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Match de rugby à XV Nouvelle-Zélande - France (1999)

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Nouvelle-Zélande - France 1999
Image illustrative de l’article Match de rugby à XV Nouvelle-Zélande - France (1999)
Contexte
Compétition coupe du monde (demi-finale)
Date 31 octobre 1999
Stade Stade de Twickenham
Lieu Londres
Affluence 73 000 spectateurs
Résultat
Nouvelle-Zélande 31 - 43 France
Mi-temps 17-10 0
Acteurs majeurs
Arbitrage Jim Fleming

La demi-finale de la Coupe du monde de rugby 1999 oppose le dans le stade de Twickenham à Londres la France à la Nouvelle-Zélande devant 70 000 spectateurs. Ce match, qui voit la France l'emporter 43-31, est considérée comme l'un des plus grands exploits du rugby français et reste comme l'un des plus grands matchs de l'histoire de la Coupe du monde de rugby[1],[2]. Il est également connu comme le « miracle de Twickenham ».

Alors que les All-Blacks[a] sont considérés comme la meilleure nation mondiale et ont remporté le Tri-nations 1999 et que les Bleus[b] ont terminé le Tournoi des Cinq Nations 1999 à la dernière place et restent sur une cinglante défaite sur le score de 54 – 7 contre leur adversaire du jour quelques mois plus tôt, la France remonte un retard de 14 points en inscrivant 33 points successifs et remporte la victoire à la surprise générale, malgré un Jonah Lomu très impressionnant et auteur de deux essais.

Malgré la victoire, la France ne parvient pas à remporter la finale contre l'Australie, tandis que la Nouvelle-Zélande finit au pied du podium, battue par l'Afrique du Sud lors du match pour la troisième place.

Contexte

Historique

L'équipe néo-zélandaise de 1884.

Le rugby[c] a été introduit en Nouvelle-Zélande par les colons britanniques au milieu du XIXe siècle. Tandis que le premier match international d'une équipe locale a lieu en 1882 lors d'une tournée de l'équipe australienne Southern Rugby Union (l’actuelle New South Wales Rugby Union) sur le sol kiwi, une équipe de Nouvelle-Zélande fait pour la première fois une tournée à l’étranger en 1884, en Nouvelle-Galles du Sud : elle joue neuf matchs et les remporte tous[4]. La fédération de rugby néozélandaise, la New Zealand Rugby Football Union, est créée en 1892[5],[6]. Le premier match officiel est ainsi joué en 1894 et l'équipe de Nouvelle-Zélande devient les « All-Blacks »[a] lors d'une tournée au Royaume-Uni en 1905-1906[7]. C'est également lors de cette tournée que l'équipe de Nouvelle-Zélande affronte la France et la domine 38-8 pour ce qui est le premier match officiel de l'équipe de France de rugby à XV, le dans l'ancien Parc des Princes[8]. La Nouvelle-Zélande devient rapidement l'une des meilleures équipes du monde, remportant la toute première Coupe du monde en 1987, en battant la France en finale sur le score de 29 à 9[9]. Lors des éditions suivantes, elle finit troisième en 1991 puis s'incline en finale contre sa rivale sud-africaine en 1995.

L'équipe de France de rugby face à la Nouvelle-Zélande, en janvier 1906.

Le rugby est introduit en France par les Anglais dans les années 1870 et les premiers pratiquants français jouent pour l'English Taylors RFC, créé en 1877, puis pour le Stade bordelais, le Racing Club de France et le Stade français, notamment, qui sont créés entre 1889 et en 1891. L'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (USFSA), fondée en 1889, prend le contrôle du rugby français en 1890[réf. nécessaire] jusqu'à la création de la Fédération française de rugby en 1919-1920[10]. Tandis que l'USFSA présente une équipe de France composée de joueurs venant de différents clubs du pays aux Jeux olympiques de 1900 de Paris[11],[12], le premier match officiel a lieu le contre les Originals[8] et la France participe à son premier Tournoi des Cinq Nations en 1910. La participation à cette échéance annuelle installe la France parmi les nations principales du rugby à XV, et elle parvient à battre la Nouvelle-Zélande pour la première fois en 1954[13]. Après avoir échoué en finale contre la Nouvelle-Zélande en 1987, la sélection française participe à toutes les éditions de la Coupe du monde, et reste sur une demi-finale très frustrante face à l'Afrique du Sud en 1995[14],[15].

