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Mise en scène du pouvoir politique

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Marie-Thérèse d'Autriche : quand la gravure sert la mise en scène du pouvoir.

La mise en scène du pouvoir politique est la façon dont ses détenteurs donnent à voir la nature de ce pouvoir aux yeux de ceux qu'ils gouvernent, de leurs pairs ou leurs rivaux.

Il semble qu’assez vite le principe de l’affichage symbolique des différences se transforme en un exercice psychologique du pouvoir et l’autorité des hommes et femmes qui détiennent le pouvoir politique va être non seulement affichée, mais également dramatisée et mise en scène au travers d'une symbolique stéréotypée ou non.

En fonction des sociétés, de la conjoncture historique, ces mises en scène ont été destinées à impressionner, rassurer, mystifier, terrifier, ou simplement berner les spectateurs.

La mise en scène peut donc avoir une fonction heuristique, illustrant les différentes responsabilités du pouvoir aux yeux des sujets, promouvoir l'ethos de la personne publique ou au contraire jouer un rôle de désinformation analogue à celui de la propagande en insistant sur le pathos. Certaines mises en scène peuvent même être classées dans l'arsenal de propagande du pouvoir.

Ce souci de jouer sur l'apparence, à l'aide de techniques proches de celles du théâtre et du spectacle en général, existe dans de nombreux domaines du pouvoir, et dans toutes les formes de pouvoir politique.

Mise en scène du pouvoir politique par lui-même

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Cascade du palais Peterhof en Russie. Toute mise en scène implique un décor. Le palais est un des éléments clef du dispositif scénique royal ou impérial.
Sacre de Charles VI de France

On a trouvé dans les sépultures et dans les représentations (peintures et sculptures) des éléments (ornements, insignes) qui montrent que dans certaines sociétés on a assez tôt distingué les individus selon un système hiérarchique[1].

Certaines mises en scène, notamment par exemple les Entrées (royales, impériales, pontificales, présidentielles) sont anciennes et pérennes ; d'autres[Lesquelles ?] sont l'objet de modes passagères. L'apparition de nouvelles technologies (la gravure, l'imprimerie, la photographie, le cinéma, la télévision et plus récemment, internet) modifient le degré de contrôle que les autorités possèdent sur leur image, tout en leur offrant de nouveaux moyens de se mettre en scène.

La mise en scène du pouvoir varie selon sa nature et l'image que le gouvernant cherche à donner de ses rapports avec les gouvernés. Le pouvoir monarchique magnifiera la figure du souverain, le pouvoir républicain veillera à respecter, dans la forme sinon dans le fond, les aspirations égalitaires des citoyens. Le pouvoir peut donc jouer la carte de la proximité ou de la distance, descendre dans la rue où vivre au secret derrière les murs d'un palais, multiplier les apparitions ou les laisser délibérément rares.

Le problème de la légitimité du pouvoir va également influencer sa théâtralisation. Le pouvoir héréditaire n'a pas à se soucier de convaincre de sa légitimité, mais de la prouver (d'où les célébrations associées à la naissance d'un héritier[2], alors que les élus passent par une phase de persuasion (campagne électorale) au cours de laquelle ils doivent démontrer les qualités qui les rendent aptes à gouverner. Certaines mises en scène appartiennent donc en propre à l'un ou l'autre pouvoir : le sacre à la monarchie héréditaire, la campagne électorale aux systèmes électifs. Par contre, d'autres manifestations leur sont communes, comme les commémorations.

Louis XIV se présente en costume de sacre en 1648, stratégie face à La Fronde
Hirohito, Empereur du Japon pendant l'ère Showa en tenue de grand-prêtre du Shinto d'État

Dans certaines sociétés, la mise en scène du pouvoir se fige dans des rituels. Le souverain hérite d'une tradition plus ou moins contraignante, des regalia et de rôles stéréotypés qu'il doit ou peut assumer lorsqu'il accède au pouvoir[3]. « Les rois », aurait déclaré madame Roland à propos de Louis XVI, « sont élevés dès l'enfance à la représentation[4][source insuffisante]. »

