait en :

  • Audit et conseil financier : 251 millions d'euros (+17 %)
  • Conseil juridique et fiscal : 100 millions d'euros (+22 %)
  • Conseil stratégique et opérationnel : 59 millions d'euros (+25 %)
  • Corporate Finance : 6 millions d'euros

Andersen en Suisse

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Lors de l'exercice achevé en , Andersen Suisse réalisa un chiffre d'affaires de 177 millions de francs suisses et possédait neuf bureaux dans le pays (Baden, Bâle, Berne, Genève, Lausanne, Lugano, Saint-Gall, Zoug et Zurich) pour 751 collaborateurs[22].
Créé en 1962 à Zurich, le réseau helvétique a rejoint le réseau Ernst & Young en 2002.

Centre de formation de Chicago

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La formation était prépondérante chez Andersen et un centre fut créé dans les années 1970 dans les environs de Chicago pour transmettre les techniques de travail et valeurs de la compagnie à de nouveaux arrivants du monde entier, ainsi qu'aux collaborateurs confirmés.

Ce centre nommé officiellement Center for Professional Education, était appelé aussi Andersen U. (pour université Andersen). Il se situait à environ 60 kilomètres du siège de la compagnie et se composait d'un complexe avec tous les services nécessaires dont près de 120 salles de conférence.

On y retrouvait là des signes forts de l'appartenance à la société, tel que la véritable porte du bureau d'Arthur Andersen lui-même, des fanions des pays représentés, et hormis apprendre qu'ils étaient les meilleurs, les étudiants devaient connaître les quatre pierres angulaires d'Andersen, à savoir fournir un bon service au client ; produire des audits de qualité ; bien gérer ses équipes de travail ; et créer de la richesse pour la firme.

Le centre de formation commercialise ses services sous le nom de Q Center.

Présidents d'Andersen

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  • Arthur Andersen (1919 - janvier 1947), le fondateur
  • Leonard Spacek ( - 1973), le développeur
  • Harvey Kapnick (1973 - octobre 1979)
  • Duane Kullberg ( - 1989)
  • Lawrence A. Weinbach (1989 - mai 1997), il fut par la suite président d'Unisys.
  • Jim Wadia ( - août 2000), il quitta la société après la séparation avec Andersen Consulting.
  • Louis Salvatore ( - janvier 2001), président par intérim
  • Joseph Berardino ( - 2002), le président sous Enron
  • Aldo Cardoso (2002), chargé de la liquidation d'Andersen

L'héritage Arthur Andersen

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De nombreuses « associations d'anciens » à travers le monde restent influentes dans le monde des affaires [23].

Les liquidateurs de l'entreprise ont laissé tomber le nom de la marque dans le domaine public. Elle est devenue accessible à quiconque au bout de dix ans. Deux sociétés sont alors entrées en concurrence pour l'acquérir :

  • Un ancien associé américain, Mark Vorsatz l'a d'abord rachetée aux États-Unis, en échange d'un abondement du fonds de pension des anciens associés, en rebaptisant son cabinet WTAS du nom d'Andersen Tax, puis Andersen Global.
  • Un duo formé par deux avocats fiscalistes, Véronique Martinez et Stéphane Laffont-Réveilhac, ont acheté le nom auprès de l'INPI en 2014 et essayent de relancer la marque d'audit sous le nom « Arthur Andersen & Co » en Europe et aux Émirats[24].

Ces deux sociétés sont en conflit juridique pour déterminer l'acquéreur légal[25]. Cette volonté de récupérer l'héritage Arthur Andersen irrite l'association des anciens d'Arthur Andersen. Son président déclare : « Ces personnes indélicates et illégitimes cherchent à capter l'héritage d'Arthur Andersen, c'est une sinistre farce »[26]. La presse spécialisée se montre circonspecte à ce sujet[27],[24] .

Notes et références

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  1. C'est-à-dire, selon le Grand dictionnaire terminologique, des « services d'intérêt général » (eau, électricité, télécommunications, transports, etc.) fournis par des entreprises qui sont gérées selon des règles formulées par l'État, particulièrement en ce qui a trait à la tarification, que l'on pourrait aussi appeler « services d'utilité publique »
  2. Selon les obligations contractuelles entre AC et Arthur Andersen, chaque année, celui qui obtenait les meilleurs résultats – le plus souvent AC – devait verser 15 % de ses bénéfices nets par associé à l’autre entité.