Coupe du monde 1999

Lors de l'année 1999, la Nouvelle-Zélande et la France sont sur une dynamique opposée. La Nouvelle-Zélande écrase ses concurrents lors des tests-matchs de juin dans son pays : les Samoa s'inclinent 71 à 13 et la France se fait balayer 54 à 7, pour ce qui devient la plus lourde défaite de l'histoire du XV de France[16],[17]. « J'ai vraiment le sentiment que le rugby français est en danger et je ne voudrais pas que la France devienne la Roumanie du rugby international », déclare d'ailleurs le capitaine français Raphaël Ibañez[16]. Tandis que la France finit dernière du Tournoi des Cinq Nations, la Nouvelle-Zélande remporte le Tri-Nations. Avant la Coupe du monde, la France accuse deux autres revers en test-match : contre les Tonga (20-16, à Nukuʻalofa)[18] et contre le pays de Galles (34-23, à Cardiff)[19], pour seulement deux victoires contre la Roumanie (62-8, à Castres)[20] et les Samoa (32-29, à Apia)[21].

Cependant, aussi bien la Nouvelle-Zélande que la France sont têtes de série et favorites de leur poule lors de la Coupe du monde. Les All Blacks disposent des Tonga (45-9), de l'Angleterre (30-16) et de l'Italie (101-3) et finissent premiers de la Poule B, imités par la France, qui remporte elle ses trois matchs de la Poule C contre le Canada (33-20), la Namibie (47-13) et les Fidji (28-19). En quarts de finale, la Nouvelle-Zélande défait l'Écosse (30-18) pendant que la France se débarrasse de l'Argentine (47-26) après une première mi-temps serrée.

Pierre Villepreux, le sélectionneur français, en 1971.

Malgré le parcours sans faute de la France, l'opposition entre la Nouvelle-Zélande et la France laisse peu de doute sur l'issue de la rencontre pour les bookmakers, qui voient les All Blacks l'emporter à 20 contre 1[22]. Le troisième ligne français Marc Lièvremont raconte que « certains bookmakers ne proposaient même pas une victoire de la France aux parieurs », du fait des mauvais résultats du XV de France avant la Coupe du monde[23]. Il explique aussi qu'il n'imagine pas lui non-plus remporter ce match et qu'il n'y a « pas une osmose extraordinaire au sein du groupe », à cause du mauvais parcours de la France en 1999[23]. Le sélectionneur français Pierre Villepreux révèlera que ses joueurs ont peur avant le match, mais que paradoxalement, cela les a peut-être aidé à être « prêts »[23]. Pour symboliser ce rapport de force déséquilibré, la presse prend les mensurations de l'ailier français Philippe Bernat-Salles (78 kg) et les compare à son vis-à-vis néozélandais et « superstar » de la compétition Jonah Lomu (plus de 100 kg)[23]. L'ouvreur français Christophe Lamaison livre des souvenirs différents : s'il admet que personne ne croit en la France et que les joueurs ne veulent plus aller en conférence de presse, il se souvient qu'il « il y [a] une vraie joie de vivre, d'être ensemble » et que la préparation a été bonne, pendant la semaine précédant le match : le groupe est concentré, les entraînements sont de très bonne qualité et le XV de France établit des stratégies bien spécifiques[24]. La plus notable est le plan « anti-Lomu », qui consiste à botter le ballon dans le dos de l'ailier : cela l'obligerait à reculer pour qu'il ne puisse pas arriver lancé avec le ballon, et les allers-retours incessants doivent le fatiguer, lui qui est jugé rapide mais peu endurant[25].

Le match

Contexte du match

Le stade de Twickenham, à Londres (ici en 2004), où se déroule la rencontre.

Nouvelle-Zélande – France est la deuxième demi-finale de la compétition. Elle se tient au lendemain de la première, qui voit l'Australie l'emporter 27 à 21 contre l'Afrique du Sud.

Le coup d'envoi est prévu le à 15 h 0 UTC+1 dans le stade de Twickenham de Londres, l'une des dix-huit enceintes retenues pour accueillir la compétition. D'une capacité de 75 000 personnes, il accueille pour cette demi-finale environ 73 000 spectateurs[26].