Certaines représentations sont devenus des archétypes :
  • Le monarque-pontife suprême : en Égypte par exemple, le pharaon, chef politique et religieux, se présente au public avec les attributs qui dramatisent ses fonctions et ses pouvoirs. Les statues monumentales insistent sur la différence de nature entre le roi et les hommes sur lesquels il règne, illustrant la légitimité divine de son pouvoir.
  • Le monarque-chef de guerre : les chefs de guerre sont présentés comme des héros dans le feu de l'action ou des triomphateurs, par exemple dans les Triomphes romains. Lorsqu'Alexandre le Grand prend le costume des Perses qu'il vient de vaincre, ses soldats critiquent ouvertement le caractère efféminé du costume perse, indigne selon eux du rôle viril que doit jouer le chef guerrier des Grecs. La statuaire montre volontiers le héros à cheval (statue équestre) et ce jusqu'à une date tardive, même si les souverains ne participent plus activement aux batailles.
  • Le monarque-juge ou sage : le prototype en est Salomon, le contre-exemple Midas et ses oreilles d'âne dans les multiples représentations de la calomnie d'Apelle[5]. L'histoire française garde de Saint Louis l'image du sage rendant la justice sous un chêne. Le rituel du lit de justice perpétue cet aspect de la fonction royale[3].
  • Le roi thaumaturge : le monarque de droit divin doit sans cesse faire la preuve de sa légitimité en imposant les mains sur des malades qu'il est censé guérir par ce simple contact. On peut y voir une illustration du lien privilégié avec le principe divin. Mais visiter les malades est aussi un des devoirs de la Charité chrétienne.
  • Le monarque père de ses sujets : l'apparition publique du souverain peut être destinée à rassurer les sujets; c'est ainsi que Charles IX, à l'instigation de sa mère Catherine de Médicis, entreprend un grand tour de France, ponctué de fêtes, de cérémonies et d'entrées royales. La personne du roi et de son entourage incarne l'autorité bienveillante qui met fin aux querelles et ramène la paix ; elle est utilisée ainsi dans Roméo et Juliette (tragédie de la fin du XVIe siècle, de William Shakespeare), le personnage du duc apparaissant sur scène pour ramener la paix civile entre les familles antagonistes des personnages principaux.

Au Moyen Âge, les souverains du royaume d'Aragon sont sacrés au cours d'une cérémonie qui met en scène le paradis et les anges, dans le but de matérialiser le lien entre le monarque et Dieu[6].

Dès le XVe siècle, la vie personnelle du souverain tend à se confondre avec celle de la chose publique : naissance royale, mariage, obsèques, donnent lieu à des cérémonies joyeuses ou graves où se déploie tout l'art des autorités civiles et religieuses pour matérialiser la relation entre le pouvoir et les sujets, ceux-ci devant acteurs du spectacle et renvoyant donc au pouvoir l'image idéale qu'ils s'en font. Le refus de la publicité est d'ailleurs souvent mal perçu. La grande discrétion de Louis XI, qui contraste avec le faste avec lequel la cour de Bourgogne se met en scène à la même époque, alimente toutes sortes de rumeurs.[réf. nécessaire]

Projet de mise en scène du sacre.

Il existe une grande marge de manœuvre qui permet à chaque souverain de forger sa propre image. Louis XIV, par exemple, Roi Soleil, est à l'origine d'une théâtralisation très poussée et très personnelle de la figure royale[7] qui servira de modèle à toutes les monarchies européennes, y compris au niveau du décor souvent imité du Château de Versailles. Il disposait d'une équipe d'artistes chargés de « construire l'image du roi, [...] assurer sa mise en scène, concevoir le théâtre sur lequel il allait se produire, pour des spectateurs qui étaient les contemporains et davantage peut-être, les générations futures[7] ».

La monarchie espagnole, plus tournée vers ses colonies que la monarchie française qui veut s'imposer en Europe, développe une image plus sacralisée que politique du pouvoir royal[8].

Le clergé joue un rôle important dans ces cérémonies ;Napoléon, qui est lui aussi un grand metteur en scène, mariant les réemplois de motifs empruntés à la Rome impériale et à la monarchie européenne avec des gestes personnels, s'en souvient en convoquant le pape à la cérémonie du sacre. Mais c'est en réaction aux excès de ces mises en scène de l’ancien régime, et en réponse aux revendications radicales d’égalité qui se font entendre dans toute l’Europe et les Amériques, que les familles royales européennes vont humaniser leur image et se rapprocher des attentes populaires à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. D'autres archétypes font alors leur apparition :
  • Les rois bourgeois : avec la reine Victoria Ire du Royaume-Uni, Louis-Philippe Ier, le roi citoyen, la monarchie cherche à donner d’elle-même une image bourgeoise et familiale qui la rapproche du peuple dont elle professe partager les épreuves quotidiennes (soucis de famille), ou à laquelle elle veut donner l’exemple à suivre. On assiste à une ouverture timide et soigneusement mise en scène de la sphère privée à l’attention publique.
  • Les princes d'opérette : paradoxalement, plus les souverains voient leurs pouvoirs s'amenuiser, et plus grand redevient l'engouement pour certaines mises en scène : les mises en scène stéréotypées de la royauté (notamment britannique, avec le couronnement d'Élisabeth II et le mariage du prince Charles et de Diana Spencer), retransmises par les caméras de tous les pays du monde, attirent des millions de spectateurs. Il n'est pas surprenant de constater qu'une des princesses les plus convaincantes dans son rôle sera l'actrice américaine Grace Kelly, épouse de Rainier III de Monaco. La reine Élisabeth II est souvent citée pour la rigueur extrême avec laquelle elle a su distinguer sa fonction de sa personne. D'autres monarques européens, comme le roi des Belges Baudouin, cultiveront une simplicité proche de celle de l'idéal républicain.

