Paléoichnologie
La paléoichnologie (du grec : palaios, ancien ; ιχνος, ikhnos, empreinte, trace ; logos, étude, discours, science ; il s'agit donc, littéralement, de la science des traces anciennes) est le domaine de la paléontologie étudiant les traces d'activité biologique fossilisées (ichnofossiles). Ceci inclut les traces de déplacement, bioturbation, forage, bioconstruction, de reproduction (morceaux de coquilles d’œufs, nids, etc), de prédation, de digestion (coprolithes), de repos, et autres comportements habituels ou occasionnels d'êtres vivants ou tout élément permettant de reconstituer des paléoenvironnements et l'écologie des organismes en présence.
Historique
« La paléo-ichnologie est née en 1802 lorsqu'un jeune garçon, Pliny Moody, qui travaillait avec son père dans une ferme à South Hadley, dans l'est des États-Unis, mit au jour avec le soc de sa charrue une grande dalle de pierre sur laquelle se trouvaient imprimées cinq petites empreintes tridactyles[1] ». D'autres spécimens furent récoltés dans la vallée du Connecticut dans les décennies suivantes.
Ces curiosités géologiques sont alors considérées comme des empreintes laissées par le passage d'oiseaux antédiluviens, tel le corbeau de Noé. Portées en 1835 à l'attention du révérend Edward Hitchcock (paléontologue et créationniste « Jeune-Terre ») qui en découvre plus de 20 000 jusque dans les années 1860, il les baptise « ornithichnites (en) » (du grec órnithos, « oiseau », et íkhnos, « trace, empreinte, piste ») supposant qu'elles sont les traces d'oiseaux aptères[a], alors qu'il s'agit principalement de dinosaures théropodes comme le propose le paléontologue Edward Drinker Cope dès 1867. Hitchcock invente ainsi une discipline scientifique qu'il nomme en 1836 ornithichnologie[2], avant de la rebaptiser quelque temps plus tard ichnologie, pour y inclure toutes les traces fossiles[3].
Les premières traces de déplacement connues ne dataient, jusqu'en 2019, que de 580 Ma (Édiacarien). Cet âge est aujourd'hui repoussé à 2,1 Ga, avec la découverte de 80 galeries traversant les roches sédimentaires du Francevillien (province du Haut-Ogooué, Gabon). Mesurant jusqu'à 170 mm de long et 6 mm de large, ces galeries sont sinueuses et contiennent des restes de matière organique fossilisée[4],[5],[6]. Leur morphologie particulière, explorée par microtomographie X, exclut une origine abiotique[7].
Principes et applications
Ce domaine de la paléontologie, très actif dans la deuxième moitié du XXe siècle (travaux d'Adolf Seilacher), ne se contente pas de la description des traces fossiles.
L'association de ces dernières au sein des roches constitue en effet un moyen privilégié de reconstituer les paléoenvironnements. Des ichnofaciès sont définis à partir des assemblages les plus caractéristiques d'ichnofossiles ; ces ichnofaciès se retrouvent à différentes époques géologiques mais caractérisent toujours un même environnement. En effet, les comportements des organismes anciens semblent souvent contrôlés par des paramètres tels que le taux de sédimentation, les apports de matière organique, la bathymétrie etc.
La paléoichnologie peut à l'occasion fournir des indications sur les conditions de dépôt d'une roche sédimentaire, et ainsi favoriser la découverte de gisements d'hydrocarbures fossiles.
Enfin, les ichnofossiles témoignent de l'évolution du comportement animal au cours des temps géologiques.
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Asteriacites, ichnogenre attribué à des étoiles de mer (groupe Cubichnia).
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Thalassinoides, terriers attribués à des crustacés (groupe Domichnia).
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Ichnite (Empreinte fossilisée de pied).
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Asteriacites.
Classification
Les différents types de traces sont classés en ichnotaxons (ichnogenres et ichnoespèces) selon la nomenclature binomiale habituelle en taxonomie.
Ils sont également organisés en grands groupes, nommés d'après le mode supposé de formation des traces :
- Fugichnia : traces de fuite ;
- Pascichnia : traces de recherche de nourriture. Exemple : Helminthoidia :
- Repichnia : traces de reptation sur ou dans un substrat. Exemples: Cruziana, Isopodichnus, Chirothérium, Nereites ;
- Domichnia : traces d'habitation (terriers). Exemple : Skolithos, Tisaas, Acenicolites (tous des suspensivores sessiles).
- Cubichnia : traces de repos. Exemple : Asteriacites ;
- Ambulichnia : traces de déplacement ou migration ;
- Entobia : traces de forage (biochimique ou mécanique) de roche, coquille, os, corne.
Outre ces traces, la paléoichnologie étudie aussi les débris de repas, les coprolithes.
Il arrive que les ichnofossiles soient les seules traces d'activité biologique observées dans les roches sédimentaires (exemple de la formation du flysch à Helminthoïdes dans les Alpes). Bien souvent, les organismes à l'origine des traces ne sont pas connus.
On soupçonne par ailleurs, grâce aux travaux sur les traces actuelles, qu'un même ichnofossile peut résulter de l'action d'organismes variés.
Préhistoire
La paléoichnologie s'applique aussi à la Préhistoire, avec notamment l'étude des traces de pas humains ou pré-humains imprimées dans une roche tendre qui s'est durcie peu après.
Parmi les traces de pas les plus fameuses figurent :
- empreintes de pas de Tráchilos : 5,7 Ma (Crète), attribuées à un homininé bipède inconnu
- traces de pas de Laetoli : 3,66 Ma (Tanzanie), attribuées à Australopithecus afarensis
- traces de pas d'Ileret : 1,52 Ma (Kenya), attibuées à Homo ergaster
- traces de pas de Happisburgh : 900 ka (Angleterre), attribuées à Homo antecessor
- traces de pas d'Eve : 117 ka (Afrique du Sud), attribuées à Homo sapiens
Notes et références
Notes
- Hitchcock voit dans les traces géantes les empreintes d'oiseaux géants, considérant que les dinosaures étaient tous de lourds quadrupèdes.
Références
- Philippe Taquet, L'empreinte des dinosaures. Carnets de piste d’un chercheur d’os, Odile Jacob, (lire en ligne), n.p..
- (en) Edward Hitchcock, « Ornithichnology. Description of the Foot Marks of Birds, (Ornithichnites) on new Red Sandstone in Massachusetts », American Journal of Science and Arts, vol. 29, no 2, , p. 307.
- (en) James O Farlow, Noah's Ravens : Interpreting the Makers of Tridactyl Dinosaur Footprints, Indiana University Press, (lire en ligne), p. 1-6.
- « Découverte des plus vieilles traces de mobilité sur Terre », sur CNRS, (consulté le ).
- Jean-Baptiste Veyrieras, « Il y a 2,1 milliards d’années, la vie bougeait déjà », sur Journal du CNRS, (consulté le ).
- (en) Abderrazak El Albani, M. Gabriela Mangano, Luis A. Buatois, Stefan Bengtson, Armelle Riboulleau et al., « Organism motility in an oxygenated shallow-marine environment 2.1 billion years ago », PNAS, (DOI 10.1073/pnas.1815721116).
- « Reconstitution par microtomographie montrant les structures internes par transparence ainsi qu’une séquence de coupes virtuelles à travers l’échantillon », sur IN2P3, (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
- (en) Adolf Seilacher, Trace Fossil Analysis, Springer Science & Business Media, , 226 p. (lire en ligne).
Articles connexes
- Fossile
- Paléoenvironnement
- Ichnite (empreinte fossilisée de pied)