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Il affirme qu'il n'existe aucune solution non triviale si le paramètren est strictement supérieur à deux.
Une équation diophantienne est une équation à coefficients entiers dont les solutions recherchées sont entières. Si, à l'exemple de la question de l'article, l'expression est souvent simple, la résolution s'avère en général ardue.
Il est peu probable qu'une démonstration accessible à Fermat existe. En effet, il fallut de nombreuses tentatives ainsi que près de 350 ans d'efforts pour qu'une preuve en soit donnée en 1994, par Andrew Wiles[2].
Généralités et cas élémentaires
Remarques
L'équation est homogène, c’est-à-dire que pour une valeur n donnée, si le triplet (x, y, z) est solution, alors (a.x, a.y, a.z) est aussi solution. En conséquence, les seules racines recherchées sont les triplets d'entierspremiers entre eux dans leur ensemble.
Si l'un des trois membres du triplet (x, y, z) est égal à zéro, alors l'équation devient évidente, de telles solutions sont dites triviales. L'objectif est donc la recherche de triplet solution tel que le produit x.y.z soit différent de zéro.
Si l'équation n'admet pas de solution pour une valeur p du paramètre, alors il n'existe pas de solution pour toute valeur n multiple de p. En effet, si l'on note n = p.q alors l'équation s'écrit:
En conséquence, les valeurs à traiter sont celles où n est un nombre premier. Il est toutefois à noter l'unique exception, correspondant au cas où n est égal à deux. En effet, des solutions existent, il est donc nécessaire d'étudier aussi le cas où n est égal à quatre.
Résultats sans appel à la théorie des nombres
Quelques résultats se démontrent sans structure complexe. Le cas où n est égal à deux, traité à la suite, est simple et date de l'antiquité. Celui où n est égal à quatre se démontre de manière un tout petit peu moins élémentaire. Les cas restants sont ceux où n est premier différent de deux. Il existe une démonstration qui n'utilise pas les entiers d'Eisenstein pour le cas où n est égal à trois, elle est néanmoins suffisamment astucieuse et difficile pour que le mathématicien Leonhard Euler ne propose qu'une démonstration inexacte.
Les autres cas sont techniques, l'utilisation d'entiers algébriques est indispensable. Le premier terme est bien une identité remarquable : xn + ynest en effet un multiple de x + y si n n'est pas une puissance de 2, cependant cette remarque est largement insuffisante pour conclure ne serait-ce que dans un cas.
Cas où n est égal à deux
Le cas où n est égal à deux possède une interprétation géométrique. Il correspond aux longueurs entières des différents côtés d'un triangle rectangle.
Ce cas est connu depuis la haute antiquité. Ainsi, les sumériens connaissaient[3] quelques exemples de solutions. La solution complète apparaît pour la première fois dans le livre X des Éléments[4] d'Euclide vers 300 av. J.-C.
Ce cas est l'unique exception du théorème (si l'on omet le cas où n est égal à un). En effet, il existe des solutions non triviales si n est égal à deux : 3, 4 et 5 forment un triplet de solutions, appelé triplet pythagoricien. En conséquence, il devient important de considérer le cas n égal à quatre, pour démontrer qu'il n'existe pas d'autre puissance de deux admettant des solutions non triviales.
Dans tout l'œuvre mathématique laissée par Fermat, on ne trouve qu'une démonstration : la preuve de ce cas[5], sous une formulation différente. Il démontre en effet qu'il n'existe aucun triplet pythagoricien (x, y, z) tel que xy/2 soit un carré d'entier, ce qu'il exprime par « l'aire d'un triangle rectangle en nombres ne peut être un carré[6] ». Comme ce résultat équivaut à l'absence de solutions entières non triviales pour l'équation a4 – b4 = c2, le cas n = 4 en est un corollaire immédiat. Pour cette raison, on considère très généralement que Fermat a démontré ce cas[7],[8].
La méthode utilisée est celle de la descente infinie. Elle consiste à trouver un autre triplet de solutions tel que le troisième entier est positif et strictement plus petit que celui de la solution initiale. Il est ainsi possible de descendre indéfiniment dans l'ensemble des entiers positifs, ce qui est contradictoire avec les propriétés de ℕ.
