Arno Breker

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Arno Breker
Arno Breker en 1972.
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Tombe d'Arno Breker.

Arno Breker, né le à Elberfeld, et mort le à Düsseldorf, est un sculpteur allemand.

Il est surtout connu pour ses œuvres publiques réalisées en Allemagne sous le Troisième Reich, où elles ont été promues par les autorités nazies comme l'antithèse de l'« art dégénéré ».

Biographie

Fils d'un sculpteur-tailleur sur pierre, Arno Breker étudie les beaux-arts dans sa ville natale d'Elberfeld (Rhénanie du Nord), puis à Düsseldorf. D'abord intéressé par l'art abstrait, il se tourne progressivement vers les représentations classiques d'inspiration hellénistique. Il s'installe plusieurs années à Paris de 1926 à 1932, où il est l'élève d'Aristide Maillol. Il partage un atelier avec Alexander Calder[1] et fréquente Jean Cocteau, Foujita, Brancusi et d'autres artistes du Paris bohème de l'époque[1]. Il rencontre à Paris Demetra Messala[2], une Grecque qui fut le modèle de Pablo Picasso, et l'épouse en 1937[3]. Il part ensuite à Rome après avoir obtenu le prix de Rome de la Prusse en 1932, et séjourne à la Villa Massimo, l'Académie allemande de Rome. Il est rapidement reconnu dans toute l'Europe.

Artiste officiel sous le régime nazi

Visite d'Adolf Hitler à Paris en juin 1940, Breker est au premier plan, le troisième du rang à partir du dictateur.
Albert Speer à gauche, Breker à droite.
Hitler entre Speer et Breker.

Au milieu des années 1930, son talent est apprécié par les idéologues du parti national-socialiste (selon l'un de ses biographes français, Breker serait retourné en Allemagne début 1935, à la demande de Max Liebermann, grand peintre allemand de l'époque mais interdit de peindre car juif, qui mourra quelques semaines plus tard. Breker réalisera son masque mortuaire[1]). Il a décoré le stade olympique de Berlin de statues monumentales , Arno Breker remporte la médaille d’argent au concours ouvert à l’occasion des Jeux olympiques d'été de 1936, pour ses deux sculptures Athlète de décathlon ("Zehnkämpfer" ) et Victoire ("Die Siegerin")[4].

En 1937, abandonnant le style de sa jeunesse, il est nommé professeur à l’École supérieure des beaux-arts de Berlin, il est remarqué par le ministère de la Propagande du Reich qui lui passe plusieurs commandes. Le régime nazi met alors à sa disposition trois grands ateliers de sculpture dans lesquels travaillent des dizaines de praticiens[1] dont, pendant la guerre, des travailleurs forcés français et italiens, demandés par Breker[5]. Les conditions de travail dans ces ateliers sont particulièrement dures mais en grande partie à cause de la brutalité de Walter Hoffmann, le chef des ateliers et nazi convaincu[5].

Breker y produit quantité de sculptures à la gloire de l'idéologie du régime. Il travaille au projet Germania, le réaménagement de Berlin avec Albert Speer. Hitler considère Breker comme un des génies artistiques du Troisième Reich[5]. Breker, qui se trouve à son domicile de la Königsallee, reçoit tôt dans la matinée, du bureau berlinois de la police secrète (la Gestapo) un appel téléphonique au moment ou l'armistice du 22 juin 1940 est signé en forêt de Compiègne, à Rethondes, entre le représentant du Troisième Reich et celui du gouvernement français de Philippe Pétain, le général Charles Huntziger, entouré du général d'aviation Jean Bergeret, et du vice-amiral Maurice Le Luc. Arno Breker se tiens prêt à partir, dans l’heure, pour un bref voyage dont ni l’objet ni la destination ne lui sont précisés. Une heure plus tard, Breker roule en compagnie de deux SS vers l’ouest de la ville. À sa descente d’avion, il est accueilli par un soldat de la Wehrmacht qui, silencieux, le conduit en voiture à travers la campagne ; et ce n’est qu’une fois arrivé à Brûly-de-Pesche qu’enfin Breker a droit à une ébauche d’explication, de la part d’Albert Speer qui est là, à l’attendre. Logé dans l’école de Brûly, Breker n’a que la ressource de déjeuner[pas clair], en attendant de plus amples explications. Celles-ci ne lui seront fournies que dans l’après-midi, de la bouche même de Hitler qui, ayant réuni, Speer, Paul Giesler, le général Alfred Jodl, le capitaine Engel, le Dr Karl Brandt et Breker, leur déclara de manière informelle qu’il souhait visiter Paris le lendemain. Le , il accompagne ce dernier dans sa visite de Paris, suivit Hitler, après avoir atterri à l’aéroport du Bourget, le 23 juin : l’Opéra, La Madeleine, la place de la Concorde, les Champs-Élysées et l’Arc de triomphe de l'Étoile ; puis l’esplanade du Trocadéro, les Invalides et le tombeau de Napoléon, le Panthéon, avant un retour vers le musée du Louvre, via la Sainte-Chapelle, le palais de Justice, Notre-Dame, l'Hôtel de ville de Paris, et la place des Vosges, pour finalement faire une pause à Montmartre, au pied de la basilique du Sacré-Cœur et, de là, rejoindre Le Bourget[6].