République

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Gandhi allant plaider la cause de l'Inde au siège du gouvernement de l'Empire britannique.

L'idéal de simplicité

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Dans les républiques qui respectent dans les formes l'idéal républicain, rien ne distingue particulièrement la figure du chef d'état de celle de ses concitoyens. Comme le Commonwealth d'Oliver Cromwell, les républiques modernes sont en cela héritières d'une tradition de simplicité qui remonte à Sparte ou à la république romaine des premiers âges. Si les impératifs de sécurité imposent la présence de gardes du corps, ils s'efforcent d'être des figures discrètes d'arrière-plan. Les chefs d'État républicains distinguent vie publique et privée. S'il est important pour une royauté de montrer les héritiers du trône, un élu républicain n'a pas à afficher de postérité ou d'attachements.

Au XXe siècle, un des exemples les plus extrêmes de cette simplicité égalitariste se développera avec le Mahatma Gandhi. Celui-ci va développer des dispositifs à la fois originaux (Gandhi au rouet) et traditionnels (la dhoti, le bâton de pèlerin) aussi facilement interprétables par ses concitoyens lorsqu'il arpente l'Inde à pied, que spectaculaires pour les Britanniques lorsqu'il vient plaider sa cause en 1931. La figure ascétique de Gandhi est une tentative extrême pour faire coïncider la réalité et l'idéal de l'homme de pouvoir au service du peuple telle qu'il souhaite l'incarner.

La laïcisation du pouvoir républicain dans certains pays européens donnera lieu à une récupération ou un remplacement des symboles religieux par des symboles laïques. La question des limites de la mise en scène laïque du pouvoir demeure épineuse au début du XXIe siècle.

Dans les démocraties, les campagnes électorales sont un moment de haute visibilité pour les candidats au pouvoir. Elles ont toujours fait l'objet de mises en scène du candidat. Élu in absentia consul, Marius prend soin lors de ses passages à Rome de se faire voir en triomphateur et d'afficher la faveur dont il prétend jouir auprès des Dieux. Charles Dickens caricature dès le XIXe siècle des rituels (serrer la main des électeurs, embrasser les enfants) encore courants aujourd'hui[9].

Récemment, les campagnes électorales ont vu l'entrée de conseillers en communication voire de publicitaires (on a pu parler à leur sujet de marketing politique) dans l'équipe des hommes et des femmes politiques).

Les dictatures

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Certaines républiques vont s'éloigner de ces idéaux et se transformer en oligarchies dictatoriales, avec un parti unique et un chef, charismatique ou non, au profil de sauveur ou d'homme providentiel. On assiste alors à un véritable culte de la personnalité, avec la multiplication des images du sauveur tantôt en père de la nation, tantôt en héros salvateur. C'est l'image que le dictateur Idi Amin Dada essaie de fixer dans l'esprit de ses sujets et de l'opinion internationale lors d'une mise en scène de triomphe qui inverse les rôles colonisateur/colonisé en 1975. Paradoxalement, ces régimes totalitaires, en même temps qu'ils multiplient les images de propagande, vont parfois occulter la véritable figure du pouvoir, au point par exemple que des rumeurs circuleront sur la mort de Léonid Brejnev et son remplacement par un sosie lors des cérémonies officielles.[réf. nécessaire]

Afin d'empêcher toute faille dans le contrôle des mises en scène officielles, il s'opère un renversement de situation. Le sujet, de spectateur, devient à son tour objet de surveillance[10]. Les services secrets, tout-puissants, mais invisibles, construisent par leur absence de la scène politique une image d'eux-mêmes encore plus terrifiante puisqu'elle s'adresse aux peurs imaginaires des sujets. Cela donne la figure de Big Brother décrite par George Orwell dans son roman 1984.[réf. nécessaire]

Pouvoir occulte

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La multiplication des caméras de surveillance dans les lieux publics en raison de la menace terroriste est souvent assimilée à cette dérive vers un pouvoir occulte, échappant au contrôle du citoyen.

