David Irving

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David Irving en 2003.

David John Cawdell Irving, né le à Hutton (en) dans l'Essex, est un écrivain britannique, auteur depuis les années 1960 de nombreux livres d'histoire[1], traitant pour la plupart de la Seconde Guerre mondiale. À partir de la fin des années 1980, il adopte un discours négationniste. En 2000, il perd le procès en diffamation par lequel il comptait se défaire des accusations de sympathie pour le nazisme. En 2007, la justice autrichienne le condamne à deux ans de prison ferme pour négation de la Shoah, considérée comme un crime par la loi de ce pays.

Biographie

Après avoir échoué lors de ses études à l'Imperial College London puis avoir tenté d'entrer dans la Royal Air Force, il travaille un temps comme ouvrier dans la sidérurgie en Allemagne et achève finalement une troisième année à l'Université de Londres (il qualifie lui-même par la suite son parcours universitaire d'« échec total » et en attribue la faute à ses enseignants)[2]. Il se fait connaître en 1963 en publiant La Destruction de Dresde, livre consacré au bombardement de la ville de Dresde par l'aviation britannique, où périrent vingt-cinq mille civils allemands[3]. Irving y défend un bilan de 135 000, puis 200 000 victimes, essentiellement sur la base d'un rapport de police fortement suspecté d'être un faux depuis 1955, le TB 47, ce qui fut définitivement prouvé en 1977[4]).

À la suite de ce livre médiatisé, David Irving, autodidacte alors âgé de 24 ans, devient un auteur connu du grand public britannique. Il écrit en 1967 Accident: The Death of General Sikorski, où il développe une thèse selon laquelle la mort dans un crash d'avion du général polonais Władysław Sikorski, chef du gouvernement en exil à Londres, était un attentat fomenté par Churchill, afin de pouvoir « livrer » la Pologne à l'URSS (il réalisera un documentaire sur ce dernier livre en 1999). Toujours en 1967, il publie un ouvrage sur le convoi PQ17, dont il fait porter la responsabilité des pertes au commandant Jack Broome, chef de l'escorte militaire. Broome finit par intenter un procès en diffamation, obtenant la condamnation d'Irving[5].

David Irving devient un auteur à succès, reconnu pour ses talents d'écrivain et d'archiviste. Il est cependant de plus en plus controversé, notamment pour sa tendance à analyser objectivement selon les méthodes du droit anglais le régime nazi en général, de même que ses principaux acteurs (en particulier, Adolf Hitler et Hermann Göring auquel il consacra des biographies), tout en chargeant les Alliés. Son livre La Guerre d'Hitler (Hitler's War), publié en 1977, reçoit des critiques très favorables pour sa maîtrise des sources, notamment de la part de l'historien John Keegan. Mais l'ouvrage est également critiqué pour sa tendance à présenter Adolf Hitler de la manière la plus favorable possible[6] ; le livre est particulièrement controversé pour son affirmation selon laquelle Hitler ignorait tout des camps de concentration[7], dont Irving fait porter la responsabilité à Heinrich Himmler et Reinhard Heydrich. L'historien britannique Donald Watt, tout en contestant les idées de Irving, lui reconnaît le mérite d'avoir contribué à susciter de nouvelles recherches historiques sur le rôle concret de Hitler dans le massacres de juifs européens ; Richard J. Evans est moins convaincu, et considère que, si la connaissance sur le génocide juif a beaucoup progressé depuis la fin des années 1970, les travaux d'Irving n'y ont pas forcément tenu de rôle direct et majeur[8].

Irving a évolué avec les années vers des positions plus radicales et a fréquenté les droites les plus extrêmes tant aux États-Unis qu'en Europe. Dans les années 1980, après avoir été initialement prudent sur la question, il se déclare convaincu de l'impossibilité technique des chambres à gaz par le Rapport Leuchter pour le compte de la défense du négationniste Ernst Zündel, en procès au Canada[9]. À la fin de la décennie, il adopte dans ses conférences un discours négationniste et élimine toute mention relative à un massacre ordonné et systématique des juifs dans les rééditions de La Guerre de Hitler.

