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Bézoard

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Bézoards en bocaux.

Le bézoard (du persan پادزهر, pādzahr, « qui préserve du poison »), ægagropile ou égagropile est un corps étranger que l'on trouve le plus souvent dans l'estomac des humains ou des animaux ruminants (en particulier l'oryx) et qui ne peut être digéré.

Considéré comme un antidote, il a également servi d'objet décoratif chez les collectionneurs de curiosités des XVIIe et XVIIIe siècles.

Autrefois le bézoard, aussi appelé « pierre de fiel » ou « perle d'estomac », était réputé pour ses propriétés anti-poison au même titre que la corne de licorne. Ces deux objets précieux faisaient l'objet de nombreuses contrefaçons.

Quoique son nom provienne du persan, le bézoard est mentionné depuis l'Antiquité dans les écrits médicaux européens, témoin notamment les traités du médecin grec Dioscoride[1]. Il a été l'objet de la curiosité scientifique jusqu'au milieu du XVIIIe siècle et faisait partie intégrante des cabinets de curiosités des naturalistes.

Selon la tradition médicale, on rapporte que cette pierre était le produit des larmes d'un cerf chèvre (animal fantastique proche du Tragélaphe)[réf. nécessaire].

De nombreuses sources débattent sur l'origine de cette pierre qui fait l'objet de discussions jusqu'à la fin du XVIIIe siècle[2].

Par dérivation et glissement de sens, le bézoard désigne parfois l'animal qui produit cette pierre.[réf. nécessaire]

Un bézoard du XIIIe siècle, enchâssé en pendentif d'or, a été trouvé dans les fouilles à Ougarit (aujourd'hui Ras Shamra) en Syrie[3].

Les bézoards étaient rapportés en Europe depuis les Indes et étaient considérés comme très précieux. À partir du XVIe siècle on en rapporte aussi en Europe en provenance de l'Amérique du Sud ; c'est alors qu'on distingue les bézoards occidentaux (réputés plus puissants), des bézoards orientaux.[réf. nécessaire] Bornéo, en Indonésie, était réputée au Moyen Âge pour la production de bézoards, comme l'évoque Jean de Mandeville dans son Livre des merveilles du monde, écrit entre 1355 et 1357[4].

Bézoard ornementé, fin du XVIIe siècle, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

Des bézoards artificiels, telle la pierre de Goa, fabriqués par les Jésuites de Goa en Inde portugaise, ont été en vogue dans les cabinets de curiosités notamment aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ils étaient alors enchâssés dans des métaux précieux, en particulier l'or.

Il était attribué aux bézoards, depuis des temps très anciens, des propriétés médicinales, attestées par les traces de râpage que l'on observe souvent à leur surface. La poudre obtenue (et mélangée à de l'eau ou une autre boisson) était considérée comme particulièrement efficace pour traiter divers maux dont la mélancolie. Ainsi, on trouvait fréquemment des bézoards dans les collections des plus puissantes familles européennes. Par exemple, la Chambre d'art et de merveilles de la maison des Habsbourg en recelait plusieurs — les Habsbourg étaient connus pour être sujets à des crises de mélancolie et beaucoup de leurs membres consommaient de la poudre de bézoard obtenue par grattage.

En 1611, Armand du Plessis, le futur cardinal de Richelieu, écrit au général des Chartreux pour le remercier de lui avoir prêté un bézoard :

« Je vous rends mille grâces de la croix que vous m'avez envoyée. […] Je vous remercie également de votre bézoard qui m'est venu fort à propos pour me tirer d'une assez fâcheuse maladie. »

Le dictionnaire de l'Académie française le définissait en 1694 comme une « pierre engendrée dans le corps d'un animal des Indes » et précisait qu'il était « souverain contre les venins ».

Deux bézoards d'origine inconnue (entre le XVIe et le XVIIIe siècle). Ils se présentent sous forme de pierre compacte et dure. Le bézoard de droite mesure 45 mm de diamètre, celui de gauche viendrait d'un camélidé du genre Camelus (chameau).

