« Identité de genre des personnes autistes » : différence entre les versions

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En 1981, A. G. Abelson consacre une étude au développement de l'[[identité de genre]] chez 30 enfants autistes<ref>{{Article|lang=en|prénom1=A. G.|nom1=Abelson|titre=The development of gender identity in the autistic child|périodique=Child: Care, Health and Development|volume=7|numéro=6|date=1981-11|issn=0305-1862|pmid=7326841|doi=10.1111/j.1365-2214.1981.tb00851.x|lire en ligne=https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7326841/|consulté le=2022-09-04|pages=347–356|accès url=payant|format=pdf}}.</ref>, constituant vraisemblablement la plus ancienne étude à ce sujet{{sfn|van Schalkwyk|Klingensmith|Volkmar|2015|p=81}}.
En 1981, A. G. Abelson consacre une étude au développement de l'[[identité de genre]] chez 30 enfants autistes<ref>{{Article|lang=en|prénom1=A. G.|nom1=Abelson|titre=The development of gender identity in the autistic child|périodique=Child: Care, Health and Development|volume=7|numéro=6|date=1981-11|issn=0305-1862|pmid=7326841|doi=10.1111/j.1365-2214.1981.tb00851.x|lire en ligne=https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/7326841/|consulté le=2022-09-04|pages=347–356|accès url=payant|format=pdf}}.</ref>, constituant vraisemblablement la plus ancienne étude à ce sujet{{sfn|van Schalkwyk|Klingensmith|Volkmar|2015|p=81}}.


Cette première publication est suivie de plusieurs [[étude de cas|études de cas]], dont la plus ancienne date vraisemblablement de 1996{{sfn|van Schalkwyk|Klingensmith|Volkmar|2015|p=81}}. Patricia Gail Williams, Anna Mary Allard et Lonnie Sears s'intéressent à deux enfants autistes [[Assignation sexuelle|assignés garçon]] à la naissance, dont les activités relèvent de [[Stéréotype|stéréotypes féminins]] ; les chercheuses suspectent que les particularités de ces enfants soient plus fréquentes que cela n'est reporté parmi d'autres enfants autistes, en raison de la forte [[stigmatisation]] des activités estampillées pour fille, lorsqu'elles sont préférées par des enfants assignés garçons<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Patricia Gail|nom1=Williams|prénom2=Anna Mary|nom2=Allard|prénom3=Lonnie|nom3=Sears|titre=Case study: Cross-gender preoccupations in two male children with autism|périodique=[[Journal of Autism and Developmental Disorders]]|volume=26|numéro=6|date=1996-12-01|issn=1573-3432|doi=10.1007/BF02172352|lire en ligne=https://doi.org/10.1007/BF02172352|consulté le=2022-09-04|pages=635–642|accès url=payant|format=pdf}}.</ref>. En 1997, une nouvelle étude de cas, cette fois consacrée à une fille assignée, autiste, qui ne correspond pas à l'identité de genre féminine, postule l'existence d'un lien entre les troubles des [[Relation humaine|relations sociales]] dans l'autisme et l'identité de genre<ref>{{article|lang=en|nom1=Landén|prénom1=M.|nom2=Rasmussen|prénom2=P.|titre=Gender identity disorder in a girl with autism - a case report|périodique=Eur. Child Adolesc. Psychiatry|oclc=1189943696|année=1997|volume=6|numéro=3|lire en ligne=http://worldcat.org/oclc/1189943696|consulté le=2022-09-04|pages=17-173}}.</ref>. En 2002, N. M. Mukkades identifie pour la première fois clairement les caractéristiques d'une identité et d'un comportement transgenre chez deux garçons assignés et diagnostiqués comme autistes, âgés respectivement de 7 et 10 ans<ref>{{Article|lang=en|prénom1=N. M.|nom1=Mukaddes|titre=Gender identity problems in autistic children|périodique=Child: Care, Health and Development|volume=28|numéro=6|date=2002-11|issn=0305-1862|pmid=12568483|doi=10.1046/j.1365-2214.2002.00301.x|lire en ligne=https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12568483/|consulté le=2022-09-04|pages=529–532|accès url=payant|format=pdf}}.</ref>{{,}}{{sfn|van Schalkwyk|Klingensmith|Volkmar|2015|p=81}}. Il faut attendre 2005 pour qu'une étude établisse clairement un lien entre le diagnostic de [[dysphorie de genre]] et le [[diagnostic du syndrome d'Asperger]] (SA), chez un homme assigné adulte avec des {{citation|préoccupations obsessionnelles concernant le rôle du genre et l'apparence physique du sexe opposé}}, postulant que la dysphorie de genre soit une conséquence du SA, sur la base de la [[Théorie empathisation-systémisation|théorie du cerveau hypermasculin]]{{sfn|van Schalkwyk|Klingensmith|Volkmar|2015|p=81}}{{,}}<ref>{{Article|lang=en|prénom1=Gerard|nom1=Gallucci|prénom2=Florence|nom2=Hackerman|prénom3=Chester W.|nom3=Schmidt|titre=Gender Identity Disorder in an Adult Male with Asperger’s Syndrome|périodique=Sexuality and Disability|volume=23|numéro=1|date=2005-03|issn=0146-1044|issn2=1573-6717|doi=10.1007/s11195-004-2078-4|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1007/s11195-004-2078-4|consulté le=2022-09-04|pages=35–40|accès url=payant|format=pdf}}.</ref>.
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Parallèlement, en France, l'influence de la [[Psychanalyse en France|psychanalyse]] sur l'approche des questions relatives à l'autisme et à la diversité de genre entraîne une longue assimilation de ces deux conditions à des [[Trouble psychique|maladies mentales]]{{sfn|Espineira|Thomas|2022|p=104}}. D'après la sociologue [[Karine Espineira]] et [[Maud-Yeuse Thomas]], c'est le psychologue clinicien et activiste Tom Reucher, cofondateur de l’[[Association du syndrome de Benjamin]], qui se spécialise le premier dans les suivis de personnes présentant une co-occurrence de transidentité et de TSA, en restant longuement isolé dans cette démarche {{citation|disqualifiée tant dans la communauté trans que dans des discours et pratiques [[Capacitisme|validistes]] proches de la psychanalyse}}{{sfn|Espineira|Thomas|2022|p=104-105}}.
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Version du 23 octobre 2022 à 16:20