À la suite de ces déclarations, David Irving est déclaré persona non grata dans plusieurs pays d'Europe occidentale dont l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche. En novembre 1992, il est interdit de séjour au Canada mais rend quand même visite à un centre néo-nazi à Kitchener avant d'être expulsé vers le Royaume-Uni[10].

Au début des années 1990, la réputation de David Irving devient de plus en plus sulfureuse, et il a des difficultés à trouver des éditeurs. En 1992, l'éditeur Macmillan Publishers annule son contrat pour la publication d'une biographie de Joseph Goebbels (finalement publiée par l'éditeur américain St Martin's Press). En 1994, il est mentionné dans Denying the Holocaust: the growing assault on truth and memory, ouvrage consacré au négationnisme par l'universitaire américaine Deborah Lipstadt. En mars 1996, St. Martin's Press, devant la mauvaise publicité entraînée par la réputation d'Irving, finit par annuler la sortie de la biographie de Goebbels[11]. N'ayant plus d'éditeur, Irving crée dans les années suivantes sa propre structure, Focal Point Publications, qui s'emploie à publier ou à rééditer ses livres.

En 1996, désireux de rebâtir sa réputation d'historien, il porte plainte pour diffamation contre Deborah Lipstadt et l'éditeur britannique de cette dernière, Penguin Books, les accusant d'avoir ruiné sa réputation en le qualifiant de propagandiste négationniste et pro-nazi. Le procès, qui débute en janvier 2000, est particulièrement médiatisé au Royaume-Uni. Irving fait émettre une injonction exigeant le témoignage de John Keegan, qui avait recensé favorablement certains de ses ouvrages : Keegan, à la barre, qualifie cependant de « perverse » la thèse de Irving sur l'ignorance de la Shoah par Hitler[12]. Irving objecte que Hitler ne pouvait connaître la signification de la Shoah puisque ce terme ne fut consacré que des décennies après la fin de la guerre. L'historien Richard J. Evans réalise pour le compte de la défense une étude de l'ensemble de l'œuvre de David Irving, et témoigne ensuite à la barre comme expert, concluant à une volonté délibérée de la part d'Irving de maquiller les sources et les faits[13]. En avril 2000, le jugement déboute finalement David Irving, la cour estimant que les constats de Deborah Lipstadt étaient fondés[14],[15]. Le quotidien The Times consacre sa une au verdict — qualifiant Irving de « raciste ayant déformé la vérité » (« Racist who twisted the truth »)[16] — de même que le International Herald Tribune[17].

Par ce jugement, Irving est reconnu sur le plan judiciaire comme un apologiste de Hitler et du IIIe Reich, un antisémite, un raciste, un falsificateur de l'histoire et un négationniste. Le juge Gray rend son jugement le 11 avril 2000. Il constate :

« [Irving est] un négationniste actif ; c'est un antisémite et un raciste ; il s'associe avec des extrémistes de droite qui font la promotion du néo-nazisme [...]. Le contenu de ses discours et de ses interviews démontrent une tendance clairement pro-nazie et anti-juive.
Il fait sur le régime nazi de surprenantes affirmations, souvent infondées, qui tendent à exonérer les Nazis des atrocités épouvantables qu'ils ont infligées aux Juifs. [...] De mon point de vue, la défense a établi que Irving avait un objectif politique. Un objectif qui, ainsi qu'il est légitime de l'inférer, le dispose, lorsqu'il le trouve nécessaire, à manipuler les données historiques de façon à les rendre conformes à ses croyances historiques. »[18].