Références

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  1. Des informations historiques de cet article proviennent de publications institutionnelles d'Andersen et du site Fundinguniverse.com
  2. Arthur Andersen, The Accountant Who Built His Name on Energy, article du Washington Post du
  3. Tough times for the 'Androids', article de la BBC du 15 juin 2002
  4. Arthur Andersen annonça l'adoption de la marque Andersen le Adoption de la marque Andersen"
  5. Arthur Andersen's Fall From Grace Is a Sad Tale of Greed and Miscues, article du Wall Street Journal du et repris sur le site de l'université de Georgetown
  6. Asia's Worst Deal, article de Business Week du 13 août 2001
  7. Communiqué de presse d'Andersen du 11 octobre 2001 sur le site de La Profession comptable. Communique de presse d'Andersen du 11 octobre 2001
  8. Historique de l'affaire Enron en français sur le site Internet Novethic Investissement Socialement Responsable (ISR) - Responsabilité Sociale de l'Entreprise - NOVETHIC
  9. « Enron met fin à son contrat avec Andersen », La Tribune,‎ (lire en ligne)
  10. « Andersen aux prises avec la justice et la fuite de ses clients », La Tribune,‎ (lire en ligne)
  11. « KPMG et Andersen enterrent leur projet de mariage hors États-Unis », La Tribune,‎ (lire en ligne)
  12. « Andersen jugé coupable, aux États-Unis, d'entrave à la justice », La Tribune,‎ (lire en ligne)
  13. « Andersen Worldwide règle à l'amiable une partie du dossier Enron », La Tribune,‎ (lire en ligne)
  14. Andersen supprime 7.000 emplois aux États-Unis, article de La Tribune du 9 avril 2004
  15. Interview dans La Tribune du président de KPMG France à propos des vertus d'un rapprochement global entre les deux firmes Dossiers Enron
  16. KPMG et Andersen enterrent leur projet de mariage hors États-Unis Article de La Tribune du 29 août 2002
  17. L'indépendance des auditeurs aux États-Unis est encadrée par le titre II de la loiLoi Sarbanes-Oxley.
  18. ) La loi n° 2003-706 du 1er août 2003 dite loi de sécurité financière sur Legifrance. Les articles 98 à 116 concernant les commissaires aux comptes.
  19. La commission au conseil et communication au parlement européen communiqua le 2 octobre 2003 sur le renforcement du contrôle légal des comptes dans l'Union européenne.celex-txt - 52003DC0286 -
  20. D'après le site d'Andersen Canada archivé par Internet Archive
  21. Communiqué de presse d'Andersen sur le site de La Profession comptable.Communiqué sur La Profession Comptable
  22. D'après le site d'Andersen Suisse archivé par Internet Archive
  23. « Le club très coté des anciens d'Andersen », sur lexpress.fr, (consulté le ).
  24. a et b « Arthur Andersen, le retour d’un Big de l’audit fait polémique », sur scolaconsult.fr, (consulté le ).
  25. « ARTHUR ANDERSEN saisit la justice pénale contre ANDERSEN TAX LLC », sur 24presse.com, (consulté le ).
  26. « L’histoire d’Arthur Andersen est pillée par des usurpateurs », sur latribune.f, (consulté le ).
  27. « L’histoire d’Arthur Andersen est pillée par des usurpateurs », Delphine Cuny, La Tribune, 17 mars 2017

Articles connexes

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Bibliographie

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  • (fr) Claude Baumann, May Piaget, La Chute de l'empire Andersen, George Stanley éd., Dunod, Paris, 2003 (ISBN 2100069950) ;
  • (en) Barbara Ley Toffler et Jennifer Reingold, Final Accounting: Ambition, Greed, and the Fall of Arthur Andersen, Currency, 2004 (ISBN 0767913833) ;
  • (en) Susan E. Squires, Cynthia J. Smith et Lorna McDougall, Inside Arthur Andersen: Shifting Values, Unexpected Conséquences, Financial Times/Prentice Hall, 2003 (ISBN 0131408968) ;
  • (en) Leonard Spacek, The Growth of Arthur Andersen and Company, 1928-1973: An Oral History, Garland, New York, 1989 (ISBN 0824061470).

Liens externes

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