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Évolution de la téosinte (à gauche) en maïs moderne (à droite).
Grains de maïs carbonisés, site archéologique de La Estancia (valle de Hualfín, Catamarca, Argentine).
Blé nu (Triticum aestivum, à gauche) et blé vêtu (Triticum monococcum, à droite).

La domestication des plantes est un processus évolutif, lent et progressif, par lequel l'homme modifie, intentionnellement ou non, la constitution génétique d'une population de plantes jusqu'au point où les individus au sein de cette population perdent leur capacité de survivre et de se reproduire par eux-mêmes dans la nature. La domestication est liée à la naissance de l'agriculture qui a permis, lors de la révolution néolithique, la transition d'une société de chasseurs-cueilleurs à une société agricole sédentarisée.

Ce processus a commencé il y a environ 10 000 ans dans plusieurs régions du monde, notamment en Chine, dans le Croissant fertile, en Amérique centrale et dans les Andes. Il a abouti à la création de plantes cultivées profondément modifiées dans leur morphologie, leur physiologie, leur phytochimie et leur génétique, sous la pression sélective exercée de façon délibérée ou non par les premiers agriculteurs, soit directement par la sélection de semences ou de propagules, soit indirectement par la modification de l'environnement du fait de la mise en culture.

La domestication a créé à des degrés divers une relation d'interdépendance entre les populations humaines et certains types de plantes[1].

Les plantes domestiquées ont tendance à perdre certains traits conservés chez les progéniteurs sauvages tels que les mécanismes de dispersion (comme l'égrenage des épis), les défenses chimiques et physiques contre les herbivores et la dormance, la grande majorité des plantes économiques aujourd'hui étant des annuelles[2].

Histoire[modifier | modifier le code]

Les premières plantes ont été domestiquées autour de 9000 av. J.-C. dans le Croissant fertile au Moyen-Orient. Il s'agissait d'annuelles à graines comme l'orge, le blé, le pois chiche ou la lentille. Le Moyen-Orient est particulièrement adapté à ces espèces ; le climat aux étés secs favorise le développement des plantes à semer, et les divers étages d'altitude permettent le développement d'une grande diversité d'espèces. La domestication a permis la transition d'une société de chasseur-cueilleurs à une société agricole et sédentaire. Ce changement a conduit par la suite, environ 4000 à 5 000 ans plus tard, aux premières villes et à l'apparition de véritables civilisations.

La domestication autour de la même période a également débuté en Chine avec le riz et le soja, au Mexique avec le maïs et le haricot, en Nouvelle-Guinée avec la canne à sucre et certains légumes-racine, mais aussi dans les Andes avec le piment et la pomme de terre ou en Équateur avec des légumes de la famille des courges, aubergines et concombres, ce qui remet en cause la théorie de la naissance de l'agriculture uniquement par des nécessités économiques et productives[3].

Après les plantes annuelles, des pluriannuelles et des arbrisseaux et arbustes ont commencé à être domestiqués, parmi lesquels la vigne, le pommier et l'olivier. Quelques plantes n'ont été domestiquées que récemment comme le noyer du Queensland et le pacanier (noix de pécan). Certaines espèces n'ont pas pu être domestiquées malgré des tentatives modernes ; ainsi le colchique, qui contient une molécule d'intérêt médicinal la colchicine, n'a pu être cultivé car les exploitations expérimentales étaient ravagées par le potyvirus Meadow saffron breaking virus (virus de la panachure du colchique d'automne) dont la diffusion était grandement facilitée par le regroupement des plantes[4].

Centres de diversité[modifier | modifier le code]

Dans son ouvrage, Études sur l'origine des plantes cultivées, paru en 1926, Nikolai Vavilov a émis l'hypothèse des centres de diversité et proposé comme centres d'origine des espèces domestiquées les zones de plus grande diversité de chacune des espèces[5]. Vavilov a pu postuler l'existence de huit centres d'origine et de diversité pour l'ensemble des plantes domestiquées dans le monde. Il a démontré que ces centres présentent des facteurs communs importants, par exemple une agriculture et une civilisation ancienne, une localisation dans les régions tropicales et subtropicales, des conditions éco-topographiques très variées et qu'ils partagent un certain type de distribution de la diversité génétique. Ces centres ont une grande importance pour l'amélioration future des plantes cultivées car ils abritent une partie importantes de la diversité génétique d'un pool génique donné, incluant les espèces domestiquées ainsi que leurs parents sauvages et adventices[6]. De nos jours les scientifiques s'accordent sur l'existence de 12 centres de diversité [7].