Le 11 novembre 2005, David Irving est incarcéré en Autriche pour négationnisme (qui est un crime selon la loi autrichienne). Il s'était rendu dans le pays alors qu'il y était officiellement interdit de séjour et y fut mis en examen pour y avoir nié le génocide des juifs lors d'une conférence en 1990. Lors de l'ouverture de son procès à Vienne, il a surpris l'auditoire en déclarant « Je plaide coupable d'avoir affirmé qu'il n'y avait pas de chambres à gaz à Auschwitz. Cette opinion était fausse », revenant ainsi sur ses postulats négationnistes. À l'issue de sept heures de procès il a été condamné à trois ans de prison, puis a fait appel. Au terme de cet appel, sa peine a été ramenée à un an de prison ferme. Irving a été libéré le 20 décembre 2006 sur ordre d'un juge autrichien qui a tranché sur son appel d'une condamnation à 3 ans de prison. Ayant déjà effectué sa peine en préventive, il a été libéré à l'issue du procès et expulsé du territoire autrichien.

En mai 2007, David Irving tente de vendre ses livres et de donner une conférence à la Foire internationale du livre tenue à Varsovie mais, sa présence ayant été signalée par le musée d'Auschwitz, il est expulsé par les organisateurs de la foire[19].

Publications

  • La Destruction de Dresde (The Destruction of Dresden, 1963) Éditions J'ai lu Leur aventure Nº A146/147
  • The Mare's Nest (1964) - (À bout portant sur Londres, la vérité sur les armes secrètes allemandes, 1967)
  • La destruction des villes allemandes - traduit de l'allemand Und Deutschlands Städte starben nicht (1965)
  • The Virus House (1967)
  • The Destruction of Convoy PQ17 (1967)
  • Breach of Security (1968)
  • La Fin mystérieuse du général Sikorski (Accident — The Death of General Sikorski, 1969)
  • The Rise and Fall of the Luftwaffe (1973)
  • The Night the Dams Burst (1973)
  • La Guerre d'Hitler (Hitler's War, 1977)
  • The Trail of the Fox: The Life of Field-Marshal Erwin Rommel (1977)
  • The War Path (1978)
  • The War Between the Generals (1981)
  • Insurrection ! (Uprising! Hungary 1956, one nation's nightmare, 1981)
  • The Secret Diaries of Hitler’s Doctor (1983)
  • The German Atomic Bomb: The History of Nuclear Research in Nazi Germany (1983)
  • War Between the Generals (1986)
  • Rudolf Hess. Les Années inconnues du dauphin d'Hitler (1941-1945) (Hess, the Missing Years, 1988)
  • Goering, le Maréchal du Reich 1939-1946 (Göring: a biography, 1991)
  • Churchill's War, Volume I: the struggle for power (1991)
  • Goebbels: Mastermind of the Third Reich (1996)
  • Nuremberg, the Last Battle (1996)
  • Churchill's War, Volume II: triumph in adversity (2001)
  • Banged Up: Survival as a Political Prisoner in 21st Century Europe (2008)