Deux preuves complètes et nouvelles proviennent de Leonhard Euler[9] ; elles sont aussi fondées sur la méthode de la descente infinie. Il en existe d'autres, par exemple utilisant la notion d'entiers de Gauss.
Démonstration du cas n = 4
La preuve suivante est essentiellement l'une des deux démonstrations d'Euler. Pour montrer que l'équation de Fermat x4 + y4 = z4 n'a aucune solution non triviale (c'est-à-dire constituée de trois entiers strictement positifs), il suffit de montrer que l'équation a4 + b4 = c2 n'en a pas (ou que a4 – b4 = c2 n'en a pas, ce qu'Euler prouve de même). Supposons l'existence d'une telle solution (a, b, c) et montrons qu'il en existe un autre, (x, y, z), telle que z < c. La méthode de descente infinie permet alors de conclure.
Pour tout facteur premier d commun à a et b, l'entier c est divisible par d2. On peut donc, en divisant par ces éventuels facteurs (ce qui diminue c), supposer a et b premiers entre eux.
Puisque (a2, b2, c) est alors un triplet pythagoricien primitif et que (quitte à intervertir a et b si nécessaire) a est impair, il existe un couple (p, q) d'entiers strictement positifs et premiers entre eux tel que
De même, puisque (a, q, p) est un triplet pythagoricien primitif, il existe un couple (m, n) d'entiers strictement positifs et premiers entre eux tel que
Les deux résultats précédents montrent que
Comme m et n sont premiers entre eux, chacun d'eux est premier avec m2 + n2. Et comme le produit des trois est un carré, chacun est un carré. Donc il existe des entiers strictement positifs x, y et z tels que m = x2, n = y2 et x4 + y4 = z2. Comme z2 = p < c2, la preuve est établie.
Une fois analysé le cas des puissances de deux, le théorème devient singulièrement plus complexe à établir. Il existe encore trois démonstrations, pour les cas n = 3, 5 et 7 fondées sur le même canevas et usant de la méthode de descente infinie.
Pour pouvoir l'appliquer, une idée fructueuse consiste à « modifier » l'ensemble sur lequel s'applique l'équation. Il est possible de généraliser le théorème de Fermat sur tout ensemble E muni de deux opérations, l'addition et la multiplication. Les opérations sur E doivent disposer d'un minimum de propriétés, lui conférant une structure appelée anneau. Cette idée est un peu contre-intuitive : si la résolution se révèle déjà ardue dans ℤ, l'anneau des entiers relatifs, la question ne devient-elle pas encore plus délicate sur un anneau quelconque ? En fait, l'objectif est de choisir E disposant des bonnes propriétés pour que la résolution soit plus aisée.
intègre, c'est-à-dire que si un produit a b est égal à 0 alors soit a soit b est nul ;
factoriel, ce qui signifie que tout élément se décompose de manière unique en un élément inversible pour la multiplication et un produit de nombres premiers, comme -6 est le produit de -1, 2 et 3 ;
et tel que tout élément inversible possède une racine n-ième.
Sur un tel anneau, correspondant par exemple à celui des polynômes à coefficients complexes, l'ensemble des nombres complexes, Augustin Louis Cauchy met au point une méthode générale de résolution.
La difficulté réside dans le fait que ℤ ne contient pas de racine n-ième de l'unité à l'exception de 1 et –1. L'usage d'autres anneaux contenant ℤ devient intéressant. Les plus simples correspondent à des ensembles ℤ[ω] d'entiers quadratiques c'est-à-dire des nombres de la forme a + bω où a et b sont des entiers relatifs et ω un nombre complexe tel que ω2 soit combinaison linéaire de ω et de 1 à coefficients dans ℤ, ce qui assure la stabilité de l'ensemble. Certains de ces ensembles contiennent des racines n-ième de l'unité. Tel est le cas si ω est la racine cubique de l'unité j = (1 + i√3)/2 ou le nombre d'or (1 + √5)/2. De plus, ces anneaux sont dits euclidiens, c'est-à-dire qu'il existe une division euclidienne. Et tout anneau euclidien est factoriel. Ils permettent de résoudre les cas n = 3 ou 5. Une approche un peu analogue permet encore de résoudre le cas n = 7.
