Glaciation

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Représentation artistique de l'englacement lors du Dernier Maximum Glaciaire (DMG) selon Ice age terrestrial carbon changes revisited de Thomas J. Crowley[1].

Une glaciation (ou englaciation) est une période glaciaire, c'est-à-dire à la fois une phase paléoclimatique froide et une période géologique de la Terre durant laquelle une part importante des continents est englacée. L'histoire de la Terre est marquée par de nombreux épisodes glaciaires. Le Quaternaire se caractérise par leur relative fréquence et leur régularité.

Historique des recherches sur les glaciations

Cycles Glaciaires-Interglaciaires du Pléistocène illustrés par les variations du carbone atmosphérique mesurées dans les carottages glaciaires (subdivisions nord-américaines et européennes et tentative de corrélations)

Les glaciations ont d'abord été mises en évidence grâce à leurs manifestations géomorphologiques (moraines, blocs erratiques) dans les vallées alpines à la fin du XIXe siècle. La glaciation de Würm, manifestation locale de la dernière période glaciaire, a été définie par Albrecht Penck et Eduard Brückner au début du XXe siècle[2], qui lui ont donné le nom d'un tributaire du Danube, la Würm[3], comme les glaciations alpines précédentes (Riss, Mindel, Günz, Donau). La définition de la glaciation de Würm repose sur les observations des conséquences géologiques de la baisse importante des températures moyennes sur une longue période (nappe fluvio-glaciaire, moraines) dans le massif alpin.

Depuis les années 1950, l'étude des rapports entre les différents isotopes de l'oxygène dans les sédiments prélevés par carottage au fond des océans a confirmé et précisé l'existence de nombreuses fluctuations climatiques plus ou moins cycliques. Elle a permis de définir des stades isotopiques marins, bases d'une chronologie isotopique.

Les causes des glaciations

Variations des températures et du volume des glaces durant les derniers cycles glaciaires et interglaciaires

Les causes des glaciations ont fait l'objet de nombreux débats, depuis que le phénomène a été clairement identifié au XIXe siècle. Les théories modernes retiennent souvent une relation avec les oscillations périodiques de l'orbite de la Terre (cf. les paramètres de Milanković, paramètres astronomiques), associées à des variations hypothétiques et périodiques dans le rayonnement solaire ou les effets d'un déplacement d'importantes masses continentales vers les régions polaires (paramètres tectoniques).

Les conséquences des glaciations

Conséquences globales

Lors d'une période glaciaire, les phénomènes suivants se produisent suite au refroidissement climatique :

  • formation d'inlandsis : ils s'installent progressivement sur les régions continentales des hautes latitudes, avec une épaisseur maximale de l'ordre de 3 km, et fluent vers leurs marges, détruisant les habitats naturels en place et arasant une partie des reliefs ;
  • baisse du niveau de la mer (glacio-eustasie) : le stockage de glace sur les continents provoque la baisse du niveau des océans (de l'ordre de 120 m lors de la dernière période glaciaire) et provoque l'émersion d'une partie des plateaux continentaux ;
  • contraction océanique ;
  • mouvements tectoniques verticaux (glacio-isostasie) : sous le poids de la glace, des mouvements tectoniques verticaux affectent les régions englacées et leur marges (enfoncement lors de la glaciation, soulèvement ou rebond isostasique lors de la déglaciation) ;
  • modification de la circulation océanique mondiale : elle est alors complètement transformée (avec des influences réciproques, complexes et méconnues dans le détail, sur le climat).
  • conséquences écologiques et génétiques : en période glaciaire, pour survivre, les espèces soumises à un froid trop important pour elles, doivent descendre vers les plaines et/ou se rapprocher de l'équateur. Elles doivent le faire d'autant plus qu'elles sont sensibles au froid, ou survivre en populations moins nombreuses et parfois moins denses dans des régions refuges moins touchées par le froid.

