Utilisateur:Cantons-de-l'Est/Test/6

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.



Graffiti de Goulston Street[modifier | modifier le code]

Texte écrit sur une feuille
Fac-similé du graffiti de Goulston Street selon un rapport du Metropolitan Police Service (document reçu le par le Home Office).

Le graffiti de Goulston Street est un élément d'enquête de l'affaire des meurtres de Whitechapel survenus à Londres. Découverte en 1888, l'inscription se trouvait sur un mur près d'un fragment de tissu ayant appartenu à l'une des victimes présumées de Jack l'Éventreur. Le graffiti, interprété comme une accusation contre les juifs, aurait pu provoquer une émeute dans le quartier. Le chef du Metropolitan Police Service, Charles Warren, préféra qu'il fût effacé au plus tôt même s'il pouvait s'agir d'un indice concernant le meurtre. Depuis, aucun consensus ne s'est dégagé ni sur le lien présumé du graffiti avec le meurtre ni sur l'interprétation de son contenu, et il continue à alimenter les controverses.

Découverte[modifier | modifier le code]

Charles Warren examine le graffiti. Dessin publié dans The Illustrated Police News, .

Les événements rapportés se situent dans le contexte des meurtres de Whitechapel, une série d'assassinats commis du au dans le district de Whitechapel de Londres. Onze femmes en furent victimes[1],[2],[3]. Cinq de ces meurtres sont le plus souvent attribués à Jack l'Éventreur, soit ceux de Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride, Catherine Eddowes et Mary Jane Kelly[4].

Le Metropolitan Police Service (MPS) découvrit la victime Catherine Eddowes dans la nuit du sur Goulston Street, dans Whitechapel. Les agents scrutèrent aussitôt les alentours à la recherche de suspects, témoins et indices. Vers h, le policier Alfred Long, du MPS, découvrit un fragment de tissu ensanglanté dans un passage reliant le 108 au 109 de Goulston Street, à environ 500 m de la scène du crime[5]. Plus tard dans la nuit, il fut établi que le bout de tissu provenait du tablier de la victime Catherine Eddowes. À proximité du fragment de tissu, sur le mur, il y avait un message écrit à la craie blanche[6],[7].

Écriture en lettres manuscrites.
Reproduction du texte écrit par le policier Alfred Long : « The Juwes are the men That Will not be Blamed for nothing ».

Alfred Long déclara avoir lu : « The Juwes  [sic] are the men That Will not be Blamed for nothing »[8],[9] (« Les juifs sont des hommes qui ne seront pas accusés pour rien »). Le superviseur du MPS Thomas Arnold corrobora cette version dans un rapport écrit[10]. Pour sa part, le détective Daniel Halse de la City of London Police déclara avoir lu : « The Juwes  [sic] are not the men who will be blamed for nothing »[11] (« Les juifs ne sont pas des hommes qui seront accusés pour rien »). Finalement, le topographe de la Cité de Londres, Frederick William Foster, nota plutôt : « The Juws  [sic] are not the men To be blamed for nothing »[12] (« Les juifs ne sont pas des hommes à accuser pour rien »). Dans un court rapport, le chef-inspecteur Swanson rapporta avoir lu « The Jewes  [sic] are not the men to be blamed for nothing » (reprenant ainsi la phrase du topographe à une faute d'orthographe près), mais l'historien Philip Sugden doute que Swanson ait jamais vu le graffiti[13]. Le texte d'Alfred Long fut retranscrit et ajouté à une lettre expédiée au Home Office par le chef de la police de Londres, Charles Warren [14].

Sentiments antisémites[modifier | modifier le code]

Lettres en noir sur un fond blanc.
Page couverture d'un journal paru en septembre 1888. Les gros titres sont : « Horrible meurtre dans l'East End. Terrible mutilation d'une femme. Capturé : Tablier de cuir[trad 1] ».

Dès la fin , des rumeurs commencèrent à circuler selon lesquelles les meurtres auraient été commis par un juif surnommé « Leather Apron » (« Tablier de cuir »). Ces ouï-dire provoquèrent des émeutes antisémites. Le juif John Pizer, surnommé « Tablier de cuir », fabriquait des chaussures en cuir ; il fut arrêté, car il était réputé terrifier les prostituées du quartier ; il fut relâché dès la confirmation de ses alibis[15],[16], [17],[18],[19].

Peu de temps après s'être rendu sur les lieux où se trouvait le graffiti, le superviseur de la division H pour Whitechapel du MPS, Thomas Arnold écrivit :

« Je signale que le matin du 30 sept. [...] mon attention fut attirée par un écrit sur le mur de l'entrée d'habitations au no 108, Goulston Street, Whitechapel, qui comportait ces mots : "Les juifs ne sont pas [la négation "ne ... pas" était effacée] les hommes qui ne seront pas accusés pour rien". Sachant les soupçons nourris envers le juif nommé "John Pizer" alias "Tablier de Cuir" à propos du meurtre commis sur Hanbury Street peu de temps auparavant, les forts sentiments contre des juifs en général et que le bâtiment sur lequel l'écrit fut découvert était situé au milieu d'une zone surtout occupée par cette secte[note 1], je craignais que, si l'écrit était laissé en place, ce ne soit une raison pour déclencher une émeute et j'ai donc jugé préférable qu'il soit effacé en observant que les passants qui entrent et sortent du bâtiment pourraient l'effacer à cause de sa position[trad 2],[20]. »
Photo d'un homme moustachu portant un uniforme d'armée
Le chef du MPS à l'époque, Charles Warren.

Les tensions nées des différences religieuses étaient déjà élevées et, pour éviter de les exacerber, Arnold ordonna à un homme de se tenir prêt à effacer le graffiti, pendant qu'il consultait le chef de la police Charles Warren. Les deux envisagèrent de le cacher jusqu'à l'arrivée sur les lieux d'un photographe ou d'en effacer une partie, mais Arnold et Warren (qui avait aussi observé le graffiti) jugèrent que c'était trop explosif. Plus tard, Warren écrira qu'il jugeait « préférable d'oblitérer l'écrit pour de bon[trad 3] »[21].

Enquêtes[modifier | modifier le code]

Carte en noir et blanc du quartier de Goulston Street

Voir l’image vierge

Le triangle en rouge (à la gauche, près du centre) montre l'endroit où fut découvert le graffiti. Les points en rouge montrent les endroits où furent commis six meurtres :

Le graffiti de Goulston Street avait été découvert sur le territoire surveillé par le MPS ; le fragment de tablier, sur le territoire de la Cité de Londres, qui possédait son service de police, la City of London Police. Quelques policiers n'approuvaient pas la décision d'Arnold et Warren, plus particulièrement ceux de la City of London Police, car ils jugeaient que l'écrit faisait partie d'une scène de crime et devait au moins être photographié avant d'être effacé[22], mais l'inscription fut quand même effacée à h 30[23]. La police interrogea tous les occupants des 108 au 119 de Goulston Street, sans être en mesure de retrouver l'auteur du graffiti ou le meurtrier.

Selon le policier chargé des enquêtes sur les meurtres de Whitechapel, le graffiti sur le mur n'était pas de la même main qui avait rédigé la lettre « Dear Boss », dont l'auteur s'accusait des meurtres et avait signé « Jack the Ripper »[24]. La police de l'époque conclut que le texte, rédigé par une personne peu alphabétisée demeurant dans le district, constituait une attaque contre la population juive[24].

Selon l'historien Philip Sugden, trois hypothèses pourraient expliquer la présence du graffiti. La première est que l'inscription n'est pas de la main de l'assassin ; dès lors, le fragment de tissu tomba par hasard ou fut sciemment déposé à proximité. La deuxième est une accusation du meurtrier envers lui-même et les juifs en général (il en serait donc un). La troisième, préférée à l'époque (selon Sugden) à la fois de Scotland Yard et des anciens de la communauté juive, avance que le message à la craie était un subterfuge destiné à accuser les juifs tout en entraînant la police sur une fausse piste[25].

Walter Dew, un détective affecté au district de Whitechapel, penchait plutôt pour l'hypothèse selon laquelle l'écrit ne signifiait rien et n'avait donc aucun lien avec l'assassinat[26]. Cependant, le chef inspecteur Henry Moore et le commissaire adjoint du CID Robert Anderson, qui travaillaient à Scotland Yard, pensaient que le graffiti était de la main du tueur[27].

Analyses du texte[modifier | modifier le code]

Le journaliste et écrivain Robert D'Onston Stephenson (en), qui étudiait l'occultisme et la magie noire, conclut, dans un article du quotidien Pall Mall Gazette paru le 1er décembre 1888, que l'auteur de la phrase était probablement un Français à cause de la double négation, de l'usage de deux articles définis (« The Juwes are the men [...] »), des fautes d'orthographe (« Juwes ») et de la syntaxe de la phrase. Stephenson prétendit qu'il était improbable qu'un « Anglais sans éducation[trad 4] » ou qu'un « juif inculte[trad 5] » puisse mal épeler le mot « Jew », alors que « Juwes » ressemble au mot français « juives ». Il élimina les Belges francophones et les Suisses francophones parce que « l'idiosyncrasie de ces deux nationalités leur interdit ce type de crimes. En France, cependant, le meurtre de prostituées existe depuis longtemps et est considéré comme un crime typiquement français[trad 6],[28] ». Cette hypothèse fut critiquée par un lecteur français dans une lettre envoyée à l'éditeur et publiée le [29]. Selon l'historien Philip Sugden, le mot « Juwes » pourrait provenir d'un dialecte parlé par l'auteur du graffiti[30].

En 1976, l'auteur Stephen Knight suggéra que « Juwes » ne renvoyait pas à « juifs », mais à Jubela, Jubelo et Jubelum, les trois meurtriers d'Hiram, personnalité associée à la franc-maçonnerie. Toujours selon lui, le message aurait été rédigé par un tueur (ou plusieurs) dans le cadre d'un complot maçonnique[31]. Cependant, Knight serait le premier à utiliser « Juwes » pour désigner ces trois personnes[32]. Sa suggestion trouva écho dans les œuvres de fiction qui font allusion aux meurtres, tels que le film Meurtre par décret et la bande dessinée From Hell.

L'auteur Martin Fido, en 1987, observa que la phrase comprenait une double négation, une habitude des Cockneys (les Londoniens issus de la classe ouvrière qui habitent l'Est de la ville). Il proposa de récrire le message, ce qui donnerait en anglais courant : « Jews will not take responsibility for anything » (« Les juifs rejetteront toute responsabilité »). Il en conclut que le message fut écrit par une personne qui se croyait lésée par l'un des commerçants juifs du quartier[33].

En 2014, l'auteur Tom Slemen, qui s'autoproclame « maître en paranormal[trad 7] »[34], affirma que « Juwes » (« Jwifs ») était un mot mandchou[note 2] qui signifie « deux » et Sir Charles Warren, un archéologue de renom versé à la fois dans les textes bibliques et les langues mandchoues, aurait observé que ce mot était hors contexte dans la phrase, ce qui la rendait incompréhensible. En 1909, toujours selon Slemens, Warren présida la conférence « Les Origines du chinois[trad 8] » avec Claude Reignier Conder au Caxton Hall à Londres, pendant laquelle des gens mentionnèrent les similitudes entre les langues européennes et mandchoues et que le mot « Juwes » serait la racine des mots anglais « dual », « duet » et « duo »[note 3]. S'appuyant sur sa théorie, Slemen affirma que Conder était Jack l'Éventreur.

Conclusion incertaine[modifier | modifier le code]

Au début du XXIe siècle, les spécialistes ignorent si le graffiti est lié aux meurtres. Plusieurs chercheurs modernes pensent que le fragment de tablier fut jeté plutôt que déposé par terre et que l'existence du graffiti à cet endroit relève du hasard. Ils mentionnent que les graffitis antisémites étaient courants dans Whitechapel et que prendre le temps de déposer le fragment puis rédiger un message tout en tentant d'échapper aux policiers, ne cadre pas avec la plupart des profils que les experts ont produits pour décrire le tueur[35]. A contrario, si l'assassin voulait simplement jeter le fragment, il aurait pu le faire ailleurs entre Mitre Square et le bâtiment sur Goulston Street. Si, comme l'expliquent certains auteurs, le tueur l'utilisa seulement pour s'essuyer les mains, il aurait pu immédiatement le jeter après le meurtre. Dans ce cas, l'assassin n'avait pas besoin de découper un bout de tissu, car il aurait pu s'essuyer les mains sur le tablier de sa victime[36].

La signification exacte de la phrase restant indéterminée et son auteur ne pouvant être identifié avec certitude, l'écrivain Trevor Marriott, un ancien détective aux homicides, proposa en 2005 une autre hypothèse. Le fragment ne fut pas déposé ou perdu par le tueur, ce serait la victime qui l'aurait utilisé comme serviette hygiénique et laissé tomber pendant qu'elle rejoignait Mitre Square à partir de l'East End[37]. Cependant, Marriott doute que les spécialistes approuvent sa conclusion car elle est « invraisemblable[trad 9] »[38]. Si cette hypothèse est vraie, alors le graffiti n'est pas de la main du tueur et toutes les études de celui-ci sont inutiles ; si le tueur a transporté le fragment à cet endroit, le graffiti est peut-être de sa main.

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Goulston Street graffito » (voir la liste des auteurs).

Citations originales[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Ghastly murder in the East End. Dreadful mutilation of a woman. Capture: Leather Apron »
  2. (en) « I beg to report that on the morning of the 30th Sept. last, my attention was called to some writing on the wall of the entrance to some dwellings at No. 108 Goulston Street, Whitechapel which consisted of the following words: "The Juews are not [the word 'not' being deleted] the men that will not be blamed for nothing", and knowing in consequence of suspicion having fallen upon a Jew named 'John Pizer' alias 'Leather Apron' having committed a murder in Hanbury Street a short time previously, a strong feeling existed against the Jews generally, and as the Building upon which the writing was found was situated in the midst of a locality inhabited principally by that Sect, I was apprehensive that if the writing were left it would be the means of causing a riot and therefore considered it desirable that it should be removed having in view the fact that it was in such a position that it would have been rubbed by persons passing in & out of the Building. »
  3. (en) « desirable to obliterate the writing at once »
  4. (en) « uneducated Englishman »
  5. (en) « ignorant Jew »
  6. (en) « the idiosyncrasy of both those nationalities is adverse to this class of crime. On the contrary, in France, the murdering of prostitutes has long been practised, and has been considered to be almost peculiarly a French crime. »
  7. (en) « master of the paranormal »
  8. (en) « The Origins of the Chinese »
  9. (en) « unbelievable »

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le judaïsme à cette époque n'est pas une religion majeure en Grande-Bretagne. Ses pratiquants formaient donc une secte selon les valeurs de l'époque.
  2. La proposition de Slemen semble sans fondement. En effet, l'ouvrage A Manchu Grammar (Une grammaire mandchoue), dans lequel Paul Georg von Möllendorff introduisit la translittération du mandchou en langue romane et rajouta que « Juwes » représente la prononciation du mot « deux », ne sera pas publié avant 1892 à Shanghai. Par ailleurs, les mots mandchous ne se terminent pas par un « s » lorsqu'ils sont au pluriel.
  3. Le mot latin « duo » dérive de la même racine indo-européen commune que le mot anglais « two », le mot allemand « zwei » et le mot sanskrit « dvau ». Il serait peu probable que le mandchou, une langue toungouse, ait significativement influencé les langues indo-européennes.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « The Crimes », Metropolitan Police Service (consulté le ).
  2. Cook 2009, p. 33-34.
  3. Evans et Skinner 2000, p. 3.
  4. Cook 2009, p. 151.
  5. Témoignage d'enquête du policier Alfred Long, cité dans Marriott 2005, p. 148-149 et Rumbelow 2004, p. 61.
  6. Evans et Rumbelow 2006, p. 132.
  7. Evans et Skinner 2001, p. 23-24.
  8. Témoignage d'enquête d'Alfred Long, cité dans Evans et Skinner 2000, p. 213 et 233, Marriott 2005, p. 148-149 et Rumbelow 2004, p. 61.
  9. Lettre du 6 novembre 1888 du chef de la police Charles Warren envoyée à Godfrey Lushington, sous-secrétaire d'État permanent pour le Home Department, document HO 144/221/A49301C, citée dans Evans et Skinner 2000, p. 183-184.
  10. Sugden 2002, p. 498-499.
  11. Témoignage d'enquête du détective Daniel Halse du 11 octobre 1888, cité dans Evans et Skinner 2000, p. 214-215 et Marriott 2005, p. 150-151.
  12. Cité dans Evans et Skinner 2001, p. 25.
  13. Sugden 2002, p. 499.
  14. Lettre du 6 novembre 1888 du chef de la police Charles Warren envoyée à Godfrey Lushington, Sous-secrétaire d'État permanent pour le Home Department, document HO 144/221/A49301C, citée dans Evans et Skinner 2000, p. 183-184.
  15. Begg 2003, p. 157.
  16. Cook 2009, p. 65-66.
  17. Evans et Skinner 2000, p. 29.
  18. Marriott 2005, p. 59-75.
  19. Rumbelow 2004, p. 49-50.
  20. Rapport du surintendent Thomas Arnold du 6 novembre 1888, document HO 144/221/A49301C, cité dans Evans et Skinner 2001, p. 24-25 et Evans et Skinner 2000, p. 185-188.
  21. Lettre de Charles Warren du 6 novembre 1888 expédiée au sous-secrétaire d'État permanent Godfrey Lushington, document HO 144/221/A49301C, citée dans Begg 2003, p. 197, Evans et Skinner 2000, p. 183-184 et Marriott 2005, p. 159.
  22. Consulter par exemple l'ouvrage du commissaire de la Cité de Londres à l'époque : (en) Henry Smith, From Constable to Commissioner: The story of sixty years most of them misspent, Chatto & Windus, , 236 p., p. 161, cité dans Evans et Skinner 2001, p. 27.
  23. Témoignage d'enquête d'Alfred Long du 11 octobre, cité dans Evans et Skinner 2000, p. 214 et Marriott 2005, p. 154.
  24. a et b Rapport du 6 novembre 1888 du chef-inspecteur Swanson, document HO 144/221/A49301C, cité dans Evans et Skinner 2000, p. 185-188.
  25. Sugden 2002, p. 255.
  26. Walter Dew dans ses mémoires I Caught Crippen, cité dans Fido 1987, p. 51.
  27. Sugden 2002, p. 254.
  28. (en) [sans titre], Pall Mall Gazette, 1er décembre 1888 ([(en) lire en ligne] sur le site Casebook Press Project. Consulté le 28 mars 2016).
  29. (en) « Is Jack the Ripper Frenchman? », Pall Mall Gazette, 6 décembre 1888 ([(en) lire en ligne] sur le site Casebook Press Project. Consulté le 28 mars 2016).
  30. Sugden 2002, p. 256.
  31. (en) Stephen Knight, Jack the Ripper : The Final Solution, Londres, George G. Harrap & Co Ltd, .
  32. Begg 2003, p. 200.
  33. Fido 1987, p. 52.
  34. (en) « Haunted Liverpool Ghost Walks », Haunted Liverpool, 2008-2014 (consulté le ).
  35. (en) John Douglas et Mark Olshaker, The Cases That Haunt Us, New York, Simon and Schuster, , p. 36-37.
  36. (en) Colin Kendell, Jack the Ripper - The Theories and The Facts, Amberley Publishing, .
  37. Marriott 2005, p. 165.
  38. Marriott 2005, p. 164.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Paul Begg, Jack the Ripper: The definitive history, Londres, Pearson Education, (ISBN 0-582-50631-X) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Andrew Cook, Jack the Ripper, Stroud, Gloucestershire, Amberley Publishing, (ISBN 978-1-84868-327-3) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Stewart P. Evans et Donald Rumbelow, Jack the Ripper: Scotland Yard investigates, Stroud, Gloucestershire, Sutton Publishing, (ISBN 0-7509-4228-2) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Stewart P. Evans et Keith Skinner, The Ultimate Jack the Ripper Sourcebook: An illustrated encyclopedia, Londres, Constable and Robinson, (ISBN 1-84119-225-2) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Stewart P. Evans et Keith Skinner, Jack the Ripper: Letters from Hell, Stroud, Gloucestershire, Sutton Publishing, (ISBN 0-7509-2549-3) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Martin Fido, The Crimes, Detection and Death of Jack the Ripper, Londres, Weidenfeld and Nicolson, (ISBN 0-297-79136-2) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Trevor Marriott, Jack the Ripper: The 21st century investigation, Londres, John Blake, (ISBN 1-84454-103-7) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Donald Rumbelow, The Complete Jack the Ripper. Fully revised and updated, Penguin Books, (ISBN 978-0-14-017395-6) Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • (en) Philip Sugden, The Complete History of Jack the Ripper, Carroll & Graf Publishers, (ISBN 0-7867-0276-1) Document utilisé pour la rédaction de l’article

Annie Chapman[modifier | modifier le code]

Cantons-de-l'Est/Test/6
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Surnom
Dark Annie
Autres informations
Cheveux
Bruns

Annie Chapman, née Eliza Ann Smith (-). Née et morte à Londres. Seconde des cinq victimes dites « canoniques », habituellement attribuées à Jack l'Éventreur[1]. Elle passe son enfance à Londres à différents endroits en raison de l'emploi militaire de son père, devient domestique en 1861 et épouse John Chapman en 1869. Le jeune couple reproduit l'itinéraire des parents d'Annie Chapman : son mari est également domestique dans le centre de Londres, puis ils partent s'installer dans le Berkshire. Ils sont alors frappés par la tragédie - leur fils naît handicapé, leur fille meurt de la méningite à douze ans - et sombrent dans l'alcoolisme.

