Knut le Grand
Knut le Grand | |
![]() Portrait contemporain dans le Liber vitæ du New Minster de Winchester (Stowe MS 944), vers 1031. | |
Titre | |
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Roi d'Angleterre | |
– (19 ans) |
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Couronnement | à Londres[1] |
Prédécesseur | Edmond Côte-de-Fer |
Successeur | Harold Pied-de-Lièvre |
Roi de Danemark | |
vers 1018 – | |
Prédécesseur | Harald Svensson |
Successeur | Hardeknut |
Roi de Norvège | |
– (7 ans) |
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Avec | Sven Knutsson (1030-1035) |
Prédécesseur | Olaf Haraldsson |
Successeur | Magnus Olafsson |
Biographie | |
Dynastie | Maison de Jelling |
Date de naissance | vers 985-995 |
Date de décès | |
Lieu de décès | Shaftesbury |
Sépulture | Old Minster (cathédrale de Winchester) |
Père | Sven à la Barbe fourchue |
Mère | Gunhild ? Sigrid ? Świętosława ? |
Fratrie | Harald Svensson Estrid Svendsdatter |
Conjoint | Ælfgifu de Northampton Emma de Normandie |
Enfants | Sven Knutsson Harold Pied-de-Lièvre Hardeknut Gunhild |
Religion | Catholicisme |
Liste des rois d'Angleterre Liste des rois de Danemark Liste des rois de Norvège |
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Knut le Grand est un monarque de la maison de Jelling mort le . Il est roi d'Angleterre à partir de 1016, roi de Danemark à partir de 1018 et roi de Norvège à partir de 1028. Son autorité s'étend peut-être également sur une partie de la Suède.
Fils du roi Sven à la Barbe fourchue, il conquiert le royaume d'Angleterre en 1016 après la bataille d'Assandun et la mort d'Edmond Côte-de-Fer, puis devient roi de Danemark en 1018, à la mort de son frère Harald. Il ajoute également la Norvège à son domaine en 1028, un an après s'être rendu en pèlerinage à Rome. En 1031, Malcolm II d'Écosse se soumet à son autorité.
Alors que les rois anglo-saxons étaient proclamés « roi des Anglais », Knut était « roi de toute l'Angleterre » (ealles Engla landes cyning)[2]. Après sa victoire contre la Norvège et la Suède en 1026, il se désigne dans une lettre adressée à ses sujets « Roi de toute l'Angleterre, du Danemark et des Norvégiens et d'une partie des Suédois »[3]. Le médiéviste Norman Cantor l'a qualifié de « roi le plus efficace de toute l'histoire anglo-saxonne »[4].
L'empire de Knut, qui s'étend sur les deux rives de la mer du Nord, ne lui survit que quelques années, et sa lignée mâle s'éteint en 1042, après la mort de ses deux fils Harold Pied-de-Lièvre et Hardeknut.
Il est aujourd'hui principalement connu à travers l'anecdote apocryphe de l'historien Henri de Huntingdon selon laquelle il aurait tenté en vain d'imposer son autorité à la marée.
Noms
[modifier | modifier le code]En vieux norrois, knútr signifie littéralement « nœud » et constitue à l'origine un surnom donné aux hommes petits et trapus. Ce prénom est devenu Knut dans les langues scandinaves modernes[5]. Il est également orthographié Knud, Cnut, Canut ou Canute en anglais et en français.
Knut et Alfred sont les seuls monarques anglais à avoir reçu l'épithète « le Grand » (inn ríki en vieux norrois, den store en danois, the Great en anglais).
Sources
[modifier | modifier le code]La Chronique anglo-saxonne est la principale source littéraire pour l'histoire de l'Angleterre anglo-saxonne. Elle offre notamment un récit détaillé de la conquête de l'Angleterre par Knut en 1016[6]. Ces événements, ainsi que la querelle de succession à la mort de Knut, sont également relatés en détail dans l'Encomium Emmae Reginae, un panégyrique composé pour la reine Emma de Normandie quelques années après la mort du roi[7]. Les chroniqueurs anglais postérieurs à la conquête normande de l'Angleterre tels que Guillaume de Malmesbury, Jean de Worcester, Siméon de Durham et Henri de Huntingdon font également le récit du règne de Knut en s'appuyant parfois sur des sources perdues depuis[8].
