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Frederick Wiseman

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Frederick Wiseman
Description de cette image, également commentée ci-après
Frederick Wiseman en 2005.
Naissance (94 ans)
Boston, Massachusetts
Drapeau des États-Unis États-Unis
Nationalité Américain
Profession Réalisateur

Frederick Wiseman est un cinéaste américain, né le à Boston. Dans ses films, il est réalisateur, scénariste, producteur, monteur, preneur de son, et parfois même interprète. Documentariste, il s'est principalement appliqué à brosser un portrait social des grandes institutions américaines.

Biographie

Après des études de droit à la célèbre Université Yale, dont il sort diplômé en 1954, et après son service militaire en 1955/1956, il est nommé professeur de droit à l'université de Boston, puis à l'université Brandeis et enfin à l'université Harvard entre 1959 et 1961. Il témoignera souvent du peu de conviction qu'il apporte à l'exercice de ce métier. En 1963, il entreprend de produire la réalisatrice Shirley Clarke, qui a décidé de tourner The Cool World, adapté d'un roman de Warren Miller.

En 1966, avec des amis, il fonde une association d'aide sociale, l’Organisation for Social and Technical Innovation (OSTI) dont l'activité se prolongera jusqu'en 1973.

La production du film de Shirley Clarke le décide à produire et monter ses propres films. Il tourne ainsi son premier documentaire : Titicut Follies (1967), regard d'emblée critique sur un hôpital pour aliénés criminels, qui sera suivi d'environ un film par an, jusqu'à aujourd'hui, notamment grâce au réseau de télévision de service public PBS, en particulier la station WNET au New Jersey, grâce aussi à diverses fondations comme la Fondation Ford, ou la Fondation MacArthur, liste non exhaustive, grâce enfin à quelques coproductions avec la BBC et Arte France.

Dès 1970, afin de se garantir une indépendance de création, il crée sa propre société de production Zipporah Films[1].

À partir de 1980, il travaille beaucoup à l'étranger. En France particulièrement, il s'introduit en 1995 dans les coulisses du Théâtre-Français pour y tourner La Comédie-Française ou l'Amour joué.

Analyse de l'œuvre

Bien qu'il se défende de toute ambition sociologique, sa démarche se rapproche assez clairement des principes théoriques de base et des méthodes de la deuxième École de Chicago, singulièrement ceux d'Erving Goffman, qui animent en particulier son ouvrage La mise en scène de la vie quotidienne (1959, Minuit 1973). Les sociologues universitaires ne s'y trompent d'ailleurs pas, puisqu'ils utilisent couramment ses films dans leur enseignement.

Son ambition est de brosser un portrait critique des États-Unis, et, comme il le dira ensuite, le résultat est « un seul et très long film qui durerait quatre-vingts heures ». Même "The Cool World", le film qu'il a uniquement produit se veut dans cette lignée, sorte de semi-documentaire sur la jeunesse délinquante de Harlem. Après son premier film Titicut Follies, il poursuit une série de documentaires aux titres évocateurs : High School et Law and Order en 1969, Hospital en 1970, Juvenile Court en 1973, et Welfare (Aide sociale) en 1975. Ils donnent une vision très critique sur les grandes institutions créées en principe à des buts d'aide. Ils montrent la déshumanisation imposée par les systèmes bureaucratiques. Il filmera aussi durant cette période ses documentaires aux images les plus fortes : Primate en 1974 et Meat en 1976, respectivement sur l'expérimentation animale et l'élevage de masse des bœufs destinés à la consommation.

Dans une deuxième phase de son travail, il observera plus particulièrement les lieux privilégiés de la société de consommation avec Model en 1980 puis The Store en 1983. En 1986, il construit une trilogie traitant de l'influence des tares physiques sur l'esprit, puis repart dans ses sujets de prédilection jusqu'à nos jours, posant son œil taciturne sur de multiples sujets. L'auteur a précisé lui-même que sa méthode de travail se situe à l'opposé de la stratégie narrative du cinéma vérité de Edgar Morin et Jean Rouch[2].

Il affirme dès son premier documentaire ses principes de base: ce sont l'absence d'interviews, de commentaires off, et de musiques additionnelles pour privilégier un lent apprivoisement des personnes à la caméra, jusqu'à ce qu'elles ne la remarquent plus. Ses méthodes demeurent à peu près les mêmes au cours de son œuvre: il s'agit d'accumuler des centaines d'heures de tournage sur un temps relativement court, en général quatre à six semaines, et de ne garder au montage qu'environ un dixième de ce qu'il a rapporté du tournage. D'autre part, au cours du tournage, il assure lui-même la prise de son, tout en téléguidant le cadreur dans le détail de sa prise de vue, pour obtenir des images qui se préoccupent d'une beauté formelle non académique et toujours très chargées d'émotions et de sens.

Le montage dure alors plusieurs mois, au cours desquels Frederick Wiseman découvre les sens cachés des rapprochements qui naissent sous ses ciseaux, et apporte une grande attention aux corps, aux gestes, tout en restituant ou en mettant en scène les silences. C'est pourquoi il qualifie ce montage de "mosaïque", sans doute d'abord au sens où les figures émergent de la juxtaposition patiente des morceaux, mais aussi en ce que, comme pour le message biblique (mosaïque = de Moïse en particulier), le sens ne se révèle qu'à celui qui longuement les étudie. Inévitablement donc, un tel travail entre vérité et fiction convoque l'attention et la réflexion de ses spectateurs, ce qui est bien entendu le but recherché. C'est qu'il résume très bien lui-même : Modèle:Citatin[3].