L'efficacité des anneaux quadratiques s'arrête là. Dans le cas général, ils ne sont ni euclidiens ni factoriels, ce qui impose la mise au point d'autres idées.
Cas de l'anneau des polynômes à coefficients complexes
On recherche ici à résoudre l'équation :
Ici x, y et z représentent trois polynômes à coefficients complexes. Pour les raisons indiquées au paragraphe précédent, cette question est finalement beaucoup plus facile que celle de Fermat. Elle est résolue en 1847 par Cauchy[10] après la résolution des cas n = 3, 5 et 7 et avant la percée majeure de Ernst Kummer. Le résultat s'énonce de la manière suivante :
Soit p, q, r trois polynômes à coefficients complexes et n un entier strictement plus grand que 2, si pn + qn = rn et si p, q et r sont premiers entre eux, alors p, q et r sont trois polynômes constants.
Deux polynômes sont dits premiers entre eux si, et seulement si, les seuls polynômes qui divisent les deux sont les constantes. Cette résolution est plus simple que les trois cas précédents car la complexité calculatoire est moindre. La démarche est néanmoins très similaire. L'ensemble des polynômes à coefficients complexes forment un anneau commutatif unitaire et intègre équipé d'une division euclidienne. Une démarche de nature arithmétique est ainsi possible. Il existe un équivalent de la notion de nombre premier, celle de polynôme irréductible (c'est-à-dire divisible uniquement par lui-même et par 1, à la multiplication par un nombre complexe près) et unitaire (c'est-à-dire de coefficient du terme de plus haut degré égal à 1). Le théorème fondamental de l'arithmétique s'applique, c'est-à-dire qu'il existe une unique décomposition en facteurs premiers, ainsi que l'identité de Bézout ou le lemme d'Euclide. Les démonstrations présentées dans cet article pour les cas n égal à 3 ou 5 sont choisies dans le cadre d'un anneau euclidien.
Cet anneau possède une force qui simplifie largement la démonstration : tout élément du groupe des unités, c'est-à-dire le groupe des éléments inversibles pour la multiplication admet une racine n-ième. Le fait que les éléments du groupe des unités ne soient pas inversibles présente encore la difficulté à contourner pour les cas n égal à 3 et 5.
La démonstration utilise encore une fois la méthode de descente infinie. On suppose qu'il existe d'autres solutions que celles des polynômes constants et on considère un triplet de polynômes (p, q, r) de cette nature, et soit n0 la somme de leurs degrés. À l'aide de cette solution, on en construit une nouvelle (p1, q1, r1) tel que la somme des degrés n1 est strictement positive et strictement inférieure à n0. En réitérant le processus, on obtient une suite infinie et strictement décroissante (nj) d'entiers positifs. La méthode de descente infinie procure la contradiction recherchée.
La lettre ζ désigne une racine primitive de l'unité, c'est-à-dire une racine telle que l'ensemble des nombres ζj, si j varie de 0 à n - 1, décrivent toutes les racines nièmes de l'unité. Le polynôme Xn - 1 possède exactement n racines distinctes qui sont les n racines de l'unité, ce qui permet de déduire les égalités :
.
L'équation de Fermat s'écrit encore :
.
Cette factorisation est possible dans tous les anneaux commutatifs unitaires intègres contenant les n racines nièmes de l'unité.
Le caractère factoriel intervient maintenant dans la démonstration. On remarque que les polynômes r - ζjq sont premiers deux à deux. Deux polynômes de cette nature engendrent en effet l'espace vectoriel de base r et q. Un diviseur commun divise donc r et q et par hypothèse est constant. Chaque facteur premier de r - ζjq est un facteur premier de pn donc de p et se trouve nécessairement à la puissance n dans le polynôme r - ζjq puisqu'il n'est pas présent dans les polynômes r - ζkq si k est différent de j. On en déduit que le polynôme r - ζjq est une puissance n-ième et qu'il existe un polynôme aj tel que ajn est égal à r - ζjq. On obtient l'égalité :
.
On remarque que les polynômes aj sont premiers entre eux deux à deux, car les polynômes r - ζjq le sont et une analyse de leur monôme dominant montre que l'un au plus est constant. Considérons les trois polynômes a1, a2 et a3. Leur puissance n-ième est dans l'espace vectoriel engendré par r et q, de dimension deux. Il existe donc une combinaison linéaire non triviale entre eux trois.
