Éléments (Euclide)

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Éléments
Titre original
(grc) ΣτοιχεῖαVoir et modifier les données sur Wikidata
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Date
début du IIIe siècle av. J.-C.
Couverture de la première édition anglaise des Éléments par Henry Billingsley (en), 1570. Cette page titre fait mention de John Dee et John Day (imprimeur).

Les Éléments (en grec ancien Στοιχεία / stoïkheïa) est un traité mathématique et géométrique, constitué de 13 livres organisés thématiquement, probablement écrit par le mathématicien grec Euclide vers Il comprend une collection de définitions, axiomes, théorèmes et leur démonstration sur les sujets de la géométrie euclidienne et de la théorie des nombres primitifs.

L'ouvrage est le plus ancien exemple connu d'un traitement axiomatique et systématique de la géométrie et son influence sur le développement de la logique et de la science occidentale est fondamentale. Il s'agit probablement du recueil qui a rencontré le plus de succès au cours de l'Histoire : les Éléments furent l'un des premiers livres imprimés (Venise, 1482) et n'est surpassé que par la Bible pour le nombre d'éditions publiées (largement plus de 1 000). Pendant des siècles, il a fait partie du cursus universitaire standard.

Principes[modifier | modifier le code]

Une des plus anciennes versions connues des Éléments : le P. Oxy. 29 (en) (fragment daté des environs de l'an 300, ou peut-être de l'an 100).

La méthode d'Euclide a consisté à fonder ses travaux sur des définitions, des « demandes » (postulats), des « notions ordinaires » (axiomes) et des propositions (problèmes résolus, au nombre de 470 au total dans les treize livres). Par exemple, le livre I contient 35 définitions (point, ligne, surfaceetc.), cinq postulats et cinq notions ordinaires.

Postulats du livre I[modifier | modifier le code]

  1. Un segment de droite peut être tracé en joignant deux points quelconques.
  2. Un segment de droite peut être prolongé indéfiniment en une ligne droite.
  3. Étant donné un segment de droite quelconque, un cercle peut être tracé en prenant ce segment comme rayon et l'une de ses extrémités comme centre.
  4. Tous les angles droits sont congruents.
  5. Si deux lignes droites sont sécantes avec une troisième de telle façon que la somme des angles intérieurs d'un côté est inférieure à deux angles droits, alors ces deux lignes sont forcément sécantes de ce côté.

Notions ordinaires du livre I[modifier | modifier le code]

Selon le mathématicien, François Peyrard (1759-1822) et le physicien Leonard Mlodinow (1954-), les notions se reportent ainsi[1] :

  1. Deux choses égales à une troisième sont aussi égales entre elles ;
  2. Si des grandeurs égales sont ajoutées à d'autres grandeurs également égales entre elles, leurs sommes sont égales ;
  3. Si des grandeurs égales sont soustraites à d'autres grandeurs égales, leurs différences sont égales ;
  4. Si des grandeurs qui coïncident, s'adaptent avec une autre, elles sont égales entre elles ;
  5. Le tout est plus grand que la partie.

Postérité[modifier | modifier le code]

Codex Vaticanus 190.

Le succès des Éléments est dû principalement à sa présentation logique et organisée. L'utilisation systématique et efficace du développement des démonstrations à partir d'un jeu réduit d'axiomes incita à les utiliser comme livre de référence pendant des siècles.

Tout au long de l'Histoire, quelques controverses entourèrent les axiomes et les démonstrations d'Euclide. Néanmoins, les Éléments restent une œuvre fondamentale dans l'histoire des sciences et furent d'une influence considérable. Les scientifiques européens Nicolas Copernic, Johannes Kepler, Galileo Galilei et particulièrement Isaac Newton furent tous influencés par les Éléments et appliquèrent leur connaissance du livre à leurs propres travaux. Certains mathématiciens (Bertrand Russell, Alfred North Whitehead) et philosophes (Baruch Spinoza) ont également tenté d'écrire leurs propres Éléments, des structures déductives axiomatiques appliquées à leurs disciplines respectives.