Le terme existait bien avant ces nouveaux dispositifs de surveillance. Il s'applique à des figures cachées du pouvoir, travaillant dans l'ombre, par exemple une éminence grise. Ces forces occultes peuvent avoir une existence réelle ou être le produit d'une campagne de désinformation.

Selon Michel Foucault[10], après la chute de la monarchie on assiste à un revirement fondamental de la façon dont le pouvoir se manifeste au peuple qu'il assujettit. Jusqu'alors incroyablement visible à tous, le pouvoir central s'efface très bientôt derrière l'architecture des institutions qu'il sécrète de telle sorte que son caractère insaisissable fait penser qu'il est présent partout et tout le temps même lorsqu'en fait il est absent ou faible. Dans Surveiller et punir, le philosophe français donne l'exemple de l'engouement pour les plans panoptiques que connaissent les bâtisseurs de prisons au début du XIXe siècle pour souligner l'importance nouvelle de la rationalisation de la surveillance sur le contrôle de la délinquance, par exemple.

Ces forces occultes travaillent donc dans les coulisses du théâtre politique, et les élus sont parfois décrits comme les marionnettes dont elles tirent les ficelles (ou les pions qu'elles déplacent sur l'échiquier politique). Aux États-Unis, l'ampleur du pouvoir derrière le trône représenté par le dynamisme de Karl Rove, qui s'est chargé avec brio de la réélection du président Bush, est perceptible à travers l'attention médiatique donnée à l'affaire Plame. Le succès d'une série télévisée comme À la Maison-Blanche (1999-2006), qui prétend dévoiler le pouvoir présidentiel américain dans ses aspects les plus intimes, reflète l'intérêt du public pour l'envers du décor auquel il ne peut avoir accès au quotidien.

Révolutions

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Les périodes révolutionnaires, périodes d'inversion et de flottement du pouvoir, font également appel aux mises en scène, parfois macabres dans la mise à bas des symboles du régime déchu. Les révolutions populaires sont particulièrement intéressantes du point de vue de la mise en scène, car le peuple devenant momentanément détenteur du pouvoir, on y assiste à une inversion des représentations qui puisent leurs motifs aux sources du carnaval, moment social traditionnel du monde à l'envers.

Lors de la Révolution anglaise, les roundheads donnent une image austère du commonwealth puritain par la simplicité de leur mise : ils se rasent les cheveux et portent des vêtements sombres pour marquer leur différence avec les cavaliers, représentants d'une aristocratie catholique prodigue, aux cheveux longs et vêtements voyants. Ceux-ci vont alors exagérer les extravagances qu'on leur reproche (cheveux longs et bouclés, dentelles, chapeaux empanachés).

Il s'agit là une opposition qui s'inspire des représentations stéréotypées de l'antiquité opposant la république (commonwealth) frugale des débuts et la Rome de la décadence. L'exécution publique de Charles Ier se présente dans l'esprit des révolutionnaires comme le dernier acte d'une tragédie nationale qui voit la chute de l'orgueilleuse monarchie.

Exécution publique de Louis XVI.
Fête de la Fédération, champ-de-Mars, 1790, (Premier grand spectacle de la République française)
Renversement de la statue de Louis XIV le 13 août 1793.

La Révolution française va elle aussi puiser son inspiration dans l'histoire antique, coiffures à la Titus, bonnets phrygiens. L'abandon de la perruque et de la culotte aristocratiques signalent la démocratisation du pouvoir[11]. On républicanise les places royales : la place Louis-XV devient place de la Révolution et on y dresse la guillotine pour Louis XVI[12]. Les exécutions capitales s'intègrent ainsi à la mise en scène du pouvoir révolutionnaire. L'Europe tout entière (et en particulier les monarques étrangers) en prend connaissance grâce à la gravure[13], notamment au moment du régicide de Louis XVI (cf. supra) ou de l'exécution de Marie-Antoinette.