Twickenham a accueilli six matchs de la Coupe du monde, dont les quatre de l'Angleterre avant la phase finale (contre l'Italie, la Nouvelle-Zélande et les Tonga en poule) et contre les Fidji (en barrage d'accession aux quarts de finale), ainsi que les deux demi-finales.

Le XV de France est installé à Slough, dans la banlieue ouest de Londres « à un embranchement entre deux autoroutes » et où « il fait chaud dans les chambres »[16].

Composition des équipes

Les Néozélandais se présentent en demi-finale soudés et sûrs d'eux, après des résultats avant en pendant la Coupe du monde « parfaits » : la composition des All Blacks bénéficie de la totalité de ses forces vives, avec une « ligne d'arrières aux allures de dream team » : Tana Umaga sur l'aile droite, Christian Cullen, qui est alors le deuxième marqueur d'essais de l'histoire de la Nouvelle-Zélande avec 46 essais, est repositionné au centre pour permettre le positionnement de Jonah Lomu en 11, tandis que Jeff Wilson (« considéré comme le plus talentueux ») est l'arrière de cette équipe[16]. Leur sélectionneur John Hart les décrit comme étant « quatre des plus grands arrières de leur époque », et essaie composer une ligne d'attaque où il faut inclure toutes ses stars. Afin de les mettre encore plus en valeur et au centre de sa stratégie d'attaque, il choisit de composer un pack[d] mobile et une charnière[e] à la passe plus rapide : il choisit ainsi de titulariser le jeune ouvreur Andrew Mehrtens et surtout Byron Kelleher à la place du capitaine Justin Marshall — ce dernier choix devenant l'un des plus contestés de l'histoire du XV à la Fougère[f],[16].

Côté français, les résultats de 1999 laissent des traces et le staff des Bleus, composé de Jean-Claude Skrela et de ses adjoints Pierre Villepreux, Max Godemet et Jo Maso, écarte plusieurs joueurs importants, parmi lesquels le demi de mêlée Fabien Galthié, l'arrière Jean-Luc Sadourny (pourtant « homme de base des Grands Chelems de 1997 et 1998 ») ainsi que le troisième ligne aile Philippe Benetton[16]. Habituellement confrontée à une mise à disposition tardive de ses joueurs par leurs clubs, la sélection française bénéficie pour la première fois de leur arrivée plusieurs semaines en amont de la compétition afin de mieux la préparer[16]. Malgré des stages commandos et des intervenants spécialisés dans le team-building, la frustration générée par les mauvais résultats pèse sur la cohésion du groupe[16]. Surviennent ensuite les blessures conjuguées de la charnière titulaire aux yeux du staff : le demi de mêlée et stratège Philippe Carbonneau et l'ouvreur Thomas Castaignède[16]. Pendant la phase de poule, les résultats positifs cachent un fond de jeu décevant et inquiétant : les joueurs sont désunis et de nouvelles blessures ont lieu : le troisième ligne centre Thomas Lièvremont et le demi de mêlée Pierre Mignoni doivent quitter le groupe à leur tour, ouvrant la voie au retour de Fabien Galthié in extremis[16]. Le staff perd ainsi la quasi-totalité de la colonne vertébrale de l'équipe qui a réalisé le Grand Chelem en 1998, à savoir l'axe 2-8-9-10-15[g], dont il ne reste que le talonneur et capitaine Raphaël Ibañez[16]. Après la victoire contre les Fidji et le quart de finale maîtrisé contre l'Argentine, le groupe retrouve de l'enthousiasme et se soude enfin[16].

