Espace séparable
En mathématiques, et plus précisément en topologie, un espace séparable est un espace topologique contenant un sous-ensemble dense et au plus dénombrable, c'est-à-dire contenant un ensemble fini ou dénombrable de points dont l'adhérence est égale à l'espace topologique tout entier.
Lien avec les espaces à base dénombrable
- Tout espace à base dénombrable est séparable. La réciproque est fausse, mais :
- tout espace métrisable séparable est à base dénombrable.
Il a donc au plus la puissance du continu. Sont de ce type la plupart des espaces usuels. L'hypothèse de séparabilité se retrouve abondamment dans les résultats d'analyse fonctionnelle. - Tout sous-espace d'un métrisable séparable est encore séparable (l'hypothèse de métrisabilité est indispensable : voir § « Propriétés » ci-dessous).
Cela se déduit de ce qui précède, sachant que tout sous-espace d'un espace à base dénombrable est encore à base dénombrable. Mais il est possible d'en donner une démonstration directe sans utiliser l'équivalence, pour un espace métrisable, entre la séparabilité et l'existence d'une base dénombrable.
Exemples
- L'ensemble ℝ des nombres réels, muni de sa topologie usuelle, est séparable car ℚ y est dense et dénombrable.
- Pour 1 ≤ p < ∞, l'espace Lp(ℝ) des fonctions dont la puissance p est intégrable, est séparable. Par contre, l'espace L∞(ℝ) des fonctions essentiellement bornées ne l'est pas. On a la même dichotomie pour les espaces de suites ℓp et ℓ∞.
- Il existe de « très gros » espaces compacts mais non séquentiellement compacts (donc non séquentiels) et néanmoins séparables ; c'est le cas de βℕ, le compactifié de Stone-Čech de ℕ, qui a même cardinal 2ℭ que l'ensemble des parties de ℝ.
- La droite de Sorgenfrey est séparable et à bases dénombrables de voisinages mais n'est pas à base dénombrable.
Propriétés
- Un espace vectoriel topologique sur ℝ ou ℂ est séparable si et seulement s'il contient une famille dénombrable de vecteurs engendrant un sous-espace dense.
- Tout espace pseudométrique précompact ou de Lindelöf (en particulier tout espace métrique compact) est séparable. En effet, dans les deux cas, pour tout entier n > 0, on peut recouvrir l'espace par des boules ouvertes de rayon 1/n et de centre appartenant à un ensemble Cn au plus dénombrable. La réunion des Cn constitue alors une partie dénombrable dense.
- « Réciproquement », tout espace uniforme métrisable séparable est précompact, comme sous-espace du cube de Hilbert.
- Pour tout espace compact X, l'algèbre C(X) des fonctions continues de X dans ℝ munie de la norme de la convergence uniforme est séparable (ou, ce qui revient au même : à base dénombrable) si et seulement si X est métrisable. (Par exemple : ℓ∞ = C(βℕ) n'est pas séparable.) On en déduit que toute image continue séparée Y d'un espace métrique compact X est métrisable, puisque C(Y) ⊂ C(X).
- Tout espace métrique séparable est isométrique à un sous-espace de C([0, 1])[1].
- Tout produit d'espaces séparables indexé par un ensemble ayant au plus la puissance du continu ℭ est séparable[2]. (L'étape essentielle, pour le démontrer, est de vérifier que ℕℝ est séparable ; on peut pour cela remarquer que les sommes finies d'indicatrices des intervalles d'extrémités rationnelles forment une partie dénombrable dense.) En particulier, ℝℝ et (ℝℝ)ℝ sont séparables. Un produit de plus de ℭ espaces séparés (comportant chacun au moins deux points) n'est jamais séparable[3].
- Dans un espace séparable, tout ouvert est séparable mais pas toute partie en général : dans le plan de Sorgenfrey, l'antidiagonale est un fermé non séparable ; de même le plan de Moore, séparable, contient une droite fermée non séparable. Pire : tout espace topologique est sous-espace d'un séparable de même cardinal[4].
- La séparabilité est évidemment préservée par images continues (contrairement à la propriété d'être à base dénombrable, qui n'est même pas stable par quotients).
- Tout espace séparable possède la « condition de chaîne dénombrable », c'est-à-dire que toute famille d'ouverts non vides disjoints deux à deux est au plus dénombrable[5].
- Un espace métrique E est non séparable si et seulement s'il existe un réel a strictement positif ainsi qu'une famille non dénombrable de boules ouvertes de E, de rayon a, deux à deux disjointes,
Cardinalité
Un espace séparable et séparé a un cardinal inférieur ou égal à 2ℭ, de sorte que ℝ(ℝℝ) n'est pas séparable[6].
Notes et références
- Résultat dû à Banach et Mazur, cf. (en) A. B. Kharazishvili, Applications of Point Set Theory in Real Analysis, Springer, (ISBN 978-0-79234979-2, lire en ligne), p. 31, mais différent du théorème de Banach-Mazur, qui concerne les plongements, analogues mais linéaires, d'espaces de Banach séparables.
- C'est un cas particulier du théorème de Hewitt -Marczewski-Pondiczery : (en) Hewitt-Marczewski-Pondiczery theorem de PlanetMath.
- (en) « Product of Separable Spaces », sur Dan Ma's Topology Blog
- Une construction qui ajoute au plus une infinité dénombrable de points est donnée dans (en) Wacław Sierpiński, General Topology, University of Toronto Press, , p. 49
- (en) « Topological Spaces with Caliber Omega 1 », sur Dan Ma's Topology Blog
- François Guénard et Gilbert Lelièvre, Compléments d'analyse, Volume 1, Topologie, première partie, ENS Fontenay éd., (1985) p.41