Islam dans la politique française

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Cet article traite de l'islam dans la politique française.

Islam en politique[modifier | modifier le code]

Contexte[modifier | modifier le code]

Depuis 1905, la France n'autorise aucun rôle politique aux communautés religieuses ; elle proclame, dès l'article premier de son actuelle Constitution, le caractère « indivisible » et « laïque » de la République[1].

Conseil français du culte musulman[modifier | modifier le code]

Les ministres de l’Intérieur, chargés des cultes, Jean-Pierre Chevènement, Daniel Vaillant puis Nicolas Sarkozy, mettent sur pied une organisation représentative du culte musulman afin que l’État ait un interlocuteur avec les Français pratiquant cette religion : le Conseil français du culte musulman (CFCM), créé en 2003. Le CFCM et le Gouvernement travaillent ensemble sur des sujets comme la formation des imams ou la construction de mosquées, dans le cadre de la loi de 1905.

Partis politiques[modifier | modifier le code]

Nagib Azergui, cofondateur et président de l'Union des démocrates musulmans français.

L'Union des démocrates musulmans français (UDMF) est un parti politique français fondé en 2012 par Nagib Azergui et Emir Megherbi et classé à gauche ou au centre gauche[2],[3]. Lors des élections régionales de 2015, elle présente une liste en Île-de-France qui réunit quelque 13 000 voix et franchit la barre des 5 % dans 161 bureaux de vote d’ÎIe-de-France[4]. Aux élections législatives de 2017, dans la première circonscription de Mayotte, son candidat réunit 5 % des voix[5],[6]. Présentant une liste nationale aux élections européennes de 2019 sans avoir la capacité financière de fournir des bulletins de vote imprimés, l’UDMF obtient 0,13 % des voix, terminant en 19e position sur 34, avec un record de 17 % au Val Fourré[7],[8].

D’autres formations, moins importantes sur le plan électoral, existent. Le Parti des musulmans de France (PMF), créé en 1997 à l'initiative de l'imam Mohamed Ennacer Latreche, affiche des positions conservatrices au niveau de la morale et sociales sur le plan économique. La Nouvelle Union française (NUFR), fondée en 2010, se décrit comme un parti politique ayant pour vocation d’intervenir dans le débat public en s’appuyant sur la morale musulmane[9].

Lois[modifier | modifier le code]

Plusieurs lois en France restreignent le port de signes religieux ostentatoires dans les services publics et sur la voie publique, quels que ces signes religieux soient, sans égard à leur origine.

Question du vote musulman[modifier | modifier le code]

De façon générale, les musulmans français votent massivement à gauche[10],[11],[12],[13].

Élections présidentielles[modifier | modifier le code]

Un sondage « sortie des urnes » réalisé par l’institut CSA lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2002 donne l’estimation suivante de la répartition religieuse des votants : 62 % de catholiques (dont 26 % de non-pratiquants), 19,5 % de sans religion, 2 % de protestants, 2 % de musulmans, 0,5 % de juifs[14]. Au premier tour de ce scrutin, le vote des musulmans se serait porté sur des candidats de gauche ou d’extrême gauche à hauteur de 66 %[15] ; alors que ce pourcentage n’était que de 43 % pour l’ensemble des électeurs, une autre étude, réalisée par l’IFOP, donne un niveau de vote chez les musulmans encore plus élevé pour cette tendance politique (79 %)[16] :

D’après une étude réalisée par le Centre de recherches politiques de Sciences Po, 5 % du corps électoral de 2007 est composé de musulmans (contre 2 % en 2002 et 0,7 % en 1997), ce qui en fait « désormais une minorité significative, la deuxième religion de France »[17]. Le chercheur Claude Dargent indique que « fin 2006, les observateurs avaient d’ailleurs relevé un large mouvement d’inscription dans les banlieues populaires à forte population issue de l’immigration »[17].

Selon une étude du corps électoral menée sur 10 000 votants par OpinionWay et Fiducial pour Le Figaro au second tour de l’élection présidentielle de 2012, 93 % des électeurs musulmans pratiquants (qui sont deux millions selon cet institut) ont voté pour François Hollande au second tour. Au premier tour, 59 % d'entre eux avaient voté pour le candidat socialiste, 23 % pour Jean-Luc Mélenchon, 7 % pour François Bayrou, 4 % pour Nicolas Sarkozy et 2 % pour Marine Le Pen[18].

La participation des musulmans à l’élection présidentielle de 2017 s’élève à 73 %, contre 80 % pour l’ensemble des électeurs. Par rapport au reste de la population, ils accordent davantage d’importance aux sujets sociaux et moins aux sujets « sociétaux » comme la lutte contre le terrorisme ou l’immigration clandestine[19]. En vue de cette élection, la direction de l’association Musulmans de France (ex-UOIF), réputée proche des Frères musulmans, incite les musulmans à ne pas s’abstenir afin de peser sur le débat politique, et appelle à lutter contre le « danger de l’extrême droite »[4],[20]. Pour le second tour, elle souhaite que « tous les musulmans de France » votent pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, laquelle avait précédemment affirmé qu'Emmanuel Macron entretiendrait des liens avec Musulmans de France, ce qu'il dément[21],[22]. La grande mosquée de Paris appelle également les musulmans à voter « massivement » pour Emmanuel Macron[23].

