Centrale nucléaire d'Akkuyu

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Centrale nucléaire d'Akkuyu
Maquette de la centrale nucléaire en projet
Administration
Pays
Province
District
Ville
Büyükeceli
Coordonnées
Opérateur
TETAS
Construction
2015 (première pierre)
Mise en service
2023 (prévision)
Statut
en chantier
Réacteurs
Fournisseurs
Type
Puissance nominale
4 800 MWVoir et modifier les données sur Wikidata

Site web
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Le chantier de construction de la centrale nucléaire d'Akkuyu est situé dans le sud de la Turquie, sur les bords de la mer Méditerranée, à 80 km au sud-ouest de la ville de Mersin et à environ 100 km au nord de l'île de Chypre. Le site se trouve à 6 km au sud-ouest du village de Büyükeceli dans le district de Gülnar de la province turque de Mersin.

Depuis , le fournisseur russe Rosatom y construit un premier réacteur nucléaire à eau pressurisée de type VVER d'une puissance unitaire de 1 200 MW, dans le cadre d'un contrat de quatre réacteurs d'un montant de 20 milliards de dollars. Après trois ans de retard, le premier béton a été coulé en avril 2018. La mise en service, prévue initialement en 2020, a été reportée en 2023, si ce réacteur remplit toutes les obligations et conditions de l'autorité turque pour l’énergie atomique. L'administration du Président Erdogan souhaite que cette centrale soit opérationnelle avant le 29 octobre 2023, date du 100ème anniversaire de la république Turque.

Histoire du projet[modifier | modifier le code]

Projets antérieurs avortés[modifier | modifier le code]

En 1965, le gouvernement lance un appel d'offres pour un réacteur à eau lourde sur le site d'Akkuyu. Un nouvel appel d'offres est lancé en 1975, et c'est la firme suédoise ASEA-Atom/Stal-Laval qui l'emporte, puis annule ensuite ses garanties en 1980[1].

En , un premier projet de réacteur à Akkuyu est attribué à la société canadienne Energie atomique du Canada Limited, tandis que la société ouest-allemande Kraftwerk Union (KWU) abandonne le projet d'un second réacteur. Aucun des deux n’est finalement construit[2].

En , la société nationale turque productrice d'électricité TEAS lance un appel d'offres international pour la construction d'une centrale nucléaire sur les rives de la baie Akkuyu. Énergie atomique du Canada limitée (ÉACL) propose à nouveau un projet de 2 à 4 réacteurs de 700 MW, alors que le Canada vient tout juste de fermer le tiers de ses réacteurs nucléaires au Canada à cause de problèmes de technologie, et qu'il n'y a pas eu de commandes depuis 1978 pour de nouveaux réacteurs au Canada.

Ce projet canadien de centrale nucléaire de la baie d'Akkuyu suscite alors une forte opposition populaire, notamment en raison des menaces pour la sécurité de la région, de l'instabilité politique de la Turquie, et de l'affrontement militaire qui l'oppose à la Grèce pour le contrôle de l'île de Chypre, qui se trouve à une centaine de kilomètres au large de la baie d'Akkuyu[3].

2007-2008 : nouvel appel d'offres[modifier | modifier le code]

Le , le ministre de l'Énergie turc, Hilmi Güler, annonce le lancement d'un appel d'offres pour la construction de la 1re centrale nucléaire turque. L'appel d'offres est lancé en par compagnie d'électricité nationale turque TETAS[4],[5]. Le projet d'Akkuyu est renouvelé sur le site qui avait déjà fait l'objet d'un projet similaire en 2000, abandonné faute de financement[6]. Ce projet nucléaire d'Akkuyu serait financé par le secteur privé (Contrat de type "BOO" Build-Operate-Own), et son raccordement au réseau électrique national est alors prévu vers 2013-2014[6]. La loi n°5710, publiée le [7], prévoit que la TETAS achèterait toute l'électricité produite[8].

À la date d'échéance de l'appel d'offres, à la fin de , seule la compagnie russe Atomstroyexport maintient son offre[9]. Treize compagnies ont pourtant acheté le cahier des charges, dont la chinoise China Nuclear Power Components, la japonaise Itochu Corporation, Vinci Construction Grands Projets, Suez Tractebel et Énergie atomique du Canada limitée[9]. L'entreprise turque Zorlu Enerji a renoncé, en raison d'un cahier des charges environnemental insuffisant[10].