.
Comme tout élément de ℂ s'exprime comme une puissance n-ième d'un élément de ℂ, il existe trois complexes α1, β1 et γ1, tel que :
Ce qui montre l'existence de trois polynômes non tous constants, premiers deux à deux, de somme des degrés strictement inférieure à n0 satisfaisant l'équation initiale, offrant le cadre nécessaire à la mise en place de la méthode de descente infinie.
Cas où n est égal à trois
Le cas n =3 est plus complexe. Euler écrit à Goldbach en 1753, lui indiquant qu'il l'a résolu. La seule preuve qu'il ait publiée, en 1770 dans son Algebra, est cependant incomplète[12], sur un point crucial. Euler est assez confus à cet endroit, mais il semble bien que l'argument qu'il utilise implicitement soit erroné, et il n'est jamais revenu dessus ultérieurement[13]. Cependant la preuve, si elle n'est pas facile à corriger, peut l'être par des méthodes qu'Euler avait utilisées pour d'autres propositions de Fermat[14]. De cette façon, la démonstration d'Euler, qui procède par descente infinie, fonctionne. Il est même possible qu'Euler ait eu en 1753 une démonstration correcte, puis qu'il ait voulu utiliser ensuite un argument plus élégant, celui utilisant les nombres complexes décrit ensuite[13],[5].
Pour sa démonstration, il étudie des nombres dont le cube est de la forme p2 + 3q2 avec p et qpremiers entre eux. Pour cela il utilise une méthode originale pour l'époque, il décompose p2 + 3q2 = (p + i√3q)(p -i√3q) et cherche les nombres de la forme a + ib√3 dont le cube est p + i√3q, en termes modernes il travaille dans l'anneau ℤ[i√3]. Le résultat qu'il obtient passe au conjugué p -i√3q, et il en déduit son résultat en affirmant que si p2 + 3q2 est un cube, p + i√3q et p -i√3q également, du fait que p et q sont premiers entre eux, donc, dit-il, p + i√3q et p -i√3q. Il se trouve que le résultat, que l'on peut démontrer pour les entiers ordinaires par l'unicité de la décomposition en facteurs premiers, est également juste pour ℤ[i√3] mais pour des raisons différentes. Euler ne donne pas d'argument, mais, d'après le reste du livre, il paraît clair que sa conviction repose sur une analogie avec les entiers[15] (de fait, 4 est à la fois égal à 2 × 2 et à (1 + i√3)(1 – i√3) : il n'y a pas unicité de la décomposition en éléments irréductibles dans ℤ[i√3]).
Une autre façon de compléter la preuve d'Euler (qui ne pouvait être connue de ce dernier) est d'utiliser une extension de ℤ[i√3], l'anneau ℤ[j], où j désigne une racine cubique de l'unité non triviale. Cet anneau, étudié précisément par Gotthold Eisenstein, est euclidien donc factoriel, c'est-à-dire que la décomposition en éléments irréductibles, appelés dans cet anneau nombres premiers d'Eisenstein, y est unique.
L'utilisation d'anneaux d'entiers algébriques bien choisis est une des techniques majeures du XIXe siècle pour la résolution du théorème avec certains paramètres. En revanche, rares sont les anneaux d'entiers euclidiens. D'autres techniques doivent alors être adjointes pour arriver à une certaine généralité.
Dans l'anneau des entiers d'Eisenstein, une descente infinie est relativement simple à trouver, c'est la méthode utilisée dans la preuve proposée ici.
Démonstration du cas n = 3
L'objectif est de résoudre l'équation : x3 + y3 = z' 3 dans l'anneau des entiers d'Eisenstein. En notant z = -z' , l'équation devient x3 + y3 + z3 = 0. Soit (α, β, γ) une solution non triviale telle que α, β et γ soient premiers entre eux dans leur ensemble.
Notons u = 1 + j et v = -j. On remarque que la famille (u, v) forme une base de l'anneau des entiers considéré comme un ℤ-module. De plus, w = u - v est de norme égal à trois, c'est donc un nombre premier d'Eisenstein. Quelques calculs élémentaires montrent que u2 = -v, v2 = -u, u.v = u + v = 1 et u3 = v3 = -1. Dans la suite de la démonstration a et b désignent deux entiers relatifs.
