Centrale nucléaire de Dimona

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Centrale nucléaire de Dimona
Image illustrative de l’article Centrale nucléaire de Dimona
Le complexe nucléaire de Dimona, vu par un satellite espion Corona en 1968.
Type d'installation
Domaine Installation nucléaire
Localisation
Pays Drapeau d’Israël Israël
District District sud
Coordonnées 31° 00′ 05″ nord, 35° 08′ 41″ est
Vie de l'installation
Année de construction 1958
Date de mise en service 1963
Statut arrêté en 2012,
réouvert ensuite[1]
Production
Production totale 690 à 950 kg de plutonium[2]
Géolocalisation sur la carte : Israël
(Voir situation sur carte : Israël)
Centrale nucléaire de Dimona

La centrale de Dimona est la centrale nucléaire du complexe nucléaire israélien situé dans le désert du Néguev, à 13 km au sud-est de Dimona et à 20 km à l'ouest de la Mer Morte, à 25 kilomètres à l'ouest de la Jordanie, à 75 kilomètres à l'est de l'Égypte, et à 85 kilomètres au sud de Jérusalem. Le site comprend non seulement une centrale nucléaire, mais encore d'autres installations essentielles au développement du programme nucléaire israélien. Depuis 2021, selon l’imagerie satellitaire commerciale, d’importantes constructions ont eu lieu au Centre de recherche nucléaire du Néguev[3].

En Israël, le nucléaire militaire est un tabou qui relève plus de la doctrine stratégique que du secret technique. En dépit du témoignage de Mordechai Vanunu en 1986, le site est officiellement toujours demeuré secret.

Collaboration avec la France[modifier | modifier le code]

En 1957, un accord secret fut conclu entre la France et Israël pour la construction d'un réacteur nucléaire équivalent à la pile G1 de Marcoule (production de 10 à 15 kg de plutonium par an). La construction débuta l'année suivante, grâce à une assistance technique française encadrée par les Protocoles de Sèvres. Le complexe a été construit en dehors du régime d'inspection de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Les autorités israéliennes font alors passer le site nucléaire pour une simple usine textile[4].

En 1959, Richard Kerry - père de John Kerry - est secrétaire d'ambassade à Oslo. Il rapporte alors plusieurs conversations sur la vente d'eau lourde par la Norvège à Israël[4].

En 1961, le général de Gaulle décide de terminer la construction du réacteur de Dimona et de cesser toute aide française concernant l’usine de séparation du plutonium[5].

En 1963, le réacteur de Dimona est mis en service, et Israël produit suffisamment de plutonium pour équiper l'armée israélienne d'une bombe atomique avant la guerre des Six Jours.

Site secret[modifier | modifier le code]

Israël reconnait l'existence de ce site mais refuse de communiquer sur son objectif militaire. Les informations sur ce site sont donc classées Secret défense par l’État israélien.

Révélations dans le Sunday Times (1986)[modifier | modifier le code]

En 1986, un technicien nucléaire Israélien, Mordechai Vanunu, révèle au journal anglais The Sunday Times des détails sur le programme nucléaire militaire israélien dont notamment des photographies prises à l'intérieur de la centrale de Dimona[6]. Puis des agents du Mossad enlèvent Vanunu à Rome, ensuite il est jugé au Tribunal de Jérusalem et condamné en 1988 pour « trahison de secret d'État ». Il passe 18 années en prison et, depuis sa libération en 2004, il lui est interdit de prendre contact avec un étranger, de pénétrer dans une ambassade étrangère ou de participer à des discussions sur Internet, sans autorisation préalable. 30 ans après, il n'a toujours pas le droit de quitter le sol israélien[7].

Structure de Dimona[modifier | modifier le code]

Le réacteur nucléaire de Dimona est un réacteur à eau lourde alimenté en uranium naturel (non enrichi) qui utilise à la fois l'eau lourde et le graphite comme modérateurs nucléaires, et il est particulièrement efficace pour produire du plutonium car il peut être rechargé en état de marche[8]. Il est conçu sur un modèle similaire aux piles atomiques françaises de Marcoule (G1)[9] et de Saclay (EL2)[10]. En 1963, la puissance initiale du réacteur est de 24 à 26 mégawatts, puis elle est secrètement augmentée, d'abord jusqu'à 70 mégawatts puis 150 mégawatts[11].

Les activités techniques de fabrication, d'irradiation et de traitement du combustible nucléaire se concentrent sur le site de Dimona, dans le désert du Néguev. Toutefois, ce site reste mal connu du grand public, car il est soumis à un contrôle très strict et tout individu qui divulguerait des données relevant de la sécurité nationale risque des poursuites pénales.

Le site est défendu par des batteries de missiles Patriot en prévention de possibles frappes irakiennes entre 2002 et 2003, ainsi que depuis 2011 par le système de défense aérienne mobile israélien appelé Dôme de fer.

Au début des années 2000, de nombreuses inquiétudes ont été exprimées concernant la vétusté de ce réacteur vieux de 40 ans[12]. En 2004, par mesure de prévention, les autorités israéliennes ont fait distribuer des tablettes d'iode aux habitants des environs.