Il participe à une exposition de ses œuvres à l'Orangerie dans Paris occupé en 1942. Cette exposition diversement appréciée est saluée avec enthousiasme par des intellectuels dont Jean Cocteau. Si Breker n'est pas impliqué directement dans le pillage nazi du patrimoine artistique en France, il fera néanmoins l'acquisition d'œuvres à des prix extrêmement bas[5].

En 1945, ses trois ateliers sont détruits avec les œuvres qui s'y trouvent, surtout des plâtres pour les futures sculptures des projets urbanistiques d'Hitler[1].

L'atelier de Käuzchensteig in Berlin-Dahlem fut construit entre 1938 et 1942. Dessiné par l'architecte Hans Freese (1889-1953), le bâtiment fut construit pour Arno Breker. Il est actuellement le siège du Kunsthaus de Dahlem[7].

Nouvelle carrière après guerre

Arno Breker ne fut jamais poursuivi pour avoir honoré les commandes passées par le régime nazi, et il refusa toujours d'exprimer des regrets ou des excuses, estimant que les artistes n'avaient rien à voir avec la politique. Il semble qu'il n'ait jamais adhéré à l'idéologie raciste national-socialiste mais ait accepté ce régime par « opportunisme et mégalomanie »[1]. Il est intervenu en faveur de nombreux artistes poursuivis des nazis. À Paris, il a protégé Pablo Picasso, alors communiste, des officiers de la Kommandantur[8]. Arno Breker permit également de sauver l’éditeur allemand Peter Suhrkamp (de) arrêté après avoir été fortement soupçonné de résistance contre Hitler[5].

Après guerre, il ouvre un nouvel atelier à Dusseldorf. Les commandes reviennent, principalement des industriels de l'Allemagne d'après-guerre. Il continue d'entretenir des relations avec les milieux intellectuels français dont des anciens du temps de la Collaboration : Louis-Ferdinand Céline, Paul Morand, Jacques Benoist-Méchin. D'Allemagne, il reçoit beaucoup de commandes de bustes. Il réalisera aussi ceux de Cocteau et de Jean Marais. Dans les années 1960, il réalise une sculpture du président égyptien Anouar el-Sadate. Alors qu'il est au Maroc à la demande du roi Hassan II pour un projet de monument à Mohammed V, il est présent en juillet 1971 lors de l'attentat de Skhirat contre le souverain marocain[1].

Il continue à sculpter jusqu'à sa mort en 1991. Son éloge funèbre a été prononcé par l'écrivain français Roger Peyrefitte.

Le musée Arno Breker de Nörvenich, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, présente les œuvres restantes du sculpteur au public[9].

Publications

  • (de) Schriften, préface de F.J. Hall, Bonn-Paris-New York, Marco, 1983, 190 p. (ISBN 3-92175-419-4).
  • (de) Begegnungen und Betrachtungen, Paris-New York, Marco, 1987 (ISBN 3-92175-427-5).
  • (de) Über allem Schönheit. Festgabe zum 100. Geburtstag, Kirchheim/Teck Galerie für Gegenständliche Kunst, 2000 (ISBN 9783935172028).

Notes et références

  1. a b c d e f et g « Exposition – Le sculpteur de Hitler », Le Point, no 1770, 17 janvier 2007 [lire en ligne].
  2. Elle est peinte par le peintre Robert Wehrlin en 1926 dans le tableau La Grecque (wehrlin.info).
  3. « Arno Breker » sur neue-reichskanzlei.de (consulté le 11 mars 2014).
  4. https://www.lumni.fr/video/l-allemagne-nazie-se-prepare-pour-les-jeux-olympiques
  5. a b c d et e Richard A. Etlin, Art, culture, and media under the Third Reich, University of Chicago Press, [détail de l’édition].
  6. http://arno.breker.free.fr/sculpteur_hitler.htm
  7. http://kunsthaus-dahlem.de/en/home/, où sont présentées des expositions. http://kunsthaus-dahlem.de/wp-content/uploads/2014/08/The-Arno-Breker-State-Atelier.pdf.
  8. Contexte sous l'occupation.
  9. (de) Site officiel.