Lors des trois dernières glaciations, il ne semble pas y avoir eu beaucoup de disparition globale d'espèces sur la planète. Pour les espèces à faible capacité de dispersion, le froid a eu pour conséquence l'extinction locale de nombreuses populations au sein de métapopulations alors existantes, avec comme corollaire une réduction de la diversité génétique dans certains groupes[4]; ces effets négatifs pour la biodiversité peuvent avoir été atténués par l'exondation des plateaux continentaux, permis par la baisse des niveaux marins. Il y a ainsi eu de nouveaux espaces, qui ont reconnecté des habitats quasiment disjoints (hormis pour les oiseaux et mammifères marins et quelques espèces) lors des phases interglaciaires. Par exemple le territoire correspondant actuellement à la France était connecté aux actuelles îles britanniques durant les trois dernières glaciations, permettant aux grands mammifères (mammouths notamment) de passer d'une zone à l'autre en parcourant l'actuel fond de la Manche et du Pas de Calais. Les conséquences génétiques des oscillations climatiques et des glaciations en particulier sont importantes[5],[6],[7],[8].

Conséquences locales

Épaulement sur une arête descendant sur Gresse-en-Vercors

Les quaternaristes, les chercheurs — géographes, géologues et préhistoriens — qui étudient le système quaternaire (ère cénozoîque), observent :

  • des vallées, des cirques et des moraines. Dans les vallées, en particulier, il est possible de connaître l'altitude atteinte par la glace lors des glaciations en utilisant certaines formes héritées de celles-ci – les sites témoins[9] – tels les épaulements que présentent parfois les arêtes descendues des sommets latéraux en direction du talweg des vallées.
  • des formations issues de la glace prise dans des sédiments fins dites hydrolaccolites qui regroupent les pingo, palses et lithalses dont les reliques sont des laquets.
  • des formations dites kettles, des drumlins, des pipkrates, des laquets, des « fers à repasser » et des dreikanters.
  • d'épais dépôts de lœss et de limons, accumulés sur de vastes surfaces en Amérique du Nord, sur les plateaux et les plaines d'Europe moyenne et en Chine septentrionale et, dans l'hémisphère Sud, en Argentine (Pampa). Transportés par le vent, les lœss finissent par former une couverture plus ou moins épaisse (jusqu'à 200 m en Chine[10]), rendant fertiles ces régions mais en posant des problèmes de stabilité (sols très vulnérables à l'érosion). Par exemple, la région des Börde (en Allemagne) ou celle de Shanxi (vallée du Huang He en Chine) sont tapissées de lœss.

Certains paysages actuels (formations végétales, lacs, etc.) sont des héritages directs de ces épisodes climatiques :

Les différentes glaciations au cours de l'histoire de la Terre

Les glaciations anciennes

La Terre conserve les traces de glaciations anciennes. La glaciation Varanger, il y a 750 millions d'années, par exemple, fut particulièrement importante. La glace semble avoir couvert à cette époque presque toute la planète, jusqu'à l'équateur. Nous connaissons également des traces de glaciations au cours de :

Les cycles glaciaires récents et leurs traces dans les paysages

Les limites des dernières glaciations en Europe Nord centrale (en rouge : le maximum du Weichsel, en jaune de la glaciation du Saale (Drenthe stage); en bleu : la glaciation de Elster.

La fin du Cénozoïque est marquée par le retour de glaciations, dites quaternaires, d'environ 2,6 millions d'années à 12 000 ans avant le présent.

Les glaciations quaternaires[11] correspondent à la mise en place d'un climat qui se refroidit et au retour cyclique de périodes froides (dites Glaciaires) et tempérées (Interglaciaires). Il y a environ 12 000 ans a débuté la période interglaciaire actuelle, l'Holocène.

Le Pléistocène supérieur correspond au dernier cycle interglaciaire/glaciaire (d'environ 130 000 à 12 000 avant le présent) qui se termine par le Tardiglaciaire.

Les glaciations quaternaires ont produit des inlandsis, des calottes glaciaires et le développement de langues glaciaires qui ont couvert et marqué de nombreuses montagnes, y compris en zone intertropicale et des espaces aujourd'hui submergés par la remontée de la mer (plateau continental) qui a suivi la déglaciation.

Les glaces épaisses ont raboté certains reliefs ou entamé le sol d'une manière spécifique. Leur fonte a ensuite libéré une énorme quantité d'eau ; cette double action, associée à des phénomènes de cryoturbation, de solifluxion (gélifluxion) a laissé de nombreuses traces encore visibles dans les régions anciennement englacées.