1.a.u + b.v est un multiple de w si, et seulement si, a + b est un multiple de trois.
Si a.u + b.v est un multiple de w, alors il existe deux entiers relatifs n et m tels que :
(i)
On en déduit que a + b est égal à 3.(m - n). Réciproquement, si a + b est égal à 3.c, où c est un entier relatif, alors définissons m et n comme les deux entiers vérifiant n - m = c et 2.m - n = a, on vérifie que m - 2.n = b et les égalités (i) montrent que a.u + b.v est multiple de w.
2. Si a.u + b.v n'est pas un multiple de w, alors (a.u + b.v)3 est congru à plus ou moins un modulo neuf.
Soit da (respectivement db) le reste de la division euclidienne par trois de a (respectivement de b), d l'entier d'Eisenstein da.u + db.v et ε l'entier d'Eisenstein défini par a.u + b.v = 3.d + ε. Alors, si a.u + b.v n'est pas un multiple de w la proposition précédente montre que ε est élément de l'ensemble {±u, ±v, ±1}. Le calcul suivant permet de conclure :
3. Un et un seul des trois entiers d'Eisenstein α, β ou γ est un multiple de w.
La somme des trois cubes est égale à 0, elle est donc congrue à 0 modulo neuf. On en déduit que les trois cubes ne peuvent tous être congrus à ±1 modulo 9. La proposition précédente montre qu'au moins l'un d'entre eux est un multiple de w.
Si deux des trois entiers ont un diviseur commun, l'égalité α3 + β3 + γ3 = 0 montre que le troisième entier possède aussi ce diviseur. Le fait que les trois entiers soit premiers entre eux dans leur ensemble montre qu'ils sont premiers entre eux deux à deux, w n'est donc diviseur que de l'un des trois. Il est possible, sans perte de généralité de supposer que α est le multiple de w, cette hypothèse est celle de la suite de la démonstration.
4. α est un multiple de trois.
α est un multiple de w d'après le point 3. Donc β3 + γ3 qui est égal à -α3 est un multiple de w3. De plus, β3 (respectivement γ3) est congru à un élément de l'ensemble {±u, ±v, ±1} modulo 9 d'après le point 2, notons εβ (respectivement εγ) cet élément. β3 + γ3 est congru à εβ + εγ modulo 9, or 9 est un multiple de w3 car w4 est égal à 9. Ceci montre que εβ + εγ est congru à 0 modulo w3, ce qui montre que εβ + εγ est égal à 0.
εβ + εγ = 0, donc β3 + γ3 est congru à 0 modulo 9 et α3 est aussi congru à 0 modulo 9, ce qui montre que α est un multiple de trois.
5. Si μ = β.u + γ.v, η = β.v + γ.u et χ = β + γ, alors μ, η et χ sont des multiples de w.
Remarquons tout d'abord que β3 + γ3 = μ.η.χ. Ensuite w3 divise μ.η.χ car w3 divise α3 qui est égal à -β3 - γ3. Puis, w divise μ - η car μ - η = w.(β - γ) et enfin μ + η = β + γ est égal à χ.
Comme w divise μ.η.χ et que w est premier, il divise au moins l'un d'entre eux, par exemple μ. Comme w divise μ - η, il divise aussi η. Enfin comme w divise μ et η il divise χ = μ + η. Un raisonnement analogue permet de conclure de la même manière si w divise η ou χ.
6. Si μ', η', χ' sont définis par μ = w.μ', η = w.η' et χ = w.χ', alors μ', η' et χ' sont premiers deux à deux.
Raisonnons par l'absurde. Supposons que les trois entiers d'Eisenstein ne soit pas premiers entre deux deux à deux alors μ', η' ont un diviseur commun car χ' = μ'+ η'. Notons δ ce diviseur commun.
β + γ est égal à μ + η donc δ est un multiple de β + γ. β - γ est un multiple de μ - η (cf le point 6) donc δ est un multiple de β - γ. En conséquence, δ est un multiple de 2.β et de 2.γ. Comme β et γ sont premiers entre eux, δ est égal à deux (à un membre du groupe des unités près).