Drapeau combinant les symboles de la transidentité et de la neurodiversité.

L'identité de genre des personnes autistes est plus souvent caractérisée par des fluidités de genre et des transidentités que parmi la population générale.

Les données disponibles se sont d'abord limitées à quelques études de cas. Depuis la fin des années 2010, les publications scientifiques dégagent un consensus autour d'un taux plus élevé d'identifications hors du cisgenrisme, grâce à des études de cohortes, menées avec des groupes de contrôle. Les taux mesurés sont variables selon ces études, allant jusqu'à 37 fois plus de personnes autistes qu'attendu parmi les personnes diagnostiquées avec une dysphorie de genre ; les taux déterminés à partir d'études menées sur des groupes plus vastes sont de 4 à 5 fois plus d'identités de genre autres que cisgenre parmi les personnes autistes. Des particularités associées à la féminité traditionnelle ont été mises en évidence chez les hommes autistes, tandis qu'à l'inverse des particularités associées à la masculinité traditionnelle sont présentes chez les femmes autistes, ce qui rapproche les identités de genre des personnes autistes de l'androgynie.

Plusieurs explications sont proposées à ce taux élevé d'identités de genre hors norme corrélé à l'autisme, sans qu'aucune ne se soit imposée par rapport à une autre. La théorie du cerveau hypermasculin, initialement évoquée au début des années 2010, n'a pas été démontrée. D'autres théories postulent un lien avec les compétences sociales, avec l'asexualité, avec la schizophrénie, avec la notion d'âge mental, ou encore les compétences en communication.

La question de l'accès des personnes autistes à une chirurgie de réattribution sexuelle est controversée. Les personnes autistes transgenres, à l'intersection de deux conditions qui sont facteurs de rejet social, expérimentent un taux élevé de discriminations.

Contexte

Un graphique illustrant le spectre de l'identité de genre : homme en haut à gauche, femme en bas à droite ; agenre en bas à gauche, genderqueer en haut à droite.