Dans les années 1880, Annie Chapman se sépare de son mari pour retourner vivre à Londres, où elle trouve refuge dans les bas-fonds de l'East End, principalement des lodging houses de Dorset Street, à Spitalfields. Elle complète sa pension en vendant des allumettes, des fleurs, ou des antimacassars qu'elle tricote au crochet. Un tamisier partage quelque temps sa vie en 1886. À la fin de cette même année, son mari meurt, et la pension s'interrompt. Son ami tamisier l'abandonne au même moment. Quasiment sans ressource, elle commence à se prostituer.

À partir de , elle vit dans la Crossingham's lodging house du 35 Dorset Street, et a un nouvel ami qui l'entretient plus ou moins, Edward Stanley. Au cours de ces derniers mois, son état de santé se dégrade. En plus de la tuberculose, elle est exposée de façon chronique à la malnutrition. En août, alors que Stanley s'est absenté pour plusieurs semaines, elle a de plus en plus de difficulté à payer son lit pour la nuit.

Une semaine avant sa mort, une bagarre l'oppose à une rivale, Eliza Cooper, laquelle lui inflige plusieurs ecchymoses. Au même moment est assassinée la première victime connue de Jack l'éventreur, Mary Ann Nichols, suscitant l'émoi dans le quartier. Annie Chapman trouve refuge pour quelques jours au casual ward de la Whitechapel workhouse, où l'on admet les sans abris. Elle se fait également soigner à l'hôpital.

De retour à la lodging house la veille de sa mort, elle est confrontée de nouveau à la difficulté de payer son lit. Ses dernières heures sont alors une nuit d'errance à travers les rues de Spitalfields. Chassée de la lodging house du 35 Dorset Street, le gardien la voit s'en aller vers 1h50. Non loin de là, au petit matin du , vers 5h55, elle est découverte assassinée dans la cour de l'immeuble du 29, Hanbury Street. Une passante, Elizabeth Long, est certaine de l'avoir vue discuter devant cet immeuble avec un homme, le probable "Jack l'éventreur", un peu après 5h30.

Whitechapel vivait déjà dans une grande agitation depuis le meurtre de Mary Ann Nichols une semaine auparavant. Ce second crime entraîne une plus grande émotion et un climat d'émeute. Dans les heures et les jours qui suivent, les habitants se livrent à des chasses à l'homme et à des scènes de lynchage contre divers suspects. Un certain « Tablier de Cuir » cristallise l'attention, pendant que la presse tire à boulets rouges sur la police et le gouvernement. Mais à la fin du mois de septembre, à la veille de la nuit du double-crime où sont tuées les deux victimes suivantes, la police ne dispose toujours pas de piste sérieuse. Au même moment, l'agence de presse Central news, reçoit une missive à l'encre rouge revendiquant les meurtres, signée « Jack l'éventreur », probable canular d'un journaliste du Star.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse[modifier | modifier le code]

Portrait de mariage d'Annie Chapman et de John Chapman. 1869. Collection particulière. Conservé par la famille d'Annie Chapman.

L'enfance à Londres[modifier | modifier le code]

Eliza Ann Smith naît à Londres, dans le quartier de Paddington, le . Elle est l'aînée des cinq enfants de George ou William Smith, et de Ruth Chapman. Son père est soldat, engagé depuis 1834 au prestigieux Deuxième régiment des Life-Guards (en) (gardes du corps royaux). Ses parents se marient l'année qui suit sa naissance, en 1842, à Paddington. En 1844, lorsque naît sa sœur Emily Latitia, ils vivent dans le quartier de Knightsbridge, où le père est désormais domestique. Après un déménagement de la famille à Raphael Street, quatre de ses frères meurent de la scarlatine et du typhus en trois semaines[2].

Le départ de sa famille pour le Berkshire et suicide du père[modifier | modifier le code]

En 1856, sa famille quitte Londres pour s'installer à Windsor, dans le Berkshire. Naissent alors ses sœurs Georgina (1856), Mirium Ruth (1858), et son frère Fountain Hamilton (1861). Mais d'après le recensement de 1861, elle ne vit plus avec sa famille. On suppose qu'elle n'a jamais quitté Londres où elle occupe un emploi de servante à Westminster.

Son père devient le valet de Thomas Naylor Leland, capitaine de la Cavalerie volontaire, ou Yeomanry cavalry (en), du Denbighshire. Une nuit, en juin de 1863, alors qu'il accompagne son maître dans la ville de Wrexham, il se suicide à l'auberge de l'Elephant and castle en se coupant la gorge[3].

En ménage avec son cousin John Chapman[modifier | modifier le code]

Portrait d'Emily Ruth Chapman, fille d'Annie et John Chapman. Vers 1879. Collection particulière. Conservé par la famille d'Annie Chapman.

John Chapman cocher à Londres[modifier | modifier le code]

En 1869, elle se marie à Londres avec John Chapman à l'église de Tous-les-Saints du quartier de Knightsbridge. Sa sœur Emily Laticia assiste comme témoin à la cérémonie. Le jeune ménage vit à Brompton, autre quartier de Londres, au 29 Montpelier Place, et s'installe l'année suivante dans le quartier de Bayswater. John Chapman travaille alors comme cocher et domestique au service d'un l'aristocrate dans Bond Street[4]. À partir de 1873, ils vivent dans le quartier de Mayfair. Leurs deux premiers enfants naissent au cours de cette période : Emily Ruth (1870) et Annie Georgina (1873). Au total, elle donne naissance à huit enfants, dont six meurent en bas âge[2].

Dans le Berkshire. Infirmité de leur fils[modifier | modifier le code]

Dans les années qui suivent, ils quittent Londres pour le Berkshire. Certains auteurs pensent que John Chapman a perdu son emploi à cause de l'alcoolisme de sa femme[5]. Ils s'installent dans le village de Bray, où voit le jour leur troisième et dernier enfant John Alfred (1880). Ce dernier étant né avec un lourd handicap, ils tentent de le faire soigner à Londres, avant de le confier à une institution près de Windsor[6]. Cette épreuve semble avoir aggravé leur alcoolisme[7].

Mort de leur fille Emily Ruth[modifier | modifier le code]

En 1881, le mari trouve un emploi de cocher au service d'un riche régisseur de ferme, Josiah Weeks. Ils logent dans les combles de la demeure de leur maître. L'année suivante, ils sont encore frappés par la tragédie lorsque leur fille Emily Ruth meurt de la méningite à l'âge de douze ans. Dès lors, les deux époux s'abîment dans l'alcool. Au cours des années suivantes, Annie Chapman est arrêtée à plusieurs reprises pour ivresse dans le village de Clewer et à Windsor[8].

L'alcoolisme[modifier | modifier le code]

D'après son frère Fountain, Annie Chapman développe un fort penchant pour l’alcool, en particulier pour le rhum, ce qui inquiète ses proches. Deux de ses sœurs, et lui-même, tentent en vain, à plusieurs reprises, de l'en éloigner, et vont jusqu'à lui faire signer une promesse écrite[9].

Dans les lodging houses de Dorset Street à Spitalfields[modifier | modifier le code]

Séparation, retour à Londres[modifier | modifier le code]

Vers 1882-1885, les deux époux se séparent d'un commun accord. Leur fille Annie Georgina reste avec son père, tandis qu'Annie Chapman retourne à Londres. Son mari lui verse chaque semaine une pension de dix shillings qu'elle retire au bureau de poste de Commercial Street[10]. Elle trouve refuge dans des lodging houses (en), ou maisons d'hébergement collectives, du quartier de Spitalfields. Elle se lie d'amitié vers 1883 avec Amelia Palmer. Cette dernière commence à dormir régulièrement à la lodging house du 35 Dorset Street vers 1885.

En ménage avec un tamisier. Mort de son mari[modifier | modifier le code]

En 1886, elle partage quelque temps la vie d'un tamisier surnommé John "Sivvey"[11] dans une lodging house du 30 Dorset Street[12],[13]. Elle est elle-même appelée Annie "Sievey", "Sivvey", "Sivvy" ou "Siffey", d'après l'activité de son compagnon[14],[15]. Mais cette même année, John Chapman perd son emploi, et retourne vivre à Windsor, où il meurt au bout de quelques mois des suites d'une cirrhose du foie le jour de Noël 1886. Annie Chapman apprend la mort de son mari par un beau-frère ou une belle-sœur qui habite Oxford Street, à Whitechapel. Peu de temps après, son compagnon la quitte pour s'installer dans l'ouest londonien. En songeant au sort de ses enfants, elle sombre dans la dépression et perd le goût de vivre, selon le témoignage de sa plus proche amie Amelia Palmer. Ne touchant plus de pension, elle commence à se prostituer occasionnellement. Elle complétait jusque là sa pension en vendant des fleurs, des allumettes, et des ouvrages qu'elle réalisait au crochet (notamment des antimacassars).

Quant à sa fille Annie Georgina, d'après certains témoins, elle aurait été engagée à quatorze ans dans une troupe de cirque en France[13],[16]. Mais selon Amelia Palmer, les deux enfants sont placés dans un internat. Le recensement de 1891 nous apprend que John Alfred et Annie Georgina vivent tous deux chez leur grand-mère maternelle, Ruth Chapman, à Knightsbridge.

On ignore ce que devient Annie Chapman au cours de l'année 1887.

Agressions de plusieurs femmes[modifier | modifier le code]

Le est agressée Annie Milwood, résidente d'une lodging house de Spitalfields. Un homme la blesse avec un couteau aux jambes et à l'abdomen. Hospitalisée pendant un mois à la Whitechapel Workhouse Infirmary, elle meurt subitement le sans qu'un lien ne soit établi avec ses blessures.

Dans la nuit du 3 au , trois hommes agressent et blessent mortellement Emma Elizabeth Smith, prostituée logée dans une lodging house de Spitalfields. Elle meurt des suites de ses blessures au London Hospital le lendemain.

En-dehors de Spitalfields, une troisième femme est agressée chez elle, Ada Wilson, prostituée, dans le quartier de Bow, dans l'East End, le . Un homme frappe à sa porte, lui réclame de l'argent avant de lui donner deux coups de couteau à la gorge. Il parvient à s'enfuir au moment où les voisins interviennent. Ada Wilson survit à ses blessures.

La lodging house Crossingham. Relation avec Edward Stanley[modifier | modifier le code]

En , Annie Chapman trouve une place dans une grande lodging house appartenant à William Crossingham au 35 Dorset Street, où sont logés environ trois cent résidents[17], hommes et femmes, et où vit déjà son amie Amelia Palmer[18]. Elle y occupe un lit double pour 8 pence la nuit. Selon le témoignage du logeur Timothy Donovan, elle est entretenue pendant cinq ou six semaines par Edward Stanley dit "le Pensionné" (the Pensioner). D'après le rapport de l'inspecteur Abberline, ils se fréquentent depuis 1886. Ouvrier maçon, il est également engagé comme soldat dans la Hants Militia[19]. Le logeur remarque d'ailleurs son allure militaire. Il fait aussi croire qu'il est pensionné de l'armée, d'où son surnom, mais l'enquête judiciaire révèle plus tard qu'il ne touche, en réalité, aucune pension militaire. Il paraît de temps en temps habillé en "gentleman", et traîne souvent dans le quartier. D'après le témoignage du logeur, Timothy Donovan, il suffit de remonter Dorset Street pour le trouver.

Stanley demande à Donovan de ne pas laisser entrer Annie Chapman si elle est accompagnée d'autres hommes. Chaque samedi, il lui rend visite et reste jusqu'au lundi matin entre 1h et 3h, demeurant le reste du temps chez lui dans Osborn Place, à Whitechapel. Il paie aussi le lit d'Eliza Cooper, une colporteuse de livres installée vers mai-juin dans le même établissement, faisant naître une rivalité entre les deux femmes. Mais à partir du , Stanley interrompt ses visites à la pension Crossingham. L'homme est cantonné avec son régiment au fort Elson (en) de Gosport jusqu'au 1er septembre. Sa disparition soudaine fragilise la situation d'Annie Chapman qui peine à réunir chaque soir l'argent de son hébergement.

Chacun l'appelle "Dark Annie" ou la connait sous son ancien surnom "Annie Sivvey". Elle passe pour avoir une certaine éducation parmi les autres résidents qui la voient parfois travailler au crochet.

Dorset Street[modifier | modifier le code]

Vue de Dorset Street. Cliché pris par Jack London en 1902, publié dans son essai Le peuple de l'abîme en 1903.

Depuis la mort de son mari, en 1886, Annie Chapman écume les lodging houses de Dorset Street. La "pire rue de Londres", selon les mots de Fiona Rule[20], concentre un grand nombre de "maisons d'habitation commune" et de logements individuels le plus souvent occupés par des prostituées. Environ mille deux cents indigents s'entassent dans ses taudis. Deux grands propriétaires en perçoivent principalement les loyers : William Crossingham et Jack McCarthy[21], tous deux tirant profit de la prostitution. Les revenus de Crossingham sont évalués à plus de 11 000 livres[22]. La dernière victime connue de Jack l'éventreur, Mary Jane Kelly, sera assassinée dans Miller's Court, donnant sur Dorset Street. Dans les années qui suivent, d'autres crimes y sont commis. Mary Ann Austin, prostituée, est assassinée en 1901 dans la même pension où a vécu Annie Chapman, au 35 Dorset Street. En 1902, le jeune écrivain américain Jack London s’immerge pendant six semaines dans l'est londonien, et en tire un livre, Le peuple de l'abîme, publié en 1903. Photographe amateur, il prend plusieurs clichés destinés à illustrer son ouvrage, dont une célèbre vue de Dorset Street.

Martha Tabram[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du 6 au est assassinée Martha Tabram, prostituée de Spitalfields. Ce nouveau crime soulève une première indignation des habitants de Whitechapel et attire l'attention de la presse.

Rencontre avec son frère Fountain. Difficultés pour payer son lit[modifier | modifier le code]

Dans la seconde quinzaine d', Annie Chapman rencontre son frère Fountain dans Commercial Street. Comme elle lui confie ses difficultés financières, il lui donne deux shillings[23]. D'après Amelia Palmer, elle n'est pas en très bon termes avec sa sœur et sa mère. Elle n'a jamais passé une seule nuit dans sa famille depuis ces dernières années.

Le , à 3h du matin, elle n'a pas d'argent pour payer son lit. Elle dit à Donovan qu'elle va essayer de retrouver Stanley, qui a normalement touché sa pension militaire, et part à sa recherche dans la rue. Mais Stanley est introuvable[24].

Mary Ann Nichols[modifier | modifier le code]

Dans la nuit du 30 au est assassinée Mary Ann Nichols. Comme Emma Elizabeth Smith et Martha Tabram, elle vivait dans des lodging houses de Spitalfields. Ce meurtre marque le début des crimes de Jack l'éventreur, et suscite une grande émotion à Whitechapel ainsi que dans l'opinion. Les bruits courent qu'un tueur fou rôde dans le quartier. Durant toute la semaine qui suit, le quartier est en ébullition.

Une dispute avec Eliza Cooper[modifier | modifier le code]

Le 1er septembre, Edward Stanley est de retour, et Annie Chapman le rencontre à l'angle de Brushfield Street. Une bagarre oppose alors Annie Chapman à sa rivale Eliza Cooper. Deux épisodes se seraient succédé. Un premier incident survient au pub du Britannia, débit de bière (à l'angle de Dorset Street et du 87, Commercial Street[25]) en présence de Stanley et d'un colporteur nommé Harry. Annie Chapman remarque qu'Eliza Cooper a profité de l'ivresse d'Harry pour lui subtiliser un florin (soit deux shillings[26]) qu'elle a remplacé par un penny. Elle révèle le larcin à Harry, ce qui déclenche les premières hostilités entre les deux femmes.

Selon Amelia Palmer, l'affrontement se serait produit plus tard à la lodging house, le soir du 1er septembre. Ce second incident éclate dans la cuisine de l'établissement à propos d'un savon qu'Annie Chapman a emprunté à Eliza Cooper pour que Stanley puisse faire sa toilette. Lorsqu'Eliza Cooper en demande la restitution, Annie Chapman lance un demi-penny sur la table en lui disant d'aller s'acheter pour un demi-penny de savon. Les deux femmes en seraient alors venues aux mains, Eliza Cooper infligeant à son adversaire des ecchymoses autour de l'œil droit et sur la poitrine. Mais Eliza Cooper donne une autre version : après l'affaire du savon, elles seraient allées s'expliquer au pub du Britannia, et Annie Chapman l'aurait giflée la première.

Elle ne reparaît plus à la lodging house dans la semaine qui suit.

Ses derniers jours[modifier | modifier le code]

Le lundi , Annie Chapman rencontre Amelia Palmer dans Dorset Street, en face de la lodging house du 35. Son amie remarque qu'elle a des ecchymoses sur la tempe droite. Annie Chapman, qui ne porte alors ni veste ni bonnet, dégrafe sa robe pour lui montrer ses autres bleus sur la poitrine, et confie qu'elle ne sent pas bien. Elle espère que sa sœur va lui envoyer une paire de bottes pour aller cueillir du houblon.

Le mardi , elle croise de nouveau Amelia Palmer près de Christ Church, l'église de Spitalfields. Elle se sent malade et voudrait faire un séjour d'un jour ou deux au casual ward, refuge pour sans abris de la Whitechapel Infirmary. Elle n'a rien mangé ni bu de la journée. Amelia Palmer lui donne deux pence pour aller boire un thé, et lui recommande de ne pas s'acheter de rhum.

Le jeudi ont lieu les funérailles de Mary Ann Nichols qui attirent une foule immense. Le même jour, Eliza Cooper voit Annie Chapman au Britannia.