En 2001, il tourne, dans un noir et blanc remarqué, sa seule œuvre de fiction : La Dernière Lettre, captation de sa mise en scène en 2000 pour le Studio-Théâtre de la Comédie-Française, d'après le chapitre XVII du roman de Vassili Grossman, Vie et destin. La dernière lettre d'une femme médecin juive dans un ghetto en Ukraine, occupée par les nazis, est lue par Catherine Samie, qu'il retrouvera dans le rôle de Winnie, lorsque, en , il mettra en scène Oh les beaux jours de Samuel Beckett, au Théâtre du Vieux-Colombier.

Filmographie

Source : Idéale Audience International[4]

Télévision

Il interprète le rôle de John, un ami américain du couple protagoniste de la mini-série Thanksgiving, réalisée par Nicolas Saada pour Arte (2018)[6].

Distinctions

Récompenses

Nominations et sélections

Notes et références

  1. Le site de la Cinémathèque française propose un ensemble informatif sur le cinéaste (biographie, filmographie, bibliographie). Consulté le .
    Pour ceux qui lisent l'anglais, le site Zipporah films, maison de production créée par Frederick Wiseman, est riche en informations de toutes sortes sur l'auteur et sur ses films. Consulté le 3 septembre 2009.
  2. (it) Giuseppe Sedia, « Sur la force de l'observation. Interview à Frederick Wiseman »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur Sentieri Selvaggi, .
  3. Interview à L'Humanité du , à propos de la sortie de Publing House.
  4. Le site Idéale Audience International fournit sur la plupart de ces films résumés et photographies. Consulté le 3 septembre 2009.
  5. http://www.objectif-cinema.com/spip.php?article4413&artsuite=7
  6. « Thanksgiving (1/3) - Vincent », sur ARTE (consulté le )
  7. http://www.lintermede.com/dossier-deauville-2014-national-gallery-documentaire-wiseman.php

Annexes

Bibliographie

Ouvrages

  • Maurice Darmon : Frederick Wiseman / Chroniques américaines, Presses universitaires de Rennes, collection Le Spectaculaire Cinéma, 410 pages, , (ISBN 978-2-7535-2208-4).
  • Philippe Pilard : Frederick Wiseman, chroniqueur du monde occidental, éditions du Cerf, collection 7e art, .
  • François Niney : L'épreuve du réel à l'écran: essai sur le principe de réalité documentaire, De Boeck université, 2002 (p. 147-157 : Fictions du réel selon Wiseman, Rouch, Cassavetes. Cf. ci-dessous, "en ligne").
  • Frederick Wiseman : Une approche du monologue, Les Cahiers de la Comédie-Française, no 23, 1997.
  • Gilles Marsolais : L'aventure du cinéma direct revisitée, Les 400 coups, Laval, Québec, 1997.
  • (en) Liz Ellsworth, Frederick Wiseman : A Guide to References and Resources, G.K.Hall & Co, Boston, MA, , 212 p. (ISBN 0-8161-8066-0 et 9780816180660)

Revues de cinéma

  • Les Cahiers du cinéma :
no 303, . Dominique Bergouignan : Entretien avec Fred Wiseman.
no 330, . Serge Le Péron; Olivier Assayas; Gilles Delavaud; Yann Lardeau; Guy-Patrick Sainderichin : Wiseman ou le cinéma américain vu de dos.
no 406, . Frédéric Strauss : Entretien avec Frédérick Wiseman.
no 508, . Pierre Legendre[Lequel ?] : Les ficelles qui nous font tenir (À propos du cinéma de Frederick Wiseman).
no 431/432, . François Niney, La disparition.
no 541, . Olivier Joyard : Vitesse d'exécution: Propos de Frederick Wiseman.
no 567, . Benjamin Esdraffo : Un Américain à Saint-Denis.
no 594, . Charlotte Garson : « Domestic Violence et Domestic Violence 2 ».
no 717, . Jean-Sébastien Chauvin : Intégrale Wiseman, vol.1.
no 727, . Camille Bui : Wiseman, curiosité infinie.
no 728, . Jean-Sébastien Chauvin : "De la démocratie en Amérique - Entretien avec Frederick Wiseman"
no 366, . Philippe Pilard : Frederick Wiseman, c'est aussi l'Amérique.
  • Positif:
no 190, . Y. A. Delubac, Dossier et entretien avec Fred Wiseman.
no 445, , Michel Ciment (Dossier réuni par — ), Présence du documentaire.
no 445, , Laetitia Mikles, "Une Leçon de sociologie".
no 581-582, juillet-, Laetitia Mikles, "Titicut Follies. Asile, du grec asulon "inviolable".
no 584,, Laetitia Mikles, "La Danse, l'Opéra de Paris. La jeune fille et la mort".
hors-série, été 2010, Laetitia Mikles, "Deux ou trois choses...". Portrait.
no 601, , Laetitia Mikles, "Boxing Gym. We are family".
no 608, , Laetitia Mikles et Delphine Levy, "Crazy Horse. Un de mes films les plus abstraits", entretien avec Frederick Wiseman.
  • La pensée de midi, no 2, Automne 2000, Christian Milovanoff : Les séquestrés
  • Vertigo, no 21, . Jean-Marc Froissart : Le principe d'Heisenberg? Pas pour moi! entretien avec Frederick Wiseman.
  • La Septième Obsession, no 4, avril-. La Réalité est si compliquée, grand entretien avec Frederick Wiseman.

En ligne

Liens externes