Nouvelle-Zélande

Titulaires
15 Jeff Wilson
14 Jonah Lomu
13 Tana Umaga
12 Christian Cullen
11 Alama Ieremia Remplacé après 57 minutes 57e
10 Andrew Mehrtens
9 Byron Kelleher Remplacé après 77 minutes 77e
Capitaine 8 Taine Randell
7 Josh Kronfeld
6 Robin Brooke Remplacé après 71 minutes 71e
5 Norm Maxwell
4 Reuben Thorne
3 Carl Hoeft
2 Anton Oliver
1 Craig Dowd Remplacé après 57 minutes 57e
Remplaçants
16 Mark Hammett
17 Kees Meeuws Entré après 57 minutes 57e 
18 Royce Willis Entré après 71 minutes 71e 
19 Dylan Mika
20 Justin Marshall Entré après 77 minutes 77e 
21 Tony Brown
22 Daryl Gibson Entré après 57 minutes 57e 
Entraîneur
John Hart

France

Titulaires
Xavier Garbajosa 15
Philippe Bernat-Salles 14
Richard Dourthe 13
Remplacé après 76 minutes 76e Émile Ntamack 12
Remplacé après 76 minutes 76e Christophe Dominici 11
Christophe Lamaison 10
Remplacé après 76 minutes 76e Fabien Galthié 9
Remplacé après 30 minutes 30e Christophe Juillet 8
Remplacé après 64 minutes 64e Marc Lièvremont 7
Olivier Magne 6
Abdelatif Benazzi 5
Fabien Pelous 4
Franck Tournaire 3
Raphaël Ibañez 2 Capitaine
Remplacé après 57 minutes 57e Cédric Soulette 1
Remplaçants
Marc Dal Maso 16
Entré après 57 minutes 57e  Pieter de Villiers 17
Entré après 30 minutes 30e  Olivier Brouzet 18
Entré après 64 minutes 64e  Arnaud Costes 19
Entré après 76 minutes 76e  Stéphane Castaignède 20
Entré après 76 minutes 76e  Stéphane Glas 21
Entré après 76 minutes 76e  Ugo Mola 22
Entraîneur
Jean-Claude Skrela et Pierre Villepreux

Résumé

Feuille de match[26],[27]
Nouvelle-Zélande 31 – 43 France
(mt : 17-10)
, 15 h au Stade de Twickenham, Londres
  • Temps: doux
  • Terrain: bon

Points marqués :
Nouvelle-Zélande

  • 3 essais :
    Lomu 24e, 45e
    Wilson 80e
  • 2 transformations :
    Mehrtens 45e, 80e
  • 4 pénalités :
    Mehrtens 9e, 18e, 22e, 39e

France

Évolution du score : 0 - 3, 3 - 3, 6 - 3, 6 - 8, 6 - 10, 9 - 10, 14 - 10, 17 - 10 mt 22 - 10, 24 - 10, 24 - 13, 24 - 16, 24 - 19, 24 - 22, 24 - 27, 24 - 29, 24 - 34, 24 - 36, 24 - 41, 24 - 43, 29 - 43, 31 - 43

Avertissements[h]

Arbitre : J. M. Fleming

Spectateurs : 73 000

Première mi-temps

Juste avant le coup d'envoi, face au traditionnel haka Ka mate — une danse chantée d'origine maorie effectuée par l'équipe de Nouvelle-Zélande avant tous ses matchs internationaux depuis 1905 —, la France répond par une deuxième Marseillaise entre joueurs, menée par Raphaël Ibañez et reprise à pleins poumons par ses coéquipiers malgré plusieurs appels de l'arbitre[23],[25].

Les Blacks tombent sur une équipe de France solide, bien en place, qui ouvre le score après un coup de pied de Christophe Lamaison. Andrew Mehrtens quant à lui touche quelques minutes plus tard le poteau après un coup de pied de près de cinquante mètres. Malgré tout, les All Blacks concrétisent grâce au pied de Mehrtens et prennent l'avantage 3 à 6. L'équipe de France se montre agressive et profite d'une percée fulgurante de Christophe Dominici pour mettre le feu dans la défense néo-zélandaise. Dominici est rattrapé in extremis par Christian Cullen, mais l'assaut s'organise, et sur un renversement de jeu orchestré par Richard Dourthe, Christophe Lamaison marque le premier essai du match entre les poteaux. L'équipe de France mène 10 à 6 au bout de vingt minutes de jeu. Mehrtens remet, deux minutes plus tard, les équipes à un point d'écart.