Un des soucis du nouveau pouvoir sera d'organiser des fêtes, dont le peintre David est le maître d'œuvre[14]. Le Directoire poursuivra cette politique. La « Fête des arts » des 9 et 10 thermidor an VI célébra les trophées rapportés d'Italie par l'armée de la République commandée par Bonaparte : dix chars, escortés par tout ce que Paris comptait de professeurs, d'étudiants et de personnalités du monde des arts et de la culture défilèrent dans la capitale. La fête se termina par le couronnement du buste de Brutus, icône du républicanisme et de la lutte contre la tyrannie[14].

Pendant la période dite de la Révolution culturelle en Chine communiste, on assiste de nouveau à la mise en œuvre de cette inversion du pouvoir lorsque les tout jeunes gardes rouges organisent l'auto-critique publique des intellectuels accusés d'être des réactionnaires avant de les envoyer travailler aux champs sous l'autorité des paysans.

Dans ces périodes révolutionnaires, la destruction des monuments et en particulier des statues remet sans cesse en scène la chute du pouvoir dont la révolution a triomphé.

À Cuba, Fidel Castro porte depuis des années les insignes (tenue de combat et barbe hirsute) du maquisard. Cette mise en scène justifie sa présence continue au pouvoir en promouvant l'image d'un résistant qui attend la victoire pour laisser la démocratie s'installer dans son pays.

Si tu veux la paix, prépare la guerre

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défilé du 14 juillet 2003, France.

La guerre ou la menace de guerre modifie la nature du pouvoir politique en augmentant celui de l'exécutif, de l'armée et des services secrets. Il impose des dispositifs de mise en scène différents de ceux que le pouvoir utilise en temps de paix ou pour démontrer son caractère pacifique. Mais même en temps de paix, le pouvoir politique s'efforce souvent de montrer sa puissance militaire dans un but dissuasif. Le défilé militaire, les manœuvres publiques, la revue des troupes, et plus récemment le programme américain de la Guerre des Étoiles sont autant d'éléments de la mise en scène du pouvoir comme défenseur de la nation, mais aussi comme puissance avec laquelle il faut compter.

Après la Seconde Guerre mondiale, la surenchère nucléaire a joué un grand rôle dans ce que l'on a appelé l'« équilibre de la terreur ». Les défilés militaires sur la place Rouge, à Moscou, étaient des mises en scène destinées à la fois aux soviétiques et aux observateurs étrangers. Elles ont été analysées avec beaucoup d'attention par les experts occidentaux qui cherchaient notamment à distinguer la hiérarchie des figures de pouvoir dans la tribune.

Évolution des dispositifs

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Louis XIV en empereur romain
  • L'architecture tant pour évoquer la somptuosité, la grâce ou l'innovation, que pour écraser le spectateur par la grandeur du décor (quel Président de la République française n'a pas voulu marquer Paris de "son" bâtiment imposant et prestigieux ?)[15].
  • La peinture (fresques, décoration d'édifices publics, musées et galeries publiques)
  • La scénographie Architectures temporaires, mises en scène des Entrées Royales, des fêtes, tournois, joutes
  • La gravure (feuilles volantes, pamphlets, chansons, almanachs, livres, premiers périodiques). La gravure sert à la fois de support des représentations du pouvoir[16] et de source d'inspiration. Les livres d'emblèmes, l’Iconologie illustrée de Cesare Ripa seront des sources importantes pour les mises en scène des fêtes et cérémonies publiques[17]. La gravure a permis une diffusion plus large des représentations du pouvoir en étant accessible à un public peu fortuné, et en s'exportant facilement à l'étranger [18].
  • La photographie et la presse
  • Le cinéma (images d'actualité en première partie de séance, films politiques)
  • La télévision (les actualités télévisées, les reportages, les débats, les discours, les fictions à caractère politique, les émissions caricaturales Le Bébête show, Les Guignols de l'info)
  • Internet (reprise de tous les autres médias, blogs)

La mise en scène du pouvoir a évolué avec l'évolution des moyens de représentation et leur contamination réciproque. Le théâtre va influencer la vie publique[19].

L'art de la rhétorique apprend aux candidats et aux hommes publics à briguer ou entretenir leur popularité à l'aide de techniques théâtrales. Certaines crises historiques sont dénouées ou ponctuées de petits drames mis en scène et joués par les hommes politiques. Un des exemples les plus connus est l'épisode des bourgeois de Calais, mais l'on pourrait aussi citer celui de la querelle des investitures au cours duquel Henri IV du Saint-Empire donne l'image d'un pouvoir temporel littéralement à genoux devant le pouvoir spirituel du souverain pontife Grégoire VII. L'entrevue du Camp du Drap d'Or mise en scène par François Ier cherche à démontrer sa supériorité sur son rival Henri VIII d'Angleterre. Sous l'influence de la scénographie de Vitruve, dont l'œuvre est traduite au XVe siècle, les peintres et les architectes participent à la préparation et à l'ordonnance des grandes fêtes de la monarchie ; poètes et musiciens apportent également leur concours.