On distingue[5] :

  • les phytobézoards, constitués de concrétions de fibres alimentaires végétales non digérées. Les diospyrobézoards sont un sous-ensemble des phytobézoards. Ils correspondent à l’agglutination de tannins provenant de la peau des kakis[6].
  • les trichobézoards formés de cheveux (susceptible d'apparaître chez des enfants, ou des personnes atteintes de trichophagie). On les appelle aegagropiles chez les ruminants qui en accumulent par léchage. Le trichobézoard est une pathologie qui touche l’enfant ou l’adolescent, avec une forte prédominance féminine et un pic de fréquence se situant entre 10 et 19 ans[7].
  • les pharmacobézoards formés d'un amas d'un ou de plusieurs médicaments (ou des enveloppes composant ces médicaments). Parmi les médicaments décrits comme pouvant être responsables de la formation de pharmacobézoards, on peut notamment citer les gels à base d’hydroxydes d’aluminium et les cholestyramines, mais également des comprimés à base de guar gum, certaines gélules gastrorésistantes, les laxatifs à base de psyllium[6].
  • les lactobézoards, formés d'un agrégat de lait maternel ou lait artificiel, se voit chez les nouveau-nés, prématurés et à terme.

La formation de ces amas est favorisée par le ralentissement du transit digestif quelle qu'en soit la cause : gastroparésie diabétique, gastrectomie partielle, vagotomie tronculaire, médicament anticholinergique, insolubilité d'un médicament, relative déshydratation du bol alimentaire.

Plusieurs modalités thérapeutiques existent concernant les bézoards et leur choix dépend surtout de la nature du bézoard mais aussi de sa localisation au niveau du tube digestif.

Bague de la reine Edwige-Éléonore de Holstein-Gottorp avec un bézoard, XVIIe siècle - Livrustkammaren (sv), Stockholm.

De rares résolutions spontanées ont été décrites. Le traitement médicamenteux (gastroprocinétiques) est efficace dans certains cas. La dissolution acide par Coca-Cola (C) a prouvé son efficacité pour les phytobézoards. Avec l'amélioration des techniques d'endoscopie, cette dernière modalité est de plus en plus utilisée pour traiter les bézoards. La chirurgie garde néanmoins sa place surtout pour les trichobézoards, qui sont difficilement fragmentables endoscopiquement, ainsi que pour les patients présentant des complications digestives ou extra-digestives, liées au bézoard.

Devant l’échec quasi-constant des tentatives d’extraction de trichobézoard par les voies digestives naturelles (endoscopie chirurgicale), le traitement est donc plutôt purement chirurgical aujourd'hui (années 2010-2020). L’ablation de la masse se fait donc en ouvrant l'estomac, et éventuellement l’intestin grêle lorsque la masse présente un prolongement. On parle alors de syndrome de Rapunzel (en), ou syndrome de Raiponce[7],[8],[Note 1].

L’extraction d’un phytobézoard siégeant dans l’intestin grêle nécessite lui aussi le plus souvent d’avoir recours à la chirurgie en deux ou trois étapes : fragmentation du bézoard, incision d’une anse intestinale, voire résection chirurgicale d’un segment intestinal[6]. Le phytobézoard, parfois associé au trichobézoard, est une cause rare[Note 2] d’obstruction intestinale aiguë nécessitant une intervention chirurgicale d'urgence, notamment chez la femme enceinte, parfois sous cœlioscopie (avec sauvetage de la mère comme du bébé à terme)[8].

Croyance et science

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On a attribué aux bézoards des propriétés magiques curatives[9] pendant plusieurs siècles. En particulier, ils étaient censés protéger de la peste et des effets du venin de serpent[10].