C'est après une chandelle très bien négociée par les Blacks que l'ailier Jonah Lomu marque l'un des essais les plus impressionnants de sa carrière. Sur une très bonne pression défensive des centres All Blacks, le jeu s'organise, et le ballon arrive dans les mains du géant qui, à près de trente mètres de l'en-but, écrase littéralement la défense tricolore. Il ne démolira pas moins de cinq Français sur son passage pour se créer un passage dans les 22 mètres. L’essai n'est pas transformé, la Nouvelle-Zélande mène 14 à 10. Malgré un essai français non accordé, après une course entre Olivier Magne et Philippe Bernat-Salles côté français ainsi que Jonah Lomu et Alama Ieremia côté océanien, à la demi-heure de jeu, les équipes continuent de se livrer à une bataille sans merci. L'ouvreur néo-zélandais accentue l'avantage à une minute de la fin de la mi-temps, et permet à la Nouvelle-Zélande de mener 17 à 10 à la pause.

Pause

La première mi-temps a été brutale[i], les Français ayant décidé de confronter les All Blacks physiquement : le troisième ligne Josh Kronfeld subit notamment deux fourchettes en 10 minutes, ce qui le gêne pendant tout le match[30] ; Richard Dourthe met de gros tampons au demi de mêlée Byron Kelleher et au très tonique centre Tana Umaga, à qui il arrache des dreadlocks qu'il ramène comme un trophée ; au total, lors de la seule première mi-temps, les Français commettent treize fautes, et l'arbitre a déjà distribué deux cartons jaunes. Dans le couloir qui mène aux vestiaires, l'arbitre Jim Fleming avertit le capitaine français, Raphaël Ibañez, que l'indiscipline française est trop importante, et qu'à une époque où l'on commençait à expérimenter les exclusions temporaires dans le championnat anglais[j], les Français auraient déjà été réduits à 14 à au moins deux reprises[32].

Pendant la pause, bien que menée, les Français sentent que leurs adversaires doutent : plusieurs joueurs prennent la parole dans les vestiaires et même le discret Marc Lièvremont y va lui aussi de sa harangue : « Eh ! les gars, vous ne voyez pas qu'ils commencent à gamberger, qu'on leur fait mal ? Dès qu'on se met à jouer, on les pousse à la faute ! Vous ne sentez pas le doute dans leurs regards ? Ca ne se passe pas comme prévu pour eux. On tient le bon bout, les gars. Faut insister, ça va passer[33] ! »[24],[25].

Deuxième mi-temps

Le début de seconde période est difficile pour le XV de France qui encaisse un essai après cinq minutes seulement. Jonah Lomu, toujours lui, transperce la défense française et passe tous ses vis-à-vis. L'essai est transformé : 24 à 10 pour les All Blacks. À ce moment, beaucoup pensent que le match est plié et que la France ne reviendra pas au score.

Mais sur les deux possessions offensives françaises suivantes, l'ouvreur Christophe Lamaison enchaîne deux drops qui annulent quasiment l'essai (47 et 49e; 24-16). Il réussit ensuite deux pénalités: en onze minutes il a ramené les bleus à deux points (22-24).

D'autant plus que la machine bleue se met en marche ; sur l'engagement, avec un bon ballon proprement gratté au sol, Fabien Galthié envoie une chandelle au rebond capricieux que Christophe Dominici attrape à pleine vitesse. Essai français transformé : la France repasse devant, 29 à 24. Puis le pack français prend les affaires en main, et quatre minutes plus tard sur un ballon porté remarquable (près de vingt-cinq mètres de progression), le "bulldozer" s'effondre devant la ligne. Lamaison dose parfaitement un ballon au pied par-dessus la ligne de défense des Blacks, Richard Dourthe arrive une poignée de centièmes de secondes avant l'arrière Black et se jette sur le ballon. Troisième essai français, transformé par un Christophe Lamaison en forme : 36 à 24. À cinq minutes de la fin du match, les All Blacks se lancent à corps perdu à l'assaut, et perdent un ballon à l'entrée des 22 mètres tricolores. Il s'ensuit une course d'Olivier Magne, après un coup de pied de Christophe Lamaison, seul face au retour de Jeff Wilson et d'un troisième ligne néo-zélandais. Mais dans le dos de tout le monde, Philippe Bernat-Salles remonte les 80 mètres du terrain, rattrape et dépasse ses adversaires de l’hémisphère Sud, et scelle le sort de la Nouvelle-Zélande. Christophe Lamaison toujours aussi propre au pied transforme : 43 à 24. Les All-Blacks viennent d'encaisser un 33 à 0 en vingt-six minutes.