Les ambassadeurs étrangers qui fréquentent les cours ou les gouvernements européens sont les spectateurs privilégiés de ces mises en scène et se font l'écho de manifestations dont la notoriété traverse rapidement les frontières. Les correspondances entre centres de pouvoir jouent alors une partie du rôle assumé aujourd'hui par les médias, d'où l'importance pour le pouvoir de pouvoir intercepter ces courriers. Mais plus les moyens de communication se diversifient, et plus ils échappent au contrôle du pouvoir. De tous temps la rumeur avait été l'ennemie redoutée de l'ethos politique. Or, l'apparition de la gravure puis très rapidement de l'imprimerie, vont s'en faire l'instrument. Ces deux innovations permettent la diffusion des images et des textes officiels, mais aussi des caricatures et des attaques infamantes. Malgré les efforts de la censure officielle, Henri III de Valois et la reine Marie-Antoinette en seront des victimes notoires.

La photographie, en remplaçant la gravure dans les journaux, va devenir elle aussi une menace pour l'image du pouvoir, ce qui conduira à l'emploi de la retouche photographique pour éliminer les détails non conformes à l'esprit de la mise en scène recherchée. Les propagandistes staliniens s'en feront une spécialité. Il en sera bientôt de même avec le cinéma, puis la télévision. Certains hommes politiques sauront habilement tirer parti de ces nouveaux médias, comme en France le général de Gaulle, usant régulièrement des conférences de presse. Les archives de la télévision contiennent ainsi des images où des hommes politiques incarnent pour toujours un moment de l'histoire, comme la réconciliation franco-allemande symbolisée par François Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main à Douaumont.

Aujourd'hui, la technologie permet à n'importe qui de filmer à son insu toute personnalité ou autre citoyen ordinaire. Ces images peuvent être retouchées, transformées, montées et diffusées ensuite par internet. Ceci amène les politiques à s'emparer à leur tour de ces nouvelles technologies (blogs par exemple) et d'employer des professionnels de la communication. En France, Nicolas Sarkozy fut conseillé par Thierry Saussez, comme le fut en son temps François Mitterrand par Jacques Séguéla.

Réflexions des artistes et des philosophes

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De la Renaissance à la Révolution

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Connue surtout en référence à l'œuvre de Thomas More, l'utopie devient vite un genre populaire. Les auteurs ont à cœur de décrire des mises en scène du pouvoir politique qui servent à édifier et instruire plutôt qu'à manipuler. Ce sera le cas de Tommaso Campanella dans sa Cité du Soleil.

Les élections vues par le satiriste William Hogarth.

Comme eux, le dramaturge William Shakespeare s'interroge sur le phénomène. Auteur de théâtre, il a la possibilité de le mettre en scène sous toutes ses facettes. Dans Jules César il s'attaque à la démagogie, montrant à quel point le théâtre politique, comme le théâtre tout court, dépend du pouvoir de l'histrion sur la foule (échec de la mise en scène du couronnement de César, ironie du succès comparable des deux mises en scène de ses funérailles d'abord par le républicain Brutus ensuite par le monarchiste Antoine). Richard III montre Richard, loup déguisé en agneau, se mettre en scène devant le Parlement sous le masque d'un dévot peu soucieux de pouvoir. Mais cette mise en scène ne réussit que grâce à la présence d'un dispositif promis à un bel avenir : la claque. Henry V lui permet de s'interroger sur l'apparence et la substance du pouvoir royal dans le monologue du roi à la veille de la bataille d’Azincourt où il risque de laisser la vie. Dans Coriolan, le dramaturge s'attaque (déjà) à la mise en scène des campagnes électorales.

Le théâtre, en choisissant ses héros parmi les personnages historiques exemplaires (en bien ou en mal), peut se permettre de commenter les différentes mises en scène du pouvoir politique sans craindre la censure, puisque ce n'est jamais l'auteur qui est supposé parler. Le théâtre Français du XVIIe siècle ne s'en privera pas. Dans Britannicus, Racine fait dénoncer les abus de la mise en scène politique lorsqu'elle a pour objectif d'occulter un pouvoir tyrannique et corrompu.