Les différences liées au sexe dans l'autisme constituent un sujet souvent étudié, au regard des différences de taux de diagnostics féminins et masculins, sur la base du sexe biologiquement déterminé ou assigné ; cependant, il existe aussi dans le domaine de l'autisme des variances de genre et des transidentités, étudiées cette fois sous l'angle des études de genre[1],[2]. Pour Lai et ses collègues, ces deux sujets se recoupent en grande partie[1], mais pour van Schalkwyk et ses collègues, ainsi que selon d'autres auteurs de publications scientifiques, l'identité de genre des personnes autistes peut être analysée indépendamment de leur sexe déterminé ou assigné à la naissance[3],[2],[4]. En 2014, Bejerot et Eriksson concluent que « les résultats actuels suggèrent un rôle de genre indépendant du sexe dans les TSA - un rôle de genre défiant le genre »[5].

Une difficulté découle de l'évolution des critères d'identification et de diagnostic de la transidentité : le diagnostic de la dysphorie de genre n'existe que depuis le DSM-5 (2013), et doit être associé à une souffrance liée au genre correspondant à l'assignation sexuelle[6]. De fait, les personnes qui n'en souffrent pas mais s'identifient néanmoins à un autre genre ne sont pas incluses[6]. Toutes les personnes transgenres et diversifiées sur le plan du genre ne sont pas diagnostiquées avec une dysphorie de genre[2]. L'expression « diversité de genre » correspond à une construction identitaire différente de celle du sexe déterminé ou assigné à la naissance après l'examen des organes génitaux : elle inclut la transidentité ainsi qu'un spectre d'identités de genre non binaires, la fluidité de genre, l'agenrisme, etc[2].

Une autre difficulté propre à ce genre d'étude est que le trouble du spectre de l'autisme et la dysphorie de genre sont deux diagnostics relativement rares ; l'intersection entre les deux est par conséquent difficile à étudier en raison du faible nombre de personnes concernées[7]. Entre 1 et 2 % de la population mondiale correspond aux critères de l'autisme, les taux d'identités de genre autres que cisgenre étant de 0,4 à 1,3 % de la population générale, en fonction de la définition adoptée[2]. Il est possible de présenter des traits autistiques sans pour autant atteindre le seuil diagnostique du TSA[8].

Par ailleurs, la prééminence de la théorie du cerveau hypermasculin dans de nombreuses études relatives à l'autisme a conduit à binariser la participation entre hommes et femmes, excluant de fait les personnes non binaires de la plupart de ces études[9],[10]. Un nombre important de neuropsychiatres ont soutenu jusqu'à une époque récente que le syndrome d'Asperger était « masculin », excluant les femmes trans de leur champ d'étude[10].

Maude Laflamme et Line Chamberland soulignent que les études existantes à propos de la transidentité et de l'autisme ne précisent généralement pas le savoir situé, ce qui permet d'assumer que les personnes concernées ont « peu ou pas eu l’opportunité de contribuer au processus de production de la connaissance à leur sujet, de sorte que cette dernière risque de s’avérer marquée d’un biais neurotypique et hétérocisnormatif »[11]. L'autisme, qui appartient au champ du handicap, reste souvent présenté comme étant une maladie, notamment en raison de son épidémiologie, de même que le fut la notion désormais désuète de « transsexualisme » ; cela influe sur la manière dont l'autisme et l'identité de genre sont perçus par autrui, notamment à travers une pathologisation des personnes concernées[12],[13]. Une partie importante des personnes autistes et des personnes trans reconnaissent l'autisme et la transidentité comme des variations naturellement présentes parmi l'espèce humaine, et non comme des pathologies[14].

Les personnes autistes pourraient traverser une phase de questionnement liée au genre, particulièrement à l'adolescence, différente de celle des personnes neurotypiques[6]. Certains praticiens recommandent de porter une attention particulière aux jeunes qui souffrent de dysphorie de genre et ont un trouble du neurodéveloppement[15].

Histoire

Simon Baron-Cohen, théoricien du « cerveau hypermasculin ».

En 1981, A. G. Abelson consacre une étude au développement de l'identité de genre chez 30 enfants autistes[16], constituant vraisemblablement la plus ancienne étude à ce sujet[3].