Plusieurs scaldes scandinaves ont composés des poèmes de louange pour Knut de son vivant. C'est le cas d'Óttarr svarti, Sigvatr Þórðarson, Þórarinn loftunga et Hallvarðr háreksblesi. Il subsiste des fragments de leurs drápur sous la forme de citations dans des sagas plus tardives, comme la Knýtlinga saga, rédigée en Islande vers 1250[9].
Biographie
[modifier | modifier le code]Origines
[modifier | modifier le code]Knut est issu de la maison de Jelling, une dynastie qui règne sur le Danemark depuis le début du Xe siècle. Son grand-père Harald à la Dent bleue est le premier roi chrétien du Danemark : il se convertit au christianisme vers 965 et règne jusqu'à la révolte de son fils Sven à la Barbe fourchue, le père de Knut, vers 986 ou 987[10]. Les chroniqueurs allemands Thietmar de Mersebourg et Adam de Brême rapportent que la mère de Knut, dont ils ne précisent pas le nom, est une sœur du roi polonais Boleslas Ier qui s'est mariée avec Sven après la mort de son premier mari, le roi suédois Éric le Victorieux. Cette princesse polonaise reçoit par la suite le nom de Sigríðr stórráða (« la Fière » ou « la Hautaine ») dans les sagas[11]. Outre Knut, Sven a un autre fils avec cette femme, Harald, qui est l'aîné des deux[12], ainsi que plusieurs filles dont au moins une, Gytha, est le fruit d'une union antérieure[13].
La date de naissance de Knut est inconnue. La Knútsdrápa d'Óttarr svarti souligne son jeune âge lorsqu'il part pour la première fois à la guerre. S'il s'agit d'une allusion aux campagnes de 1013-1014, il pourrait être né vers l'an mil ou peu avant[14], mais il pourrait aussi faire référence aux raids menés en Angleterre par Sven entre 1003 et 1005. La présence de Knut n'y est pas attestée, mais s'il y a participé, il serait alors né vers le début des années 990[15]. La Knýtlinga saga affirme qu'il a trente-sept ans à sa mort, en 1035, ce qui situerait sa naissance vers 998, mais ce même texte lui attribue à tort un règne de vingt-quatre ans en Angleterre[15].
Première invasion de l'Angleterre (1013-1014)
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Knut apparaît dans les sources en 1013. Cette année-là, son père Sven rassemble une flotte pour envahir le royaume d'Angleterre. Il laisse son fils aîné Harald au Danemark pour assurer la régence, tandis que son cadet Knut l'accompagne. Cette campagne est d'une autre nature que les raids vikings que subit l'Angleterre depuis plusieurs décennies : l'objectif de Sven n'est pas le pillage, mais la conquête, comme l'illustre l'alliance qu'il conclut avec le duc de Normandie Richard II de Normandie, beau-frère du roi anglais Æthelred le Malavisé[16]. Les Danois accostent au mois d'août à Sandwich, dans le Kent, longent la côte orientale de l'Angleterre vers le nord jusqu'à l'estuaire du Humber, puis remontent la Trent jusqu'à Gainsborough, dans le Lincolnshire, qui devient la base d'opérations de Sven. Les principaux seigneurs du Nord de l'Angleterre viennent lui rendre hommage[17]. Avec des renforts anglais, il marche vers le sud et Oxford, puis Winchester se soumettent sans combattre. Seule Londres lui résiste sous les ordres d'Æthelred et de Thorkell le Grand, ancien viking passé au service du roi anglais. Sven prend alors la direction de l'ouest et se rend à Wallingford, puis à Bath, où les barons locaux se soumettent à lui, avant de revenir devant Londres. Æthelred s'enfuit sur l'île de Wight avant de prendre le chemin de l'exil en Normandie[18].
C'est vraisemblablement pendant la campagne de 1013 que Knut épouse Ælfgifu de Northampton. Fille de l'ealdorman Ælfhelm, elle est issue d'une famille aristocratique des Midlands qui possède un certain poids politique dans le Nord de l'Angleterre jusqu'en 1006, année qui voit l'exécution du père et des frères d'Ælfgifu avec l'assentiment du roi Æthelred. Le mariage d'Ælfgifu avec Knut est donc éminemment politique et permet à Sven de s'assurer de solides soutiens en Mercie et en Northumbrie[19].