Dans son Dictionnaire philosophique portatif, Voltaire rédige un article intitulé « Cérémonies, titres, prééminence ». Pour lui il s'agit de dispositifs destinés à matérialiser la hiérarchie sociale et les relations de dépendance des petits vis-à-vis des puissants. La multiplication des cérémonies est un moyen de verrouiller les classes sociales : « Plus un peuple est libre, moins il a de cérémonies, moins de titres fastueux, moins de démonstrations d’anéantissement devant son supérieur ». À la veille de la Révolution française, ces critiques sont si courantes qu'une comédie comme Le Mariage de Figaro est immédiatement déchiffrée comme une dénonciation des travers cachés de l'aristocratie (libertinage) et de la survivance de pratiques féodales. La pièce, écrite en 1778, sera censurée jusqu'en 1784.

XXe siècle

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George Orwell étudiera les ficelles des pouvoirs dictatoriaux dans son roman d'anticipation 1984, qui inspirera à Terry Gilliam le film Brazil, où il met en scène les apparitions terrifiantes et soudaines du bras armé d'un pouvoir par ailleurs sans visage.

Orwell poursuit la satire subversive de la mise en scène liée à l'établissement d'une dictature, montrant dans La Ferme des animaux avec des personnages animaux anthropomorphiques le dévoiement des principes ainsi que la mise en place d'un régime de terreur sur les consciences (les chiots dobermann du cochon Napoléon, élevés en vase clos). Le roman fut adapté en dessin animé puis en film.

Le thème de l'apparence et de la substance du pouvoir préoccupe les esprits pendant la guerre de 1939-45 et ensuite la guerre froide au point qu'il apparaît même dans des films tels que The wizzard of Oz (Le Magicien d'Oz) destiné à un public juvénile, et que Oz devient un motif récurrent des films ou téléfilms qui s'interrogent sur la question de l'écart entre le projet et sa mise en œuvre (Zardoz, Oz).

Le développement de la sociologie, de l'anthropologie ou de l'ethnologie contribuent à introduire un distance critique entre les rituels sociaux et leurs destinataires. Platon avait qualifié la démocratie athénienne de théâtrocratie, c’est-à-dire de pouvoir politique se mettant en scène à travers le théâtre et la parole publique. L'expression a été réactualisée par l'ethnologue français Georges Balandier en 1992 pour décrire la médiatisation de la vie politique dans les démocraties contemporaines.

Enfin, la sémiologie et de la sémiotique vont fournir aux philosophes et aux critiques de nouveaux outils d'analyse pour étudier le phénomène, en distinguant ce qui relève de l'information et de la communication voire de la propagation (contre la résistance d'autres idées et valeurs). Ces analyses ont à leur tour provoqué un regain d'intérêt pour la rhétorique et ses textes théoriques. il y a aussi place pour une vision médiologique qui insiste sur les dispositifs techniques de traitement des informations et l'organisation des groupes d'influence.

Notes et références

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  1. Les origines préhistoriques et paléoberbères des Touaregs à travers l'art rupestre saharien : « Ces sépultures monumentales sont l'expression d'une idéologie du pouvoir et le reflet d'une hiérarchie sociale au sommet de laquelle régnaient les membres de lignages dominants ».
  2. Périssat cite plusieurs exemples (Périssat 2002, p. 51-58).
  3. a et b Hanley cite quatre cérémonies dont le rituel a été élaboré à la cour de France : les obsèques, le Sacre, l'Entrée royale et le Lit de justice (Hanley 1991, p. 21).
  4. Mémoire du comte Beugnot, ancien ministre (1783-1815), publiés par le comte Albert Beugnot, son petit-fils, vol. 1, Paris, E. Dentu, , 438 p., p. 196
  5. Jean-Michel Massaing, La calomnie d'Apelle, Paris/Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, , 168 p. (ISBN 2-86820-212-8), p. 129

    « les oreilles d'âne […] se réfèrent bien sûr au roi légendaire de Phrygie, le prototype même du mauvais juge. »