Cette première publication est suivie de plusieurs études de cas, dont la plus ancienne date vraisemblablement de 1996[3]. Patricia Gail Williams, Anna Mary Allard et Lonnie Sears s'intéressent à deux enfants autistes assignés garçon à la naissance, dont les activités relèvent de stéréotypes féminins ; les chercheuses suspectent que les particularités de ces enfants soient plus fréquentes que cela n'est reporté parmi d'autres enfants autistes, en raison de la forte stigmatisation des activités estampillées pour fille, lorsqu'elles sont préférées par des enfants assignés garçons[17]. En 1997, une nouvelle étude de cas, cette fois consacrée à une fille assignée, autiste, qui ne correspond pas à l'identité de genre féminine, postule l'existence d'un lien entre les troubles des relations sociales dans l'autisme et l'identité de genre[18]. En 2002, N. M. Mukkades identifie pour la première fois clairement les caractéristiques d'une identité et d'un comportement transgenre chez deux garçons assignés et diagnostiqués comme autistes, âgés respectivement de 7 et 10 ans[19],[3]. Il faut attendre 2005 pour que deux études établissent clairement un lien entre le diagnostic de dysphorie de genre et le diagnostic du syndrome d'Asperger (SA), d'une part chez un homme assigné adulte avec des « préoccupations obsessionnelles concernant le rôle du genre et l'apparence physique du sexe opposé »[3],[20], d'autre part chez une femme assignée de 35 ans, qui accède à une chirurgie de réattribution sexuelle[21]. Les chercheurs postulent alors que la dysphorie de genre puisse être une conséquence du SA, sur la base de la théorie du cerveau hypermasculin[3].

Parallèlement, en France, l'influence de la psychanalyse sur l'approche des questions relatives à l'autisme et à la diversité de genre entraîne une longue assimilation de ces deux conditions à des maladies mentales[22]. D'après la sociologue Karine Espineira et Maud-Yeuse Thomas, c'est le psychologue clinicien et activiste Tom Reucher, cofondateur de l’Association du syndrome de Benjamin, qui se spécialise le premier dans les suivis de personnes présentant une co-occurrence de transidentité et de TSA, en restant longuement isolé dans cette démarche « disqualifiée tant dans la communauté trans que dans des discours et pratiques validistes proches de la psychanalyse »[13].

En 2010, Annelou L. C. de Vries et ses collègues publient une étude suggérant un lien entre l'autisme et la variance de genre[23]. En 2013, Melissa Kirkovski et ses collègues appellent à la publication de davantage d'études consacrées au genre féminin dans l'autisme, soulignant les biais de la littérature scientifique existante, souvent focalisée sur les garçons[24]. En 2015, Gerrit I. van Schalkwyk, Katherine Klingensmith et Fred R. Volkmar consacrent une recension spécifiquement à la question de l'identité de genre des personnes autistes, en soulignant des pistes pour la recherche future[25].

La dysphorie de genre chez les personnes autistes devient un sujet de plus en plus fréquemment traité dans la littérature scientifique à la fin des années 2010[26]. En 2020 est publiée la plus vaste étude en la matière, confirmant l'existence d'un large recoupement entre l'autisme et une identité de genre autre que cisgenre : elle inclut 641 860 personnes, principalement adultes, dont 30 892 sont autistes et 3 777 autres que cisgenres[P 1]. Depuis (en 2022), l'existence d'une co-occurence entre autisme et variance de genre fait consensus, tant parmi la communauté scientifique que parmi la communauté trans[27],[28].

Statistiques et constats

Lydia Brown, militant autiste et non-binaire, en 2017

D'après une recension de la littérature scientifique publiée en 2020, l'essentiel des publications consacrées à l'autisme et à la variance de genre sont anglophones, rédigées par des scientifiques originaires du Canada, des États-Unis, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et d’Australie[29]. Elles étudient le plus souvent des enfants et adolescents[30].

En 2014, Bejerot et Eriksson mettent en évidence des caractéristiques sociales masculines chez les femmes autistes, tandis que les hommes autistes présentent plusieurs caractéristiques féminines[31]. Ce constat les mène à s'intéresser au rôle de genre, à l'identité de genre, à la typicité de genre, au comportement androgyne dans l'enfance, et à la sexualité des personnes autistes[32]. Il existe aussi une corrélation entre sexualités hors-norme (autre qu'hétérosexuelle) et autisme[33].