Après la soumission de Londres, Sven retourne dans le Nord. Il compte apparemment se faire sacrer à York, mais il n'en a pas le temps : il meurt le à Gainsborough[20]. Knut est aussitôt proclamé roi par l'armée danoise, mais la noblesse anglaise, peut-être échaudée par l'apparente intention de Sven de déplacer vers le nord le centre de gravité du royaume, préfère rappeler Æthelred d'exil pour le remettre sur le trône[21]. Rentré en Angleterre pendant le Carême, Æthelred mène aussitôt des troupes à la rencontre de Knut, qui a conclu un accord avec les habitants du Lindsey, et le chasse de la région aux alentours de Pâques, le [22]. Knut rembarque précipitamment avec ses troupes et rentre au Danemark. En chemin, il fait halte à Sandwich pour y laisser les otages anglais de son père après leur avoir fait trancher le nez, les oreilles et les mains[23].
La conquête de l'Angleterre (1015-1016)
[modifier | modifier le code]De retour au Danemark, Knut reconstitue ses forces avec le soutien du jarl norvégien Éric Håkonsson[24]. D'après l'Encomium Emmae Reginae, il aurait proposé à son frère Harald de partager le trône du Danemark avec lui et de lui laisser le choix entre l'Angleterre et le Danemark s'il l'aidait à conquérir la première, mais son frère aurait refusé cette proposition ; néanmoins, Thietmar de Mersebourg affirme que Harald accompagne bel et bien Knut dans cette campagne[25]. Quoi qu'il en soit, sa flotte, forte de 160 (d'après la Chronique anglo-saxonne), 200 (d'après l'Encomium) ou 340 navires (d'après Thietmar), arrive au large de Sandwich en [15]. Le royaume d'Angleterre est alors en pleine crise : le roi Æthelred, souffrant, est confronté à la rébellion de son fils Edmond, qui s'oppose à l'influence exercée par le puissant ealdorman mercien Eadric Streona sur son père et revendique le soutien de la noblesse du nord du pays[26].
C'est probablement parce qu'il s'agit de la base d'opérations d'Edmond que Knut ne se dirige pas vers le nord, mais plutôt vers l'ouest[27]. Sa flotte longe le littoral jusqu'à l'estuaire de la Frome, qu'elle remonte afin de ravager les comtés du Dorset, du Somerset et du Wiltshire[28]. Eadric lève des troupes en Mercie pour le compte du roi malade, mais il choisit de rallier l'envahisseur avec ses forces et une flotte de 40 navires qui correspond vraisemblablement aux mercenaires de Thorkell le Grand. Le Wessex se soumet peu après à Knut[27].
Pendant les fêtes de Noël, Knut traverse la Tamise et attaque le Warwickshire. Edmond tente de lever une armée en Mercie, mais la méfiance qui règne entre son père et lui entrave la résistance anglaise et leurs troupes se dispersent[29]. Le prince se rend alors à York pour y solliciter l'aide de l'ealdorman Uchtred le Hardi et leurs troupes se lancent dans une campagne de pillage dans l'ouest de la Mercie, base de pouvoir d'Eadric Streona. De son côté, Knut prend la direction du nord à travers les comtés favorables à Edmond (le Buckinghamshire, le Bedfordshire, le Huntingdonshire, le Northamptonshire et le Lincolnshire). Arrivé à York, il contraint Uchtred à se soumettre à lui, puis le fait exécuter et confie la Northumbrie à son allié Éric Håkonsson[30].

Æthelred meurt à Londres, où il s'était réfugié, le . Les nobles présents à Londres élisent aussitôt Edmond pour lui succéder, mais dans le reste de l'Angleterre, c'est Knut qui reçoit le soutien de la noblesse ; Jean de Worcester rapporte qu'elle vient lui prêter serment de fidélité à Southampton[31]. Il assiège Londres, mais ne parvient pas à s'en emparer, tandis qu'Edmond reprend le contrôle du Wessex. Deux batailles s'ensuivent, à Penselwood dans le Somerset et à Sherston dans le Wiltshire, qui ne permettent pas à Knut de prendre l'ascendant sur son adversaire[32]. Tous deux reprennent la direction de Londres, où Edmond parvient à remporter une victoire sur Knut à Brentford. Après avoir levé des troupes fraîches au Wessex, il le poursuit dans le Kent et l'affronte à nouveau à Otford, une bataille qui convainc Eadric d'abandonner Knut au profit d'Edmond. Knut reprend alors la mer et traverse l'estuaire de la Tamise pour ravager l'Essex et la Mercie[33].
