Matrice triangulaire

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En algèbre linéaire, les matrices triangulaires sont des matrices carrées dont une partie triangulaire des valeurs, délimitée par la diagonale principale, est nulle.

Remarque préliminaire

Dans ce qui suit, on considérera un anneau unitaire R non forcément commutatif, des R-modules à gauche et des R-modules à droite. Le lecteur qui n'est pas familier avec les anneaux non commutatifs et les modules à gauche ou à droite peut supposer que l'anneau R est commutatif et ne pas lire les passages où l'hypothèse contraire est faite. Si l'anneau R est commutatif, les R-modules à gauche et les R-modules à droite coïncident et sont simplement les R-modules. De même, le lecteur qui n'est pas familier avec les modules peut supposer que R est un corps et ne pas lire les passages où l'hypothèse contraire est faite. Si R est un corps, les R-modules à gauche (resp. à droite) sont les R-espaces vectoriels à gauche (resp. à droite). Enfin, si le lecteur n'est pas familier avec les corps non commutatifs et les espaces vectoriels à gauche et à droite, il peut supposer que R est un corps commutatif et ne pas lire les passages où des hypothèses contraires sont faites. Si R est un corps commutatif, les R-modules à gauche et à droite coïncident avec les R-espaces vectoriels.

Matrices triangulaires supérieures

Soit R un anneau unitaire. Par définition, une matrice triangulaire supérieure à coefficients dans R est une matrice carrée à coefficients dans R dont les valeurs sous la diagonale principale sont nulles :

A est triangulaire supérieure si et seulement si :

Matrices triangulaires inférieures

Soit R un anneau unitaire. Par définition, une matrice triangulaire inférieure à coefficients dans R est une matrice carrée à coefficients dans R dont les valeurs au-dessus de la diagonale principale sont nulles :

A est triangulaire inférieure si et seulement si :