Certains modelés d'accumulation et d'érosion en sont notamment caractéristiques. Les ôs, drumlins et chenaux proglaciaires marquent ainsi encore de nombreux reliefs glaciaires et périglaciaires des Alpes, des Pyrénées, des Vosges, du Massif central et de l'Alaska, du Spitzberg, de l'Islande, etc.

La dernière glaciation

Étendue des calottes et inlandsis de l'hémisphère Nord lors du Dernier Maximum Glaciaire (le trait de côte ne correspond pas au niveau des mers d'il y a 22-18000 ans, 120 m plus bas en moyenne)

Le dernier épisode glaciaire (environ 120 000 à 10 000 ans) est nommé glaciation de Würm dans les Alpes, Weichsélien en Europe du Nord et Wisconsinien en Amérique du Nord.

Les principaux inlandsis se situaient :

Ces régions en conservent les traces géomorphologiques.

Le Petit Âge Glaciaire

La Tamise gelée en 1677
Fluctuations de l'activité solaire sur un millénaire

Le Petit Âge Glaciaire ne correspond pas à une glaciation à proprement parler mais à une fluctuation climatique froide à l'intérieur de l'Interglaciaire Holocène, d'autant mieux mis en évidence qu'il est récent.

L'hémisphère Nord a connu un net refroidissement, entamé dans la seconde moitié du XIVe siècle — avec un minimum thermique au XVIIe siècle — qui a persisté jusqu'au début du XIXe siècle. Appelée « petite glaciation » ou « Petit Âge Glaciaire », il s'agit d'une période centrée sur le « minimum de Maunder » (1645-1715 proprement dit), qui semble correspondre à une faible activité solaire (ses taches étaient d'ailleurs peu visibles). Elle fut marquée par une série d'hivers particulièrement rigoureux, accompagnés de disettes et de famines[12].

Les conséquences de cet épisode froid ne sont pas négligeables, le climat en Islande et au Groenland était relativement doux pendant les trois cents premières années qui suivirent la colonisation viking. Il s'est ensuite fortement refroidi, y interdisant l'agriculture et y faisant disparaître les forêts.

Le retournement de 1900-1910

Le XIXe siècle aurait vu les températures descendre jusque vers 1900-1910 dans le cadre d'un cycle lent de 5000 ans dû à la mécanique orbitale, pouvant faire craindre un nouvel âge glaciaire, mais la tendance se serait alors inversée[13].

Chronologie des cycles glaciaires

Chronologie relative

La chronologie des cycles glaciaires répond aux règles stratigraphiques et à la définition de stratotypes, utilisables dans la région où ils ont été définis. La chronologie alpine, si elle a le mérite d'être la première établie, est fondée sur les traces morphologiques laissées par les moraines (Cf. travaux au XIXe siècle de Penck & Bruckner[2]). Les glaciations les plus puissantes ou les plus récentes sont mieux enregistrées : la poussée du glacier détruit à chaque cycle les traces les plus anciennes. Ainsi seulement quatre grands cycles avaient initialement été reconnus. Les corrélations entre enregistrements sont parfois délicates.

Chronologie alpine de la fin du Pléistocène
Période glaciaire Âge
(années)
Période interglaciaire
période glaciaire de Günz 600 000  
540 000 période interglaciaire de Günz-Mindel
période glaciaire de Mindel 480 000
430 000 période interglaciaire de Mindel-Riss
période glaciaire de Riss 240 000
180 000 période interglaciaire de Riss-Würm
période glaciaire de Würm 120 000
 10 000  
Périodes plus anciennes du Pléistocène
Nom Type de période Début et fin
en milliers d'années
Pastonien interglaciaire 600 – 800
Pré-pastonien glaciaire 800 – 1300
Bramertonien interglaciaire 1300 – 1550

Chronologie isotopique

La présence de l'isotope 18 de l'oxygène (18O) est moins importante dans les eaux océaniques proches des pôles que dans celles proches de l'équateur. Ceci est dû au fait que cet isotope est plus lourd que l'isotope 16O ; en conséquence, il s'évapore plus difficilement et se condense plutôt facilement, ce qui empêche une migration importante vers les pôles.