Alors qu'il retourne à ses navires après cette campagne de pillage, Knut est rattrapé par les forces d'Edmond près d'une colline appelée Assandun, correspondant soit à Ashingdon, dans le sud-est de l'Essex, soit à Ashdon, dans le nord-ouest de ce même comté. La bataille d'Assandun prend place le . Une nouvelle trahison d'Eadric, qui déserte avec ses hommes, permet à Knut de remporter une victoire décisive[33]. Edmond s'enfuit vers l'ouest, mais un ultime affrontement près de la forêt de Dean, dans le Gloucestershire, l'amène à négocier avec Knut. Les deux princes se rencontrent à Alney, une île sur la Severn, pour se partager l'Angleterre : Knut obtient la Mercie et probablement la Northumbrie, tandis qu'Edmond conserve le Wessex. Cette situation ne dure que quelques semaines, car Edmond meurt le , peut-être à la suite de blessures reçues au combat. Knut est alors reconnu comme seul roi de toute l'Angleterre[15].
Roi d'Angleterre
[modifier | modifier le code]Jean de Worcester rapporte que Knut organise une grande réunion des principaux seigneurs anglais à Londres peu après la mort d'Edmond Côte-de-Fer. Il leur demande de confirmer la légitimité de son arrivée au pouvoir et de rejeter explicitement les prétentions potentielles des frères et des fils d'Edmond[34]. Il est possible que cette réunion ait servi de prélude à un sacre en bonne et due forme par l'archevêque de Cantorbéry Lyfing en la cathédrale Saint-Paul, mais un tel sacre n'est pas évoqué avant le XIIe siècle dans les écrits du chroniqueur Raoul de Diceto, le doyen de cette cathédrale[35].
Dans son entrée pour l'année 1017, la Chronique anglo-saxonne indique que Knut partage l'Angleterre en quatre grands comtés : le Wessex, qu'il se réserve, l'Est-Anglie, qu'il accorde à Thorkell le Grand, la Mercie, qu'il laisse à Eadric Streona, et la Northumbrie, qu'il donne à Éric Håkonsson[36]. Cet arrangement vise probablement à stabiliser le pays et faciliter la levée de l'impôt, mais aussi à récompenser ses alliés[37]. La loyauté d'Eadric apparaît trop incertaine, si bien que Knut le fait exécuter à Noël avant de partager la Mercie occidentale entre les comtes Hákon (pour le Worcestershire), Eilaf (pour le Gloucestershire) et Hrani (pour le Herefordshire et le Shropshire), tous d'origine scandinave[38]. D'autres membres de l'aristocratie anglaise sont exécutés la même année : c'est le cas de Northman, fils de l'ealdorman mercien Leofwine, ainsi que d'Æthelweard et Beorhtric, deux nobles du Wessex. Le dernier frère vivant d'Edmond Côte-de-Fer, Eadwig, est banni du royaume, puis tué, tandis que les deux jeunes fils d'Edmond, Édouard et Edmond, sont envoyés en exil et échappent peut-être à une tentative d'assassinat[39].
Une étape supplémentaire dans le renforcement de la position de Knut est son mariage, au mois de , avec Emma de Normandie, la veuve d'Æthelred. Contrairement à son union avec Ælfgifu de Northampton (qui ne lui est plus d'aucune utilité politique), ces noces se font dans le respect absolu du rite chrétien[40]. En épousant Emma, Knut neutralise la menace potentielle posée par les deux fils qu'elle a eus d'Æthelred, les æthelings Alfred et Édouard : exilés en Normandie, ils ne peuvent attendre aucun soutien militaire de leur oncle Richard II[41].
En 1018, Knut obtient le paiement de 82 500 livres par les Anglais, dont 10 500 pour la seule ville de Londres. Ce danegeld, obtenu grâce à la robustesse du système de taxation mis en place par ses prédécesseurs, lui permet de solder ses hommes et de les renvoyer au Danemark, ne conservant qu'une flotte de 40 navires avec lui en Angleterre[15].