En 1557, alors qu'à cette époque, on attribuait des propriétés quasi-miraculeuses, dont celle d'antidote, aux bézoards, Ambroise Paré pensait que cela était impossible. Or, il arriva qu'un marmiton à la cour royale fut pris volant de la fine argenterie, et condamné à la mort par pendaison. Le marmiton accepta plutôt d'être empoisonné à condition qu'on lui administrât un bézoard immédiatement après le poison et qu'il soit libre s'il en réchappait. Paré utilisa alors la pierre de bézoard sans succès puisque le cuisinier mourut sept heures plus tard[11]. Paré prouva ainsi que la pierre ne pouvait guérir de tous les poisons comme on le croyait couramment alors.

La variation des couleurs de cette pierre a attisé l'intérêt des alchimistes. Par glissement de sens, bézoard a désigné aussi différentes formules alchimiques. On distinguait donc :[réf. nécessaire]

  • le bézoard minéral
  • le bézoard martial
  • le bézoard d'or
  • le bézoard lunaire
  • et le bézoard d'étain

Culture populaire

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Notes et références

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  1. On pourra voir une image par IRM d'un trichobézoard de « syndrome de Rapunzel » ici : [1], et une photographie du même trichobézoard après son extraction ici : [2]. Ainsi que l'article rapportant ce cas : (en) Mohammad Ali Shahab, Ahmed Shahab, Shahab Javid, « Management of Rapunzel Syndrome in a Four-month Pregnant Female with Twins: The First Reported Case? » [« Prise en charge du syndrome de Raiponce chez une femme enceinte de quatre mois avec des jumeaux : le premier cas signalé ? »], sur « “Cureus”, Journal of Medical Science » repris par « archive.wikiwix.com », (DOI 10.7759/cureus.3039, consulté le ).
  2. (moins de trente cas publiés dans un contexte de grossesse en 2021)[8]

Références

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  1. P. d'Abano Tractatus de Venenis, Mantoue, 1473.
  2. Paul-Henri-Thiry, baron de Holbach, Histoire naturelle, 1752.
  3. (en) MARNIE P. STARK « Mounted Bezoar Stones, Seychelles Nuts, and Rhinoceros Horns: Decorative Objects as Antidotes in Early Modern Europe », Studies in the Decorative Arts Vol. 11, no 1 (automne-hiver 2003-2004), p. 69-94.
  4. Jean de Mandeville, Livre des merveilles du monde, Les Belles Lettres, coll. « La Roue à livres »,
    Traduit et commenté par Christiane Deluz.
  5. Encyclopédie Vulgaris Médical : Bézoard
  6. a b et c Marc Gozlan, « Quand l’ingestion d’une pomme déshydratée entraîne une obstruction intestinale », sur Réalités Biomédicales hébergé par le journal Le Monde, publié le 06 mars 2024 (consulté le ).
  7. a et b Marc Gozlan, « Trichobézoard : un cas clinique tiré par les cheveux » Accès libre, sur Blog "Réalités Biomédicales" hébergé par le journal Le Monde, publié le 01 mars 2015 (consulté le ).
  8. a b et c Marc Gozlan, « Une cause rare de vomissements incoercibles chez une femme enceinte » Accès libre, sur Blog "Réalités Biomédicales" hébergé par le journal Le Monde, publié le 25 juillet 2023 (consulté le ).
  9. Pouvoirs magiques attribués aux Bézoards
  10. e Parfaict Ioaillier, ou Histoire des Pierreries, Liv. II, chap. CXCI-CXCIV (p. 463-478), (in the 1644 edition, trans. Iean Bachou, ed. André Toll).
  11. Stephen Paget, Ambroise Paré and His Times, 1510–1590, G.P. Putnam's Sons, , 186–187 p. (lire en ligne)
    Thompson, C. J. S. (1924) Poison Mysteries in History, Romance and Crime J.B. Lippincott, New York, pages 61–62, (OCLC 1687048) le premier situe cette expérience en 1557, le deuxième en 1567.
  12. « Bezoar », sur Wiki Buffyverse (consulté le ).

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Articles connexes

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Liens externes

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