Si on analyse un échantillon de glace ancienne, moins il y a d'isotope 18O, plus il faisait froid au moment de la formation de la glace. Au contraire, dans une carotte provenant des tropiques (sédiments issus de foraminifères benthiques), une augmentation de l'isotope 18O signe un refroidissement global (diminution de la température marine et accumulation de glace aux pôles)[14].

Les sédiments des fonds océaniques et les glaces accumulées aux pôles ou au Groenland ont gardé les traces des variations de concentration des isotopes de l'oxygène au cours du temps. Par exemple, la glace formée il y a 10 000 ans permet de connaître la concentration en isotope 18O de l'atmosphère de cette époque. Selon la concentration, on peut donc reconstituer les fluctuations des températures globales au cours du temps sur de longues périodes et définir ainsi les stades isotopiques de l'oxygène.

Corrélations entre chronologies régionales et chronologie isotopique


Index Nom Type de période Date de début
et de fin
(en milliers d'années)
Stade isotopique Époque
Alpine Nord-américaine Nord-européenne Grande-Bretagne
Flandrien interglaciaire auj. – 12 1 Holocène
1re Würm Wisconsinien Weichsélien
ou Vistulien
Devensien période glaciaire 12 – 110 2-4
& 5a-d
Pléistocène
Riss-Würm Sangamonien Eémien Ipswichien interglaciaire 110 – 130 5e
2e Riss Illinoien Saalien Wolstonien ou Gipping période glaciaire 130 – 200 6
Mindel-Riss Yarmouthien Holsteinien Hoxnien interglaciaire 200 – 300/380 7,9,11
3e – 5e Mindel Kansien Elsterien Anglien période glaciaire 300/380 – 455 8,10,12
Günz-Mindel Aftonien Cromerien interglaciaire 455 – 620 12-15
7e Günz Nebraskien Menapien Beestonien période glaciaire 620 – 680 16

Les glaciations dans la culture

Les romans préhistoriques font souvent état des paysages englacés. C'est le cas de la saga des Enfants de la Terre de Jean Auel.

Bernard du Boucheron a proposé dans Court Serpent une fresque des conséquences du Petit Âge Glaciaire pour les dernières populations vikings du sud du Groenland.

La série de films d'animation L'Âge de glace et les jeux vidéo dérivés font directement référence aux conséquences des alternances entre épisodes glaciaires et interglaciaires.

Voir aussi

Articles connexes

Références

  1. Global Biogeochemical Cycles, Vol. 9, 1995, p. 377-389.
  2. a et b (de) Albrecht Friedrich Karl Penck et Eduard Brückner, Die Alpen im Eiszeitalter, Leipzig, Chr. Herm. Tauchnitz,
  3. La Würm est un affluent de l’Ammer connue aussi sous le nom de Amper qui elle est un affluent de l’Isar qui est un affluent du Danube.
  4. Weider, LJ & Hobaek, A (1997) Postglacial dispersal, glacial refugia and clonal structure in Russian/Sibirian populations of the arctic Daphnia pulex complex. Heredity 78.
  5. Hewitt, G (1999) Post-glacial recolonization of European biota. Biol. J. Linn. Soc. 68: 87-112.
  6. Hewitt, GM (1996) Some genetic consequences of ice ages, and their role in divergence and speciation. Biol. J. Linn. Soc. 58: 247-79.
  7. Hewitt, GM (2000) The genetic legacy of the Quaternary ice ages. Nature 405: 907-13.
  8. Hewitt, GM (2004) Genetic consequences of climatic oscillations in the Quaternary. Philosophical Transactions of the Royal Society of London Series BBiological Sciences 359: 183-95
  9. « Détermination de l'altitude de surface d'un glacier de vallée », Les paysages glaciaires.
  10. Jean Riser, Érosion et paysages naturels, p. 43
  11. Les paysages glaciaires
  12. Acot P., Histoire du climat.
  13. (en) Global temperatures hung a U-turn in 1900, reversing a 5,000-year chill-down
  14. Shackleton, N. J. & Hall, M. A. « The late Miocene stable isotope record, Site 926 », Proc. ODP Sci. Res. 154, 367–73 (1997).

Bibliographie

  • Kearney, M. (2005) Hybridization, glaciation and geographical parthenogenesis. Trends Ecol. Evol. 20: 495-502

Liens externes