La mesure via l'échelle d'empathie et de systémisation montre que, même chez les personnes trans ou à diversité de genre qui n'ont pas de diagnostic officiel d'autisme, les traits liés à l'autisme sont davantage présents que parmi la population générale : les scores sont plus élevés aux mesures d'auto-évaluation des traits autistiques, de la sensibilité sensorielle et de la systématisation, et les scores plus faibles sur l'auto-évaluation des traits d'empathie, par rapport aux personnes cisgenres[34]. Par ailleurs, la fréquence de la dépression, du trouble bipolaire, des troubles des apprentissages, du trouble obsessionnel compulsif et du trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité est un peu plus élevée parmi les personnes trans, mais la co-occurence de l'autisme et des identités de genre autres que cisgenre reste plus élevée que les autres associations[35]. Les deux groupes (personnes autistes et trans) sont également plus susceptibles que d'autres de s'automutiler, et d'expérimenter des idées et des comportements suicidaires[36]. Une limite de ce type d'étude statistique réside dans le fait que les personnes ayant de graves problèmes ou déficits sont moins susceptibles d'y participer[37].

Taux de variances de genre corrélés à l'autisme

En 2010, Annelou L. C. de Vries et ses collègues concluent que 7,8 % des patients reçus pour une dysphorie de genre dans leur clinique d'Amsterdam, entre avril 2004 et octobre 2007, sont sur le spectre de l'autisme, ce qui est beaucoup plus élevé que l'estimation de 1 % des personnes ayant un TSA parmi la population générale[38]. Le taux de personnes autistes parmi les personnes diagnostiquées avec une dysphorie de genre est donc 37 fois plus élevé qu'attendu par comparaison à la population générale[7]. Cependant, cette étude réalisée sur un échantillon de quelques centaines de personnes peut mésestimer les tailles d'effet[2].

En 2014 et 2016, les études de l'équipe de John F. Strang[39] et de l'équipe d'Aron Janssen[40] déterminent respectivement que 5,4 %[39] et 4 %[40] des enfants et adolescents autistes peuvent potentiellement être transgenre ou concernés par d'autres diversités de genre, contre 0,7 % des enfants non autistes[2]. D'après l'étude de Strang, les participants autistes sont 7,59 fois plus susceptibles d'exprimer une variance de genre[39].

En 2019, une étude de cohorte menée sur près de 48 762 enfants autistes conclut à une probabilité plus que quadruplée de diagnostics cliniques de dysphorie de genre chez ces enfants, par comparaison aux enfants non autistes du groupe de contrôle (0,07 % contre 0,01 %)[41]. D'après les chiffres du rapport du Conseil de la santé et du bien-être en Suède, cités par le Guardian en février 2020, 15,2 % des jeunes de 13 à 17 ans diagnostiqués avec une dysphorie de genre et enregistrés à la naissance en tant que femmes ont également un diagnostic d'autisme[P 2].

En 2020, une vaste étude de cohorte menée par Varun Warrier et sept autres chercheurs, dont Simon Baron-Cohen, confirme que, par rapport aux personnes cisgenres, les personnes transgenres et issues de la diversité des genres présentent, en moyenne, des taux plus élevés de diagnostics d'autisme et de traits associés à l'autisme[42].

Répartition entre les genres

Il n'existe aucun consensus scientifique pour ce qui concerne une plus forte fréquence de la variance de genre chez les hommes assignés ou bien chez les femmes assignées[43]. Deux des études recensées en 2020 concluent à une surreprésentation des personnes assignées femmes à la naissance, tandis que trois autres n'ont pas confirmé cette éventuelle corrélation[30].

L'étude de Susanne Bejerot et Jonna M. Eriksson, publiée en 2014, conclut que deux tiers des femmes autistes interrogées ont déclaré avoir été des « garçons manqués » durant leur enfance, contre un tiers des femmes témoins ; au contraire, les hommes autistes ne diffèrent pas des témoins masculins en ce qui concerne l'identité ou le comportement de genre durant l'enfance[5]. Dans sa thèse, Hillary Hurst Bush a conclu que les personnes autistes assignées femmes à la naissance sont moins susceptibles de s'identifier aux rôles de genre féminins[44].

D'après l'étude de Strang, au contraire, la variance est constatée de manière égale chez les garçons et chez les filles[39]. L'étude de Varrier conclut que de plus hautes fréquences de traits d'autismes existent à la fois chez les femmes non cisgenres par rapport aux femmes cisgenres, et chez les hommes non cisgenres par rapport aux hommes cisgenres[45].

Mécanisme

Les caractéristiques sociales de la masculinité (virilité, pratique sportive, force physique, etc) sont moins présentes parmi les hommes autistes.