  6. Francesc Massip, « Le vol scénique dans le drame médiéval et les survivances actuelles dans le théâtre traditionnel », Oihenart, Bilbao, no 16,‎ , p. 7-15 (lire en ligne [PDF])
  7. a et b Gérard Sabatier, « La gloire du roi : Iconographie de Louis XIV de 1661 à 1672 », dans Olivier Chaline et François-Joseph Ruggiu, Louis XIV et la construction de l'État royal, vol. 19, (lire en ligne), chap. 4, p. 527-560
  8. Périssat 2002.
  9. The Pickwick Papers, chapitre 13 : « Tout a été préparé, mon cher monsieur - absolument tout. Vous trouverez vingt hommes adultes lavés dans la rue devant la porte auxquels vous serrerez la main, six nourrissons dont vous tapoterez la tête et dont vous demanderez l'âge; faites attention aux enfants, mon cher monsieur, cela fait toujours très bonne impression. »
  10. a et b Surveiller et punir, Michel Foucault, 1975
  11. Louis Réau, in Histoire du vandalisme, l'art français sous la révolution, p. 521-549
  12. Idem, p. 528
  13. Voir notamment « Les Tableaux historiques de la révolution », 1791-1817
  14. a et b Spire Blondel, L'art pendant la Révolution : Beaux-Arts, Arts Décoratifs, Adamant Media Corporation, , poche (ISBN 978-0-543-96111-2 et 0543961117), p. 154 sq.
  15. On peut citer aussi la construction des Places Royales avec leur message politique, par exemple la statue équestre de Louis XIV en empereur, destinée à proclamer l'hégémonie française sur le reste de l'Europe, voir Place des Victoires
  16. Voir Les mises en scène de Louis XIII dans l'estampe, de 1601 à 1643, d'Hélène Duccini, Université Paris X - Nanterre
  17. Périssat et 2002 p116-125.
  18. Sabatier, p. 529 : « Grâce à eux (les aquafortistes) l'image du roi (Louis XIV) sous forme d'estampes, almanachs, illustrations de livres fit publiée partout en France et en Europe. »
  19. Journal de Paris, no 322, 18 novembre 1790, à propos d'une représentation du Brutus de Voltaire : La représentation de Brutus a été hier très bruyante. Les traits nombreux qui ont un rapport direct à la situation actuelle de la France ont produit sur les esprits des effets très variés. L'opposition a été constamment la même & avec la même chaleur jusqu'à la fin.

Bibliographie

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Ouvrages classés par ordre alphabétique des auteurs.

  • Marie-France Auzépy et Joël Cornette (dir.), Palais et Pouvoir. De Constantinople à Versailles, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 2003.
  • Mireille Corbier, Agnès Bérenger-Badel et Éric Perrin-Saminadayar (dir.), Les Entrées royales et impériales : histoire, représentations et diffusion d'une cérémonie publique, de l'Orient ancien à Byzance, colloque, CNRS, L’Année épigraphique, Paris, 27-
  • Marc Bloch, Les Rois thaumaturges, Gallimard, 1924
  • Gilles Boëtsch et Christoph Wulf (dir.), Rituel Hermes no 43 CNRS .
  • Marie-Françoise Christout :
    • Le Ballet de cour de Louis XIV 1643-1672 Paris, Picard, 1967.
    • Les feux d'artifice en France de 1606 à 1626, in Les Fêtes de la Renaissance, tome I, p. 248.seq.
  • Isabelle Dubois, Alexandre Gady, Hendrik Ziegler, Place des Victoires, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme 2004
  • Annie Duprat, Les rois de papier. La caricature de Henri III à Louis XVI, Paris, Belin, 2002.
  • Sarah Hanley (trad. de l'anglais par A. Charpentier), Le Lit de justice des rois de France : l'idéologie constitutionnelle dans la légende, le rituel et le discours, Paris, Aubier, , 467 p. (ISBN 2-7007-2229-9)
  • Claudette Hould, La Révolution par la gravure. Les tableaux de la Révolution française, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2002, 320 p., (ISBN 2-7118-4347-5)
  • François-Bernard Huyghe, Maîtres du faire croire. De la propagande à l'influence, Vuibert, 2008, (ISBN 978-2-7117-1194-9).
  • Jean Jacquot, Les fêtes de la Renaissance, Paris, tome I (1956), tome II (1960), tome III (1975).
  • Emmanuel Leroy Ladurie, Le Carnaval de Romans. De la chandeleur au mercredi des Cendres. 1579-1580, Paris, Gallimard, 1979
  • Karine Périssat, Lima fête ses rois (XVIe – XVIIIe siècles), Paris, L'Harmattan, , 318 p. (ISBN 2-7475-3020-5)
  • Louis Réau, Histoire du vandalisme, (ISBN 2-221-07015-1)
  • Danielle Régnier-Bohler, Splendeurs de la cour de Bourgogne, Récits et chroniques, 1995

Articles connexes

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Liens externes

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