Instituts[modifier | modifier le code]

L'organisation des locaux (selon un reportage de Alon Ben-David (en) de la chaîne de télévision israélienne Channel 10 basé sur les révélations de Vanunu[13]) est une ligne d'instituts[11] :

Synagogue[modifier | modifier le code]

En est inaugurée une synagogue, financée notamment par le milliardaire américain Ira Rennert. Elle peut accueillir environ 300 personnes[réf. souhaitée].

Accidents et incidents[modifier | modifier le code]

Le , un accident critique s'est produit dans l'unité no 36 de l'Institut 2 : un employé a été tué et une zone entière a été contaminée[11].

En 1967, pendant la guerre des Six Jours, un missile israélien a abattu un Mirage III israélien qui volait par inadvertance au-dessus de Dimona[14],[15].

En 1973, le vol 114 Libyan Arab Airlines était en train d'approcher l'espace aérien au-dessus du site de Dimona. Les chasseurs israéliens l'ont abattu après avoir échoué à le faire changer de route, tuant 108 passagers[16].

En 1990, un incendie a éclaté dans la centrale qui a dû être arrêtée pendant une longue période.

En 1994, de fortes pluies ont fait déborder l'eau de drainage du réacteur, suspectée d'être contaminée. Après avoir lancé une enquête, le ministre de l'environnement Yossi Sarid a admis lors d'une interview que le Premier ministre Yitzhak Rabin avait interdit la publication des résultats[11].

Selon Julius Malick, un employé du site qui a saisi la justice israélienne, des employés ont été soumis à des expériences en 1998 : on leur a donné des boissons contenant de l'uranium, sans supervision médicale et sans consentement écrit ni informations sur les risques encourus[17].

Le , une cinquantaine d'employés de la centrale atteints de cancers manifestent près du réacteur : ils accusent la direction d'avoir tenu secrets des incidents qui selon eux ont provoqué des cancers. La direction et l’État israélien nient la relation entre les cancers et la centrale, et refusent donc d'indemniser les salariés malades. Le 27 janvier 2003, un tribunal de Tel-Aviv a ordonné à la direction de la centrale de fournir à ses employés cancéreux et à leur famille des informations sur la radioactivité du site[18].

En juillet 2002, un député arabe israélien, élu sur la liste Arabe Unie, a demandé au gouvernement israélien de pouvoir inspecter la centrale afin de vérifier si les radiations émises étaient à l'origine d'une augmentation de cas de cancers parmi les bédouins Arabes israéliens vivant à proximité[18].

En 2004, les autorités israéliennes font distribuer par l'armée des tablettes d'iode aux habitants des environs[19].

En , la Commission israélienne de l'énergie atomique a décidé d'arrêter le réacteur, au moins temporairement, invoquant la vulnérabilité du site par rapport à d'éventuelles attaques iraniennes[1].

Tirs de roquettes du Hamas (2012, 2014 et 2021)[modifier | modifier le code]

En et , le Hamas a tiré plusieurs roquettes sur la ville de Dimona et/ou son site nucléaire[20],[21].

En , trois roquettes Qassam de longue portée M-75 de fabrication palestinienne et provenant de Gaza sont tirées en direction du site nucléaire par les Brigades Izz al-Din al-Qassam[22]. Selon l'armée israélienne, deux roquettes sont tombés dans des zones inhabitées sans faire de victimes humaines ou de dégâts matériels[23], et le système de défense anti-missile Iron Dome a intercepté la troisième[24]. Le mouvement palestinien Hamas revendique le tir et ajoute qu'il visait « délibérément la centrale nucléaire »[25].

Le , le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza, a déclaré avoir tiré quinze roquettes en direction de la ville israélienne de Dimona, où se trouve un réacteur nucléaire. L'installation est cependant considérée comme bien protégée[26].

Grève du personnel (2017)[modifier | modifier le code]

À partir de , une grève débute au sein des employés de la centrale de Dimona qui réclament de meilleurs salaires. En , le chef de la Commission de l’énergie atomique israélienne demande au gouvernement de mettre en œuvre des mesures d’urgence permettant de contraindre les employés à retourner au travail[27]. Puis le cabinet israélien autorise le gouvernement à réquisitionner les ingénieurs du réacteur nucléaire de Dimona pour mettre fin à cette grève[28].

Déchets nucléaires[modifier | modifier le code]

Depuis la mise en service du site de Dimona, des déchets radioactifs ont été enfouis à proximité de la centrale comme l'a détecté en juin 2000 le satellite américain Ikonos[29].

Fin 1996, le président du Parti socialiste mauritanien, Ahmed Ould Daddah, dénonce que le désert de Mauritanie est la décharge de déchets nucléaires israéliens[30].

En , la Syrie affirme que des unités spéciales de l’armée israélienne creusent des tunnels pour y stocker des déchets nucléaires dans le mont Hermon à l’intérieur des territoires syriens occupés. Début 2004, un officiel syrien aux Nations unies a accusé Israël d’enfouir des déchets nucléaires sur le Plateau du Golan occupé[31].