2010 : accord russo-turc[modifier | modifier le code]

En , les gouvernements de Russie et de Turquie ont signé un accord selon lequel une filiale de Rosatom — Akkuyu NGS Elektrik Uretim Corp. (APC : Akkuyu Project Company) — construirait, posséderait et exploiterait une centrale électrique à Akkuyu comprenant quatre unités VVER de 1 200 MW[11]. L’accord est ratifié par le Parlement turc en [12]. En , une fois qu’Akkuyu a été approuvé par le gouvernement turc, les résidents de Mersin ont formé une chaîne humaine antinucléaire dans la ville pour protester contre la décision. Ils ont protesté contre les coûts économiques de la centrale, exprimant notamment qu’ils "veulent des universités, pas des centrales nucléaires"[13].

En 2013, la société russe de construction nucléaire Atomstroyexport et la société turque de construction Ozdogu ont signé le contrat de préparation du site pour le projet de centrale nucléaire d’Akkuyu. Le contrat comprend des travaux d’excavation sur le site[14].

Construction de la centrale[modifier | modifier le code]

2015 : Lancement des travaux[modifier | modifier le code]

La cérémonie officielle de lancement des travaux a lieu en  : la pose de la première pierre du premier des quatre réacteurs est réalisée en présence du ministre turc de l'énergie Taner Yildiz et du chef de l'agence russe Rosatom Sergueï Kirienko. La mise en service est alors prévue en 2020[15]. Le chantier est alors prévu pour durer jusqu'en 2020[16]. En 2015, un incendie détruit 250 hectares de forêt[17].

Le , l’agence de presse Reuters rapporte que Rosatom avait arrêté les travaux de construction de la centrale et que la Turquie évaluait d’autres candidats potentiels pour le projet[18]. Mais Rosatom et le ministère turc de l’énergie et des ressources naturelles réfutent le jour même cette affirmation[19]. Malgré les tensions croissantes entre la Russie et la Turquie, en raison de la destruction par la Turquie de l’avion russe le et de la crise russo-turque de 2015 qui en découle, le président russe Vladimir Poutine déclare que la décision de continuer le projet Akkuyu est purement commerciale et non pas politique[réf. nécessaire]. Selon RIA Novosti, la société créée pour construire la centrale nucléaire poursuit alors ses activités en Turquie.

En , le plan environnemental d'Akkuyu est approuvé par la majorité du conseil municipal de Mersin, sous les sifflets des membres de l’Association Mersin pour l’environnement et la nature qui sont expulsés de la salle de réunion par des agents de la sécurité[20].

Le permis de construire est accordé le par l’autorité turque pour l’énergie atomique (Türkiye Atom Enerjisi Kurumu - TAEK)[21]

2018 - 2022 : Débuts officiels de la construction[modifier | modifier le code]

Le , les fondations en béton du premier réacteur sont achevées marquant le début officiel de la construction[22].

La construction de la deuxième tranche débute officiellement le [23].

Le premier béton de la tranche 3 a été coulé le 10 mars 2021[24].

Le premier béton de la tranche 4 a été coulé le 21 juillet 2022[25].

Opposition au projet[modifier | modifier le code]

En , des militants antinucléaires portent l'affaire devant le plus haut tribunal de Turquie, après que des groupes environnementaux aient intenté de nombreuses actions en justice contre le projet nucléaire d'Akkuyu. Des experts dénoncent l'impact négatif sur l’écologie et l’économie régionales, minant les moyens de subsistance des personnes qui dépendent de l’écosystème marin et du tourisme[26].

Incidents, défauts[modifier | modifier le code]

En , les fissures découvertes en juillet 2018 dans le béton des fondations du premier réacteur, sont réparées[27].

Le 31 octobre 2021, se produit une explosion suivie d'un incendie dans un transformateur de la centrale, semant la panique chez les employés et les gens autour. Un député d'opposition (Parti républicain du peuple) de Mersin déclare : « Pendant la phase de mise en place, des fissures se sont produites à plusieurs reprises sur le sol. En raison de l'explosion de dynamite pour les travaux routiers, de gros dégâts ont été causés aux maisons environnantes. Comme si l'incertitude de savoir où nous achèterons l'énergie électrique la plus chère du monde aux Russes et où les déchets nucléaires seront stockés ne suffisait pas, les problèmes de sécurité des personnes rencontrés lors de sa construction sont une indication qu'une centrale nucléaire incontrôlable et incontrôlée sera construite. Cette centrale nucléaire est le fléau de Mersin et de la Turquie »[28].