Des cinq postulats énoncés dans le livre I, le dernier, dont on déduit le postulat des parallèles : « en un point extérieur à une droite, ne passe qu'une unique droite qui lui est parallèle », a toujours semblé moins évident que les autres. Plusieurs mathématiciens soupçonnèrent qu'il pouvait être démontré à partir des autres postulats, mais toutes les tentatives pour ce faire échouèrent. Vers le milieu du XIXe siècle, il fut démontré qu'une telle démonstration n'existe pas, que le cinquième postulat est indépendant des quatre autres et qu'il est possible de construire des géométries non euclidiennes cohérentes en prenant sa négation[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Des traces écrites de notions de longueurs et d'orthogonalité apparaissent en Mésopotamie à une période située entre -1900 et -1600. On y trouve de nombreuses traces d'une connaissance du « théorème de Pythagore » au moins en tant que règle de calcul[3].

Bien que la plupart des théorèmes leur soient antérieurs, les Éléments étaient suffisamment complets et rigoureux pour éclipser les œuvres géométriques qui les ont précédés et peu de choses sont connues sur la géométrie pré-euclidienne. Par exemple, si on en croit le néoplatonicien Proclus (Ve siècle), Hippocrate de Chios fut, au Ve siècle av. J.-C., le premier auteur connu de la tradition ayant écrit des éléments de géométrie, mais ceux-ci ne nous sont pas parvenus[4].

Son auteur Euclide, actif autour de 300 av. J.-C., paraît avoir été influencé par Aristote (-). Son histoire ainsi que celle de son traité sont mal connues.

L'ouvrage fut traduit en arabe après avoir été transmis aux Arabes par l'Empire byzantin, puis traduit en latin d'après les textes arabes (Adélard de Bath au XIIe siècle, repris par Campanus de Novare). Sa première édition[5] imprimée date de 1482 et le livre connut par la suite un nombre d'éditions estimé à plus de 1 000, qui n'est très probablement dépassé que par la Bible[6],[7]. Des copies du texte grec existent toujours, par exemple dans la bibliothèque du Vatican ou à la Bodleian Library à Oxford, ces manuscrits sont de qualité variable.

Axiomatisation ultérieure[modifier | modifier le code]

Les mathématiciens remarquèrent au fil du temps que les démonstrations d'Euclide nécessitaient des hypothèses additionnelles, non spécifiées dans le texte original, par exemple ce qui est devenu l'axiome de Pasch. David Hilbert a donné en 1899 un développement axiomatique de la géométrie euclidienne du plan et de l'espace dans ses Grundlagen der Geometrie (Les fondements de la géométrie), les axiomes sont explicités, et présentés de façon organisée. Hilbert dégage notamment le rôle des axiomes de parallélisme (structure affine), d'ordre et d'incidence (structure projective) et d'orthogonalité (structure « euclidienne »).

Livres[modifier | modifier le code]

Les Éléments sont organisés comme suit.

Deux livres apocryphes sont consacrés aux cinq corps platoniciens, qu'une partie de la tradition ancienne associe aux Éléments sous les noms de « livre XIV » et « livre XV »[8]. Ils sont donnés comme les livres I et II d'Hypsiclès et traduits par François Peyrard à la fin du dernier volume de son édition des œuvres d'Euclide[9]. Heath les donne en annexe de sa traduction.