En 2007, un rapport officiel palestinien a accusé les autorités de l’occupation d'enterrer en Cisjordanie des milliers de tonnes de déchets des villes et colonies israéliennes, dont des déchets nucléaires, depuis plusieurs années[32].

En 2009, le ministre des Affaires étrangères syrien a accusé Israël d’enfouir des déchets nucléaires sur le plateau du Golan occupé dans les tunnels creusés sur le mont Hermon[31].

En 2011, le vice-ministre de la santé palestinien, Annan Masri, affirme que des Israéliens ont empêché les délégués internationaux de l'Organisation mondiale de la santé de venir en Israël pour enquêter sur l'impact sanitaire des déchets nucléaires sur les territoires palestiniens[33].

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b (en) Israelis to shut 'vulnerable' nuclear plant in Iran's sights, 8 January 2012 The Sunday Times
  2. Israël produit 10 à 15 bombes nucléaire par an - IRIB, 8 octobre 2013
  3. Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri)
  4. a et b « Israël: nouvelles révélations sur le réacteur nucléaire de Dimona », sur i24news.tv, (consulté le ).
  5. Bombe israélienne : quand de Gaulle a dit non à Ben Gourion - Le Nouvel Obs, 17 novembre 2013
  6. (en) Greg Myre, « Israeli Who Revealed Nuclear Secrets Is Freed », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Un lanceur d’alerte nucléaire interdit de sortie depuis trente ans - Amnesty International, 18 juin 2014
  8. (en) Unlike Dimona, Iran's Bushehr Reactor Not Useful for Weapons-Grade Plutonium - Washington Reports on Middle East Affaires, september 2003
  9. Israël et le tabou de la bombe, documentaire allemand sorti en 2012 sur Arte
  10. « Les réacteurs de recherche en France », sur dissident-media.org (consulté le ).
  11. a b c et d The Dimona Plutonium Nuclear Reactor - armagedon.org.il
  12. Israel distributes radiation pills to residents near nuclear reactor. 08/08/2004. ABC News Online
  13. Dimona-Israel Nuclear Weapons Factory, by israel TV-10,Nuclear weapons in israel 2013. -
  14. (en) Israel on alert for Syria airstrike, The Sunday Times - November 11, 2007
  15. (en) How Israel got the bomb – Special Report, Time - 1976-04-12
  16. (en) David S. New, Holy War : The Rise of Militant Christian, Jewish, and Islamic Fundamentalism, USA, McFarland & Company, , 243 p. (ISBN 0-7864-1336-0, lire en ligne), p. 173
  17. Ex-staffer at Dimona nuclear reactor says made to drink uranium - 2009-01-01, Haaretz
  18. a et b « La direction de la centrale nucléaire de Dimona accusée d'avoir masqué des incidents », sur dissident-media.org (consulté le ).
  19. (en) « Israel distributes radiation pills to residents near nuclear reactor », sur net.au, ABC News, (consulté le ).
  20. (en) Hamas aims Grad at Dimona reactor – payback for Khartoum raid Debka.com, November 17, 2012
  21. (en) First-Ever Terror Rocket Fired at Dimona Nuclear Plant - November 14, 2012 Israel National News
  22. Israël: un site nucléaire visé par une roquette palestinienne - RIA Novosti, 9 juillet 2014
  23. La ville de Dimona ciblée « pour la première fois » par des roquettes - Anadolu Agency, 10 juillet 2014
  24. Deux roquettes tirées de Gaza tombent près d'une centrale nucléaire - DHnet Belgique, 9 juillet 2014
  25. Salve de roquettes sur le sud d'Israël - i24News, 9 juillet 2014
  26. « Le Hamas tire quinze roquettes en direction d'un réacteur nucléaire israélien », sur RTBF Info, (consulté le ).
  27. « Israël prend des mesures pour mettre fin à la grève à Dimona », sur The Times of Israël, (consulté le ).
  28. Michel Paul, « Israël : la grève à la centrale nucléaire de Dimona inquiète les autorités », sur rfi.fr, (consulté le ).
  29. (en) « Ikonos Imagery of Dimona - Israel Special Weapons », sur globalsecurity.org (consulté le ).
  30. Les relations entre Israël et la Mauritanie provoquent un tollé - MarocHebdo le 5 novembre 1999
  31. a et b Menace nucléaire sur le Golan - Info-palestine.eu, 22 septembre 2009
  32. « Rapport palestinien : Les autorités de l'occupation enterrent des déchets nucléaires en Cisjordanie », sur blogspot.fr (consulté le ).
  33. Israël empêche les experts internationaux d’inspecter ses réacteurs nucléaires - Infos d'Al-Manar, 29 octobre 2011

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Pierre Péan, Les Deux Bombes, Fayard, 1975
  • Seymour Hersh, Opération Samson, Olivier Orban, 1991
  • Avner Cohen, Israël et la bombe, Demi-Lune, 2020

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Le site nucléaire de Dimona