Les foyers de l'agriculture.


Principales espèces domestiquées dans les différents centres d'origine[5]
Régions Plantes cultivées
Proche-Orient (Croissant fertile) Blé et orge, lin, lentille, pois chiche, figuier, palmier dattier, vigne, olivier, laitue, oignon, chou, carotte, concombre et melon ; fruits et noix
Afrique Mil à chandelle, mil de Guinée, riz africain, sorgho, niébé, pois bambara, igname, palmier à huile, pastèque, gombo
Chine Millet japonais, riz, sarrasin et soja
Asie du Sud-Est Riz inondé et riz pluvial, pois d'Angole, haricot mungo, agrumes, taro, igname, bananier, arbre à pain, cocotier, canne à sucre
Mésoamérique et Amérique du Nord Maïs, courge, haricot commun, haricot de Lima, piment/poivron, amarante, patate douce, tournesol
Amérique du Sud Plaines : manioc

altitudes moyennes et haut plateaux (Pérou) : pomme de terre, arachide, cotonnier, maïs

Syndrome de domestication[modifier | modifier le code]

L'ensemble des caractères qui distinguent les plantes cultivées de leurs ancêtres sauvages constitue le « syndrome de domestication », expression forgée par le botaniste allemand Karl Hammer en 1984. Les caractères proviennent au moins en partie de la sélection humaine et se rapportent donc à la manière dont les plantes sont cultivées et récoltées.

Dans un agroécosystème, la concurrence entre les plantes est moindre que dans le milieu naturel. Cette concurrence réduite est convertie chez les plantes cultivées en une productivité plus élevée pour les organes récoltés (graines, feuilles, racines, etc.) grâce à un partage modifié des photosynthétats et à un indice de récolte (rapport de la biomasse récoltée à la biomasse totale) plus élevé. L'augmentation de taille peut parfois être remarquable, pouvant atteindre une différence d’un facteur 10 à 20 entre les types sauvages et domestiqués. Cette augmentation de la taille des grains est souvent considérée comme une indication de l'intervention humaine dans la reproduction des plantes.

La culture des plantes se traduit par la création d’un système de production, dont l’objectif global a été d'augmenter la biomasse récoltée tout en diminuant l'effort total nécessaire pour récolter cette biomasse. Plusieurs traits ont été sélectionnés pour atteindre cet objectif, comprenant notamment :

  • la perte de dormance des graines, qui conduit à des peuplements plus uniformes ; les semences de la plupart des plantes cultivées germent peu de temps après la plantation, alors que leurs progéniteurs sauvages germent souvent uniquement en réponse à des signaux environnementaux tels que la durée du jour (Photopériodisme#durée du jour|photopériodisme) et la température ; la domestication peut aussi entraîner une perte de sensibilité aux signaux environnementaux pour la floraison.
  • un port plus compact, avec des ramification moins nombreuses et plus courtes, ce qui réduit la concurrence intraspécifique et rend la récolte plus synchrone ; ce trait est sélectionné par des méthodes de récolte qui échantillonnent de préférence des plantes de taille et de forme similaires ; chez les céréales, les pratiques culturales ont conduit à sélectionner un développement du tallage et une maturation synchrone.
  • un mode de reproduction tendant à évoluer de l’allogamie à l’autogamie et à la multiplication végétative, ce qui rend la reproduction moins dépendante des facteurs abiotiques et biotiques ;
  • la moindre dispersion des graines par égrenage, ou sa disparition complète, ce qui limite les pertes de grains à la récolte. C'est le trait de domestication le plus important, car il rend la propagation de la plante dépendante de l'intervention humaine. Ce trait s’accompagne aussi de la perte des aides à la dispersion des grains, comme les poils, les crochets et les barbes, qui facilitent la dispersion par le vent et les animaux.

La sélection a également porté sur des caractères importants du point de vue de la consommation (denrées alimentaires) ou de l’utilisation (fourrages, fibres). L’attrait pour la nouveauté, en particulier en matière de couleur ou de forme des graines et des fruits, a conduit à la diversité morphologique frappante de certaines plantes cultivées. On le constate pour les choux (Brassica sp.) : chou rouge, choux de Bruxelles , chou-fleur, etc.) , pour certaines légumineuses à grosses graines (Phaseolus sp. et Vigna sp.) ; et chez les Rosaceae pour la taille, la forme, la texture et la couleur des fruits (par exemple, pommes : Malus sp .; poires : Pyrus sp .; et cerises et prunes : Prunus sp.). En général, la domestication a conduit à une augmentation de la taille des organes récoltés, qu'il s'agisse de racines, de feuilles, de fruits ou de céréales.