Du vendredi 7 au samedi 8 septembre 1888[modifier | modifier le code]

Les dernières heures à la pension Crossingham[modifier | modifier le code]

Christ Church, l'église de Spitalfields, au carrefour de Brushfield Street et de Commercial Street
Les Horner Buildings, au côté sud-est du vieux marché de Spitalfields, construits en 1887. Carrefour de Brushfield Street et de Commercial Street, face à l'église de Spitalfields

Le vendredi , vers 14-15h - Annie Chapman est de retour à la pension Crossingham. Le logeur Donovan l'autorise à entrer dans la cuisine et lui demande où elle a passé la semaine. Elle répond qu'elle était au dispensaire (sans préciser lequel). On suppose qu'elle vient de passer deux jours au casual ward de la Whitechapel Infirmary, quoiqu'on n'en trouve aucune trace dans les archives.

Vers 17h30 - Amelia Palmer rencontre Annie Chapman dans Dorset Street et lui demande si elle va se rendre à Stratford, où elle a l'habitude d'aller vendre tous les vendredis des fleurs ou des allumettes. Mais elle répond qu'elle est "trop malade pour faire quoi que ce soit". Les deux femmes se séparent. Repassant au même endroit un peu plus tard, Amelia Palmer voit qu'Annie Chapman n'a pas bougé de place. Une seconde discussion s'engage. Finalement, Annie Chapman assure son amie qu'elle va se ressaisir et essayer de gagner de l'argent pour ne pas dormir dehors cette nuit.

23h30 - Annie Chapman retourne à la pension Crossingham, et demande de nouveau la permission d'aller à la cuisine.

Vers minuit 10 - Un résident, William Stevens, ouvrier d'imprimerie, entre dans la cuisine et y trouve Annie Chapman. Elle lui confie qu'elle a rendu visite à sa sœur à Vauxhall, et que sa famille lui a donné cinq pence. Elle s'est aussi rendue à l'hôpital (peut-être l'Hôpital Saint-Barthélémy où lui ont été donnés ses médicaments), et envisage de se rendre au dispensaire le lendemain. Elle a deux flacons, et sort de sa poche une boîte de pilules. Mais la boîte se brise, et elle recueille les pilules à l'intérieur d'une enveloppe déchirée qu'elle a trouvée près de la cheminée.

Vers minuit 30 - Elle boit de la bière dans la cuisine de la lodging house avec Frederick Simmons, autre résident[27],[13],[16].

Vers 1h - Elle sort de la pension. Simmons suppose qu'elle se rend au Britannia. Donovan la voit partir en direction de Bishopgate Street.

Vers 1h30-45 - Elle est de retour et descend à la cuisine avec une pomme de terre cuite dont elle fait son repas, en disant qu'elle revient du Britannia. La voyant passer devant son bureau (qui fait face à l'entrée), Donovan envoie la femme du gardien, John Evans, chercher son mari pour s'assurer que le lit est payé. Son lit attitré porte le no. 29. Evans vient dont trouver Annie Chapman à la cuisine pour lui réclamer l'argent pour la nuit. Ne pouvant pas payer, elle remonte au bureau de Donovan, et lui déclare : "Je n'ai pas assez d'argent pour mon lit, mais réservez-le moi. Je ne serai pas longue". Donovan lui fait remarquer avec ironie qu'elle arrive à trouver l'argent pour boire de la bière mais pas pour réserver son lit. Elle répond : "Peu importe, Tim, je serai bientôt rentrée". Elle s'attarde encore deux ou trois minutes sur le pas de la porte.

Vers 1h50 - Avant de sortir, elle dit à Evans : "Je ne serai pas longue, Brummie. Voyez avec Tim pour qu'il me garde mon lit". Evans la suit des yeux, et la voit entrer dans Little Paternoster Row petite ruelle qui mène à Brushfield Street. Arrivée au bout de la ruelle, elle tourne à droite vers l'église de Spitalfields. À l'exception d'Elizabeth Long, Evans est la dernière personne à l'avoir vue vivante.

Annie Chapman est connue des policiers qui patrouillent habituellement dans le secteur, mais aucun d'eux ne se souvient de l'avoir vue la nuit du meurtre[8].

Deux jours après le meurtre, Donovan retrouve dans la pièce où elle dormait, deux grandes fioles de l'Hôpital Saint-Barthélémy. L'une des étiquettes portait la mention : "Deux cuillerées à soupe à prendre trois fois par jour", et l'autre : "Lotion. Poison".

Au 29, Hanbury Street[modifier | modifier le code]

Façade du 29 Hanbury Street. Cliché 1967

Hanbury Street est mieux connue par les habitants du quartier sous son ancien nom de Brown's Lane. Les maisons du ont été construites à l'origine pour les tisserands de Spitalfields, avant que les métiers à tisser ne périclitent avec le développement de l'énergie à vapeur[28]. Les immeubles ont alors été reconvertis en logements occupés désormais par des ouvriers, principalement des manutentionnaires travaillant sur les marchés, des charretiers, des dockers, etc. On y trouve aussi des boutiques, des abattoirs et des ateliers, dont de nombreux ébénistes qui approvisionnent les magasins de meubles de Curtain Road.

L'immeuble du 29 compte deux étages et un grenier[29]. Il abrite sept logements où vivent dix-sept personnes, et deux commerces. Mme Richardson, la locataire principale, utilise la moitié de la maison. Chaque palier est divisé en deux appartements :

  • Amelia Richardson dirige une entreprise de caisses d'emballage installée à la cave, aidée de son fils, John Richardson, et de son employé Francis Tyler.
  • Une boutique de viande pour chat est installée au rez-de-chaussée côté rue. Elle est utilisée par Harriet Hardyman et son fils de seize ans, qui logent dans deux chambres attenantes. À l'arrière, la cuisine est utilisée par Mme Richardson.
  • Deux portes s'ouvrent sur la façade : celle de la boutique à droite et celle de l'immeuble à gauche. Un couloir mène à l'escalier et à l'arrière-cour.
  • Au premier étage, Mme Richardson occupe une chambre donnant sur la rue, avec son petit-fils de quatorze ans. La pièce donnant sur la cour est occupée par M. Walker et son fils adulte Alfred, qualifié de "simple d'esprit".
  • Au second, la pièce côté rue est habitée par Robert Thompson, charretier au service de Goodson dans Brick Lane, sa femme et leur fille adoptive. Deux sœurs célibataires, Mlles Copsey vivent dans la pièce côté cour.
  • John Davis, charretier, sa femme Mary et leurs trois fils occupent le grenier côté rue. Sarah Cox, une vieille femme que Mme Richardson garde par charité, occupe la chambre donnant sur la cour.

L'arrière-cour est séparée du 27 par une palissade de bois d'environ 1,70 m de haut, à 90 cm des marches. Depuis la cour, sous un auvent, un escalier de briques descend à la cave. Quelques mois auparavant, la porte de la cave a été forcée et l'atelier cambriolé. Les visiteurs ont volé un marteau et une scie. Elle est à présent fermée par un cadenas que John Richardson, qui vit à une autre adresse, vient vérifier chaque matin les jours de marché. À proximité se trouve une pompe à eau. Le fond de la cour dispose aussi d'une remise sur la gauche où Mme Richardson entrepose du bois, et de latrines sur la droite.

L'endroit est parfois visité par des prostituées qui y emmènent leurs clients, comme les cours des autres immeubles de la rue. La porte donnant sur la rue n'est jamais fermée à clef, mais s'ouvre avec un loquet. La porte à battant donnant sur la cour se laisse ouvrir sans difficulté.

L'assassinat[modifier | modifier le code]

Couloir d'entrée du 29 Hanbury Street. Cliché XXe
Arrière-cour du 29 Hanbury Street. Cliché vers 1970
Première page de l'Illustrated police news, 22 septembre 1888.

Minuit 30 - Au 29, Hanbury Street, Les deux sœurs Copsey parlent avec de jeunes hommes dans le couloir du rez-de-chaussée. Elles sont les dernières à monter se coucher dans l'immeuble[30].

h - John Davis, habitant au grenier côté rue, se réveille.

Vers h 50 - Robert Thompson (au second, côté rue) part pour le travail. Il ne passe pas par la cour. Mme Richardson (au premier, côté rue) somnole et l'entend descendre. Elle lui lance : "Good morning".

h 30-h - Début du trafic des charrettes se rendant au marché de Spitalfields, dont plusieurs passent par Hanbury Street[8].

Vers h 45-h 50 - John Richardson passe par le 29 Hanbury Street pour vérifier, comme chaque matin de marché, que la porte de la cave n'a pas été fracturée. Il pénètre dans l'arrière-cour de l'immeuble et s'assoit sur les marches pour couper un morceau de cuir qui dépasse dans l'une de ses bottes et le gêne pour marcher. Il utilise un couteau de table qui lui appartient. Sans quitter sa place, il en profite pour vérifier d'un simple coup d’œil que le cadenas de la cave est bien en place. Il ne remarque rien de particulier. Ensuite, il part travailler au marché de Spitalfields.

h 50 - Début de l'aube.

h - John Davis se rendort. Ouverture du marché de Spitalfields. Les artères environnantes commencent à être encombrées de charrettes. Les agents du marché régulent le trafic. On suppose que le bruit généré par la circulation aurait pu couvrir celui d'une lutte éventuelle entre l'assassin et sa victime[8].

Vers h 15 - Un habitant de l'immeuble voisin du 27, Albert Cadosch, se réveille.

Vers h 20 - Albert Cadosch se rend dans la cour du 27, séparée de celle du 29 par une palissade.

h 23 - Lever du jour[31].

h 30 - Une passante, Elizabeth Long, marche dans Brick Lane. Elle se rend au marché de Spitalfields. Juste au moment où elle tourne dans Hanbury Street, elle entend l'horloge de la brasserie Black Eagle Brewery sonner cinq heures et demi. Traversant Hanbury Street en direction du marché de Spitalfields, elle aperçoit une femme et un homme à quelques mètres du 29. La femme est de face, et l'homme de dos. Passant près d'eux, elle surprend une bribe de conversation : L'homme - "Voulez-vous ?" La femme - "Oui". Elle donne cette description de l'homme : environ quarante ans, un peu plus grand que la femme, cheveux sombres, l'air étranger, le teint sombre, tenue soignée mais pauvre, portant un deerstalker marron (ou selon les comptes-rendus, un chapeau de feutre bas de forme), et un manteau sombre. Visitant plus tard le corps d'Annie Chapman à la morgue, elle est certaine qu'il s'agit de la même femme. De l'avis général, le suspect aperçu par Elizabeth Long est probablement Jack l'éventreur.

Au même moment, John Davis se réveille de nouveau.

[Sans doute après h 30] - Albert Cadosch retraverse la cour du 27 pour retourner dans l'immeuble. Juste au moment où il franchit la porte, il entend une femme dire : "Non", de l'autre côté de la palissade. Trois ou quatre minutes plus tard, il retourne dans la cour, et au moment de revenir un peu plus tard vers l'immeuble, il entend une sorte de chute contre la clôture. Il pense que ce sont les voisins qui, parfois, heurtent la clôture en manipulant des caisses. Ne perdant pas de temps, il traverse le couloir de son immeuble et sort pour se rendre au travail. La rue est absolument déserte. Il passe devant l'église de Spitalfields environ deux minutes après 5h30.

Quelques minutes après h 30 - Elizabeth Long arrive au marché de Spitalfields.

Vers h 40 - Deux laitiers, James Wiltshire et Alfred Henry Gunthorpe, travaillant pour la Dairy Supply Company, traversent Hanbury Street. Ils croisent d'autres gens, mais ne remarquent rien de particulier[32].

5h45 - John Davis et sa femme entendent l'horloge de l'église de Spitalfields sonner le quart, et se lèvent. Ils prennent un thé.

Vers h 55 - John Davis (qui vit au grenier) descend les escaliers, et remarque que la porte de l'immeuble est grande ouverte, ce qui n'a rien d'inhabituel. Il se dirige vers la cour dont la porte est fermée. En ouvrant la porte, il découvre le corps d'Annie Chapman gisant le long de la palissade. Sa tête, près des marches, est inondée de sang. Il voit qu'elle est éventrée. Ses intestins ont été jetés par-dessus son épaule.

Il sort aussitôt dans Hanbury Street et se met à courir dans la rue pour chercher du monde.

[Vers 6h10, d'après James Kent et James Green ; 6h08 selon John Henry Holland ; vers 6h selon les autres témoignages] - James Kent et James Green sont devant leur atelier du 23 Hanbury Street, où ils attendent l'arrivée de leurs collègues de travail. Ils travaillent dans l'entreprise de caisses d'emballage de M. Bailey. Dès qu'il les voit, John Davis vient les alerter. Au même moment (6h08, selon lui), Henry John Holland passe dans la rue, et les suit. Après avoir vu le corps, tous les quatre ressortent aussitôt et se séparent pour alerter la police, sauf Green qui retourne travailler :

  • Kent, ne trouvant pas d'agent dans les environs, va chercher une toile à son atelier pour recouvrir la victime.
  • Holland se rend au marché de Spitalfields où il trouve un agent de police qui refuse de venir car il est consigné et le renvoie vers d'autres policiers à l'extérieur du marché. Holland se met à errer en faisant le tour du marché pour trouver un policier. Comme il n'en trouve pas, il revient au 29.
  • Davis parvient au poste de police de Commercial Street, qui envoie des agents sur place.

h - Thomas Richardson, petit-fils de Mme Richardson, se lève (au premier étage). Sa grand-mère, qui entend de l'animation dans le couloir, l'envoie voir ce qui se passe. Il revient pour lui annoncer qu'une femme a été assassinée. Elle descend imméditement en chemise de nuit et voir le corps dans la cour. À ce moment, la cour est déserte, mais le couloir est déjà encombré de badauds. Elle remonte chez elle pour s'habiller.

Vers h - Les va-et-vient ont réveillé Mme Hardyman, qui occupe la boutique du rez-de-chaussée. Craignant qu'il s'agisse d'un incendie, elle réveille son fils et l'envoie voir ce qui se passe. En revenant, son fils lui demande de rester au lit pour ne pas voir le corps de la femme mutilée.

h 10 (selon l'inspecteur Chandler) - La nouvelle se propage vite. Un inspecteur de police, Joseph Luniss Chandler, passant au carrefour d'Hanbury Street et de Commercial Street, voit passer un groupe d'hommes qui lui annoncent : "Une autre femme a été assassinée". Il les suit jusqu'au 29 où il trouve déjà une foule en train de se presser à l'entrée de l'immeuble. Il envoie chercher le Dr George Bagster Phillips à sa permanence du 2 Spital Square, ainsi qu'une ambulance et des renforts. Il envoie également prévenir Scotland Yard, puis fait recouvrir le corps de la victime.

Kent revient au 29 avec une toile pour recouvrir la victime, et voit qu'une foule encombre le couloir et trouve l'inspecteur Chandler posté à l'entrée de la cour. En quelques minutes, plusieurs policiers arrivent sur les lieux, et évacuent le couloir. Ils protègent l'accès à la scène de crime en attendant l'arrivée du chirurgien.

h 20 - Le Dr Phillips est alerté. Au marché de Spitalfields, John Richardson entend dire qu'une femme a été assassinée chez sa mère. Il revient au 29 Hanbury Street. En revenant du marché, Holland voit des policiers et des gens courir.

Vers h 30 - Arrivée du chirurgien.

Premières constatations[modifier | modifier le code]

Portrait mortuaire d'Annie Chapman. 1888.

Le Dr Phillips examine le corps. Les membres sont encore souples, mais la rigidité cadavérique commence. L'ensemble du corps est froid. Il estime que le décès remonte à 4h30 (plus tard, il se montre moins certain de ce diagnostic).

Vers h 40 - Arrivée de l'ambulance. Le chirurgien ordonne de transporter le corps à la morgue. Au moment où on l'évacue, une foule de plusieurs centaines de badauds remplit la rue. Le corps d'Annie Chapman est transporté dans une grande charrette à bras par le sergent Edward Badham jusqu'à la morgue d'Old Montague Street. La précédente victime de Jack l'éventreur, Mary Ann Nichols, inhumée l'avant-veille, avait séjourné dans cette même morgue. L'ambulance a le plus grand mal à se frayer un passage au milieu d'une foule agitée qui la suit comme un essaim sur tout le parcours. Certains tentent de regarder à l'intérieur, par les interstices de la voiture. Une femme parvient ainsi à voir que la victime est quasiment décapitée[32].

Pendant que l'on transporte le corps, l'inspecteur et le chirurgien découvrent un certain nombre d'objets qui reposaient à ses pieds : un morceau plié de mousseline effilochée, un peigne, et un peigne de poche rangé dans un étui. Il s'agit du contenu d'une poche que la victime portait sous sa jupe et qui paraît avoir été découpée. D'après le Dr Phillips, ces objets étaient soigneusement disposés.

Ensuite, ils découvrent une enveloppe déchirée à en-tête du Royal Sussex Regiment avec à l'intérieur deux pilules. Elle était posée à l'emplacement de la tête de la victime. On peut lire une partie de l'adresse : "M", et en dessous : "Sp", ainsi qu'un "2", écrite d'une main masculine, et un cachet de la poste à Londres, du . Plus tard, William Stevens reconnaît l'enveloppe qu'Annie Chapman avait trouvée près de la cheminée de la cuisine de la lodging house.

Ils relèvent six éclaboussures sur le mur de l'immeuble à une hauteur de 45 cm. D'autres traces de sang coagulé indiquent un frottement de la tête de la victime. On en retrouve d'autres sur la palissade, mais aucune dans le couloir de l'immeuble, ni à l'intérieur de l'immeuble, ni dans la rue, ni dans les cours des immeubles voisins qui sont inspectées par la police au cours de la matinée.

Ils retrouvent également, posé sur une pierre, un tablier de cuir mouillé et replié, et sous le robinet un seau rempli d'eau claire. On saura par la suite que ce tablier de cuir, appartenant à John Richardson, a été lavé par sa mère et laissé à sécher[33].

Deux ou trois bagues en laiton que portaient Annie Chapman la veille n'ont pas été retrouvées sur elle. La police suppose qu'elles ont été volées par le meurtrier, ou que la victime elle-même les avaient laissées en gage à un mont de piété. Mais l'enquête auprès des prêteurs sur gage de Spitalfields et Whitechapel ne donne rien.

Vers h 45 - L'inspecteur Chandler interroge John Richardson dans le couloir de l'immeuble : il est certain que le corps n'était pas encore là lorsqu'il est entré dans la cour à 4h45-50. Puis Chandler se rend à la morgue.

Vers h - Arrivée des sergents William Thicke et Leach, et d'autres policiers. L'inspecteur Abberline est informé par télégramme.

Arrivée de l'ambulance à la morgue d'Old Montague Street, réceptionnée par le gardien Robert Mann, et suivie de près par l'inspecteur Chandler et de nombreux badauds. Chandler dresse l'inventaire des effets de la victime.

Dans la matinée, les époux Davis et Amelia Richardson sont interviewés par des journalistes pour les éditions du soir. La nouvelle du meurtre est publiée le jour même.

Le Dr Phillips se rend à son tour à la morgue pour un examen post mortem vers 14h. Entre-temps, le corps a été déshabillé et lavé par deux infirmières de la Whitechapel Infirmary sans l'autorisation de la police. Le même incident s'était produit concernant Mary Ann Nichols, mais le Dr Llewellyn avait au moins pu, auparavant, examiner une seconde fois la victime dans la salle de la morgue. Cette fois-ci, le chirurgien n'a même pas pu examiner de façon approfondie le corps avant qu'il ne soit "préparé" par les infirmières, ce qui constitue une destruction d'indices très préjudiciable à l'enquête. On s'est demandé par la suite si la disparition d'organes imputée au tueur ne serait pas, en fait, arrivée pendant que l'on manipulait le corps.

Au cours de la journée, Stanley entend parler de la mort de son amie, et se rend à la maison Crossingham vers 14h30 pour vérifier si c'est vrai. Evans le lui confirme. Stanley repart sans dire un mot.