Notes et références

  1. La classification de David Irving comme historien fait débat, notamment depuis son procès de 2000. N'ayant pas de titres académiques dans ce domaine, mais auteur de nombreux livres d'histoire, il est couramment désigné comme historien par une partie des médias comme la BBC, ou le International Herald Tribune qui titre, le 12 avril 2000 « Historian Called Pro-Hitler Loses Libel Suit » (un historien qualifié d'être favorable à Hitler perd son procès en diffamation). Lors de son procès, le juge l'a qualifié d'historien militaire, louant ses qualités professionnelles dans ce domaine. D'autres médias britanniques, moins nombreux, ont refusé de le qualifier d'historien. Le Daily Telegraph a ainsi décidé dès 1969 de ne plus le qualifier que d'« écrivain » (author). Pour Richard J. Evans, dans son témoignage d'expert au procès de 2000, « Cela pourrait apparaître comme une absurde controverse sémantique que de nier la qualité d'« historien » à une personne ayant écrit plus de deux douzaines d'ouvrages sur des sujets historiques. Mais si par historien nous voulons dire quelqu'un qui s'emploie à découvrir la vérité sur le passé, et à donner de celui-ci une représentation aussi fidèle que possible, alors Irving n'est pas un historien. »
  2. Atkins 2009, p. 119
  3. Le bilan du bombardement de Dresde a considérablement varié au fil des années et des sources. Le bilan finalement admis (25 000 morts maximum dont 18 000 corps identifiés) a été établi par une commission d'historiens mandatée par la ville de Dresde en 2004-2010. Voir [EPUB] Ian Kershaw, La fin : Allemagne, 1944-1945, City, Éditions du Seuil, (ISBN 978-2-020-80301-4), note 790, emplacement 12131 sur 16493 ; Rolf-Dieter Müller, Nicole Schönherr, Thomas Widera, Die Zerstörung Dresdens 13. bis 15. Februar 1945 – Gutachten und Ergebnisse der Dresdner Historikerkommission zur Ermittlung der Opferzahl, Hannah-Arendt-Institut. Berichte und Studien 58, Göttingen, 2010, (ISBN 978-3899717730), ainsi que, sur le site de la ville de Dresde, Dresdner Historikerkommission veröffentlicht ihren Abschlussbericht.
  4. Richard J. Evans consacre un chapitre détaillé à l'exploitation abusive en toute connaissance de cause de cette source par Irving, « The bombing of Dresden », dans Richard J Evans 2001, p. 149-184.
  5. (en) Ian Loveland, Political libels : a comparative study, Oxford Portland, Or, Hart Pub, , 190 p. (ISBN 978-1-841-13115-3, lire en ligne), p. 90
  6. Robert Jan Pelt, The case for Auschwitz: evidence from the Irving trial, Indiana University Press, 2002, pages 18-19
  7. Irving's war - BBC News, 12 avril 2000
  8. Richard J. Evans, Telling lies about Hitler: the Holocaust, history and the David Irving trial, Verso Books, 2002, pages 251-252
  9. Témoignage dans le documentaire Mr. Death - Grandeur et décadence de Fred A. Leuchter Jr., réalisé par Errol Morris en 1999.
  10. (en) 1992: David Irving Denied Entry Into Canada
  11. Books : revisiting a revisionist, Time magazine, 15 avril 1996
  12. John Keegan, The trial of David Irving -- and my part in his downfall , The Daily Telegraph, 12 avril 2000
  13. Richard J. Evans synthétise ses travaux et son expérience du procès dans le livre (en) Richard J. Evans, Telling lies about Hitler : the Holocaust, history and the David Irving trial, London, Verso, , 326 p. (ISBN 978-1-859-84697-1 et 978-1-859-84417-5, OCLC 49639475)
  14. History wins, Irving loses, Time magazine, 24 avril 2000
  15. D. D. Guttenplan, The Holocaust on Trial (W. W. Norton & Co., New York et Londres, 2001) relate les tenants et aboutissants de ce procès.
  16. Michael Horsnell & Alex O'Connell, « Racist who twisted the truth », The Times, 12 avril 2000
  17. Sarah Lyall, « Historian Called Pro-Hitler Loses Libel Suit », International Herald Tribune, 12 avril 2000
  18. Holocaust Denial on Trial, Trial Judgment: Electronic Edition, by Charles Gray
  19. Pologne: le négationniste David Irving expulsé d'une Foire du livre, AFP, 18 mai 2007

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Stephen E. Atkins, Holocaust Denial As an International Movement, ABC-CLIO, , 320 p. (ISBN 978-0-313-34538-8)
  • (en) D. D. Guttenplan, The Holocaust on trial, New York, Norton, , 1re éd., 328 p. (ISBN 978-0-393-02044-1 et 978-1-862-07397-5)
  • (en) Richard J Evans, Lying about Hitler : history, Holocaust, and the David Irving trial, New York, N.Y, Basic Books, , 318 p. (ISBN 978-0-465-02152-9)

Liens externes

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