La domestication a également entraîné une baisse de la teneur en composés toxiques, qui remplissent chez les plantes sauvages plusieurs fonctions comme la protection contre les maladies ou les ravageurs, C’est le cas par exemple de la réduction des glucosides cyanogéniques chez le manioc, l’igname ou le haricot de Lima. La modification de la composition chimique a porté également sur d’autres caractères, par exemple l’amélioration de la qualité boulangère du blé et la modification de l'équilibre sucre-amidon chez le maïs[8].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) John E. Staller, « Plant Domestication », dans Mary Beaudry & Karen Metheny, The Archaeology of Food: An Encyclopedia, Alta Mira Press, (lire en ligne), p. 407-409.
  2. (en) Colehour, Alese M., « The Biogeography of Plant Domestication », Macalester Reviews in Biogeography, vol. 1, no 1,‎ (lire en ligne)
  3. D. Piperno et K. Stothert, « Phytolith Evidence for Early Holocene Cucurbita Domestication in Southwest Ecuador », Science, vol. 299, 14 février 2003, p. 1054-1057.
  4. Jacques Barnouin, Ivan Sache et al. (préf. Marion Guillou), Les maladies émergentes : Épidémiologie chez le végétal, l'animal et l'homme, Quæ, coll. « Synthèses », , 444 p. (ISBN 978-2-7592-0510-3, ISSN 1777-4624, lire en ligne), V. Barrière d'espèces et émergences virales, chap. 27 (« L'émergence de maladies virales chez les plantes : des situations variées et des causes multiples »), p. 285, accès libre.
  5. a et b (en) Van Deynze, « Crop Evolution Diversity, Centers of Origin », sur .pba.ucdavis.edu/ (consulté le ).
  6. (en) J.M.M. Engels, A.W. Ebert, I. Thormann & M.C. de Vicente, « Centres of crop diversity and/or origin, genetically modified crops and implications for plant genetic resources conservation », Genetic Resources and Crop Evolution, Springer, vol. 53,‎ , p. 1675–1688 (DOI 10.1007/s10722-005-1215-y, lire en ligne).
  7. Serge Hamon, L'odyssée des plantes sauvages et cultivées : Révolutions d'hier et défis de demain, Quae/IRD, coll. « Référence », , 367 p. (ISBN 9782759229239), 3. L'homme et les domestications, p. 67-95.
  8. (en) Terence A. Brown, Martin K. Jones, Wayne Powell & Robin G. Allaby, «  The complex origins of domesticated crops in the Fertile Crescent », Trends in Ecology and Evolution, vol. 24, no 2,‎ , p. 103-109 (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Daniel Zohary, Maria Hopf, Ehud Weiss (trad. Michel Chauvet), La domestication des plantes : Origine et diffusion des plantes domestiquées en Asie du Sud-Ouest, en Europe et dans le Bassin méditerranéen, Actes Sud/Errance, , 330 p. (ISBN 978-2-330-06643-7).
  • Guillaume Jean, Ils ont domestiqué plantes et animaux : Prélude à la civilisation -Hors collection, Éditions Quae, , 453 p. (ISBN 978-2-759-20892-0)
  • Jack Rodney Harlan (trad. Jacques Belliard, Brad Fraleigh), Les plantes cultivées et l'Homme, vol. 5, Presses universitaires de France / Agence de coopération culturelle et technique/ Conseil international de la langue française, coll. « Techniques vivantes », , 414 p. (ISBN 9782853191883).
  • (en) N. I. Vavilov, Mykola I. Vavylov, Níkolaj Ívanovítsj Vavílov, Vladimir Filimonovich Dorofeev (trad. A. A. Filatenko, Doris Love), Origin and Geography of Cultivated Plants, Cambridge University Press, , 498 p. (ISBN 9780521404273).

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • (en) John F. Doebley, Brandon S. Gaut & Bruce D. Smith, « The Molecular Genetics of Crop Domestication », Cell, Elsevier Inc., vol. 127, no 7,‎ , p. 1309-1321 (DOI 10.1016/j.cell.2006.12.006, lire en ligne).
  • (en) Paul Gepts, « Domestication of Plants », dans Neal K. Van Alfen, Encyclopedia of Agriculture and Food Systems, vol. 2, San Diego, Elsevier, , 464 p. (ISBN 9780080931395, lire en ligne), p. 474-486.


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