Dès l'après-midi, les habitants de l'immeuble font payer un penny l'accès à l'arrière-cour. Des centaines de badauds défilent ainsi devant les lieux du crime. Comme de nombreux Juifs du quartier sont présents, ils sont pris à partie par certains ouvriers à cause des rumeurs concernant "Tablier de Cuir". Des slogans antisémites fusent, et on assiste à des scènes de violence laissant présager des émeutes. Des renforts de police sont dépêchés sur place pour contenir, à grand peine, la foule agitée. À la nuit tombée, loin de se disperser, la foule grossit, et des groupes improvisent des manifestations antisémites à travers Hanbury Street. Toute la nuit est émaillée d'incidents mobilisant le chirurgien divisionnaire Phillips et son assistant pour intervenir sur des blessés graves[34],[35],[32].

Identification du corps[modifier | modifier le code]

Annie Chapman est très rapidement reconnue et identifiée. Lorsque le corps arrive à la morgue vers 7h, deux femmes vivant au 35 Dorset Street sont déjà présentes. Dès 7h30, Frederick Simmons est conduit à la morgue. Il buvait de la bière en compagnie d'Annie Chapman à la lodging house quelques heures auparavant. Il reconnaît immédiatement "Annie", et affirme qu'il lui manque trois anneaux aux doigts qu'elle portait encore la veille. Dans la matinée, le logeur Donovan, et le veilleur de nuit Evans, identifient à leur tour celle qu'ils connaissent sous le nom d'Annie "Siffey". Pendant ce temps, vers 10h, Amelia Palmer entend parler de la femme assassinée dont la description lui donne le pressentiment qu'il s'agit de son amie. Elle se rend d'abord au poste de police, puis elle est conduite à la morgue, où elle reconnaît "Dark Annie".

Le lendemain, dimanche , Fountain Smith identifie le corps de sa sœur.

Les différents lieux[modifier | modifier le code]

Ordnance Survey Map of Whitechapel. Plan de Whitechapel, Londres, publié en 1894

Légendes du plan ci-contre :

  • Pastilles rouges : Lieu du crime, dans la cour du 29 Hanbury Street ; devant le 29 Hanbury Street, Annie Chapman en compagnie du suspect (et probable assassin) ; dans Dorset Street : lodgings houses du 30 (au centre de la rue) et du 35 (pension Crossingham, vers l'ouest, à l'angle de Paternoster Row), et pub Britannia (à l'angle avec Commercial Road) ; carrefour de Brushfield Street et de Commercial Road (où Annie Chapman croise Edward Stanley vers le 1er septembre) ; parcours d'Annie Chapman dans Paternoster Row en quittant la lodging house, la nuit du meurtre.
  • Pastilles violettes : Trajet d'Elizabeth Long à travers Brick Lane et Hanbury Street ; Marché de Spitafields ; Christ Church, église de Spitalfields, au carrefour de Commercial Road et de Brushfield Street ; pub Prince Albert de Mme Fiddymont (angle de Brushfield Street et de Steward Street).
  • Ligne violette : Mulberry Street (où réside la famille de John Pizer, dit "Tablier de Cuir"), au sud de Whitechapel Road.
  • Les autres pastilles sont légendées sur la page de Mary Ann Nichols.

Description[modifier | modifier le code]

Quarante-six ans, 1,52 m, les yeux bleus, le teint pâle, cheveux bruns ondulés.

Souffre de malnutrition. Atteinte de tuberculose et d'une dégénérescence des tissus cérébraux.

  • Longue veste noire ornée, descendant jusqu'aux genoux, boutonnée sur le devant, et agrafée en haut sur le côté.
  • Long jupon noir.
  • Vieilles bottes usées à lacets
  • Bas de laine rayés de rouge et de blanc
  • Foulard de coton blanc bordé de rouge, porté autour du cou
  • Un morceau plié de mousseline effilochée, un peigne, et un peigne de poche rangé dans un étui de carton, une enveloppe déchirée contenant deux pilules. Le tout était porté dans une grande poche nouée autour de la taille sous les jupons.

Elle ne porte pas de bonnet, et possède deux ou trois anneaux de laiton portés à un doigt (manquants lors la découverte du corps).

Funérailles[modifier | modifier le code]

Annie Chapman est inhumée dans l'intimité, en présence des seuls membres de sa famille, le matin. Les pompes funèbres viennent en toute discrétion chercher le corps à la morgue d'Old Montague Street tôt le matin, puis l'acheminent rapidement au cimetière Manor Park, dans le district de Forest Gate de l'est londonien, où la famille s'est rendue directement. Elle est enterrée dans la fosse commune, et il n'existe, de nos jours, aucun vestige de sa tombe. La presse annonce l'inhumation d'Annie Chapman le lendemain[36].

Enquête judiciaire[modifier | modifier le code]

Les auditions de l'enquête judiciaire débutent le au Working Lads' Institute. Le coroner Baxter mène en parallèle l'autre enquête judiciaire en cours sur le meurtre de Mary Ann Nichols. Scotland Yard est représenté par les inspecteurs Abberline, Helson et Chandler, et les sergents Thicke et Leach. Le jury est emmené à la morgue pour voir le corps. Quatre jours d'auditions se succèdent les 10, 12, 13 et . Sont entendus : John Davis, Amelia Richardson, Harriett Hardyman[37] (habitants du 29 Hanbury Street) ; John Richardson (fils d'Amelia Richardson) ; Albert Cadosch (habitant du 27 Hanbury Street) ; James Kent et James Green (travaillant au 25 Hanbury Street) ; Elizabeth Long et Henry John Holland (deux passants) ; Timothy Donovan[38] et John Evans[39] (logeur et gardien de la Crossingham's lodging house) ; Amelia Palmer[40], Eliza Cooper[41], Edward Stanley[42], William Stevens[43] (connaissances d'Annie Chapman) ; Fountain Smith (frère d'Annie Chapman)[44] ; John Pizer (soupçonné d'être "Tablier de Cuir") ; l'inspecteur Chandler, les sergents Thicke et Badham[45] ; l'infirmière Sarah Simonds et le gardien de la morgue Robert Mann ; le Dr Phillips.

Au dernier jour de l'enquête, le , le coroner délivre ses conclusions[8],[31],[24],[13],[16],[46],[47],[48],[49],[50],[51],[36],[52].

Audition de John Davis, habitant du 29 Hanbury Street[modifier | modifier le code]

John Davis, homme âgé, est concierge du marché de Leadenhall (dans le centre de Londres), et charretier au service de M. Wisdom, marchand de fruits et légumes de ce marché. Il habite au 29 Hanbury Street depuis deux semaines dans une pièce du grenier donnant sur la rue, avec sa femme et ses trois fils.

La veille du meurtre, il s'est couché à huit heures, et sa femme une demi-heure plus tard. Ses fils se sont couchés un peu après, le dernier vers 22h45. Leur vasistas est resté fermé pendant la nuit. Réveillé à 3h, Davis s'est rendormi à 5h. De nouveau réveillé à 5h45, lorsque l'horloge de l'église de Spitalfields a sonné le quart, il s'est alors levé, a pris une tasse de thé, puis est descendu dans la cour. La porte d'entrée de l'immeuble et la porte de la cour ne sont jamais verrouillées, mais il faut connaître l'emplacement du loquet pour ouvrir celle de la rue. Il ne se souvient pas si celle de la cour était verrouillée tant il a été bouleversé par ce qu'il a vu ensuite. En tout cas, il l'a trouvée fermée, contrairement à la porte de l'immeuble qui était grande ouverte sur la rue, ce qui n'a rien d'inhabituel. En ouvrant la porte de la cour, il a immédiatement vu le corps d'une femme allongée sur le dos dans l'espace entre la clôture et les marches, sa tête près des marches tournée vers la maison. Les vêtements étaient relevés jusqu'à la taille.

Il n'est pas descendu dans la cour, et a couru immédiatement jusque dans la rue et a appelé deux hommes (James Kent et James Green) qu'il connaît de vue. Ils travaillent chez Bailey, fabricant de caisses d'emballage dans Hanbury Street, à trois portes du 29 (au 25A). Il les a trouvés en train d'attendre devant leur atelier, ou à l'arrière du Black Swan, et les a emmenés voir le corps, sans pénétrer dans la cour. Puis ils sont allés ensemble chercher la police. Il est allé, lui-même, alerter un inspecteur du poste de police de Commercial Street, lequel a envoyé des agents. Il n'a prévenu aucun des résidents de l'immeuble. Lorsqu'il est revenu du poste de police, il a trouvé des policiers déjà sur place. Il s'est ensuite tenu à l'extérieur de l'immeuble.

Il ne sait pas s'il est le premier à avoir découvert le corps, car Thompson s'est levé avant lui vers 3h30. Il n'a entendu aucun bruit avant de découvrir le corps.

Il a entendu dire, par Mme Richardson, que des femmes se rendent parfois dans cette cour, mais comme il n'est là que depuis quinze jours, il n'en a encore jamais rencontrées. Il ne connaissait pas la victime et ne l'avait jamais vue auparavant[30],[35],[31],[24],[53].

Audition de James Kent, travaillant au 25 Hanbury Street[modifier | modifier le code]

James Kent a 20 ans, habite dans le quartier de Shadwelln et travaille comme fabricant de caisses d'emballage pour M. Bailey, au 25A Hanbury Street. Son travail commence à 6h. Ce matin-là, il est arrivé avec dix minutes de retard. Le contremaître arrive chaque matin à 5h50 et se trouvait déjà là. La porte de son employeur était ouverte mais il a attendu devant avec James Green l'arrivée de leurs collègues. Davis, le voisin du 29, a couru depuis sa maison dans leur direction en leur criant de venir, et tenait sa ceinture à la main. Une fois sur place, en se tenant sur le haut des marches de l'arrière-cour, il a vu une femme allongée le long de la palissade, les vêtements en désordre. Ensuite, il a attendu un peu devant la maison pour voir si un policier allait venir. Il est finalement retourné à son atelier pour y chercher une toile afin de recouvrir le corps. Il s'est aussi arrêté pour boire du brandy. Quand il est revenu, une foule était déjà rassemblée, et l'inspecteur Chandler présent sur les lieux. Personne d'autre que le policier n'est allé dans la cour, tous étant trop effrayés par le spectacle. Il a pu revoir la femme, visiblement morte, une sorte de foulard imbibé de sang autour du cou, le visage et les mains pleins de sang, les entrailles sorties de son abdomen et mis sur son côté gauche. Il a été frappé par l'expression des mains, redressées, les paumes ouvertes, comme si elle avait lutté contre son assassin[47],[48].

Audition de James Green, travaillant au 25 Hanbury Street[modifier | modifier le code]

James Green a 36 ans, habite près de Burdett Road et occupe le même emploi que James Kent. Il est arrivé à 6h10, en même temps que son collègue, et l'a accompagné au 29 de la rue. Puis ils sont repartis ensemble. Il n'a vu personne toucher le corps. Il se trouvait devant la porte de son atelier lorsqu'est arrivé l'inspecteur Chandler. Il l'a suivi jusque dans la cour du 29. Des badauds étaient alors présents, mais aucun n'avait osé s'aventurer dans la cour. Il pense que le corps était alors dans le même état qu'au moment de sa découverte[47],[48].

Audition d'Henry John Holland, un passant[modifier | modifier le code]

Henry John Holland est fabricant de caisses d'emballage, et habite près de Mile End Road.

Vers 6H08, il passait devant le 29, Hanbury Street sur le chemin de son travail qui se trouve dans Chriswell Street. Il s'est arrêté pour parler à deux hommes travaillant chez Bailey. Un vieil homme (Davis) est sorti de la maison et leur a demandé de jeter un œil dans son arrière-cour. Il a traversé le couloir et a vu la femme morte étendue dans la cour près de la porte de derrière. Il n'a pas touché le corps. Ensuite, il est allé chercher un policier au marché de Spitalfields, qui lui a répondu qu'il ne pouvait pas venir. Pourtant le policier était immobile et ne faisait rien de particulier. Il a insisté en lui précisant que c'était un cas similaire à celui de Buck's Row. Alors le policier l'a renvoyé vers deux agents à l'extérieur du marché. Il est ressorti mais n'a trouvé aucun autre agent. Il est alors retourné dans Hanbury Street, et a vu vers 6h20 un inspecteur accourir avec un jeune homme.

Dans l'après-midi, il est allé au poste de police de Commercial Street pour se plaindre de l'attitude du premier policier. Le président du jury estime que le policier aurait dû se déplacer et suivre le témoin. Mais un inspecteur, présent à l'audience, réplique que certains agents de police ont pour ordre de ne pas quitter leur place et de renvoyer à d'autres agents en cas de besoin. Le coroner juge que l'inertie de ce policier n'a, en outre, pas entraîné de retard important[47],[48].

Audition et interview d'Amelia Richardson, habitante du 29 Hanbury Street[modifier | modifier le code]

Amelia Richardson est veuve et vit au 29 Hanbury Street depuis quinze ans. Elle n'est pas propriétaire de la maison, et en loue la moitié : l'appartement côté rue du premier étage, la cuisine à l'arrière du rez-de-chaussée, la cour et l'atelier de la cave où elle tient un commerce de caisses d'emballage. L'atelier est utilisé par son fils John, 37 ans, et son employé Francis Tyler qui travaille pour elle depuis 18 ans. Son fils habite dans John Street, à Spitalfields et travaille au marché le matin. Elle habite dans la pièce du premier étage en façade avec son petit-fils, et utilise la cuisine du rez-de-chaussée. La pièce côté cour est occupée par M. Walker, un vieil homme qui fabrique des chaussures de tennis sur gazon et vit avec son fils de 27 ans. Son fils est faible d'esprit et inoffensif. Au rez-de-chaussée sont deux chambres occupées par Mme Hardyman et son fils de 16 ans, ainsi que la boutique de viande pour chat donnant sur la rue. John Davis et sa famille sont au troisième étage côté rue, et Sarah Cox, une vieille dame qu'elle garde par charité, occupe la chambre côté cour. M. Thompson, charretier employé chez Goodson dans Brick Lane, sa femme et leur fille adoptive occupent la chambre principale du deuxième étage. Deux sœurs célibataires, qui travaillent dans une fabrique de cigares, vivent dans l'autre pièce sur la cour.

Ces locataires sont des gens pauvres mais travailleurs. Certains sont là depuis douze ans. Ils travaillent principalement sur le marché aux poissons ou au marché de Spitalfields. Les charretiers qui vont au marché aux poissons partent vers 1h du matin, et d'autres vers 4h ou 5h. Le lieu est donc ouvert toute la nuit.

La veille du crime, elle a cuisiné dans la cuisine du rez-de-chaussée, qu'elle a refermée à clef en repartant. Après une réunion de prière, elle a verrouillé sa porte d'entrée et s'est couchée vers 21h30. Réveillée vers 3h, elle n'a pu se rendormir et a somnolé tout le reste de la nuit, sans entendre aucun bruit inhabituel. À 3h50, elle a entendu Thompson descendre, et lui a crié : Good morning. Il n'est pas entré dans la cour et n'a rien remarqué. Son fils, John, a jeté un œil dans la cour vers 4h50, avant d'aller au marché, et n'a vu personne. C'est Davis, un autre locataire, qui a découvert le corps juste avant 6h.

Ce matin-là, Tyler est arrivé avec deux heures de retard à 8h. Elle a même dû envoyer quelqu'un le chercher. Il est souvent en retard quand l'activité est un peu relâchée. À 6h, s'est levé son petit-fils Thomas Richardson, 14 ans, qui vit avec elle. Elle l'a envoyé voir ce qui se passait à cause de l'animation que l'on entendait dans le couloir. Il est revenu pour lui annoncer qu'une femme avait été assassinée. Elle est descendue immédiatement et a vu le corps dans la cour. Il n'y avait personne d'autre dans la cour, mais des gens encombraient le couloir. Comme elle était encore en chemise de nuit, elle est aussitôt remontée chez elle pour s'habiller. Peu après, un agent de police est venu pour prendre possession des lieux. Il est le premier, à sa connaissance, à être entré dans la cour. Tous les locataires étaient présents dans la maison, sauf Davis et Thompson.

La partie inférieure du corps était découverte. Il n'y avait pas la moindre trace de lutte. Le "démon" qui l'a frappée devait être couvert de sang en repartant. Il ne semble pas s'être lavé au seau d'eau qui était entreposé dans la cour, car l'eau est restée claire.

Elle est certaine que la femme assassinée est venue volontairement dans la cour. Si une lutte s'était produite, les résidents auraient dû l'entendre. Certaines fenêtres donnant sur la cour étaient ouvertes. Mais personne n'a rien entendu. L'assassin et sa victime ont dû entrer en tachant de ne faire aucun bruit, car normalement, elle entend tous les gens qui circulent dans le couloir, et elle est très certaine qu'elle aurait dû les entendre passer. Ceci étant, elle n'y aurait peut-être pas prêté attention, car d'ordinaire, les matins de marché, il y a beaucoup de bruit et d'animation dans la rue. Elle n'a entendu aucun cri.

Les deux portes donnant sur la rue et sur la cour sont toujours ouvertes, comme dans toutes les maisons du voisinage. Les gens vont et viennent toute la nuit. Elle n'a jamais aucune inquiétude, n'ayant jamais entendu parler de vols dans l'immeuble, à l'exception du cambriolage de la cave. Le cadenas avait été fracturé. On leur a volé une scie et un marteau. Il y a un mois, elle a découvert un vagabond dormant dans les escaliers vers 3h ou 4h. Elle a appelé Thompson, et l'homme a dit qu'il attendait l'ouverture du marché. Il avait un accent étranger, et elle pense qu'il est revenu dormir dans l'escalier d'autres nuits. La cour est très fréquentée par des gens qui n'ont rien à y faire. "Mais à dire vrai, dit-elle, ils viennent quand même le faire". À la question d'un membre du jury qui lui demande si elle laisserait des gens entrer chez elle en sachant que c'est "dans un but immoral", elle répond que non. Dans un second temps, le coroner lui demande si elle pensait que sa maison et sa cour était visitée par des personnes extérieures "dans un but immoral". Elle répond catégoriquement non : elle n'a jamais vu de femmes inconnues au premier étage, et son fils ne lui en a jamais parlé.

Quant au tablier de cuir retrouvé dans la cour, c'est son fils qui l'utilise pour travailler à la cave. Le jeudi , cela faisait un mois qu'il ne s'en était pas servi, et elle l'a retrouvé tout couvert de moisissures à la cave. Alors elle l'a passé sous le robinet de la cour, et l'a laissé posé sur une pierre. Il y est resté jusqu'au samedi du meurtre. Le robinet est utilisé par tout le monde dans la maison. Le récipient rempli d'eau était là depuis vendredi soir à 20h. La police a saisi aussi une boîte vide qu'on utilise pour mettre des clous, et une pièce métallique qui sert à refermer une guêtre[13],[47],[48].

Audition d'Harriet Hardyman, habitante du 29 Hanbury Street[modifier | modifier le code]

Harriet Hardyman habite au 29 Hanbury Street, où elle est vendeuse de viande pour chat dans la boutique du rez-de-chaussée.

Elle s'est couchée vers 22h30. Son fils dort dans la même chambre. Elle a dormi toute la nuit, sans entendre quoi que ce soit de suspect, et a été alertée par l'agitation dans le couloir vers 6h. Elle a réveillé son fils et l'a envoyé voir ce qui se passait, car elle croyait à un incendie. En revenant, il lui a annoncé qu'une femme avait été tuée dans la cour. Elle n'est pas sortie de chez elle.

Dans le passé, elle a souvent entendu des gens passer par le couloir pour se rendre dans la cour, et ne s'est jamais préoccupée d'aller voir qui ils étaient. La victime lui était inconnue.