  • Le « livre XIV » est dû à Hypsiclès. Il donne des rapports entre surfaces et entre volumes pour un dodécaèdre et un icosaèdre inscrits dans une même sphère, résultats probablement dus à Apollonius[8].
  • Le « livre XV » est de qualité très inférieure[8],[10]. Son auteur se réfère à un certain Isidore, qui pourrait être Isidore de Milet, ce qui renvoie sa composition au VIe siècle[8].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Léonard Milodinow, Dans l'œil du compas : la géométrie d'Euclide à Einstein, p. 49. Voir aussi la traduction de Peyrard, sur remacle.org, légèrement différente.
  2. Jacques Verdier, « D'Euclide à Lobatchevski, pourquoi 20 siècles d'attente ? », sur Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public, (consulté le ).
  3. (en) Jöran Friberg, A Remarkable Collection of Babylonian Mathematical Texts : Manuscripts in the Schøyen Collection : Cuneiform Texts I, New York, Springer-Verlag, coll. « Sources and Studies in the History of Mathematics and Physical Sciences », , 533 p. (ISBN 978-0-387-34543-7, lire en ligne) donne une liste de tablettes en cunéiforme qui utilisent cette « règle de la diagonale » dans A.8.6. The Diagonal Rule in the corpus of Mathematical Cuneiforms Texts, p. 449-451.
  4. Cf. (en) Thomas Little Heath, A History of Greek Mathematics, vol. 1 : From Thales to Euclid, CUP, (1re éd. 1921) (ISBN 978-1-108-06306-7, lire en ligne), p. 182-202.
  5. « « Éléments » d'Euclide — Afficheur — Bibliothèque numérique mondiale », sur wdl.org (consulté le ).
  6. (en) Carl Benjamin Boyer, A History of Mathematics, John Wiley & Sons, , 2e éd. (ISBN 0-471-54397-7), « Euclid of Alexandria », p. 119

    « The Elements of Euclid not only was the earliest major Greek mathematical work to come down to us, but also the most influential textbook of all times. […] The first printed versions of the Elements appeared at Venice in 1482, one of the very earliest of mathematical books to be set in type; it has been estimated that since then at least a thousand editions have been published. Perhaps no book other than the Bible can boast so many editions, and certainly no mathematical work has had an influence comparable with that of Euclid's Elements. »

  7. (en) Lucas Nicolaas Hendrik Bunt, Phillip S. Jones et Jack D. Bedient, The Historical Roots of Elementary Mathematics, Dover publications, , p. 142

    « […] the Elements became known to Western Europe via the Arabs and the Moors. There, the Elements became the foundation of mathematical education. More than 1000 editions of the Elements are known. In all probability, it is, next to the Bible, the most widely spread book in the civilization of the Western world. »

  8. a b c et d Caveing 1990, p. 20.
  9. Euclide 1818, p. 481-531 ; mais Peyrard sait que le second est d'un autre auteur, moins ancien (Euclide 1818, p. iii).
  10. Peyrard dans Euclide 1818, p. iii.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Éditions[modifier | modifier le code]

  • Johan Ludvig Heiberg (éd.) et Heinrich Menge (éd.), Euclidis Opera omnia, Leipzig, Teubner, 1883–1916 (lire en ligne), huit volumes.
    Édition de référence d’Euclide en grec. Elle Inclut une traduction en latin à côté du texte grec et contient tous les écrits connus (y compris ceux d’attribution douteuse), ainsi que plusieurs commentaires par des auteurs anciens. les Éléments font l'objet des volumes I (livres I à IV), II (livres V à IX), III (livre X) et IV (livres XI à XII). Le volumes V regroupe les deux livres apocryphes XIV et XV.
  • Édition trilingue de François Peyrard, qui prend en compte le manuscrit 190 de la bibliothèque du Vatican. Le texte retenu ne correspond pas toujours à celui de l'édition Heiberg-Menge, aussi la numérotation des définitions et propositions peut diverger.
    • Euclide (trad. François Peyrard), Les œuvres d'Euclide, en grec, en latin et en français : d'après un manuscrit très-ancien qui était resté inconnu jusqu'à nos jours, vol. 1, Paris, M. Patris, (lire en ligne), livres I à VII des Éléments ;
    • Euclide (trad. François Peyrard), Les œuvres d'Euclide, en grec, en latin et en français : d'après un manuscrit très-ancien qui était resté inconnu jusqu'à nos jours, vol. 2, Paris, M. Patris, (lire en ligne), livres VIII à X des Éléments ;
    • Euclide (trad. François Peyrard), Les œuvres d'Euclide : en grec, en latin et en français : d'après un manuscrit très-ancien qui était resté inconnu jusqu'à nos jours, vol. 3, Paris, M. Patris, (lire en ligne), livres XI à XIII des Éléments (suivis des Données d'Euclide, et de deux livres sur les cinq corps attribués à Hypsiclès, anciennement livres XIV et XV (voir ci-dessus) ;