En toute fin du match, les Néo-Zélandais sauvent l'honneur. Après de longues phases de jeu dans la zone française, c'est Jeff Wilson qui échappe à un plaquage et qui, du bout des crampons, s'arrache pour marquer entre les poteaux. L'essai est transformé. Le score ne bouge plus : France 43 - 31 Nouvelle-Zélande.

Statistiques

Statistiques globales

Nouvelle-Zélande Statistiques[26] France
Points marqués
3 Essais 4
2/3 Transformations 4/4
4/4 Pénalités 3/3
86 % % efficacité au pied 100 %
0/0 Drops 2/2
Coups de pieds, passes, courses
23 Coup de pieds 34
138 Passes 83
95 Courses 76
456 Mètres parcourus avec le ballon 453
Phase d'attaque
43 (50/40) % possession totale (1re mi-temps / 2e mi-temps) 57 (50/60)
14 Franchissements 6
29 Défenseurs battus 12
15 Passes après contact 6
56/59 (94,9) Rucks gagnés (%) 50/56 (89,3)
0/0 Mauls gagnés 0/0
16 Turnovers concédés 12
Phase de défense
75/12 (86) Plaquages effectués/manqués (%) 91/29 (76)
Conquête
7/1 (87,5) Mêlées sur propre introduction gagnés/perdues (%) 4/1 (80)
13/2 (86,7) Touches sur propre introduction gagnées/perdues (%) 8/3 (72,7)
Discipline
9 Pénalités concédées 20
2 Cartons jaunes 0
0 Cartons rouges 0

Statistiques individuelles

Nouvelle-Zélande Statistiques[26] France
Andrew Mehrtens (16) Points inscrits Christophe Lamaison (28)
Jeff Wilson (92) Mètres parcourus avec le ballon Christophe Dominici (114)
Jonah Lomu (10) Défenseurs battus Christophe Dominici (5)
Byron Kelleher (42) Passes effectuées Fabien Galthié (48)
Josh Kronfeld (12/1) Meilleurs plaqueurs (réussis/ratés) Olivier Magne (10/1)
Norm Maxwell (5/1) Ballons attrapés en touche (propre lancer/lancer adverse) Fabien Pelous (2/1), Olivier Brouzet et Abdelatif Benazzi (3/0)

Réactions et analyse

Réactions des protagonistes

Réactions et analyses des journalistes

Conséquences et impact

Dans la compétition

Après sa défaite en demi-finale, la Nouvelle-Zélande affronte sa grande rivale, l'Afrique du Sud, pour le match de la troisième place, qui a lieu au Millenium Stadium de Cardiff. Les All Blacks ne parviennent pas à inscrire le moindre essai et laissent la médaille de bronze aux Springbox[k] (22-18)[34].

Victorieuse de sa demi-finale, la France accède à la finale de la Coupe du monde, où elle affronte l'Australie dans le même stade. Malgré un match accroché où les buteurs restent les principaux protagonistes, l'Australie se détache avec deux essais dans les 20 dernières minutes, ne laissant aucune chance à une France d'un niveau très décevant de revenir[35],[36]. La France termine ainsi deuxième d'une compétition où elle n'était pas favorite.

Après la compétition

Après cette victoire et celle qui surviendra huit ans plus tard, lors du quart de finale de la Coupe du monde 2007, la France fait figure de bête noire de la Nouvelle-Zélande[37]. Cette opposition, qui se présente comme a priori déséquilibrée mais dont l'issue est incertaine à cause de la capacité des Français à faire des exploits, devient dès lors l'une des plus attendues de la scène internationale[37].