Audition de John Richardson, fils d'Amelia Richardson[modifier | modifier le code]

John Richardson est le fils de Mme Richardson, il a 33 ans et demeure dans John Street. Il travaille au marché de Spitalfields comme manutentionnaire et aide aussi sa mère dans ses affaires. Chaque jour de marché, il passe le matin chez sa mère au 29 Hanbury Street, pour vérifier que tout va bien dans l'arrière-cour. Il y a quelques mois, leur atelier de caisses d'emballage à la cave a été cambriolé, et on lui a volé quelques outils.

Ce matin-là, il est passé vers 4 h 45-50, et n'a vu personne. Le cadenas de la cave était bien en place. Les deux portes de l'immeuble et de la cour étaient fermées. Dans la cour, il s'est assis sur la marche du milieu pour couper un morceau de cuir qui dépassait de sa botte, et lui faisait mal, à l'aide d'un vieux couteau de table. La lame est d'environ 13 cm. Il gardait en général le couteau chez lui, John Street. Ce matin-là, il avait coupé une carotte en morceaux pour la donner à son lapin, et avait ensuite rangé machinalement son couteau dans sa poche, ce qu'il ne fait jamais en général. Après avoir enlevé ce morceau de cuir, il a attaché sa botte, puis il est ressorti de la maison pour aller au marché. Il a refermé la porte donnant sur la rue. Quant à la porte de la cour, elle se rabat toute seule. Il n'est resté que deux ou trois minutes sur place. Le jour commençait à se lever mais on voyait clair partout. Si la femme avait été là, il l'aurait certainement remarquée.

Il arrive ensuite au marché de Spitalfields. À 6h20, il entend dire, par Thomas Pierman, qu'une femme a été assassinée chez sa mère, et s'en retourne aussitôt. Comme l'immeuble est encombré, il se rend dans une cour voisine pour essayer d'apercevoir le corps. Deux ou trois minutes plus tard est arrivé le chirurgien. La police, sur avis du chirurgien, a saisi son tablier de cuir qui se trouvaient sur place ainsi qu'une boîte de clous.

Il lui est déjà arrivé de passer la nuit dans l'immeuble. De nombreux visiteurs se rendent dans les parties communes, à toute heure, hommes et femmes. Il les a souvent chassés. Il en a même rencontrés jusqu'au palier du premier étage. Le coroner lui demande s'ils viennent « dans un but immoral ». Il le confirme. Le coroner lui demande d'aller chercher son couteau. De retour, il montre le couteau en question : c'est un couteau à dessert très élimé. Comme il n'est pas assez pointu, il ne lui a même pas servi sur le marché, où il a dû en emprunter un autre. Le coroner retient le couteau comme pièce à conviction pour le moment. John Richardson contredit aussi sa mère, et maintient qu'il lui a bien parlé des inconnus qui s'introduisent de temps en temps dans la maison, et qu'elle les a elle-même entendus passer[16],[47],[48].

Audition d'Albert Cadosch, habitant du 27 Hanbury Street[modifier | modifier le code]

Albert Cadosch, charpentier, habite au 27 Hanbury Street, l'immeuble voisin du 29.

Il s'est levé vers 5h15. Il est ensuite entré dans la cour vers 5h20. Revenant vers la maison quelques instants plus tard, juste au moment où il franchissait la porte, il a entendu une voix de femme de l'autre côté de la palissade dire : "Non". La voix venait de la cour du 29, mais il ne sait pas de quel côté. Il est alors rentré dans son immeuble, puis environ trois ou quatre minutes plus tard, il est ressorti dans la cour. Revenant de nouveau vers la maison, il a entendu une sorte de chute contre la palissade, comme si quelque chose l'avait heurtée soudain. Il n'a pas cherché à savoir ce que c'était, et n'a pas eu la curiosité de regarder par-dessus la clôture. Et quand il était à l'autre bout de la cour, il n'a rien entendu. Il n'a pas entendu de bruissement de vêtements. Sans s'attarder, il a traversé le couloir de son immeuble pour aller au travail. La rue était absolument déserte (il n'a pas vu Mme Long). Environ deux minutes après 5h30, il est passé devant l'église de Spitalfields.

Il a déjà remarqué que des visiteurs de passage circulaient de temps en temps dans les cours des immeubles, mais cela n'arrive pas souvent. Comme il estime la hauteur de la palissade à environ 1,70 m-1,80 m, le président du jury lui demande s'il n'a pas eu la curiosité de regarder par-dessus la palissade pour voir ce qui se passait, et si ce genre de bruit était habituel. Il répond qu'il n'a pas eu l'idée de regarder, parce que ses voisins sont des fabricants de caisses d'emballage. Il leur arrive parfois de travailler tôt et de heurter la palissade avec des caisses. De plus, il était d'abord préoccupé par son travail, loin de songer qu'il aurait pu se passer quelque chose d'anormal, sinon il aurait regardé. Et s'il est retourné une seconde fois dans la cour, ce n'était pas à cause de la voix entendue dans la cour du 29.

Il a livré son témoignage à la police le soir-même, en rentrant du travail[13],[49],[50].

Audition d'Elizabeth Long, une passante[modifier | modifier le code]

Elizabeth Long vit dans Church Row, à Whitechapel. Son mari, James Long, est gardien de voitures.

Ce matin-là, elle est partie de chez elle vers 5h pour aller au marché de Spitalfield. Elle traversait Hanbury Street juste après 5h30 en marchant sur le côté droit. Elle est sûre de l'heure car juste au moment de tourner dans la rue, elle a entendu l'horloge de la brasserie de Brick-Lane sonner la demie. Un peu plus loin, un homme et une femme étaient en train de parler sur le trottoir de droite, à quelques mètres du 29. L'homme était de dos et la femme de face. Elle a clairement vu le visage de la femme, mais pas celui de l'homme, remarquant seulement qu'il avait le teint sombre et qu'il ressemblait à un étranger. Il devait avoir plus de quarante ans et portait un petit chapeau de feutre brun ou un deerstalker brun (les versions varient), un manteau sombre (mais elle n'est pas sûre), et était un peu plus grand que la femme. Sa tenue était soignée, mais pauvre. En passant, elle a entendu une brève conversation. Il lui a dit : "Voulez-vous", et elle a répondu : "Oui." Sans se retourner, Elizabeth Long a poursuivi son chemin, et ne sait où ils sont allés. Cela n'a rien d'inhabituel, car elle en rencontre souvent d'autres comme eux, même à une heure aussi matinale.

Elle a spontanément fait connaître son témoignage à la police le . Conduite à la morgue le jour-même, elle a formellement reconnu la femme[47],[48],[54],[49],[50].

Audition de John Pizer, supposé être "Tablier de Cuir"[modifier | modifier le code]

John Pizert habite en ce moment au 22 Mulberry Street, Commercial Road East, chez son demi-frère et sa belle-mère. Il est bottier.

Il reconnaît être celui que l'on soupçonne d'être "Tablier de Cuir", mais ces soupçons sont infondés. En ce moment, il est en liberté, et souhaite se défendre publiquement. Le coroner précise qu'il l'a convoqué en partie pour lui en donner l'occasion.

Le soir du meurtre, il était au 22 Mublerry Street, où il demeurait depuis le jeudi vers 22h45. Habitent à cette adresse son demi-frère, sa belle-sœur et sa belle-mère. Il n'est pas ressorti de la maison jusqu'à l'arrivée du sergent Thicke venu l'arrêter le lundi 10 à 9h du matin. Se sachant recherché, il est resté enfermé sur le conseil de son frère. Le coroner trouve le conseil peu judicieux.

Avant le , il vivait dans une lodging house de Peter Street, à Westminster, dans le West End. Le coroner lui demande où il était le jeudi (nuit du meurtre de Mary Ann Nichols). Après un moment de réflexion, il répond qu'il était dans Holloway Road, dans une lodging house appelée Round House appartenant à M. Crossman. C'était la nuit de l'incendie du London Dock, et il est rentré dormir vers 2h ou 2h15. Il en est reparti à 11h. Alors, il a vu les affiches titrant : Another horrible murder. Il a dîné ce vendredi à la Round House à 11h. Puis il est allé jusqu'à Seven Sisters Road avant de revenir vers Highgate Way en passant par Holloway Road. Là, vers 1h30, il a vu au loin les lueurs d'un nouvel incendie. Devant l'église d'Holloway Road, il a demandé à deux policiers et à un logeur où était cet incendie. Ils lui ont répondu que c'était aux Albert Dock. Puis il est allé du côté de la gare de Highbury, avant de rentrer à la lodging house. Il payé le veilleur de nuit, mais son lit n'était plus libre depuis 23h (heure à laquelle ils sont tous reloués). Alors, il lui a payé 4 pence pour avoir un autre lit. Il est allé fumer la pipe ensuite à la cuisine, puis est parti se coucher. Le lendemain, il s'est levé à 11h parce que le logeur voulait faire le lit. Il est alors retourné à la cuisine.

Le coroner précise que le témoignage de John Pizer sur ses allées et venues a été vérifié et confirmé[47],[48].

Audition du sergent William Thicke[modifier | modifier le code]

Il a arrêté John Pizer le lundi au 22 Mulberry Street. Il le connaît sous le nom de "Tablier de Cuir" depuis de nombreuses années. Il affirme que John Pizer est bien celui que les gens surnomment "Tablier de Cuir"[47],[48].

Audition de l'inspecteur Joseph Chandler (H Division, Secteur de Stepney)[modifier | modifier le code]

Le samedi , à 6h10 (ou 6h02 dans d'autres comptes-rendus), il était de service dans Commercial Street, lorsqu'il a vu plusieurs hommes courir. Leur ayant fait signe, l'un d'eux lui a déclaré qu'une autre femme avait été assassinée. Aussitôt, il l'a suivi jusqu'au 29 Hanbury Street, et a rejoint la scène de crime dans l'arrière-cour. Il a vu une femme allongée sur le dos, parallèlement à la palissade, sa tête dirigée vers le côté droit du mur de la maison, à environ 60 cm du mur et environ 15-20 cm des marches. Son bras gauche reposait sur sa poitrine gauche, sa main droite le long du corps, les jambes repliées, les vêtements remontés au-dessus des genoux. Une partie des intestins, encore reliés à son abdomen, posés par-dessus l'épaule droite, avec des lambeaux de chair. D'autres lambeaux étaient posés sur l'épaule gauche.

Personne d'autre n'était présent dans la cour. Il est resté sur place et a envoyé chercher le Dr Phillips, chirurgien divisionnaire, ainsi qu'une ambulance et des renforts au poste de police. Lorsque les agents sont arrivés, il a fait dégager le couloir encombré de badauds pour veiller à ce que personne ne touche le corps, qu'il a fait recouvrir, avant l'arrivée du chirurgien. Ce dernier est arrivé vers 6h30. Après avoir examiné le corps, le médecin a ordonné de le transporter à la morgue. Une fois le corps évacué, l'inspecteur a inspecté la cour, et trouvé un morceau de mousseline, un petit peigne, et un peigne de poche dans un étui, qui reposaient près des pieds de la femme. Il y avait aussi, à l'endroit où la tête reposait, un bout d'enveloppe déchirée, à en-tête du Sussex Regiment, contenant deux pilules. On pouvait lire la lettre "M…" inscrite sur l'enveloppe d'une écriture peut-être masculine, plus bas les lettres "Sp…", comme si l'on avait écrit "Spitalfields", et le cachet de la poste du à Londres. À environ 60 cm d'un robinet, il a aussi retrouvé un tablier de cuir imbibé d'eau, que le médecin a examiné. D'autres objets étaient près du corps : une boîte vide, comme celles qu'utilisent en généralement les fabricants de caisses d'emballage pour y mettre des clous, et un morceau métallique plat (identifié par Mme Richardson comme une boucle servant à refermer une des guêtres de son fils).

La cour est pavée grossièrement et partiellement de terre battue. La palissade était tachée de sang à l'endroit où était le corps, ainsi que le mur à 60 cm du sol. Ces éclaboussures, de tailles inégales, étaient très proches les unes des autres. L'une d'elles avait la taille d'une pièce de six pence. D'après l'aspect des vêtements, qu'il a examinés, et d'après les constatations faites sur place, il n'y a pas eu de lutte. La victime portait une grande poche sous la jupe maintenue par des ficelles, qui a été déchirée et retrouvée vide.

Il a rencontré John Richardson vers 6h45. Celui-ci lui a déclaré être passé à la maison vers 4h45 pour vérifier le cadenas de la porte de la cave, avant de repartir à son travail. Il n'a pas vu de corps à ce moment-là.

Il est arrivé à la morgue un peu après 7h. L'état du corps ne semble pas avoir été dérangé durant son transport. Mais il n'a pas attendu l'arrivée du médecin et a confié le corps à l'agent de police Barnes 376 Division H (secteur de Stepney).

La palissade, pas très haute, pourrait supporter le poids d'un homme qui l'escaladerait, mais aucun indice n'a été retrouvé que l'assassin serait passé par là. Dans la cour voisine, une partie de la clotûre a été endommagée depuis, mais elle était encore intacte lors des premières constatations. Il est allé lui-même visiter les cours voisines. Tous les examens possibles ont été réalisés, et aucune trace de sang n'y a été découverte. Mais le mardi après-midi, certaines traces ont été découvertes sur le mur de la maison du 25 Hanbury Street. Elles ont été examinées ensuite par le Dr Phillips.

Le président du jury lui demande si l'enveloppe à en-tête du Sussex Regiment ne concerne pas le dénommé Stanley. Chandler répond que l'homme n'a pas encore été retrouvé. Aucun témoin ne semble le connaître précisément. Le coroner espère qu'il se manifestera de lui-même[46],[55].

Audition de Robert Mann, gardien de la morgue, le 13 septembre[modifier | modifier le code]

Robert Mann, également entendu dans l'affaire Mary Ann Nichols, est résident du Whitechapel Workhouse.

Il a réceptionné le corps d'Annie Chapman à 7h, puis est resté sur place jusqu'à l'arrivée du Dr Phillips. Deux infirmières du dispensaire sont venues entre-temps pour déshabiller le corps, auquel personne d'autre n'a touché. Puis il a remis la clef de la morgue à la police.

Discussion sur l'état de la morgue de Whitechapel[modifier | modifier le code]

Le coroner observe que la morgue d'Old Montague Street n'en est pas réellement une, mais plutôt une sorte de hangar utilisé par les ouvriers du workhouse, et qu'on ne devrait pas y entreposer de corps. Le district de Whitechapel est dépourvue de morgue publique digne de ce nom, et le jury s'en est d'ailleurs plaint à maintes reprises auprès du District Board of Works (Direction des Travaux publics). L'East End est le secteur le moins bien équipé de Londres, alors que ses besoins sont parmi les plus importants. Lorsque des cadavres sont repêchés dans la Tamise, ils sont placés dans des cercueils pour être cheminés depuis le district de Wapping jusque dans cette morgue improvisée. Les employés des workhouses n'ont aucune aptitude pour prendre soin d'un corps dans le cadre d'une affaire judiciaire aussi éminente que celle-ci.

Cette question sera de nouveau abordée quelques jours plus tard dans les auditions du 17 septembre concernant Mary Ann Nichols, dont le corps avait également été déshabillé et lavé par les employés de la morgue contre l'avis de la police.

Reprise de l'audition[modifier | modifier le code]

Robert Mann était présent pendant l'autopsie. Selon lui, le chirurgien aurait demandé à voir l'écharpe que la victime portait au cou. Mann l'aurait retrouvée parmi les vêtements entassés dans un coin de la salle, et l'aurait présentée au chirurgien. Celui-ci lui aurait ensuite demandé de la tremper dans l'eau. Il pense que les infirmières l'avaient retirée quand elles ont déshabillé la victime, mais il ne les a pas vues faire. Le coroner dit au jury que c'est faux et que Robert Mann n'est pas fiable du tout[46].

Audition de Sarah Simonds, infirmière du dispensaire de Whitechapel[modifier | modifier le code]

En compagnie de l'infirmière principale, elle s'est rendue à la morgue le samedi du meurtre et a trouvé le corps dans l'ambulance stationnant dans la cour. Le corps a été ensuite introduit à l'intérieur de la salle et posé sur la table. L'inspecteur Chandler a demandé de le déshabiller, ce qu'elle a fait, puis elle a entassé les vêtements dans un coin. Mais elle n'a pas touché au foulard que la victime portait au cou. Elle en est absolument certaine. Ensuite, elles ont nettoyé les traces de sang sur le corps. Quant à la poche que la victime portait nouée autour de la taille, les ficelles qui la retenaient étaient encore bien en place. Avant leur intervention, aucun vêtement n'avait été ni découpé ni déchiré.

L'inspecteur Chandler intervient pour dire qu'il n'a jamais demandé aux infirmières de déshabiller et de laver le corps[46].

Audition du docteur George Baxter Phillips, chirurgien divisionnaire[modifier | modifier le code]

Illustration parue dans l'Illustrated police news, 1888.

La police est venue le chercher vers 6h20. Il est arrivé au 29 Hanbury Street à 6h30.

Premier examen à 6h30 le 8 septembre, sur la scène de crime[modifier | modifier le code]

Le corps de la victime gisait sur le dos, la tête reposant à 15 cm des marches, le bras gauche posé sur la poitrine gauche, les jambes repliées, les pieds reposant à plat sur le sol, les genoux tournés vers l'extérieur.

Le corps était froid, avec un reste de chaleur à l'intérieur des entrailles. La rigidité cadavérique commençait seulement. La mort remontait à au moins deux heures, probablement plus, mais il faut prendre en compte que la matinée était froide, et que la perte de sang a pu accélérer le refroidissement du corps[56].

Le visage était enflé et tourné vers le côté droit. La langue, très enflée, dépassait des dents, mais pas des lèvres.

La gorge était entaillée par une incision profonde, et l'abdomen terriblement mutilé.

L'intestin grêle et d'autres lambeaux étaient placés par-dessus l'épaule droite, jusqu'à terre, toujours reliés à la cavité abdominale. Une partie de l'estomac était placé par-dessus l'épaule gauche, avec une grande quantité de sang[57].

Sur le mur de la maison, entre les marches et la palissade, à environ 45 cm du sol, ont été retrouvées six taches de sang de tailles diverses, dont la plus importante était de la taille d'une pièce de six pence. Du sang coagulé a été retrouvé sur la palissade, produit par frottement, à l'endroit où reposait la tête, juste à l'endroit où s'écoulait le sang de la gorge.

Il n'y a aucune trace de lutte. La victime est sûrement entrée vivante dans la cour. Le médecin a fouillé minutieusement le couloir de l'immeuble où il n'a trouvé aucune trace de sang.

Dans la cour, il a retrouvé un petit morveau de mousseline, un peigne à petites dents, et un peigne de poche dans un étui cartonné, près de la palissade où ils avaient été apparemment disposés. Il a trouvé d'autres objets qu'il a remis à la police.

Le , à la suite du signalement d'une petite fille, il s'est rendu au 25 Hanbury Street pour voir les traces de sang qui ont été découvertes dans la cour de cet immeuble voisin de la scène du crime. Il n'a aucun doute qu'aux yeux d'un néophyte ces traces puissent ressembler à du sang, mais il est convaincu, pour sa part, qu'il ne s'agit pas de sang. Ceci étant, il doit terminer son examen avant de le confirmer [plus tard, il confirme qu'il ne s'agit pas de sang].

Second examen à 14h le 8 septembre, à la morgue[modifier | modifier le code]

Peu après 14h, il a reçu l'ordre de se rendre à l'atelier de la Whitechapel Union (autrement dit, la morgue d'Old Montague Street) pour y reprendre l'examen et mener l'enquête post mortem de rigueur. Il a été surpris de voir que le corps avait été dépouillé, nettoyé et installé sur la table. Cette initiative malheureuse a entraîné une grande perte d'informations. Il est indigné de devoir exercer dans de telles conditions, comme il l'a déjà fait observer à maintes reprises par le passé. Nouveau débat entre le coroner et le président du jury sur l'état de la morgue de Whitechapel.