Estimation du vote des musulmans au premier tour des élections présidentielles depuis 2002
(en % de suffrages exprimés)
Courant politique 2002 2007 2012 2017 2022
Musulmans Total
national
Musulmans Total
national
Musulmans Total
national
Musulmans Total
national
Musulmans Total
national
IFOP[16] CSA[24] IFOP[16] CSA[24] IFOP[16] Opinion
Way
[25]
IFOP[19] IFOP[26]
Extrême gauche - PCF 19 16 14 10 14 9 21 ? 13 39 21 71 26
Gauche - centre gauche 60 60 29 61 65 27 59 ? 31 17 6 4 6
Centre (Bayrou/Macron) 15 19 19 6 7 9 24 24 14 28
Droite - centre droit 20 18 38 10 1 35 9 ? 29 13 26 2 8
Extrême droite 1 6 19 1 1 10 4 ? 18 5 21 9 32

Autres scrutins[modifier | modifier le code]

Selon le politologue Gilles Kepel, le Parti socialiste a largement perdu l'« électorat musulman » lors des élections municipales de 2014. Selon lui, La Manif pour tous a fourni une possibilité d'identification des musulmans avec les catholiques de droite, avec qui ils partagent certaines valeurs sociétales[27].

Positionnement des partis politiques vis-à-vis de l'islam[modifier | modifier le code]

À gauche[modifier | modifier le code]

Le Parti socialiste et le Parti communiste français tentent depuis les années 1970 de conquérir les votes des musulmans. Cependant, dans les années 2010, des divergences apparaissent publiquement entre des responsables socialistes : Manuel Valls se veut le tenant d’une laïcité stricte sur le modèle de la loi de 1905 et critique « l’islam politique », alors que Benoît Hamon se veut plus conciliant, considérant qu’il faut « des questions sociales avant de mettre des questions religieuses »[28]. Comme ce dernier, Europe Écologie Les Verts place la lutte contre l’islamophobie au centre de son programme électoral[29].

Le principal dirigeant du Parti de gauche puis de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, considérait initialement le port du voile islamique comme un moyen de « s'infliger un stigmate » et d’évoquer l’islamophobie[30],[31]. Mais à la fin des années 2010, LFI se divise sur la question de l’islam, Danièle Obono et mouvement Ensemble ! de Clémentine Autain, notamment, se montrant partisans d’une ligne plus souple ; Jean-Luc Mélenchon lui-même change de discours et s’engage dans la lutte contre l’islamophobie[32],[33].

À l'extrême gauche[modifier | modifier le code]

L'extrême gauche, comme le reste de la gauche, apparaît divisée sur l'analyse du rôle de l'islam dans la politique française. La vision commune est qu’il s’agit essentiellement d’un prolétariat qui doit être défendu. Mais Lutte ouvrière (LO) s'oppose dans l'ensemble à toute prise en compte des croyances religieuses, refusant toute « lutte contre l’islamophobie », et estime que la vision de Karl Marx est de libérer les musulmans de la religion. À l’inverse, une partie du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) — à l’instar des antifas et des anarchistes libertaires — considère que la montée de l’islam traduit une révolte contre l'oppression raciste et défend un rapprochement avec cet électorat, y compris avec les plus conservateurs comme les Frères musulmans[29].

À droite[modifier | modifier le code]

Ministre de l’Intérieur entre 2002 et 2007 et président de l’UMP, Nicolas Sarkozy s’appuie sur l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) — devenue par la suite Musulmans de France —, une association défendant un islam rigoriste et réputée proche des Frères musulmans, dans le but d’« organiser l'islam de France », notamment avec l’établissement du Conseil français du culte musulman. Libération note que le ministre partage avec l'UOIF « une vision conservatrice de l’ordre social et du rôle singulier des religions en la matière ». Il prend ensuite ses distances avec l’organisation, notamment comme président de la République[34].

Le Mouvement pour la France (MPF) dénonce l'islam politique. Son président, Philippe de Villiers, publie en 2006 Les Mosquées de Roissy, ouvrage dans lequel il dénonce des mosquées clandestines et le prosélytisme musulman au sein de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, citant des notes de la direction centrale des Renseignements généraux. Par la suite, le ministère de l'Intérieur ordonne la fermeture de plusieurs salles de prière clandestines dans cet aéroport, ainsi que dans celui de Paris-Orly[35].