En conséquence β + γ et β - γ sont des multiples de deux. Divisons β et γ par deux, on obtient : β = 2.qβ + rβ et γ = 2.qγ + rγ, avec les normes de rβ et de rγ inférieures à trois. De plus comme β + γ est un multiple de deux rβ + rγ = 2.λ. En conséquence γ = 2.(qγ + λ) - rβ.
L'égalité μ = β.u + γ.v s'écrit alors μ = 2.(qβ.u + (qγ + λ).v + rβw. On remarque alors que deux est un nombre premier d'Eisenstein qui ne divise ni w si rβ qui est le reste d'une division euclidienne par deux. En conclusion μ n'est pas un multiple de deux, μ' non plus ce qui est une contradiction.
7. Il existe un triplet de racine cubique de μ', η' et -χ' solutions de l'équation de Fermat à un élément du groupe de l'unité près.
L'égalité μ'.η'.χ' = θ3 où θ est défini par θ.w = α (le point 3. montre que α est un multiple de w) et le fait que les éléments μ', η' et χ' sont premiers deux à deux montre que chacun des facteurs est le produit d'une unité et d'un cube.
L'égalité uμ.uη.uχ.(α'.β'.γ') 3 = θ3, montre que uμ.uη.uχ est un cube. Ce cube n'est pas multiple de w, il est donc congru à ±1 modulo 9. Il est donc égal à ±1.
Un et un seul élément parmi α', β' et γ' est multiple de w. En effet, μ', η' et χ' sont premiers entre deux à deux, il en est donc de même avec α', β' et γ'. En conséquence au plus un élément est multiple de w. Le point 4 montre que α est multiple de 3 qui est égal à w2, et θ est un multiple de w. Comme w est un nombre premier d'Eisenstein, il divise au moins l'un des trois membres. Par la suite, on suppose que α' est le multiple de w. Le raisonnement est le même si le multiple s'avère être l'un des deux autres membres.
β' et γ' ont un cube congru à ±1 modulo 9 et un raisonnement analogue au point 4. montre que les racines uη et uχ sont opposées. L'égalité uμ.uη.uχ = 1 devient uμ.uη2 = ±1. Ce qui montre que uμ est égal à ± uη. Quitte à modifier le signe de α', il est toujours possible de choisir uμ égal à uη. L'égalité devient:
8. Une descente infinie montre qu'il n'existe pas de solution à l'équation de Fermat si n est égal à trois.
Le premier triplet de solutions (α, β, γ) non trivial est tel que le produit α.β.γ contient le facteur w plusieurs fois (au moins deux d'après le point 4.). Un tel triplet montre l'existence d'un deuxième triplet de solutions (α', β', γ' ) non trivial tel que le produit α'.β'.γ' contient le facteur w un nombre de fois strictement inférieur car β et γ ne sont pas multiples du nombre premiers d'Eisenstein w et que :
Ceci démontre l'existence d'une descente infinie et donc l'absence de solution.
La démarche permettant de résoudre le cas où n est égal à trois ne se généralise pas aux valeurs plus grandes de n. En effet, l'anneau des entiers algébriques associé aux racines n-ièmes de l'unités n'est en général pas factoriel. Le raisonnement arithmétique du cas précédent n'est donc plus opérationnel.
Durant la première décennie du XIXe siècle, Sophie Germain donne une condition suffisante sur l'entier n, supposé ici premier, pour que si le triplet (x, y, z) est solution de l'équation de Fermat alors au moins l'un des trois entiers x, y, z soit divisible par le carré de n. (Accessoirement, elle montre que cette condition suffisante est vérifiée pour tout nombre premier inférieur à 100.) Ses recherches en amont de ce théorème, restées méconnues, étaient sous-tendues par une nouvelle stratégie d'attaque de la conjecture.
Le théorème de Fermat est alors célèbre. Tous les efforts se concentrent sur le cas où le paramètre est égal à 5. Sophie Germain a résolu le cas où aucune des inconnues n'est multiple de 5. Cependant, malgré l'implication de nombreux membres de la communauté mathématique, plus de quinze ans s'écoulent sans progrès notable. En 1825, Dirichlet devient immédiatement célèbre, pour un apport significatif. En général, un triplet solution, dans le cas où n est égal à 5, contient un multiple de 2 et un multiple de 5. Dirichlet résolut le cas où la même inconnue est multiple de 2 et de 5.