Le chirurgien a relevé des ecchymoses anciennes, datant de quelques jours, sous la clavicule, sur la poitrine et sur la tempe droite, et des ecchymoses plus récentes au menton et sur le bord des mâchoires.

Lors de ce second examen, la rigidité de membres était à présent bien avancée.

Deux incisions au cou ont atteint les vertèbres, trahissant une tentative de décapitation.

Les mutilations à l'abdomen sont postérieures à la mort. Le médecin et le coroner ne jugent pas utile d'entrer dans les détails, ne serait-ce que pour préserver le secret de l'enquête. Certains organes manquent[58].

Il pense que la victime a d'abord subi une asphyxie. La pression sur la gorge a pu l'empêcher de crier. Le gonflement de la langue montre un étranglement, au moins partiel. Elle est soit morte de cette asphyxie, soit de l'écoulement de sang après l'ouverture de la gorge. L'auteur lui a sans doute maintenu le menton pendant qu'il pratiquait une incision de gauche à droite.

L'assassin a employé le même instrument : un couteau très tranchant à lame fine et étroite d'au moins 15 à 20 cm de longueur, voire plus. L'arme du crime n'est sans doute pas une baïonnette, ni un instrument de chirurgie. Le matériel de chirurgie ne prévoit aucun instrument de cette sorte. Un couteau de cordonnier ou de tanneur ne serait pas assez long. L'arme pourrait être un couteau utilisé par les abatteurs, mais bien aiguisé. Le tueur possède sans doute des connaissances anatomiques, difficiles à évaluer pleinement à cause de la précipitation évidente avec laquelle il a agi, aux antipodes des conditions normales d'une dissection. Le retrait de certains organes montre en tout cas des connaissances anatomiques.

L'état des membranes du cerveau est très inhabituel. Il note aussi que la victime souffrait depuis longtemps d'une maladie des poumons ancienne et présente des signes importants de malnutrition. L'estomac contenait peu de nourriture. Elle n'a pas consommé d'alcool, ou du moins pas d'alcool fort dans les heures qui ont précédé la mort[46],[55].

Nouvelle audition le 19 septembre[modifier | modifier le code]

À cause de certains désaccords avec le coroner, le Dr Phillips est rappelé.

Il pense que l'auteur a saisi le menton de la victime parce qu'il a trouvé trois égratignures sous le lobe de l'oreille gauche et une ecchymose sur la joue droite.

Il croit toujours imprudent de rendre publique la nature des blessures reçues à l'abdomen pour des questions de décence. Le coroner fait alors évacuer de la salle les deux femmes présentes et les jeunes vendeurs de journaux, puis il insiste pour avoir ces détails. Le président du jury appuie sa demande. Le médecin est long à se laisser convaincre, et craint que cette divulgation ne desserve aussi l'enquête. Le coroner répond que l'enquête a commencé il y a déjà quinze jours et qu'à présent, il n'y a plus aucun motif de poursuivre cette rétention.

Le chirurgien s'incline et donne tous les détails (non publiés par la presse[59]). La longueur de la lame est au moins d'environ 13-15 cm, probablement plus, et doit être très aiguisée. L'auteur dispose d'une certaine connaissance anatomique. Le Dr Phillips s'estime lui-même incapable d'accomplir une telle opération en moins d'un quart d'heure. Dans les conditions normales d'une dissection, une bonne heure serait sans doute nécessaire.

Selon lui, le prélèvement d'organes est sans doute le mobile du tueur.

Le président du jury lui demande si les yeux de la victime ont été photographiés, au cas où ils auraient conservé l'image du meurtrier. Le chirurgien lui répond qu'il a estimé cette opération inutile[49],[50].

Débat sur la récompense[modifier | modifier le code]

Au cours des digressions qui ont ponctué l'audition de Robert Mann le , le jury et le coroner débattent de la question de la récompense que réclament les habitants et commerçants de Whitechapel pour aider à l'arrestation du meurtrier. Cette question devient rapidement un sujet politique d'importance utilisé par l'opposition libérale pour attaquer le gouvernement conservateur. Le président du jury, qui se fait le porte-parole de ses concitoyens, évoque un fonds en cours de constitution, que doivent réunir les habitants du quartier. Le député libéral Samuel Montagu (en), a lui-même proposé d'offrir 100 livres si le gouvernement autorisait de verser cette récompense pour toute information permettant d'identifier le tueur. Mais le coroner pense que le gouvernement n'est pas décidé à donner cette autorisation, non pas par souci d'économie, mais pour éviter que cet argent ne profite à des individus douteux.

Le , le président du jury reviendra à la charge, pendant les auditions de l'enquête sur Mary Ann Nichols, n'hésitant pas à s'engager dans un débat tendu avec le coroner. Le soir même du 17, le député de Whitechapel Samuel Montagu participe à une réunion politique dans une grande salle du Working Lads' Institute (où se déroule l'enquête publique du coroner), et renouvelle sa proposition d'offrir 100 livres.

La question est abordée une troisième fois pendant la séance du , où le jury relaie les annonces du Comité de Vigilance, qui est en train de réunir 200 livres, et espère constituer avec les 100 livres de Samuel Montagu une cagnotte de 300 livres. En réaction, le coroner n'est toujours pas convaincu que le gouvernement envisage de donner son accord[49].

Conclusions du coroner[modifier | modifier le code]

Le , le coroner présente ses conclusions de l'enquête judiciaire[28].

Ses derniers moments[modifier | modifier le code]

Annie Chapman avait d'abord vécu séparée de son mari avant de devenir veuve. Coupée de sa famille, elle avait échoué dans les lodging houses de Spitalfields. Elle vivait dans un climat de promiscuité, de privations et de violence. Au cours de sa dernière journée dans Dorset Street, elle a passé son temps entre le pub du Britannia et la maison du 35. N'ayant pas l'argent de son lit, elle doit se mettre en quête de le trouver, et se retrouve à la rue à 1 h 45. Le veilleur de nuit la voit traverser Little Paternoster Row, puis tourner dans Brushfield Street en direction d'Hanbury Street. Elle portait encore deux ou trois anneaux de laiton sans valeur à son doigt d'alliance. Nous la perdons de vue jusqu'à 5 h 30.

L'heure de la mort[modifier | modifier le code]

Mme Long traverse alors Hanbury Street pour se rendre au marché de Spitalfields. Marchant sur le côté droit de la rue, elle voit un homme et une femme à quelques pas de la scène de crime. Elle est certaine de reconnaître Annie Chapman et surprend une bribe de conversation. À la requête laconique : "Voulez-vous ?", elle répond par un simple consentement. Mme Long ayant poursuivi sa route sans se retourner, c'est la dernière fois qu'elle est aperçue vivante. Un autre témoignage vient contredire ce scénario quant à l'horaire, mais il n'est pas rare de rencontrer de telles contradictions dans ce genre d'affaire. Elle est retrouvée morte vers 6 h. Elle n'était pas encore dans la cour lorsque Richardson est venu à 4 h 50. Cadosch entend des voix derrière la palissade - le mot "non" - vers 5 h 20. Trois ou quatre minutes plus tard, il entend le bruit d'une chute contre la clôture. La divergence entre les deux témoignages n'est pas d'un grand intervalle. D'ailleurs Cadosch n'est pas certain de l'heure et peut se tromper. Il dit s'être levé vers 5h15 et être passé devant l'horloge de Spitalfield après 5 h 30. Le Dr Phillips, quant à lui, examinant le corps à 6 h 30 fait remonter la mort à au moins deux heures, tout en admettant que son diagnostic puisse être faussé par la température du matin et la grande perte de sang de la victime. Thompson quitte les lieux à 3 h 50, Richardson passe à 4h40, Cadosch marche dans la cour voisine après 5h15, et enfin Davis se levant à 5h45 lorsque sonne l'horloge de l'église Spitalfields, descend du troisième étage, pour venir jusque dans l'arrière-cour où il découvre le corps mutilé de la victime. Il est alors un peu plus de 6h. Dix minutes plus tard, l'inspecteur Chandler est informé dans Commercial Street de la découverte du crime.

Les lieux[modifier | modifier le code]

Dans la maison vivaient dix-sept personnes, tous couchés, du rez-de-chaussée au grenier. La porte de la rue et la porte de la cour n'étaient jamais verrouillées, et le couloir était emprunté par des gens de passage. Annie Chapman connaissait très certainement l'endroit, n'étant qu'à 250-400 mètres de son propre logement. Il n'est donc pas nécessaire de supposer que le tueur connaissait les lieux. Il ignorait sans doute les activités et les heures de passage des habitants de l'immeuble. Il semble donc que la victime et l'assassin ont parcouru ensemble le couloir menant à la cour, par la porte battante du fond. Ils ont descendu les marches. Sur la gauche, il y a un renfoncement entre les marches et la palissade. Ils devaient se tenir à cet endroit.

L'assassinat[modifier | modifier le code]

Alors, le criminel la saisit par le menton et lui serre la gorge, l'empêchant de crier. Il n'y a aucun signe de lutte. Les vêtements n'ont pas été déchirés. Une fois la victime à terre, l'auteur du crime a pu se livrer à des mutilations en commençant par la gorge. Il fait preuve d'une audace et d'une imprudence surprenantes, allant jusqu'à prendre le temps de vider les poches de la victime, dont il dispose avec soin le contenu à terre. Il lui retire les anneaux qu'elle porte au doigt. Seize personnes sont alors présentes dans la maison. Les cloisons sont en bois. Davis se réveille à 5h45. Mme Richardson ne dort pas, et n'entend pourtant aucun bruit. Mme Hardyman au rez-de-chaussée dort profondément. Personne n'entend rien parmi les occupants. Et tout cela au lever du jour. En quittant les lieux, il emporte un butin : les deux anneaux, et l'uterus de la victime. Il est reparti les mains sans doute pleines de sang, puisqu'il n'a pas utilisé le robinet de la cour ou le seau d'eau pour se nettoyer.

Hypothèse : un habitué des salles d'autopsie[modifier | modifier le code]

Il semble avoir de grandes connaissances anatomiques : l'organe a été prélevé avec soin. Un simple abatteur d'animaux n'aurait pas pu réaliser l'opération. [Ici, le désaccord avec le chirurgien est manifeste : ce dernier n'est pas aussi catégorique à propos des "connaissances anatomiques" du meurtrier qu'il estime modérées, et juge au contraire plausible un rapprochement avec les abatteurs d'animaux. C'est aussi l'avis du Dr Llewellyn].

L'auteur est sans doute un habitué des salles d'autopsie. Son mobile est certainement de s'emparer de cet organe, le vol des anneaux ayant peut-être pour but d'égarer les enquêteurs sur ses intentions réelles. Il n'est pas nécessaire d'envisager que le tueur puisse être atteint de folie, si on admet qu'il aurait pu être motivé par la revente d'organes, étant donné que ce marché existe. Un fait le démontre : il y a quelques mois, un Américain a cherché à se procurer auprès d'un sous-conservateur du Pathological Museum des organes humains du même type que ceux prélevés sur Annie Chapman. Il était prêt à débourser 20 livres pour chaque pièce, et voulait les expédier en Amérique. Sa requête ayant été refusée, il a fait une nouvelle tentative dans une autre institution. Il n'est donc pas impossible que l'appât du gain ait poussé quelqu'un, au courant de la requête du visiteur américain, à commettre ces crimes.

Mise au point de la presse médicale après les conclusions du coroner[modifier | modifier le code]

Dans ses conclusions clôturant l'enquête judiciaire le , le coroner Baxter suppose que le prélèvement d'organes est le motif principal du crime, et fait le lien avec la requête suspecte d'un Américain auprès d'une école de médecine à Londres pour acheter ce type d'organe. Mais le Lancet du dénonce "l'absurdité" et la "grave erreur de discernement" du magistrat. Le British medical journal du écarte à son tour cette théorie, précisant que cette rumeur provient de propos déformés et mal interprétés. L'Américain en question est, en réalité, un médecin très réputé dans son pays, et souhaitait consulter des échantillons dans une ou deux facultés de médecine au début de l'année 1887, dans un but purement scientifique. Il est d'ailleurs reparti dans son pays dix-huit mois avant le crime. Le lendemain, le Chicago tribune du révèle que le mystérieux médecin serait de Philadelphie. D'après l'historien Philip Sugden, ce médecin ne serait autre que Francis Tumblety, considéré aujourd'hui comme l'un des suspects possibles[60].

Enquête de police[modifier | modifier le code]

L'enquête est aussitôt prise en main par l'inspecteur Frederick Abberline, du Criminal investigation department (CID) de Scotland Yard, assisté de l'inspecteur Helson (J Division, secteur de Bethnal Green), qui enquêtent déjà sur le meurtre de Mary Ann Nichols, persuadés que les deux crimes ont été commis par le même auteur, estimant que les blessures infligées sont similaires, quoique commises avec plus de sauvagerie concernant Annie Chapman[19]. Ils sont associés au surintendant par intérim et inspecteur en chef West, responsable du secteur de Stepney (H Division) où le meurtre d'Annie Chapman a été commis. À partir du , le chef de Scotland Yard, Charles Warren, charge Donald Swanson (en) de diriger l'ensemble de l'enquête.

La piste des bandes criminelles, évoquée depuis le meurtre d'Emma Elizabeth Smith, est définitivement écartée[13]. Dès le premier jour, une douzaine de suspects sont arrêtés et amenés au poste de Commercial Street. Les arrestations multiples se poursuivent dans les jours suivants. Whitechapel grouille de policiers. Le matin de la découverte du crime, les habitants du 29 Hanbury Street sont emmenés au poste de police de Commercial Street pour être interrogés. Les enquêteurs sont rapidement inondés de témoignages sans rapport avec l'affaire pendant les jours qui suivent le meurtre. Ils reçoivent aussi des centaines de lettres de gens prétendant les guider dans leurs recherches.

Depuis le , la police était sur la trace de "Tablier de Cuir", mais le Star et d'autres journaux ayant ébruité cette piste, l'homme suspecté - John Pizer - s'est réfugié dans sa famille. C'est donc en vain que la police le recherche en fouillant de nombreuses lodging houses. Finalement arrêté le , il est cependant mis hors de cause. Mais à présent la police se méfie de la presse, et laisse filtrer peu d'élément[35]. Le , elle chasse les journalistes de la morgue et du 29 Hanbury Street, ce qui provoque les récriminations du Star, contestant la rétention d'informations[31]. Les lieux du crime sont désormais sous la garde de cinq policiers qui ne laissent entrer que les résidents[13].

Les enquêteurs s'intéressent ensuite à Edward Stanley, le petit ami d'Annie Chapman. Mais il est à son tour mis hors de cause grâce à ses alibis.

Deux témoignages retiennent l'attention : celui d'Emily Walter qui affirme avoir été agressée par un individu dans une arrière-cour d'Hanbury Street la nuit même du meurtre, mais ce témoignage s'embourbe dans des contradictions ; celui de Mme Fiddymont, pris très au sérieux par l'inspecteur Abberline, qui a vu débarquer dans son pub à 7h, le matin du crime, un individu suspect à la chemise déchirée et taché de sang. Si le témoignage d'Emily Walter ne mène nulle part, celui de Mme Fiddymont sert de base à plusieurs pistes étudiées par les enquêteurs. Ils s'intéressent ainsi à William Henry Pigott, arrêté à Gravesend le , et semblait fuir Londres, avec des traces de sang sur la main et une chemise déchirée tachée de sang. Abberline est alors certain d'avoir arrêté le tueur, comme il l'annonce à l'audition du coroner le . Mais Pigott est innocenté par la suite. Abberline s'intéresse alors à un boucher dément, Jacob Isenschmid, qui est arrêté le pour être placé dans un asile d'aliénés parce qu'il erre dans les rues avec deux grands couteaux. Un second suspect est arrêté : le coiffeur Charles Ludwig qui commet des agressions avec un couteau. Mais ces deux suspects sont à leur tour écartés de l'enquête lorsque sont assassinées Elizabeth Stride et Catherine Eddowes dans la nuit du 29 au . Ils n'ont pu commettre ce double-crime, Ludwig étant alors en détention, et Isenschmid interné à l'asile. L'enquête se retrouve alors au point mort[19],[61].

Témoignage d'Emily Walter : l'homme aux deux demi-souverains[modifier | modifier le code]

Emily Walter, prostituée et résident dans une lodging house de Spitalfields, dit qu'à 2h30, un homme l'a abordée et lui a donné deux demi-souverains (soit la valeur d'une livre, somme très importante) pour gagner sa confiance. Une fois tous deux parvenus dans une arrière-cour d'Hanbury Street (peut-être au 29), l'homme est devenu violent. Comme elle s'est mise à crier, il s'est enfui. Elle a découvert alors que les demi-souverains n'étaient en réalité que des médailles de cuivre. Interrogée par la police, son témoignage manque cependant de clarté. On retient cependant cette description de l'inconnu : homme d'environ trente-sept ans, 1,70 m, barbe et moustache brunes, accent étranger, teint sombre, gilet et pantalon sombres, veste courte sombre, écharpe noire, chapeau de feutre noir. L'individu est activement recherché.

Ce récit explique l'intérêt de la presse pour des pièces de monnaie qui auraient été retrouvées près du corps d'Annie Chapman, supposant que l'assassin aurait également gagné la confiance de sa victime avec des farthings polis si brillamment qu'ils auraient pu passer pour des demi-souverains. Mais en réalité, aucun farthing n'a été retrouvé sur la scène de crime[31].

Témoignages de Mme Fiddymont, Mary Chappell et Joseph Taylor : l'homme à la chemise déchirée[modifier | modifier le code]

Mme Fiddymont est l'épouse du propriétaire du pub Prince Albert (mieux connu sous le nom de Market House ou de Clean House) à l'angle de Stewart Street et de Brushfield Street à Spitalfields, à environ 350-400 mètres de la scène de crime. Le matin du meurtre, vers 7h, alors qu'elle se tenait au bar en train de discuter avec une cliente, Mary Chappell, elle voit entrer un homme à l'aspect terrifiant. Il porte un chapeau melon brun baissé sur ses yeux, le visage dissimulé, un manteau sombre, une grande moustache rousse et n'a pas de gilet. Il demande à boire une bière. S'apercevant que les deux femmes l'observent, il leur tourne le dos et se retranche derrière une cloison. Elle remarque que le dos de sa main droite est tachée de sang coagulé, et sa chemise, à carreaux bleu ciel, déchirée au côté droit. Un filet de sang parcourait son cou du côté déchiré de la chemise. L'arrière de son cou est étrangement couvert de sang coagulé. Comme l'homme n'a pas du tout l'aspect d'un boucher, ses taches de sang lui semblent suspectes. Une fois sa bière avalée d'une seule gorgée, l'individu sort. Depuis le palier, Mme Chappell le regarde partir en direction de Bishopgate Street. À ce moment, survient un client du pub, Joseph Taylor. Averti par Mme Chappell, il prend l'homme en chasse, lequel avance à vive allure. Il mesure environ 1,70 m, a une quarantaine d'années, une tenue soignée mais pauvre, un pantalon poivre et sel et un manteau sombre. Il semble ne pas savoir où il va et change d'itinéraire à chaque instant, avec hésitation, remarquant que Taylor le suit. Parvenu dans Half-Moon Street devant le Dirty Dick's, Taylor abandonne la filature. Il pense l'avoir vu sortir, un jour, d'une lodging house de Thrawl Street et pense qu'il est étranger[31],[34],[13],[16].