Propriétés des matrices triangulaires

  • Une matrice triangulaire à la fois inférieure et supérieure est une matrice diagonale.
  • La somme de deux matrices triangulaires inférieures (respectivement supérieures) et leurs opposées sont des matrices triangulaires inférieures (respectivement supérieures). Dans le groupe additif Mn(R) des matrices à n lignes et n colonnes à coefficients dans R, les matrices qui sont triangulaires inférieures (respectivement supérieures) forment donc un sous-groupe.
  • Si l'on multiplie à gauche ou à droite une matrice triangulaire inférieure (respectivement supérieure) par un scalaire, le résultat est encore une matrice triangulaire inférieure (respectivement supérieure). Rappelons que la multiplication des matrices à gauche ou à droite par des scalaires munit le groupe additif Mn(R) d'une structure de R-module à gauche ou à droite (ces deux structures coïncident si l'anneau R est commutatif). Dans le R-R-bimodule Mn(R), les matrices qui sont triangulaires inférieures (respectivement supérieures) forment donc un sous-bimodule.
  • Le produit de deux matrices triangulaires inférieures (respectivement supérieures) est une matrice triangulaire inférieure (respectivement supérieure).
  • Puisque, dans Mn(R), la matrice identité est une matrice diagonale et donc une matrice à la fois triangulaire supérieure et triangulaire inférieure, les deux points précédents montrent que l'ensemble des matrices triangulaires supérieures (resp inférieures) est un sous-anneau de Mn(R). Si l'anneau R est commutatif, ce sous-anneau est même une sous-algèbre (en général non commutative) de Mn(R)[1].
  • La transposée d'une matrice triangulaire supérieure est une matrice triangulaire inférieure, et vice-versa.
  • Si A = (ai,j)i,j et B = (bi,j)i,j sont des matrices triangulaires supérieures à n lignes et n colonnes à coefficients dans R, le i-ième coefficient diagonal de AB est ai,i bi,i. Autrement dit, la diagonale de AB est le produit composante par composante des diagonales de A et de B.
  • Si l'anneau R est commutatif, le déterminant d'une matrice triangulaire à coefficients dans R est le produit de ses coefficients diagonaux :
(Si la matrice est triangulaire supérieure, développer suivant les mineurs de la première colonne et raisonner par récurrence sur la taille de la matrice. Si la matrice est triangulaire inférieure, développer suivant les mineurs de la première ligne.)
  • Si R est un corps commutatif et A une matrice triangulaire à coefficients dans R, les valeurs propres de A sont ses coefficients diagonaux. (En effet la matrice X Id - A est elle aussi triangulaire, donc, d'après le point précédent, le déterminant de cette matrice, c'est-à-dire le polynôme caractéristique de A, est égal au produit des X – ai,i, où ai,i parcourt les coefficients diagonaux de A.)
  • Si A est une matrice triangulaire supérieure (respectivement inférieure) appartenant à Mn(R), si tous les coefficients diagonaux de A sont inversibles dans l'anneau R, la matrice A est inversible par rapport à R, c'est-à-dire que A est un élément inversible de l'anneau Mn(R). Dans ce cas, son inverse est aussi une matrice triangulaire supérieure (respectivement inférieure)[2]. Il résulte de l'avant-dernier point que les coefficients diagonaux de l'inverse de A sont alors les inverses des coefficients diagonaux de A et sont donc inversibles dans R. Donc les matrice triangulaire supérieures (respectivement inférieures) appartenant à Mn(R) dont les coefficients sont inversibles dans R forment un sous-groupe du groupe multiplicatif GL(n, R) (groupe multiplicatif des éléments inversibles de Mn(R)).
  • La réciproque du premier énoncé du point précédent n'est pas vraie en toute généralité, en ce sens qu'on peut trouver un anneau R, un nombre naturel n et une matrice triangulaire appartenant à Mn(R) qui soit inversible dans Mn(R) mais dont les coefficients diagonaux ne soient pas tous inversibles[3]. (Nous verrons plus loin qu'un tel anneau ne peut pas être un corps et ne peut pas être commutatif.) Par exemple, soient R un anneau et a, b des éléments de R tels que ab = 1 et ba ≠ 1. (Le cas se rencontre : prendre pour R l'anneau des endomorphismes d'un espace vectoriel admettant une base dénombrable infinie v0, v1 ..., la multiplication dans cet anneau étant la composition ∘ définie par f ∘ g : x ↦ f(g(x)). Prendre pour a l'endomorphisme de décalage à gauche qui applique v0 sur 0 et, pour tout i au moins égal à 1, applique vi sur vi–1. Prendre pour b l'endomorphisme de décalage à droite qui, pour tout i, applique vi sur vi+1. Alors ab = id mais ba (v0) = 0, donc ba ≠ id.) Des relations ab = 1 et ba ≠ 1, il résulte que a et b ne sont pas inversibles. La matrice triangulaire inférieureest inversible, car le calcul montre que la matriceest inverse à gauche et inverse à droite de A. Pourtant les coefficients diagonaux de A sont a et b, qui, comme nous l'avons vu, ne sont pas inversibles dans R. On voit aussi que l'inverse de A n'est pas triangulaire inférieure (ce qui, vu la propriété de la diagonale du produit de deux matrices triangulaires inférieures, découle d'ailleurs du fait que les coefficients diagonaux de A ne sont pas inversibles).
    En revanche, si l'anneau R est commutatif, si une matrice triangulaire à coefficients dans R est inversible, ses coefficients diagonaux sont inversibles. En effet, le déterminant de cette matrice est alors inversible. Nous avons vu que le déterminant de cette matrice est le produit de ses coefficients diagonaux, donc le produit des coefficients diagonaux est inversible, donc chaque coefficient diagonal est inversible.
    De même, si R est un corps (non forcément commutatif), si une matrice triangulaire à coefficients dans R est inversible, ses coefficients diagonaux sont inversibles, c'est-à-dire (puisque R est un corps) non nuls. En effet, soit par exemple A une matrice triangulaire supérieure inversible de taille n à coefficients dans le corps R. Si, par absurde, le i-ième coefficient diagonal de A est nul, alors les i premières colonnes de A sont engendrées, dans le R-espace vectoriel à droite Rn, par les i – 1 premiers vecteurs de la base canonique de cet espace, donc sont liées, donc la famille des vecteurs colonnes de A n'est pas une base du R-espace vectoriel à droite Rn. Il en résulte[4] que la matrice A n'est pas inversible dans R, contradiction.

Notes et références

  1. N. Bourbaki, Algèbre, I, Chapitres 1 à 3, Paris, , III.12.
  2. Voir par exemple Bourbaki 1970, p. II.152.
  3. Le contre-exemple qui suit est une solution de Bourbaki 1970, § 10, exerc. 2, b, p. II.205.
  4. Voir par exemple Bourbaki 1970, p. II.150.

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