Traductions[modifier | modifier le code]

Français[modifier | modifier le code]
  • Euclide, Les Éléments, introduction de Maurice Caveing, traduction, commentaires et notes de Bernard Vitrac [détail des éditions], traduction du texte de l'édition de référence Heiberg-Menge.
  • Euclide (trad. François Peyrard), Les œuvres d'Euclide, Paris, , nouveau tirage ave une préface de Jean Itard, éd. Albert Blanchard 1993 ; l'édition de 1819 reprend le texte français de son édition trilingue parue en trois tomes en 1814, 1816 et 1818 ; Peyrard prend en compte pour sa traduction le manuscrit 190 de la bibliothèque du Vatican, dont il ne disposait pas encore pour sa traduction partielle de 1804.
  • Les élémens de géométrie d'Euclide , traduits littéralement et suivis d'un Traité du cercle, du cylindre, du cône et de la sphère, de la mesure des surfaces et des solides, avec des notes, par F. Peyrard, F. Louis (Paris), , traduction par F. Peyrard des livres I, II, III, IV, VI, XI et XII ; Peyrard ne disposait pas encore du manuscrit 190 de la bibliothèque du Vatican pour cette traduction :
  • Les quinze livres des éléments géométriques d'Euclide plus le livre des donnez du mesme Euclide aussi traduict en françois par ledit Henrion, et imprimé de son vivant traduction de Denis Henrion, 1632, lire en ligne sur Gallica.
Anglais[modifier | modifier le code]
  • Traduction de l'édition Heiberg-Menge par Thomas Heath avec introduction et commentaires, 1908 (2nd édition 1926), la seconde édition des deux premiers volumes et la première du troisième sont accessibles sur wilbourhall.org, la seconde édition des trois volumes a été réimprimée en 1956 par Dover Publications, New York :
    • (en) Thomas L. Heath, The Thirteen Books of Euclid's Elements, vol. 1. Books I and II, Cambridge University Press, , 2e éd. (1re éd. 1908) ;
    • (en) Thomas L. Heath, The Thirteen Books of Euclid's Elements, vol. 2. Books III to IX, Cambridge University Press, , 2e éd. (1re éd. 1908) ;
    • (en) Thomas L. Heath, The Thirteen Books of Euclid's Elements, vol. 3. Books X to XIII and Appendix, Cambridge University Press, , 2e éd. (1re éd. 1908).

Études[modifier | modifier le code]

  • Maurice Caveing, « Introduction générale », dans Euclide, Les Éléments, Volume 1, Paris, PUF, , 531 p. (ISBN 2-13-043240-9), p. 13-148.
  • Charles Mugler, « Sur l'histoire de quelques définitions de la géométrie grecque et les rapports entre la géométrie et l'optique (Première partie) », L'Antiquité classique, vol. 26, no 2,‎ , p. 331-345 (lire en ligne, consulté le )
  • Charles Mugler, « Sur l'histoire de quelques définitions de la géométrie grecque et les rapports entre la géométrie et l'optique (suite) », L'Antiquité classique, vol. 27, no 1,‎ , p. 76-91 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Menso Folkerts, The Development of Mathematics in Medieval Europe: The Arabs, Euclid, Regiomontanus, Routledge & CRC Press, (ISBN 9780860789574).

Liens externes[modifier | modifier le code]

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