Découverte de traces de sang dans la cour de l'immeuble du 25[modifier | modifier le code]

Le dans l'après-midi, l'inspecteur Chandler passe au 25 Hanbury Street pour relever les plans des trois maisons entourant de part et d'autre l'immeuble du 29 et les verser au dossier du coroner. Il est alors averti par une petite fille de la présence de traces de sang dans l'arrière-cour du 25 sur un mur et à terre. Il découvre ce qui ressemble à une traînée de sang sur une distance d'environ 1,50 m-1,80 m menant à la porte de la cour. La presse annonce que la police serait certaine, après un examen poussé, que cette trace aurait été laissée par le meurtrier. L'intention première de ce dernier était sans doute de repartir par le couloir de l'immeuble, par où il était venu, mais il en aurait été dissuadé par un bruit ou une lumière. Il aurait donc escaladé la palissade séparant le 29 du 27, puis aurait poursuivi jusque dans le jardin du 25. La trace fait penser à un frottement, comme s'il avait nettoyé son manteau ensanglanté en l'appliquant contre le mur.

Mais un second indice est découvert. Le 25A abrite l'atelier de M. Bailey, dont les caisses d'emballage sont adossées au mur du fond de la cour. La police retrouve dans un coin de l'atelier un papier froissé imbibé de sang : l'assassin s'en serait servi pour s'essuyer les mains avant de le jeter par-dessus le mur du local de M. Bailey[62].

Le Dr Phillips venu à son tour examiner ces traces juge, après analyse, que celles retrouvées sur le mur ne contiennent pas de sang. En revanche, les analyses confirment que le papier froissé est bien taché de sang humain[51],[36].

Cependant, du point de vue de la police, ni les traces sur le mur, ni le papier froissé, n'étaient présents lors de la première fouille des lieux le jour du crime, comme l'atteste l'inspecteur Chandler à l'audience du coroner. L'hypothèse d'une fuite de l'assassin en escaladant les palissades est abandonnée[63].

Les suspects[modifier | modifier le code]

John Pizer est-il "Tablier de Cuir" ?[modifier | modifier le code]

Ghastly murder in the East-End, dreadful mutilation of a woman. Affiche placardée après la découverte du meurtre d'Annie Chapman lançant la traque de "Tablier de Cuir" (Leather apron)
Portrait de John Pizer paru dans le Star du 11 septembre 1888, au lendemain de son arrestation.

Depuis le , la presse propage une rumeur au sujet d'un individu surnommé « Tablier de cuir » (ou Leather apron), accusé de menacer les prostituées avec un couteau et de terroriser le quartier. Il logerait dans les lodging houses de Spitalfields et de multiples témoignages circulent sur son compte. Il est décrit comme petit (environ 1,60 m), trapu, au cou puissant, cheveux noirs, petite moustache noire, environ 38-40 ans, vétu d'une casquette sombre et d'un tablier de cuir, se déplaçant silencieusement, et menaçant les prostituées de les éventrer. Une cinquantaine de femmes auraient été importunées, selon le Star. Il serait familier du pub Princess Alice dans Commercial Street. Reconnu dans la rue, l'individu aurait échappé à la police le dimanche [64],[65].

Dès le , l'attention se focalise sur un bottier juif-polonais de trente huit ans, John Pizer (1850-1897), spécialisé dans la fabrication de chaussons. Selon différents témoignages[66], Pizer serait bien l'homme pris à partie par plusieurs prostituées dans une rue de Spitalfields le dimanche , l'appelant "Tablier de Cuir", et poursuivi par une foule. Alerté, un agent de police était intervenu, mais avait finalement refusé d'arrêter Pizer qui était parvenu à s'extraire.

À présent nommément mis en cause dans la presse, il déserte les lodging houses pour se réfugier le dans sa famille au 22, Mulberry Street, au sud de Whitechapel Road, un quartier où travaillent de nombreux bottiers et cordonniers[67]. Vivent à cette adresse sa belle-mère, Mme Pizer, 70 ans, son demi-frère Gabriel, ébéniste et l'épouse de ce dernier. Le sergent William Thicke (surnommé Johnny Upright), du secteur de Stepney, H Division, vient l'arrêter à cette adresse le , avec d'autres policiers. L'opération se déroule en toute discrétion pour éviter l'émeute. Thicke, très familier du quartier, dit connaître Pizer depuis dix-huit ans, et affirme que l'individu s'illustre depuis des années sous le nom de "Tablier de Cuir".

La belle-mère, la belle-sœur et le demi-frère sont interviewées par l'Association de Presse. Selon eux, John Pizer rentré à la maison à 22h30 la veille du crime et n'a pas quitté la maison. Il n'a d'ailleurs pas pour habitude de sortir tard. En mauvaise santé, il a été hospitalisé six semaines auparavant pour un anthrax, et se trouve encore en convalescence, incapable de faire quoi que ce soit. De petite taille, il souffre également d'une infirmité. De plus, il parle anglais sans accent étranger. Les voisins décrivent l'homme comme une personne douce et inoffensive.

John Pizer, quant à lui, nie être "Tablier de Cuir". Il nie également déambuler dans les rues avec un tablier de cuir, et les témoignages de ses proches vont dans le même sens. Seul le sergent Thicke, qui a une bonne connaissance du quartier, est persuadé qu'il est bel et bien le fameux "Tablier de Cuir". De plus, il loge d'ordinaire dans des lodging houses, et sa description physique semble correspondre à l'homme décrit par plusieurs témoins, dont des femmes qui auraient été agressées. La fouille du domicile ne donne rien : on s'aperçoit que les outils utilisés par Pizer sont inadaptés pour commettre les crimes de Whitechapel.

Il est transféré rapidement au poste de police de Commercial Street. Le soir même, la police considère que l'homme n'a rien à voir avec les faits[31]. Il a un alibi pour chacun des deux meurtres : la nuit du 30 au , il était de retour à la Crossman's lodging house, Holloway Road, district d'Holloway au nord-ouest de la City, à 2h15 pour y passer la nuit, et se trouvait au domicile de son demi-frère dans la nuit du 7 au . Si le second alibi est fragile, puisqu'il provient de ses proches, le premier paraît solide : le propriétaire de la lodging house atteste la présence de Pizer dans son établissement. Un élément marquant permet de s'en souvenir : à 1h30, dans Holloway Road, à côté de la lodging house, Pizer discute avec son logeur et deux agents de police à propos de l'incendie qui ravage un entrepôt sur les quais, et projette des lueurs à des kilomètres à la ronde[68].

La foule, déjà au courant de l'arrestation, se rassemble dans une grande excitation devant le poste de police. Ayant vent de sa libération prochaine, certains vont l'attendre devant son domicile dans le but de l'écharper. En fin de compte, Pizer passe la nuit au poste pour sa sécurité[69]. En parallèle, la police continue activement de rechercher "Tablier de Cuir" à travers tout le quartier, et fouille deux cents lodging houses[70]. Le Daily Telegraph commence à se demander si "Tablier de Cuir" existe réellement. Ceux qui sont persuadés d'avoir eu maille à partir avec lui sont si nombreux que le personnage apparaît de plus en plus comme une construction irrationnelle collective[67].

Mais un témoignage retarde la libération de John Pizer : le jour du meurtre, Emmanuel Delbast Violenia[71], habitant Hanbury Street, déclare avoir vu, tôt le matin, un homme se quereller avec une femme et la menacer avec un couteau. Sa description de l'individu semble correspondre à "Tablier de Cuir". Violenia est entendu au poste de police de Leman Street le . Parmi douze hommes, majoritairement juifs, il reconnaît sans hésiter John Pizer. On l'emmène ensuite à la morgue, où cette fois, il n'aurait pas reconnu la victime. Après trois heures d'audition, il s'avère que Violenia s'embrouille dans des contradictions. Les policiers jugent finalement son témoignage douteux, et pensent même que Violenia a tout inventé dans le seul but de voir le corps d'Annie Chapman. Bon nombre d'autres témoins fantaisistes cherchent à satisfaire la même curiosité[62],[72].

La police relâche John Pizer le en fin de soirée. Il comparaît devant le coroner au second jour des audiences, afin d'être lavé publiquement de tout soupçon. Il est également indemnisé par un journal qui l'avait traîné dans la boue[47].

Selon certains auteurs, John Pizer serait passé en jugement le devant le Thames Magistrates' court (en)', tribunal du district de Bow, pour une agression au couteau. L'affaire, consignée dans les registres du tribunal, concerne un certain John Pozer, mais les variantes orthographiques des patronymes sont alors très courantes. La veille, le , un bottier nommé Willis ou Williams, travaillait dans son atelier de Morgan Street, district de Bow, dans l'East End, lorsque Pozer passe la tête par la fenêtre pour lui reprocher d'accaparer tout le travail alors qu'il est privé d'emploi. Willis sort pour le chasser, mais Pozer l'attaque avec un couteau de bottier. En voulant se protéger le visage, Willis reçoit une blessure sur le dos de la main. Pozer est condamné à six mois de travaux forcés. Il passe une seconde fois en jugement devant le même tribunal le pour attentat à la pudeur, mais il est cette fois relaxé. On ignore les détails de l'affaire[73].

Après avoir été publiquement innocenté à l'audience du devant le coroner, Pizer continue d'être soupçonné par certains habitants. Ainsi, le , il est agressé dans la rue par une certaine Emily Patzwold qui crie "Tablier de Cuir" sur son passage. Comme il tente de l'ignorer, elle le suit, et le frappe plusieurs fois au visage. Il décide de riposter en la poursuivant en justice pour diffamation et la fait condamner le par le Thames Magistrates' court à dix shillings d'amende[74].

Edward Stanley. Le Royal Sussex Regiment[modifier | modifier le code]

On s'intéresse également à l'enveloppe à en-tête du Royal Sussex Regiment (en), qu'Annie Chapman portait sur elle. Un policier se rend à Maidstone pour interroger le commandant de ce corps d'armée, mais sans résultat[36].

L'ami d'Annie Chapman, Edward Stanley, est également soupçonné. Il a la réputation d'être un militaire, ou un pensionné de l'armée, mais n'a aucun lien avec le Royal Sussex Regiment. Il sert réellement comme soldat dans la Hants Militia, et se trouve avec son régiment au fort Elson de Gosport entre le et le 1er septembre, ce qui lui sert d'alibi pour la nuit du meurtre de Mary Ann Nichols. Et pendant la nuit du meurtre d'Annie Chapman, plusieurs témoins confirment qu'il est à son domicile, Osborn Place, à Whitechapel, entre minuit et 7h[19].

William Henry Pigott[modifier | modifier le code]

Le , la police arrête un homme de cinquante deux ans, William Henry Pigott, aperçu dans un pub de la ville de Gravesend dans le Kent, avec une blessure à la main et tenant des propos misogynes. L'individu est complètement saoul et à moitié conscient. On découvre qu'il a laissé un paquet en consigne dans une poissonnerie, disant à la tenancière qu'il comptait traverser la Tamise pour aller à Tilbury. Le paquet contient des vêtements dont une chemise tachée de sang. Pigott explique qu'il s'est fait mordre à la main par une femme, d'où le sang sur la chemise, et les propos tenus par la suite. La scène se serait passée à Whitechapel samedi matin à 4h30 (une heure avant le meurtre d'Annie Chapman) dans Brick Lane, ou à l'arrière-cour d'une lodging house (il change de version). Il a aperçu une femme à terre en état de crise. Essayant de la relever, elle le mord jusqu'au sang. Il se met alors à la battre, mais à l'approche de deux policiers il prend la fuite. La veille, il dormait lui-même dans une lodging-house d'Osborn Street, mais dans la nuit de vendredi à samedi, il a marché toute la nuit dans Whitechapel. Puis sortant de Londres, il a marché sur la route jusqu'à Gravesend, où quelques années auparavant il vivait avec son père.

Le suspect étant pris très au sérieux par la police, l'inspecteur Abberline se rend immédiatement sur place. L'homme mesure 1,70 m environ, porte une tenue soignée mais en mauvais état, un pantalon gris, un long manteau noir, un chapeau melon, et une barbe taillée à l'américaine. Pigott est ramené à Londres et enfermé dans une cellule de Commercial Street[31]. Aussitôt une foule excitée considérable assiège le poste de police[70]. Une foule s'était d'ailleurs déplacée à la gare de Gravesend pour voir passer l'homme.

Pigott est le fils d'un agent d'assurance, et paraît avoir eu une situation confortable dans le passé, où il était tenancier d'un pub. Il avait même fait l'acquisition d'une maison pour 8 000 livres à Hoxton.

À ce stade de l'enquête, Abberline est persuadé qu'il tient l'auteur des meurtres, faisant le lien avec l'homme aperçu dans le pub de Mme Fiddymont. Arrivant pendant les auditions du coroner le au Working lads' institute, il annonce que l'assassin a été arrêté. Pigott est examiné par le Dr Phillips. L'observation au microscope confirme que ses bottes et sa chemise sont tachées de sang. On fait venir Mmes Fiddymont et Chappell, ainsi que Joseph Taylor, mais ils ne reconnaissent pas leur suspect (Pigott a été placé dans une file de plusieurs autres hommes).

En fin de compte, il est écarté de l'enquête. Mais déclaré fou par le chirurgien, il est placé dans un asile d'aliénés et placé sous surveillance[67],[69],[62].

Jacob Isenschmid et Charles Ludwig[modifier | modifier le code]

Jacob Isenschmid[modifier | modifier le code]

Le , au poste de police d'Holloway, est arrêté un boucher suisse, Jacob Isenschmid, à cause de sa démence, et placé dans l'asile d'aliénés de Bow. Son affaire ayant fait faillite une année auparavant, le boucher est tombé en dépression, et a échoué une première fois dans un asile. Considéré comme remis, il est libéré à la Noël 1887. Mais depuis six semaines, il abandonne son domicile, et se met à errer dans les rues avec deux grands couteaux, ce qui conduit à son arrestation du et à un nouvel internement.

Comme son signalement correspond à la description du suspect décrit par Mme Fiddymont, l'inspecteur Abberline s'intéresse à lui et veut le confronter aux trois témoins du pub Prince Albert[31]. Mais le policier se heurte au Dr Mickle qui estime qu'une telle confrontation représente un danger pour la santé mentale de son patient. Lorsqu'Abberline rédige son rapport du , il demande à sa hiérarchie d'agir auprès du médecin-chef ou du médecin divisionnaire afin que le Dr Mickle accepte l'organisation de cette confrontation.

Charles Ludwig[modifier | modifier le code]

Dans les Minories (en), un matin, un policier entend crier dans une ancienne cour, The Three Kings court, située près d'une voie de chemin de fer. Les maisons ont été démolies pour la construction de la voie ferrée, et l'endroit est devenu un terrain vague, réputé dangereux. Le policier trouve une femme apparemment terrorisée en compagnie d'un individu louche. Sentant que la femme court un danger, il l'invite à le joindre pour se mettre sous sa protection. L'homme ayant disparu dans l'intervalle, elle révèle à l'agent qu'elle s'est sentie menacée lorsqu'il a sorti sous ses yeux un grand couteau. La femme est une infirme et ne possède qu'un bras. La police de la City décide de retrouver l'individu et le recherche. Plus tard, un coiffeur allemand de quarante ans, Charles Ludwig, en état d'ivresse, disant habiter aux Minories, tente de poignarder un jeune homme dans un café de Whitechapel Road, parce qu'il l'aurait regardé de travers. Un agent de police intervient et l'arrête. On apprend plus tard qu'il s'agit du même homme recherché par la police de la City. Le Thames police court, tribunal de police, le fait mettre en détention pour une semaine. Comme d'habitude depuis quelques jours, la nouvelle de cette arrestation suscite une nouvelle agitation dans le quartier. L'homme est interrogé par l'inspecteur Helson. L'inspecteur Abberline et le sergent Thicke suivent aussi l'affaire. Il est originaire de Hambourg, depuis quinze mois installé à Londres, et comprend difficilement l'anglais. Il travaille dans un salon de coiffure des Minories. Le patron, M. Partridge, l'a rencontré dans un club allemand à Houndsditch, où l'on recrute des coiffeurs. Depuis, il a eu du mal à trouver un gîte pour passer la nuit, tellement son comportement est insupportable à ceux qui l'hébergent. Il a même dormi une nuit au salon de coiffure. Le patron ne le croit pas dangereux, mais seulement porté sur la boisson. Il a cependant donné un coup de poing à son assistant. Le salon est à deux pas du terrain vague où la femme a été retrouvée[75].

Tous deux mis hors de cause[modifier | modifier le code]

Pendant qu'Isenschmid est interné à l'asile, et Ludwig gardé en détention, survient le double-crime de la nuit du 29 au où périssent Elizabeth Stride et Catherine Eddowes. N'ayant pu commettre ces deux nouveaux meurtres, ils sont tous deux mis hors de cause.

Autres pistes infructueuses[modifier | modifier le code]

Plusieurs autres suspects font l'objet d'enquête, souvent parce qu'ils souffrent de troubles psychiatriques, mais sans résultat : Friedrich Schumacher, commerçant ; Edward McKenna, colporteur ; Oswald Puckridge, apothicaire ; John Sanders, étudiant en médecine.

L'arrivée de Donald Swanson dans l'enquête.[modifier | modifier le code]

En voyage dans le sud de la France depuis le jour du meurtre de Mary Ann Nichols, Charles Warren reprend ses dossiers le , et s'entretient avec ses collaborateurs[67]. Son nouvel adjoint et chef du CID, Henderson, qui a remplacé James Monroe le jour de l'assassinat de Mary Ann Nichols le , était également en congé en Suisse depuis le début de l'affaire. Le , les policiers chargés de l'enquête sur les meurtres de Whitechapel sont convoqués à Scotland Yard. Dans la journée, le commissaire-adjoint Bruce (assistant commissioner) et le colonel Monsell, chef de police (chief constable) font une visite surprise à Whitechapel, se rendent dans Buck's Row et Hanbury Street, inspectent particulièrement l'immeuble du 29 et la cour où Annie Chapman a été tuée[55]. Le , Warren charge l'inspecteur en chef Donald Swanson (en) de Scotland Yard de piloter l'ensemble de l'enquête.

"Jack l'éventreur"[modifier | modifier le code]

Lettre Dear Boss. Conservée aux Archives nationales de Grande-Bretagne, série MEPO-3/140.

Le , le directeur de l'agence de presse Central news agency reçoit la célèbre lettre Dear Boss, datée du , écrite à l'encre rouge, dont l'auteur revendique les crimes de Whitechapel sous le pseudonyme de "Jack l'éventreur". Dès lors, l'assassin est désigné sous ce nom jusqu'à nos jours. Le cachet de la poste est du . Elle est transmise à Scotland Yard le . Le grand public n'en aura connaissance que le 1er octobre, en même temps que le double-meurtre d'Elizabeth Stride et de Catherine Eddowes. Elle est la première des nombreuses lettres de corbeaux se prétendant le tueur.

Aujourd'hui, on considère que la lettre est un canular, œuvre éventuelle d'un journaliste. Plusieurs chefs de Scotland Yard tels que Robert Anderson et Melville McNaghten étaient de cet avis et l'ont publié dans leurs écrits. Plusieurs recherches semblent indiquer que l'auteur serait Frederick Best, journaliste du Star. La lettre semble d'ailleurs faire écho à la fausse inscription à la craie que le meurtrier aurait laissée dans la cour du 29 Hanbury Street selon une rumeur amplement relayée par la presse et démentie par la suite[76],[77].

Hypothèses[modifier | modifier le code]

À partir du meurtre d'Annie Chapman, les hypothèses sur l'identité du tueur et ses motivations se multiplient. Plusieurs journaux notent que le tueur, forcément ensanglanté, et s'éloignant de la scène de crime en plein jour courait de très grands risques d'être remarqué, et devait donc certainement habiter dans une maison particulière, ou travailler, à proximité immédiate. L'hypothèse d'un errant dormant dans des lodging houses paraît peu probable, tant il aurait eu de chance d'être remarqué. De plus, ces maisons sont les premières à être fouillées, et leurs habitants interrogés, par la police.