À l’extrême droite[modifier | modifier le code]

La mouvance nationaliste-révolutionnaire, fondée en 1962, collabore habituellement avec divers groupes musulmans par antisionisme. Certains de ses idéologues se sont parfois convertis à l'islam (le plus connu est Claudio Mutti) par traditionalisme et référence à René Guénon.[réf. nécessaire]

En , à Lyon, Marine Le Pen compare les prières de rue de musulmans à une occupation[36].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Texte intégral de la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur sur le site du Conseil constitutionnel français.
  2. « L’UDMF, le parti musulman qui dérange la droite », sur liberation.fr, (consulté le ).
  3. « Listes communautaires: le social et l’identité musulmane sont les deux constantes », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  4. a et b « Musulmans de France : « L’abstention, c’est le mauvais choix, on ne pèse rien du tout » », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  5. « Union des démocrates musulmans français : quel est ce parti derrière la 34e liste aux élections européennes ? », sur France Info, (consulté le ).
  6. « Résultats des élections législatives 2017 : première circonscription de Mayotte », sur interieur.gouv.fr (consulté le ).
  7. « Proclamation des résultats de l'élection des représentants au Parlement européen », Journal officiel de la République française, no 125,‎ (lire en ligne).
  8. « L'ombre de l'islam politique plane sur les municipales », sur lexpress.fr, (consulté le ).
  9. Laurent de Boissieu, « Nouvelle Union Française (NUFR) », sur france-politique.fr (consulté le ).
  10. « Les catholiques ont voté à droite, les musulmans largement à gauche », sur liberation.fr, (consulté le ).
  11. « Les musulmans de France votent à gauche », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  12. « Les musulmans votent très massivement à gauche », sur lesechos.fr, (consulté le ).
  13. « Sondage IFOP : Les électeurs de confession musulmane penchent plutôt à gauche », SaphirNews.com, 4 septembre 2008 : « Selon une étude de l'IFOP publiée pour le journal La Croix, dans l'édition du 1er septembre [2008], les [F]rançais musulmans se sentent proches du PS à 51,8 % contre 26,8 % pour la moyenne des [F]rançais. […] En ajoutant au score du PS, ceux de l'extrême gauche et des écologistes, plus de 73 % des électeurs musulmans déclarent pencher à gauche. »
  14. « Analyse du vote au premier tour de l'élection présidentielle en fonction de la religion et de la pratique religieuse », CSA, (consulté le )
  15. « Les croyants à confesse », sur lavie.fr, (consulté le ).
  16. a b c et d « IFOP Focus : le vote des musulmans à l’élection présidentielle » [PDF], sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  17. a et b Claude Dargent, « Le vote des musulmans » [PDF], sur cevipof.com, (consulté le ).
  18. 93 % des musulmans ont voté pour François Hollande, La Vie, Marie-Pia Rieublanc - publié le 07/05/2012
  19. a et b « Le vote des électorats confessionnels au 1er tour de l’élection présidentielle » [PDF], sur ifop.com, (consulté le ).
  20. « Pour les Musulmans de France, « la seule consigne, c’est de voter ! » », sur la-croix.com, (consulté le ).
  21. « Débat Macron-Le Pen : l’UOIF, cette organisation musulmane que Le Pen veut rattacher à Macron », leparisien.fr,‎ 2017-05-03cest22:57:41+02:00 (lire en ligne, consulté le )
  22. « Cinq questions autour du "soutien de l'UOIF" reproché par Marine Le Pen à Emmanuel Macron », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).
  23. « La grande mosquée de Paris appelle les musulmans à voter "massivement" Macron », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  24. a et b « Le vote en fonction de la religion et de la pratique religieuse » [PDF], sur csa-fr.com, (consulté le ).
  25. « 93% des musulmans ont voté pour François Hollande », sur lavie.fr, (consulté le ).
  26. « Le vote des électorats confessionnels au 1er tour de l’élection présidentielle », sur ifop.com, (consulté le ).
  27. "Le PS a largement perdu l'électorat musulman"
  28. « Valls-Hamon : deux visions de la laïcité », sur liberation.fr, (consulté le ).
  29. a et b « Vis-à-vis de l'islam, la nouvelle guerre des gauches », sur lepoint.fr, (consulté le ).
  30. « Mélenchon : la candidate voilée du NPA relève du racolage », sur marianne.net, (consulté le )
  31. « La (très) nette évolution de Mélenchon sur la question de l’islamophobie », sur leparisien.fr, (consulté le )
  32. Hadrien Mathoux, « Mélenchon bannit Cocq : les enseignements très politiques d'une querelle entre Insoumis », sur marianne.net, .
  33. Abel Mestre, « Les contradictions de Jean-Luc Mélenchon interrogent sur sa stratégie », sur lemonde.fr, .
  34. « Islam : le trouble jeu de Nicolas Sarkozy », sur liberation.fr, (consulté le ).
  35. « Les mosquées clandestines d'Orly et de Roissy fermées », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  36. « Marine Le Pen compare les "prières de rue" des musulmans à une "occupation" », sur lemonde.fr, .

Voir aussi[modifier | modifier le code]