Annexes

Bibliographie

Breker-Museum à Nörvenich.
  • Ronald Hirlé et Joe F. Bodenstein (trad. de l'allemand par Sandrine Woelffel, photogr. Charlotte Rohrbach), Arno Breker : sculpteur, dessinateur, architecte, Strasbourg, Éditions Hirle, , 141 p. (ISBN 978-2-914729-83-3, OCLC 845862538, BNF 42223441).
  • (de) Dominique Egret, Arno Breker. Ein Leben für das Schöne, 1997, 352 p. (ISBN 3-87847-157-2).
  • (de) Hermann Leber (de), Rodin, Breker, Hrdlicka (ISBN 3-48710-722-8).
  • (de) Volker G. Probst, Das Pietà-Motiv bei Arno Breker, 1985.
  • (de) Volker G. Probst, Der Bildhauer Arno Breker – Eine Untersuchung, Marco Édition (ISBN 3-92175-407-0).
  • (de) Volker G. Probst, Das Bildnis des Menschen im Werk von Arno Breker, Berlin, Studio de L'Art, Marco-VG, 1981 (ISBN 3-92175-413-5).
  • (en) B. John Zavrel, Arno Breker - His Art and Life, West-Art USA, 1985 (ISBN 0-91430-101-2).
  • (de) Dr Hans Klier, Arno Breker - Form und Schönheit, Bonn-Paris, Salzburger Kulturvereinigung, Marco-Édition, 1978.
  • (en) B. John Zavrel: Interview with Arno Breker: The divine Beauty in Art, New York, 1982, West-Art USA (ISBN 0-91430-104-7).
  • (de) Uwe Möller (de), Arno Breker - Zeichnungen - Drawings - Dessins 1927-1990, Museums-Édition.
  • (de) Roger Peyrefitte, Volker G. Probst et Arno Breker (avec huit lithographies originales), Hommage an Arno Breker, Paris, Marco, , 29 p. (OCLC 342008046).
  • (de) Reagan/Bush/Carstens : Salut America (zu 300 Jahre Einwanderung USA), Lithographien von Arno Breker, New York, West-Art.
  • Charles Despiau, Arno Breker [catalogue pour l'exposition de l'Orangerie], Paris, Éditions Flammarion, 1942.
  • Paul Morand, Arno Breker, sculptures, aquarelles, dessins, lithographies, [hommage à Arno Breker pour le 75e anniversaire de l'artiste], Paris, Édition Mourlot/Marco, 1975 (ISBN 978-3921754016).
  • (de) Rolf Schilling (de), Eros und Ares - Begegnung mit Breker, Éditions Arnshaugk, 1994 (ISBN 3-92637-021-1).
  • Gérard Leroy, Breker, Puiseaux, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », , 127 p. (ISBN 978-2-86714-276-5, OCLC 470105905).
  • Martin Schieder, « L'image d'un artiste d’État. La mise en scène iconographique des ateliers de sculpture d'Arno Breker », dans Éric Darragon et Bertrand Tillier, Image de l’artiste, Territoires contemporains, 2012 [lire en ligne].
  • (en) Dictionnaire Bénézit, 20608 p. (ISBN 978-0-19-977378-7 et 978-0-199-89991-3, lire en ligne).
  • (en) Beatrice v. Bismarck, Grove Art Online (ISBN 978-1-884446-05-4, lire en ligne).
  • (en) Ian Chilvers et John Glaves-Smith, A Dictionary of Modern and Contemporary Art, 784 p. (ISBN 978-0-19-923966-5 et 978-0-191-72675-0, lire en ligne).
  • (en) Ian Chilvers, The Oxford Dictionary of Art and Artists, Oxford, Oxford university press, 694 p. (ISBN 978-0-19-953294-0 et 978-0-191-72763-4, BNF 41425364).
  • Joe Bodenstein (trad. de l'allemand), Arno Breker : une biographie, Paris, Séguier, , 800 p. (ISBN 978-2-84049-690-8, OCLC 952031403, BNF 45160703).

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