La démonstration est soumise à l'Académie des sciences et Legendre est nommé référé. Il utilise les techniques de Dirichlet, et résout l'autre cas en quelques mois, c’est-à-dire celui où l'inconnue divisible par 2 et l'inconnue divisible par 5 sont différentes[16],[5].
Les deux démonstrations utilisent des techniques semblables à celle du cas où l'exposant est égal à 3. Elles se fondent elles aussi sur les propriétés de divisibilité d'un anneau d'entiers bien choisi. Cette fois-ci, cependant, à la différence du cas où n est égal à 3, l'anneau considéré est l'anneau des entiers d'un corps quadratique réel (à savoir du corps ℚ[√5], seul sous-corps quadratique du 5e corps cyclotomique). La structure du groupe des unités devient de ce fait plus complexe. Sa compréhension revient à l'analyse d'une autre équation diophantienne dite de Pell-Fermat, étudiée par Euler. Les travaux de Lagrange sur les fractions continues fournissent les outils nécessaires à l'élucidation de cette structure. Cet anneau des entiers de ℚ(√5) permet d'établir le lemme clé de la démonstration.
À la différence des travaux de Gauss et d'Eisenstein sur le cas où n est égal à 3, aucune percée théorique majeure n'est réalisée pour la résolution de ce cas. L'anneau associé est toujours euclidien et donc factoriel, les arithmétiques utilisées sont de même nature que les précédentes.
Démonstration du cas n = 5
On suppose que (α, β, γ) est une solution non triviale telle que α, β et γ soient premiers entre eux dans leur ensemble et donc deux à deux.
Résolution du cas ou z est un multiple de 5 et de 2
L'équation s'écrit alors : x5 + y5 = 25.m.55.n.z'5. Soit (α, β, γ') un triplet solution associée.
1. Il existe deux entiers p et q premiers entre eux, de parités opposées tel que α5 + β5 = 2p(p4 + 10p2q2 + 5q4 ).
γ est pair donc α et β sont impairs, α + β et α - β sont donc pairs et si p et q sont définis par 2p = α + β et 2q = α - β, alors α = p + q et β = p - q. De plus, p et q sont non nuls et premiers entre eux car α et β le sont. Alors un développement binomial montre que :
Enfin, p et q sont de parités opposées car α et β sont impairs.
2. Il existe deux entiers q et r premiers entre eux de parités opposées tel que r soit multiple de 5 et α5 + β5 = 2.52.r(q4 + 50q2r2 + 125r4).
α5 + β5 est multiple de 5, le terme 2p(p4 + 10p2q2 + 5q4 ) est donc multiple de 5, ce qui montre que p l'est. Soit r l'entier défini par p = 5.r. En remplaçant p par 5.r dans l'équation (i), on obtient:
r est de même parité que p, chaque membre de l'équation (ii) est multiple de 55 donc soit r soit q est multiple de 5. Or q est premier avec p et p est multiple de 5, q n'est donc pas multiple de 5 et r l'est. Les notations suivantes sont alors utilisées :
3. les entiers a et b sont deux entiers strictement positifs premiers entre eux de parités opposées et t = a2 - 5b2 est une puissance cinquième.
Un simple calcul montre que t = a2 - 5b2.
Montrons que a et b sont premiers entre eux. Soit f un diviseur de a et de b, f ne peut être pair car a est impair (q et r sont de parités différentes et a = q2 + 25r2). f ne peut être multiple de 5 car a n'est pas multiple de 5 (car q n'est pas multiple de 5, en effet p et q sont premiers entre eux et p est un multiple de 5). Enfin f est un diviseur de r car il divise b = 2.5.r2, comme il divise aussi a il est donc diviseur de q. Comme q et r sont premiers entre eux, f est égal à 1, ce qui montre que a et b sont premiers entre eux. Comme b est un multiple de 2 et de 5, a et b sont de parités différentes et a n'est pas un multiple de 5.