L'existence d'un lien entre autisme et variance de genre questionne les mécanismes sous-jacents dans l'autisme[7]. Il n'existe cependant pas d'explication consensuelle à ce lien, les diverses études ayant confirmé la corrélation, mais sans mettre en évidence une causalité plutôt qu'une autre[A 1],[27].

Les résultats de l'étude de Susanne Bejerot et Jonna M. Eriksson, publiée en 2014, concluent à « une démasculinisation du rôle de genre indépendamment du sexe »[46]. Les femmes autistes ont des caractéristiques liées au rôle de genre masculin et ne correspondent pas particulièrement aux stéréotypes féminins, tandis que les hommes autistes ont des caractéristiques liées aux rôles de genre féminin, ce qui rend les personnes autistes des deux sexes plutôt androgynes[46]. Ils suggèrent de rechercher un lien entre l'asexualité, la dysphorie de genre, l'identité de genre et les TSA, afin de déterminer s'ils « partagent une pathophysiologie similaire »[46]. Certains résultats précoces cités par Gerrit I. van Schalkwyk, Katherine Klingensmith et Fred R. Volkmar soulignent que le développement de l'identité de genre est corrélé aux compétences sociales, aux compétences en communication et à l'âge mental[47]. Dans ses pistes de recherche en 2014, le professeur de psychiatrie Ravi Philip Rajkumar conseille d'explorer l'existence de mécanismes communs à la schizophrénie, l'autisme et la dysphorie de genre[48].

La recension de Laflamme et Chamberland relève trois grands types d'explications avancés par les chercheurs : l'explication sociobiologique (dont fait partie la théorie empathisation-systématisation), l'explication psychologique, et l'explication psychosociologique[27].

Théorie sociobiologique

La théorie du cerveau hypermasculin, basée sur la théorie empathisation-systémisation, postule qu'une variation des androgènes est à l'origine tant de l'autisme que de la variance de genre[49]. Simon Baron-Cohen a postulé en 2002 qu'un taux de testostérone anormalement élevé in utero soit à l'origine des caractéristiques de l'autisme[49].

Cette théorie a été suggérée au début des années 2010 pour expliquer également les variances de genre chez les personnes autistes[7],[49], mais les études de réplication n'ont pas permises de la confirmer[50]. Si une plus forte fréquence d'hommes trans et de femmes autistes non-binaires pourrait effectivement être expliquée par cette théorie, pour la rendre valide, il serait également attendu que les hommes assignés et diagnostiqués comme autistes soient moins souvent diagnostiqués avec une dysphorie de genre, ce qui n'est pas démontré[7],[49]. Cette théorie fait l'objet de « vives critiques », tant de chercheurs que de la communauté trans, en raison de ses lacunes, de son aspect hétéronormatif et des stéréotypes de genre qu'elle sous-tend[51]. Elle n'est, de plus, pas vérifiable empiriquement[52]. Les mécanismes prénataux liés aux hormones stéroïdiennes sexuelles restent à explorer, afin de savoir s'ils contribuent à l'identité de genre[36].

Théorie psychologique

La théorie psychologique postule que le mode de pensée « rigide » des personnes autistes soit à l'origine de leurs transidentités et variances de genre[53]. Van Schalkwyk et ses collègues estiment possible que les personnes autistes suivent une trajectoire différente de celle des individus qui ne sont pas autistes en raison d'une interaction sociale réduite et du faible nombre d'occasions d'explorer leur identité sexuelle[47]. La conception de l'identité de genre serait alors « binaire et stéréotypée », de sorte que « le moindre signe de leur propre déviation de ce qu’elles considèrent être la norme engendrerait chez elles des sentiments de confusion et de malaise pouvant être surinterprétés en tant que signes de dysphorie de genre »[53].

De Vries et ses collègues, en 2010, ont remis cette théorie en cause sur la base de leur expérience clinique, concluant que la plupart des jeunes autistes qui se rendent dans leur clinique spécialisée dans l'identité de genre « présentent une transidentité stable et s’avèrent ainsi médicalement admissibles à la réalisation d’un processus de transition »[53].

Théorie psychosociologique

La théorie psychosociologique postule que la moindre sensibilité des personnes autistes aux normes sociales et aux attentes de la société puisse faciliter une identification hors du cisgenrisme[A 1],[54]. Ainsi, au contraire des personnes non-autistes, les personnes autistes seraient moins susceptibles de réprimer leur transidentité en raison de la stigmatisation sociale qui y est associée[54].