Knut élimine les dangers extérieurs : il anéantit une série d’équipages vikings qui s’aventurent encore sur les côtes anglaises, refoule les Écossais et les contraint à reconnaître la suprématie anglaise. Les jarls qu’il met en place portent tous des noms scandinaves, mais les lois qu’il promulgue sont conçues et rédigées selon la tradition anglaise, avec l’aide de juristes anglo-saxons. Il gouverne avec énergie, entouré d’une garde nombreuse et bien entraînée, les housecarls, en prenant des mesures fiscales et administratives pour assurer la défense du royaume. Il entretient une flotte permanente. La sécurité en Angleterre lui permet d'effectuer des voyages à l’étranger et d'entreprendre diverses missions militaires. Après sa conversion au christianisme en Allemagne, il est reconnu comme roi d’Angleterre par le pape Benoît VIII.
Son règne sur l'Angleterre marque une accalmie qui se caractérise par une volonté de s'adapter au contexte anglo-saxon. Il choisit de conserver les organes administratifs mis en place par Æthelred et promulgue deux codes de loi inspirés par Wulfstan et qui s'inscrivent dans la tradition législative des rois anglo-saxons. Il gouverne aux côtés des chefs vikings qui l'ont soutenu durant sa conquête et de l'aristocratie et du clergé anglais susceptibles d'assurer la stabilité du royaume : Wulfstan et Godwin[42].
Roi de Danemark et de Norvège
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La Chronique anglo-saxonne rapporte que Knut se rend au Danemark en 1019 avec neuf navires et y reste pendant l'hiver avant de rentrer en Angleterre au printemps 1020[43]. C'est vraisemblablement pour recueillir l'héritage de son frère qu'il traverse la mer du Nord. L'histoire danoise de cette période est mal documentée, mais Harald semble être mort vers 1018 sans laisser d'héritier autre que son frère cadet[44]. Il subsiste une lettre rédigée par Knut durant ce séjour danois et adressée à ses sujets anglais, dans laquelle il explique avoir effectué ce voyage pour les protéger d'une menace non définie, peut-être une révolte danoise ou une attaque des Wendes[45].
Il y réside régulièrement en 1022 et 1023[46]. Par la suite, il s'y montre moins présent et confie la régence à son fils Hardeknut sous la tutelle d'Emma de Normandie[46].
À partir de 1022, il s'évertue à prendre de la distance de l'archevêché d'Hambourg-Brême afin que le Danemark se dote de ses propres évêques et de ses propres diocèses. Cette mise en place n'aboutira que peu avant sa mort, mais l'influence d'Hambourg-Brême persiste[47].
En 1026, il doit faire face à l'alliance d'Olaf II et Anund Jacob qui tentent une attaque conjointe sur le Danemark. La bataille de l'Helgeå met fin à la tentative au point que Knut se présente, dès 1027, comme roi des Norvégiens ainsi que d'une partie des Suédois. Cependant, les véritables délimitations de son territoire reste incertaines. Il cherche à renforcer sa position en Norvège en se rapprochant des jarls et en nouant des alliances comme avec les jarls de Lade[46].
En 1028, il profite des conflits internes et conquiert la Norvège avec une flotte de 50 navires anglais[46]. Il nomme des proches afin de gouverner en son nom comme son fils Hardknut pour gouverner en tant que roi des Danois, ou Håkon Eiriksson afin de gouverner la Norvège en tant que jarl[46]. Sa tentative de confier la régence de Norvège à Ælfgifu et leur fils Sven Knutsson se solde néanmoins par une rébellion. En effet, en nommant son fils de 12 ans, il va à l'encontre des habitudes précédentes qui voulaient qu'un représentant local issu d'une grande famille norvégienne accède au titre de roi[48]. En 1035, après le décès de Knut, les Norvégiens restaurent l'ancienne dynastie norvégienne représentée par Magnus Ier, fils du roi destitué Olaf II[48].
Conrad II le Salique, saint empereur romain, entretient des relations amicales avec Knut, et son jeune fils Henri le Noir épouse la fille de Knut, Gunhilda ou Cunégonde. L'empereur laisse Knut gouverner le Schleswig et la Poméranie.
Mort et succession
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Knut meurt le à Shaftesbury, dans le Dorset. Bien qu'il ne soit pas très âgé (il a tout au plus une quarantaine d'années[49]), il est possible qu'il ait senti sa fin approcher, à en juger par une charte accordée cette année-là à l'abbaye de Sherborne. En échange d'un terrain de 16 hides à Corscombe, il demande aux moines de prier Dieu, de chanter des psaumes et de célébrer des messes tous les jours pour le salut de son âme et la rémission de ses péchés[50],[51]. Sa dépouille est ramenée à Winchester pour être inhumée dans l'Old Minster[52]. Elle est ultérieurement transférée dans la cathédrale normande de Winchester. En 1642, pendant la Première révolution anglaise, les ossements des rois anglais enterrés à Winchester sont exhumés et éparpillés par des soldats parlementaires. Après la Restauration, ces ossements sont rassemblés et déposés dans de nouvelles châsses mortuaires, dont l'une porte les noms de Knut et Emma, mais ils ont été tellement mélangés qu'il est impossible de dire lesquels sont les leurs[15].