Montrons que 2.52.r et t sont premiers entre eux. Soit f un diviseur des deux membres. Comme t est impair (t = a2 - 5b2 et a et b sont de parités opposées) f l'est aussi. Cinq divise p, donc il ne divise pas q. Si 5 ne divise pas q, il ne divise pas t ni f. Tout diviseur commun à r et t divise aussi q, donc r et t sont premiers entre eux. Donc, si f divise r, comme f divise r il est égal à un. Tout diviseur commun à 2.52.r et t est donc égal à un, et ils sont premiers entre eux.
L'égalité γ5 = 2.52.r.t permet de conclure que t et 2.52.r sont deux puissances cinquièmes car ils sont premiers entre eux. De plus q et r sont non nuls donc a et b sont des entiers strictement positifs.
4. Il existe deux entiers c et d, différents de zéro premiers entre eux de parités opposées tel que 5 divise d avec :
Ce passage correspond au lemme clé de la démonstration. Une fois prouvée, la suite est relativement mécanique. Comme pour le cas où le paramètre est égal à 3, le bon anneau d'entiers est nécessaire. Ici, c'est l'anneau des entiers du corps ℚ(√5). La démonstration est donnée dans le paragraphe Propriété associée pour la démonstration du dernier théorème de Fermat. L'unique élément à démontrer reste le fait que d est un multiple de 5. Il suffit pour cela de remarquer que b est un multiple de 25, c n'est pas un multiple de 5, donc d l'est. Utilisons alors les notations suivantes :
5. e et f vérifient les hypothèse du lemme.
On remarque que e et f sont premiers entre eux. En effet, si θ est un diviseur commun à e et à f, alors θ ne divise pas 2 car c et d étant de parités différentes e est impair, θ est donc un diviseur de d et de c, il est donc égal à 1. On remarque de plus que f est pair et e impair, d est un multiple de 5 donc f l'est. Enfin, d est non nul donc f est aussi non nul, c n'est pas un multiple de 5, donc e est aussi non nul.
Montrons que e2 - 5.f2 est une puissance cinquième. On remarque que :
Le terme correspond donc à un diviseur de b. L'égalité (ii) montre que 2.52.r est une puissance cinquième, il en est donc de même de son carré. Or :
Il suffit donc de montrer que e2 - 5.f2 est premier avec 2, 5 et d pour prouver que c'est une puissance cinquième. La différence de parité entre e et f montre que l'expression est première avec 2. Comme e est premier avec 5 (car c l'est) l'expression est première avec 5. Enfin, c est premier avec d ce qui montre que l'expression, somme de c4 et de puissances de d, est première avec d. Les hypothèses du lemme sont bien vérifiées.
On en déduit l'existence de deux entiers g et h vérifiant les égalités suivantes et les conclusions du lemme :
Comme précédemment, nous utilisons les notations suivantes :
6. Existence d'une descente infinie.
e' et f' vérifient les hypothèses du lemme pour la même raison que pour le point 5. Le fait que l'expression e' 2 - 5.f' 2 soit une puissance cinquième provient du fait que 2.54.d est une puissance cinquième et son carré aussi, donc :
Il suffit alors de montrer que l'expression est première avec 2, 5 et d' ce qui se montre comme précédemment. La suite d, d' , etc. est une suite d'éléments non nuls, il suffit de montrer qu'elle est décroissante. Or la suite est strictement positive et entière, donc :
La suite génère une descente infinie, ce qui montre qu'une telle solution n'existe pas.
Notes et références
↑Pierre-José About et Michel Boy, La Correspondance de Blaise Pascal et de Pierre de Fermat, ENS Editions, , 11.
↑Euclide, Les quinze livres des éléments géométriques d'Euclide : plus le livre des donnez du mesme Euclide aussi traduict en françois par ledit Henrion, et imprimé de son vivant traduction de 1632, site Gallica
↑« The most common statement is that Euler did give a proof of the case n = 3 of Fermat's Last Theorem but that his proof was “incomplete” in an important respect. This is as close as one can come to the truth of the matter in a few words. » (Edwards 1977, p. 39).
↑La démonstration d'Euler est décrite et discutée dans Edwards 1977, p. 40-46, et le moyen de corriger celle-ci par une méthode connue d'Euler, p. 52-54.