Le scénario et le résultat inattendu de ce match à un niveau aussi élevé de la compétition lui assure une certaine postérité, comme l'explique Marc Lièvremont : « C'est peut-être, parmi les matchs que j'ai joués, celui qui a le plus marqué les amateurs de rugby. Certains considèrent que par son suspense, par sa folie, par son côté inattendu, c'est l’un des plus beaux matchs de l’équipe de France[23]. » Comme la plupart des joueurs du XV de France ce jour-là, Philippe Bernat-Salles révèle qu'« il y a des moments dont on est obligé de se rappeler. Bien sûr que ce jour fait partie des grands moments de ma carrière [...]. Ce sont des moments magiques avec des mots forts de certains joueurs et des anecdotes qu’on se rappellera tout le temps. Oui, c’est quelque chose qui marque[23]. »

Notes et références

Notes

  1. a et b « Les All-Blacks » est le surnom de l'équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XV.
  2. « Les Bleus » est le surnom de l'équipe de France de rugby à XV.
  3. Quand le rugby football est introduit en Nouvelle-Zélande et en France, la scission entre le rugby à XV et le rugby à XIII n'a pas encore eu lieu. Elle intervient d'abord en 1895 avec la création par des clubs du nord de l'Angleterre de la Northern Rugby Football Union (NRFU) en opposition à la Rugby Football Union originale datant de 1871 ; puis en 1906, quand la NRFU établit ses propres règles qui font passer le nombre de joueurs par équipe de 15 à 13 — d'où le nom aujourd'hui des deux types principaux de rugby[3].
  4. Le « pack » est un terme qui désigne les huit joueurs des trois lignes d’avants, soit les deux piliers (nos 1 et 3), le talonneur (no 2), les deux deuxième ligne (no 4 et 5), les deux troisième ligne aile (no 6 et 7) et le troisième ligne centre (no 8).
  5. La « charnière » est un terme qui désigne le demi de mêlée (no 9) et le demi d'ouverture (no 10) qui font la « charnière » entre les avants (nos 1 à 8) et les arrières (nos 11 à 15).
  6. « Le XV à la Fougère » est un autre surnom de l'équipe de Nouvelle-Zélande de rugby à XV, faisant référence à la fougère argentée qui est l'un des symboles nationaux de la Nouvelle-Zélande.
  7. On désigne la colonne vertébrale d'une équipe par l'axe 2-8-9-10-15, soit respectivement le talonneur, le troisième ligne centre, le demi de mêlée, le demi d'ouverture et l'arrière.
  8. Les cartons jaunes n'officialisent les expulsions temporaires au niveau international qu'à partir du Tournoi des Six Nations 2000, soit quelques mois après la coupe du monde[28]. Les cartons reçus lors de ce match n'ont ainsi pas occasionné de sortie temporaire.
  9. Le médecin des All Blacks constatera plusieurs de ses joueurs très marqués physiquement, mais admettra à L'Équipe que « c'était un match physique, brutal, mais en 1999, le rugby était brutal »[29].
  10. Les cartons jaunes avec expulsion temporaire sont introduits pour la première fois en 1997 dans le championnat d'Angleterre avec l'apparition des bancs de pénalité qui sont destinés à sanctionner les fautes volontaires et les mauvais comportements qui ne sont toutefois pas assez graves pour mériter une expulsion permanente du joueur[31].
  11. « Les Springbox » est le surnom de l'équipe d'Afrique du Sud de rugby à XV.

Références

  1. (en) Ian Malin, « France shock the world », The Guardian, 1er novembre 1999.
  2. (en) Ian Malin, « My favourite game: France v New Zealand, 1999 Rugby World Cup », The Guardian, 17 avril 2020.
  3. (en) Tony Collins, « Schism 1893–1895 », dans Rugby's great split: class, culture and the origins of rugby league football, Routlage, , 2e éd. (ISBN 0-415-39616-6), p. 87–120.
  4. (en) « Résultats de la tournée de la Nouvelle-Zélande de 1884 en Nouvelle-Galles du Sud », sur stats.allblacks.com (consulté le ).
  5. (en) Phil Gifford, The Passion - The Stories Behind 125 years of Canterbury Rugby, Wilson Scott Publishing, (ISBN 095825351X), p. 32.
  6. (en) « Rugby Union Football », dans An Encyclopaedia of New Zealand, A. H. McLintock, (lire en ligne).
  7. (en) « "All Blacks" - The Name », sur Rugby Museum of New Zealand (consulté le ).
  8. a et b (en) « Résultats de la tournée de la Nouvelle-Zélande de 1905-1906 dans les îles britanniques, en France et en Amérique du Nord », sur stats.allblacks.com (consulté le ).
  9. (en) « Rapport de la finale de la Coupe du monde 1987 », sur stats.allblacks.com (consulté le ).
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Annexes

Articles connexes

Liens externes