Les personnes qui ont ouvertement exprimé une non-conformité de genre pourraient aussi être plus susceptibles d'exprimer d'autres divergences, dont l'autisme, en raison d'expériences et de sentiments réguliers de « non-intégration sociale »[36]. Laflamme et Chamberland soulignent que cette théorie s'éloigne du modèle médical de l'autisme, et correspond davantage au paradigme de la neurodiversité[54].

Conséquences sociales de l'intersection

Plusieurs auteurs soulignent rappellent que les personnes autistes et les personnes transgenres (ou à diversité de genre) appartiennent à des groupes marginalisés, leur soutien et leur compréhension étant le plus souvent inadéquats[36],[55],[56]. Ces personnes se trouvent en effet à l'intersection des discriminations capacitistes et hétérosexistes[56],[55].

Effectuer un coming out relatif à « deux handicaps » entraîne « le risque d’une mise en situation d’hyper-minorité et de disqualifications diverses »[10]. Cela limite le droit qu'on les personnes autistes et trans à « vivre et assumer pleinement leur identité », voire le leur refuse, par exemple en restreignant leur accès à des opportunités économiques[56]. Espineira et Thomas soulignent aussi qu'en France, « si le regard change, il est passé de l’accusation des parents vers l’autiste lui-même »[28].

Harcèlement

Les personnes autistes et trans subissent souvent du harcèlement[56],[55]. Sur la base de 24 entretiens avec des adultes autistes américains, Jessica Penwell conclut que ce harcèlement se fonde sur des stéréotypes hétérosexistes et capacitistes pour « effrayer, avilir ou humilier », et que les structures d'application de la loi aux États-Unis limitent les possibilités de réparation aux victimes[55]. Laflamme et Chamberland notent que c'est « la déviation perçue de la norme, plutôt que l'autisme, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre en soi, qui s'avère la cible du harcèlement subi »[56].

Santé mentale

La première étude relative à la santé mentale des personnes autistes et non-cisgenre est publiée en 2018, et conclut qu'« étant donné les styles cognitifs et comportementaux caractéristiques des TSA, il est probable que les stress subis par les minorités sexuelles et de genre qui se trouvent sur le spectre sont perçus différemment des groupes de minorités sexuelles et de genre neurotypiques »[57]. Elle détermine aussi que l'appartenance à un groupe minoritaire entraîne une aggravation des symptômes de santé mentale, suggérant l'ajout de facteurs de stress ; les auteurs recommandent leur accès à des soins spécialisés[58].

Les personnes transgenres présentent vraisemblablement des vulnérabilités élevées à de multiples problèmes psychiatriques en raison de la récurrence des discriminations et du harcèlement durant leurs expériences de vie, ce qui expliquerait leurs taux élevés de diagnostics en santé mentale[36].

Refus de diagnostics

Une série d'entretiens menés par John F. Strang et ses collègues auprès de 22 adolescents autistes à l'identité de genre diversifiée (non cis), en 2018, conclut qu'un tiers d'entre eux ont vu cette identité de genre remise en question, uniquement parce qu'ils sont autistes[59]. Durant les 22 mois qu'ont duré cette étude, l'affirmation de genre s'est accrue chez six participants, tandis que la dysphorie de genre s'est atténuée chez quatre d'entre eux[59].

D'après les témoignages de personnes concernées qui ont été collectés en France en 2022, il existe dans ce pays une tendance de certains cliniciens à exclure la possibilité d'un diagnostic d'autisme si la personne est diagnostiquée avec une dysphorie de genre, et inversement[60]. Jusqu’en 2018, la SoFECT a refusé de prendre en charge des personnes qui consultent pour une transidentité et ont au préalable reçu un diagnostic d'autisme[10].

Prises de position

À l'échelle mondiale, le constat de corrélation entre autisme et diversité de genre a suscité diverses prises de positions de la part de professionnels de la santé, de personnes concernées, ou encore de personnalités médiatiques.

Au Canada

Alexander Moreno et son équipe (université du Québec à Montréal) recommandent, dans un article publié en 2017 et destiné aux professionnels de santé qui accueillent des personnes autistes et/ou LGBTQ+, de ne pas les infantiliser, d'utiliser un langage inclusif et non hétéronormatif lors de leurs interactions, et de toujours tenir compte de l'identité de genre comme d'une caractéristique centrale de chaque personne reçue pour des soins[61].