Menaces financières sur le projet[modifier | modifier le code]

En 2021, la Sberbank russe a accordé un prêt d’un montant de 800 millions de dollars pour le chantier Akkuyu[29]. Mais en 2022, le projet Akkuyu est menacé car la Sberbank pourrait être directement visée par les sanctions internationales contre la Russie après l'invasion de l'Ukraine. La Sovcombank, qui a accordé des prêts d'une valeur de 300 millions de dollars en mars 2021, est une autre banque russe qui fait aussi l'objet de sanctions internationales[30].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « LA TURQUIE FAIT APPEL POUR LA CONSTRUCTION DES CENTRALES NUCLEAIRES », sur info-turk.be, (consulté le ).
  2. « Nucléaire : les médias et le supposé « succès » d’Areva en Turquie », sur observatoire-du-nucleaire.org, (consulté le ).
  3. Le Syndrome du CANDU : l'effort canadien pour l'obtention d'un contrat de vente de réacteurs nucléaires en Turquie, Canadian Coalition for Nuclear Responsibility, août 1996
  4. La Turquie veut accéder au nucléaire civil, Bulletins électroniques BE Turquie 6, 15/01/2008
  5. Greenpeace: 37 nuke activists detained in Turkey, Today's Zaman, 23 septembre 2008
  6. a et b David Jamard, Nouvelles percées de l'énergie nucléaire dans le monde, Usine nouvelle, 26 mars 2008
  7. Profil de la Turquie sur le site de l'Agence pour l'énergie nucléaire
  8. Le projet turc de centrales nucléaires sera lancé en février, traduction d'un article du New Anatolian du 30 novembre 2007
  9. a et b Turquie/nucléaire : une seule offre, AFP sur le site du Figaro
  10. La Turquie souhaite construire deux centrales nucléaires, Usine nouvelle, 21 août 2008
  11. (en) "Russian plant for Turkey's Akkuyu". World Nuclear News. 13 May 2010
  12. "Governmental approval for Turkish construction plan". World Nuclear News. 15 July 2010..
  13. (en) « Akkuyu Nuclear Power Plant / Power Gen Advancement », sur Power Gen Advancement, (consulté le ).
  14. « Russia And Turkey Sign First Site Preparation Contract For Akkuyu », sur The Independent Global Nuclear News Agency (consulté le ).
  15. « La Turquie se lance dans le nucléaire », sur lesechos.fr, (consulté le ).
  16. « Centrale nucléaire Akkuyu : Quand la catastrophe arrive en criant gare ! », sur KEDISTAN, (consulté le ).
  17. (tr) « Akkuyu Nuclear Power Plant is already a problem », sur Yeşil Gazete, (consulté le )
  18. (en) Russia halts Turkey nuclear work, Ankara looks elsewhere, Reuters, 9/12/2015
  19. Construction of Turkey’s first nuclear plant continues as planned, Daily Sabah, 9/12/2019
  20. (tr) « Akkuyu Nükleer Santrali planına onay çıktı », sur bloomberght.com, (consulté le ).
  21. Russia starts building Turkey's first nuclear power plant - 03 avril 2018 - world Nuclear News
  22. Base de données PRIS de l’AIEA - Turquie - centrale AKKUYU-1 - date de début de construction - mise à jour du 09 mai 2019
  23. AKKUYU-2 (Akkuyu Nuclear Power Plant Unit 2) - PRIS AIEA AIEA, 30 août 2020
  24. Turquie: lancement officiel de la construction d’Akkuyu 3, Forum nucléaire suisse, 11 mars 2021.
  25. AKkuyu-4 (Akkuyu Nuclear Power Plant Unit 4) Under Construction, Pris AIEA, 19 août 2022
  26. (en) Anti-nuclear power plant activists turn to Turkey’s highest court, Ahval, 17/11/2018
  27. (en) Cracks discovered during construction of Turkey's first nuclear plant , Ahval, 6/05/2019
  28. (tr) Akkuyu Nükleer Santrali'nde trafo patladı!, www.arti49.com, 31/10/2021
  29. « Un autre prêt russe de la part de la Sberbank pour Akkuyu », sur Forum nucléaire suisse, (consulté le ).
  30. (en) Andrew Wilks, « Turkish nuclear plant threatened by Russian sanctions », sur aljazeera.com, (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]