À sa mort, son fils Hardeknut lui succède sur le trône du Danemark, mais Harold Pied-de-Lièvre profite de son absence pour prendre le pouvoir en Angleterre. Hardeknut perd également la tutelle de la Norvège qui réinstaure la précédente dynastie. Harold meurt en 1040, permettant à Hardeknut de réunir à nouveau les deux couronnes, mais il meurt à son tour deux ans plus tard. Les morts prématurées de Knut, de son père et de ses enfants pourraient être liées à une maladie génétique ; la description de celle de Hardeknut évoque un accident vasculaire cérébral ou un anévrisme intracrânien[53].
C'est finalement leur demi-frère Édouard le Confesseur, fils d'Æthelred le Malavisé et d'Emma de Normandie, qui monte sur le trône d'Angleterre.
Postérité
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Knut est généralement considéré comme un roi d'Angleterre sage et bénéfique, toutefois cette image est peut-être partiellement attribuable à ses bonnes relations avec l'Église, qui contrôle ceux qui archivent l'histoire. Ainsi, il est encore décrit, aujourd'hui, comme un homme pieux, en dépit du fait qu'il était en pratique bigame et qu'il fut responsable de nombreux assassinats politiques.
Dans la culture populaire, Knut reste principalement connu pour la légende selon laquelle il aurait ordonné à la marée montante de refluer. D'après cette légende, Knut se serait un jour lassé des flatteries de ses courtisans, qui allaient jusqu'à prétendre qu'il pourrait se faire obéir des vagues. Le roi aurait alors ordonné que l'on transporte son trône sur le rivage, afin de démontrer par l'exemple qu'il n'en était rien et que même les rois les plus puissants restent inférieurs à Dieu. Cette histoire apparaît pour la première fois au XIIe siècle, dans la chronique de Henri de Huntingdon, qui s'en sert pour illustrer l'humilité de Knut. Il arrive qu'elle soit interprétée d'une façon diamétralement opposée, en faisant de Knut un monarque arrogant persuadé de pouvoir se faire obéir des éléments et ridiculisé par l'échec de sa tentative.
Dans la culture populaire
[modifier | modifier le code]Victor Hugo met en scène Knut sous le nom de Kanut dans son poème « Le Parricide » (la Légende des siècles), en prétendant qu’il a assassiné son père Sven ou Swéno[54].
Le prince puis roi Knut est l'un des personnages principaux du manga Vinland Saga de Makoto Yukimura.
Le roi Canute (Knut) est un personnage important de la série télévisée Vikings: Valhalla, diffusée sur Netflix depuis 2022. Il est incarné par l'acteur gallois Bradley Freegard (en).
Arbre généalogique
[modifier | modifier le code]DNA Sven à la Barbe fourchue (mort en 1014) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Gytha ép. Éric Håkonsson | D Harald Svensson (mort en 1018) | Ælfgifu de Northampton (fl. 1006-1036) | DNA Knut le Grand (mort en 1035) | Emma de Normandie (morte en 1052) | Estrid Svendsdatter ép. Ulf Thorgilsson | Santslaue (Świętosława ?) | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Håkon (mort en 1030) | A Harold Pied-de-Lièvre (vers 1015 – 1040) | N Sven Knutsson (vers 1016 – 1036) | DA Hardeknut (vers 1018 – 1042) | Gunhilda (vers 1020 – 1038) ép. Henri III | D Sven Estridsen (vers 1019 – 1076) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Béatrice (religieuse) | Rois de Danemark | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Références
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Bibliographie
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- Pierre Gilles Cézembre, « Knut le Grand : L'empereur viking de la mer du Nord », La grande histoire des armées, no 18 « Les grands amiraux combats navals légendaires », , p. 26-27
- Lucie Malbos, Les peuples du Nord : De Fróði à Harald l'Impitoyable (Ier – XIe siècle), Belin, (ISBN 978-2-410-02741-9).
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