Aux États-Unis

Schalkwyk et ses collègues, dont Fred R. Volkmar, déclarent dans leur publication scientifique en 2015 que les personnes autistes ont les mêmes droits que quiconque pour accéder aux thérapies relatives à l'identité de genre, et que le rôle des cliniciens devrait être de permettre aux personnes autistes en questionnement d'accéder à des informations concernant leur identité sexuelle, ainsi qu'à une éducation sexuelle[47]. Pour eux, conceptualiser la question de l'identité de genre en termes de comorbidité est moins pertinent que de comprendre le genre en termes de développement de l'identité sexuelle de manière longitudinale, afin de mieux guider et conseiller[47].

En Australie

Le psychologue australien Tony Attwood, dans une interview accordée à The Australian le , s'inquiète de la « surreprésentation » d'adolescents (et surtout d'adolescentes) autistes dans les cliniques australiennes dédiées au suivi des personnes trans, déclare que « la transition ne permet pas de résoudre leurs problèmes liés à l'autisme », que la perception de soi par ces adolescents est fragmentée, et que les adolescents autistes qui transitionnent pourraient expérimenter par la suite une dépression en constatant que leurs problèmes ne sont pas résolus[P 3],[A 2]. Deux associations australiennes de personnes autistes prennent position contre les propos de Tony Attwood, critiquant notamment son interprétation des corrélations observées et de leurs possibles causes sous-jacentes, et lui reprochant d'instrumentaliser des personnes mineures pour défendre une idéologie[A 3],[A 4].

Au Royaume-Uni

L'association britannique National Autistic Society (NAS) reconnaît l'existence des personnes autistes trans et non binaires, ainsi que « des preuves montrant un lien entre la dysphorie de genre et l'autisme »[A 5].

Le psychiatre suédois Christopher Gillberg déclare dans un avis d'expert à la High Court, repris partiellement par la presse début 2020, que « des adolescents autistes consultent des sites web transgenres qui leur suggèrent que leurs problèmes peuvent être résolus s'ils changent de sexe », et que « les enfants autistes sont particulièrement vulnérables à l'idée qu'ils ont trouvé une réponse unique à leurs problèmes »[P 4].

Pendant le mois des fiertés LGBTQ de 2020, l'autrice britannique J. K. Rowling, dont certaines prises de positions sont estimées transphobes par plusieurs mouvements militants[P 5], a exprimé sa préoccupation face au nombre élevé de femmes assignées ayant un diagnostic d'autisme, qui consultent des centres spécialisés pour accéder à une chirurgie de réattribution sexuelle de femme vers homme ; ces déclarations entraînent également des réponses de la part de personnes concernées[P 6],[P 7].

Une controverse est liée à la fermeture de la clinique de Tavistock prévue pour 2023, en Angleterre ; l'absence de prise en compte du diagnostic d'autisme des mineurs pris en charge par cet établissement est souligné comme problématique dans le rapport du National Health Service, qui recommande une approche plus complémentaire[P 8],[P 9].

En France

En France, le planning familial a publié en avril 2019 un guide d'accompagnement des personnes autistes et trans, dans le cadre de son programme « Handicap & Alors »[A 6],[A 7]. Il recommande à ce titre « de respecter l'identité de la personne, et de la laisser l'explorer, librement et à son rythme en l'armant contre toutes les discriminations »[A 7].

Des cas anecdotiques de détransition de femmes autistes sont répertoriés par le Detransition Advocacy Network, et cités comme un « tabou » par la journaliste Pauline Arrighi dans l’hebdomadaire Marianne en 2021[P 10].

Cette même année, le pédopsychiatre Jean Chambry explique dans un droit de réponse à un article évoquant une « épidémie de transidentité » que ce n'est pas ce qu'il constate chez les enfants et adolescents autistes, et que ces personnes ont « généralement des sensibilités particulières, une façon de penser le monde qui est décalée par rapport à quelqu'un qui n'a pas de fonctionnement autistique. Ce sont des gens qui se posent davantage de questions identitaires »[P 11].

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Annexes

Articles connexes

Lien externe

Bibliographie

Témoignages

Publications universitaires