Par ailleurs, le Lancet (relayé par le Times) refuse d'admettre qu'il puisse s'agir d'un "fou", car un fou ne prend pas de précaution dans sa fuite. Or, le tueur prend des précautions infinies pour échapper à la police[55].

Relayant les conclusions des deux médecins légistes, le Star explique en plusieurs points la forte probabilité qu'il soit un abatteur de bête : 1. Bonne connaissance de l'anatomie. 2. Méthode d'opération ressemblant à celle des bouchers (remarque attribuée au Dr Llewellyn). 3. Type de couteau conforme à ceux des abatteurs. 4. La grande rapidité d'exécution trahissant une habitude professionnelle. 5. Le voisinage des abattoirs proche des deux scènes de crime (le hasard fait qu'ils sont chacun proches d'un des abattoirs Barber). 6. Improbabilité que l'assassin ait pu marcher longtemps en plein jour couvert de sang. 7. Petite quantité de sang versé (trahissant, là aussi, une maîtrise professionnelle)[63].

Un médecin, écrivant au Star et signant T.C.M., se dit frappé par la disposition des viscères de la victime par le tueur, comme le ferait un assistant dans une opération de dissection. Il croit que l'auteur est rompu à cette technique et recommande de faire contrôler l'état mental de tous les assistants en chirurgie des hôpitaux et facultés de médecine. Cette thèse est ensuite défendue par le coroner lorsqu'il rend ses conclusions le [31],[62].

Contexte social et politique[modifier | modifier le code]

L'émotion[modifier | modifier le code]

Fascination morbide[modifier | modifier le code]

Londres était déjà dans une grande agitation depuis l'assassinat de Mary Ann Nichols une semaine plus tôt. De nombreux badauds hantaient chaque jour Buck's Row, le lieu du crime, à l'extrémité est de Whitechapel. Ils se rendaient aussi en pèlerinage à la morgue d'Old Montague Street. Le convoi funèbre de Mary Ann Nichols avait été suivi par des milliers de personnes. Les observateurs notaient alors que l'émotion ne désenflait pas. Cette fascination morbide reprend de plus belle le jour du meurtre d'Annie Chapman : dès la première heure qui suit la découverte se massent des centaines de badauds à l'entrée de l'immeuble du 29 Hanbury Street. Dans l'après-midi, de nombreux curieux d'allure bourgeoise peuvent visiter les lieux du crime pour un penny. Une demi-douzaine de vendeurs en profitent pour écouler des fruits et des rafraîchissements. Le foule prend d'assaut les immeubles d'en face, pour avoir une vue sur la maison du crime. On peut aussi, pour un penny, monter dans les immeubles voisins pour essayer d'apercevoir la cour. Mais l'endroit où se trouvait le corps est à présent recouvert de caisses. La rue est tellement encombrée de monde que la police charge à plusieurs reprises pour disperser les badauds. Une femme interviewée sur place par un journaliste de l'Echo imagine, songeuse, que l'assassin pourrait être présent, parmi cette foule.

De semblables mouvements se produisent aux abords de la morgue. Et des centaines de personnes vont également visiter la maison Crossingham du 35 Dorset Street pour voir la chambre où dormait Annie Chapman[13].

On assiste à des scènes délirantes : le jour du meurtre, une femme est trouvée en pleurs dans Commercial Street. Aussitôt, une foule s'assemble autour d'elle. Elle prétend que la femme assassinée est sa mère. La foule l'accompagne jusqu'à la morgue et insiste pour qu'elle puisse voir le corps. La police a grand mal à disperser cette troupe[32].

Chanteurs de rue. Exposition de figures de cire[modifier | modifier le code]

Dans Whitechapel Road, des chanteurs de rue vendent des fascicules contenant la chanson Lines on the terrible tragedy, qu'ils chantent sur l'air de My village home. On peut aussi visiter pour un penny au Working lads' institute une exposition de figures de cire grandeur nature représentant deux femmes assassinées : Martha Tabram et Mary Ann Nichols. À l'entrée est affichée une toile peinte représentant les deux meurtres. Dès le , le spectacle est complété par la figure d'Annie Chapman, attirant une grande foule massée à l'entrée. Mais certains s'en indignent, et un ouvrier s'improvisant orateur se met à haranguer la foule qui finit par déchirer la toile exposée à l'entrée. La police intervient pour rétablir le calme[32],[13],[16],[70].

La chasse à l'homme[modifier | modifier le code]

Recherche frénétique de "Tablier de Cuir". Manifestations antisémites[modifier | modifier le code]

Depuis l'assassinat de Mary Ann Nichols, la rumeur populaire suspectait un certain "Tablier de Cuir". Dès la nouvelle du meurtre d'Annie Chapman connue, la chasse à l'homme s'emballe. La police a d'ailleurs retrouvé un tablier de cuir sur place, en réalité sans rapport avec le meurtre. Le jour même, les journaux du soir palpent l'atmosphère électrique qui se répand, et pronostiquent une "panique" imminente. Le journal du dimanche Lloyd weekly newspaper, paraissant le lendemain matin, évoque un climat d'émeute antisémite : comme de nombreux Juifs du quartier sont présents parmi les badauds qui s'attroupent, ils sont la cible de slogans antisémites. À la tombée de la nuit, les troubles s'intensifient, et de nombreux policiers sont envoyés pour contenir les manifestants[34]. Toute la nuit, des incidents éclatent. Le Dr Phillips et son assistant sont occupés jusqu'au matin à intervenir sur des cas d'agressions et de blessures graves[13].

Cet antisémitisme exacerbé entraîne des réactions de protestation, comme un correspondant juif écrivant dans le Star pour rappeler combien le judaïsme a horreur du sang versé, et que ce genre de crime est éloigné de l'esprit juif. L'auteur remarque également que depuis 1649 en Angleterre, seulement deux Juifs ont été pendus pour meurtre : Marks et Lipski[69],[78],[63].

Scènes de lynchage[modifier | modifier le code]

Par ailleurs, au cours de la journée, toute attitude suspecte suscite des réactions démesurées. Plusieurs hommes sont amenés au poste de police par des foules « frénétiques ». Une rumeur court qu'une autre femme a été assassinée dans le cimetière du London Hospital, entraînant une nouvelle onde de choc. Un jeune homme est poursuivi pour un vol dans Commercial Street : aussitôt une foule de centaines d'hommes et de femmes se lancent à ses trousses. Arrêté par un agent, il est convoyé sous bonne garde. Un autre, molesté par la foule, est amené sur une civière au poste. Un délinquant sous le coup d'une enquête depuis quelque temps est arrêté : en un instant, une foule se précipite et tente de le lyncher. Quelqu'un ayant crié : « le tueur a été arrêté », il se produit spontanément une bousculade de centaines de personnes se mettant à la recherche de l'assassin. Un autre homme est arrêté pour avoir agressé une femme au marché de Spitalfields. Blessée superficiellement, la victime est conduite au London Hospital (d'où probablement la rumeur d'une femme morte retrouvée dans ce lieu). Il s'avère finalement que son agresseur est un aveugle, marchand ambulant de dentelle, que la victime guidait à travers les rues. Deux hommes n'ayant rien à se reprocher sont pris à partie dans un tramway, et emmenés par la police au poste de Bethnal Green pour leur protection, en attendant que la tension retombe[35],[32],[13],[16].

Quelquefois, ce sont les journaux eux-mêmes qui exagèrent considérablement les récits rapportés par certains témoins, comme le témoignage de Mme Lloyd où un simple regard est transformée en agression suspecte par les journalistes[51].

Accusations contre Scotland Yard et Charles Warren[modifier | modifier le code]

Police d'investigation contre police de répression politique[modifier | modifier le code]

La polémique politique visant Charles Warren est aussitôt ravivée. Il est accusé par le courant libéral de militariser la police en vue de réprimer les mouvements ouvriers, au détriment de la qualité des investigations criminelles. Le Pall mall gazette ironise sur l'efficacité incontestable de Scotland Yard dans son œuvre de répression politique en éliminant toute manifestation politique à Trafalgar Square, mise en regard avec sa totale inefficacité à débusquer le meurtrier de Whitechapel et empêcher l'assassinat de quatre prostituées. Même Monro (en), débarqué par Warren la veille du meurtre de Mary Ann Nichols, et défendu par le Star, est cette fois, lui aussi, mis en cause dans cette orientation de la police à des fins politiques. Robert Anderson, remplaçant de Monro, est attendu au tournant.

Autodéfense et récompense[modifier | modifier le code]

Le jour même du crime, dans son édition du soir, le Star lance ses premières accusations contre Warren, et développe un long réquisitoire deux jours plus tard. Il lui est notamment reproché d'avoir déplacé les policiers de l'East End à l'ouest et ceux de l'West End à l'est, afin de mieux assoir son autorité, au risque de rendre ses 2 600[79] hommes inopérants par méconnaissance du terrain. Le journal écrit : "Whitechapel est quasiment sans défense et doit se défendre", et encourage la formations de milices citoyennes, comme le Comité de Vigilance qui vient de se créer. Il réclame la mise en place d'une récompense de 500 livres pour arrêter "l'Homme-Monstre"[80],[16],[31],[32],[70]. Le , le député libéral Samuel Montagu appuie à son tour cette demande de récompense adressée au surintendant Arnold, s'engageant à l'abonder lui-même à hauteur de 100 livres.

Impunité des criminels[modifier | modifier le code]

Le Star poursuit ses diatribes dans les jours suivants et s'étonnent qu'un si grand nombre de crimes restent impunis. Il découvre, par exemple, qu'en 1886, 177 affaires de meurtres n'ont abouti qu'à 35 condamnations, faisant le calcul que depuis vingt ans Modèle:2000 meurtriers circulent en liberté. Il note d'ailleurs que les meurtriers sont rarement arrêtés grâce à un travail d'enquête, mais plutôt pris sur le fait, ou neutralisés par des témoins, et dénonce le "fantastique bilan d'inefficacité" d'une police toute dévolue à traquer des opposants politiques et surveiller les activités de la Fédération Sociale Démocratique, au lieu d'enquêter sur les criminels agissant dans les quartiers pauvres. Le journal n'hésite pas à parler d'un "holocauste de Whitechapel", en sacrifice aux intérêts des classes dominantes[69].

Modèles étrangers[modifier | modifier le code]

Regrettant l'absence d'utilisation de chiens policiers qui auraient permis de retrouver rapidement la trace de l'assassin, le journal écrit : "Les romans de Gaboriau devraient être imprimés sur des fascicules pour les distribuer à tous les détectives de Scotland Yard", et voudrait "spirtualiser, au sens français du terme" la police métropolitaine, à l'inverse de l'esprit répressif de Warren[54]. La police de New York est également citée comme modèle à suivre. Le Daily telegraph, quant à lui, décrit longuement le système de surveillance viennois des lieux d'hébergement apportant de grands résultats dans le recul de la criminalité[46].

Succès populaire du Star[modifier | modifier le code]

Les prises de position polémiques du Star à l'occasion de l'affaire de Whitechapel semble lui profiter car son tirage augmente spectaculairement au détriment du Times, jusque là "forteresse imprenable". Jour après jour, le Star affiche triomphalement ses records de tirage, atteignant plus de 260 000 tirages le lundi (jour consacré au meurtre d'Annie Chapman, après les éditions peu fournies du samedi soir et du dimanche)[63].

Le Comité de vigilance[modifier | modifier le code]

Le secrétaire du comité du district de St. Jude, dans le Star du , appelle à constituer des milices citoyennes, rappelant que quelques jours après l'assassinat de Martha Tabram en août, s'était réunie une assemblée de soixante-dix habitants des immeubles voisins. À l'issue de cette réunion, douze d'entre eux avaient été désignées pour surveiller le quartier[31].

Le , un comité de seize personnes se forme, à l'issue d'une réunion de commerçants de Whitechapel, avec M. J. Aarons comme secrétaire, promettant une récompense pour l'arrestation du tueur ou pour tout indice utile. On envisage de réunir par souscription une somme importante. Le , le Comité de Vigilance commence à placarder des affiches et annonce qu'il tiendra ses réunions au Crown, dans Mile-End Road. En parallèle, différents clubs de travailleurs et d'associations politiques, se réunissent dans le même but, et apportent leur concours au projet[8],[70],[67],[69]. George Lusk est désigné président du comité, qui compte comme principaux membres B. Harris et Cohen.

Le , B. Harris écrit au ministre de l'Intérieur, au nom du Comité de Vigilance, pour lui demander d'autoriser et d'augmenter le montant de la récompense qu'il vient de réunir. Le , le cabinet du ministre lui répond que le système des récompenses a été abandonné depuis des années, n'ayant jamais apporté de bons résultats. Ce refus suscite l'indignation du comité et d'une partie de la presse[49].

Les déshérités de Whitechapel[modifier | modifier le code]

Le terreau du crime[modifier | modifier le code]

La presse commence également à se pencher sur le sort des cent mille misérables entassés dans les taudis de l'East End, et laisse poindre son inquiétude que ce "marquis de Sade de la plèbe", errant en liberté à Whitechapel, ne vienne un jour jeter son dévolu sur l'West End. Le Star du relate les nombreux vols commis dans Whitechapel, la lassitude des commerçants, l'impuissance de la police à arrêter les coupables, l'impunité des bandes criminelles.

Un terrain de chasse idéal[modifier | modifier le code]

L'Echo remarque la triste ironie d'une situation où la victime et son assassin recherchent l'un et l'autre la discrétion et les endroits retirés à l'abri de tout témoin. Le tueur en tire un avantage redoutable sur des femmes misérables obligées de faire le trottoir la nuit pour payer leur lit dans une lodging house. Le Times ajoute que la malheureuse a probablement elle-même guidé le criminel jusqu'au lieu de son supplice. Connaissant sans doute les lieux, elle devait savoir que les portes n'étaient pas verrouillées.

Une promenade nocturne[modifier | modifier le code]

Un journaliste de l'agence Central news décide une nuit d'arpenter les rues de Whitechapel, notamment celles qu'ont hanté les victimes, Hanbury Street, Flower and Dean Street, Brick Lane, Commercial Street, et décrit longuement sa vadrouille nocturne, l'état délabré des rues et des immeubles, leur aspect lugubre, et l'attitude des âmes errantes croisées sur son chemin, leurs ombres furtives surgissant soudain puis s'évanouissant à la faveur de l'obscurité[70],[30],[69].

Les lodging houses. Un quartier à réhabiliter[modifier | modifier le code]

Le Times s'intéresse à Dorset Street, qu'il décrit comme une rue intégralement composée de lodging houses où des malheureux s'entassent de la cave au grenier. Au total, le district rassemble 5 000 lits dans ces maisons d'hébergement communes[28],[8]. Le Daily telegraph écrit un long texte en hommage à "Dark Annie" dont le martyre n'aura pas été vain et aura décidé la classe politique et le Parlement à se pencher sur le sort des déshérités de Whitechapel. Ce quartier fait à présent l'objet de multiples projets de réaménagement urbain[81].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Philip Sugden, The complete history of Jack the ripper, 2002 (nouv. éd.)
  2. a et b Hallie Rubenhold, The five : the untold lives of the women killed by Jack the Ripper, (ISBN 978-0-85752-448-5 et 0-85752-448-8, OCLC 1079190005, lire en ligne)
  3. Rubenhold, p. 107.
  4. Begg, p. 66.
  5. Begg, Skinner & Fido, p. 78-82.
  6. Neal Shelden, Annie Chapman : Jack the ripper victim. À short biography. 2001.
  7. Gray, London's shadows : the dark side of the Victorian city, p. 163.
  8. a b c d e f et g The Times, 11 septembre 1888.
  9. Begg, Jack the ripper : the facts, p. 68.
  10. La pension est deux fois plus élevée que celle versée par Nichols à sa femme (5 shillings). Le salaire d'un ouvrier peut aller de 15 à 30 shillings par semaine. Le loyer de deux pièces peut s'élever à 7 shillings par semaine. Voir Bourgoin en début de vol.
  11. Ou Jack "Sivvey", d'après le Daily news, 10 septembre 1888.
  12. La presse recueille le témoignage du logeur du 30 Dorset Street : Annie Chapman résidait il y a deux ans au 30, Dorset Street, avec un certain Jack "Sivvy", tamisier. Elle était elle-même surnommée Annie "Sivvy". Elle était d'un tempérament calme, et peu portée sur la boisson. Il est surpris d'apprendre qu'elle avait bu la veille du meurtre. Selon lui, elle avait deux enfants : un garçon infirme, placé dans un internat de charité, et une fille quelque part en France.
  13. a b c d e f g h i j k l et m Daily news, 10 septembre 1888.
  14. Autrement dit "Annie Passoire", sieve en anglais voulant dire "passoire" ou "tamis".
  15. Evans and Rumbelow, p. 66.
  16. a b c d e f g et h The Star, 8 septembre 1888.
  17. L'établissement est autorisé à en accueillir 114 (Wiki Jack the Ripper).
  18. Le propriétaire possède une autre lodging house au 17 de la même rue. Voir le site internet The J-Files.
  19. a b c et d National Archives, MEPO-3/140, folio no. 242-257 (rapport de l'inspecteur Abberline, 19 septembre 1888).
  20. Fiona Rule, The worst street in London. Hersham : I. Allan, 2008.
  21. John Bennett : Mob town, a history of crime and desorder in the East End. New Haven ; London : Yale university press, 2017, p. 163.
  22. Paul Begg & John Bennett, Jack the Ripper, the forgotten victims. New Haven : Yale university press, 2014, p. 27.
  23. Soit 24 pence.
  24. a b et c The Daily telegraph, 11 septembre 1888.
  25. Également appelé le Ringers, d'après son propriétaire Walter Ringers. Le Britannia est aussi fréquenté par Mary Jane Kelly.
  26. Ou 24 pence.
  27. La presse rapporte un témoignage de Frederick Simmons : Il est résident au 35 Dorset Street, et connaît bien Annie Chapman depuis deux ans. Il buvait une bière avec elle la veille du meurtre. Il est certain qu'elle portait alors trois anneaux aux doigts. Elle était allée chez des parents à Vauxhall la nuit précédente pour demander de l'argent. Ils lui ont donné cinq pence. Elle s'est séparée de son mari il y a deux ans et demi. Il est mort depuis. Elle gagne sa vie "en faisant le trottoir". Elle lui a confié un jour qu'elle avait un garçon placé dans un internat, et une fille de quatorze ans, engagée dans une troupe de spectacle itinérante en France.
  28. a b et c The Daily telegraph, 27 septembre 1888.
  29. D'après l'Echo du 10 septembre, le grenier est doté d'une grande fenêtre dont le style laisse penser que l'immeuble était autrefois habité par des tisserands de soie.
  30. a b et c Pall mal gazette, 8 septembre 1888.
  31. a b c d e f g h i j k et l The Star, 10 septembre 1888.
  32. a b c d e f et g Echo, 8 septembre 1888.
  33. D'après les comptes-rendus de presse, on aurait aussi retrouvé deux farthings brillamment polis (un farthing vaut un quart de penny), mais les rapports de police n'en font pas mention.
  34. a b et c LLoyd weekly newspaper, 9 septembre 1888, p. 1.
  35. a b c et d Evening news, 8 septembre 1888.
  36. a b c et d The Daily news, 15 septembre 1888.
  37. Elle s'est couchée vers 22h30. Son fils dort dans la même chambre. Elle a dormi toute la nuit, sans entendre quoi que ce soit de suspect, et a été alertée par l'agitation dans le couloir vers 6h. Elle a réveillé son fils et l'a envoyé voir ce qui se passait, car elle croyait à un incendie. En revenant, il lui a annoncé qu'une femme avait été tuée dans la cour. Elle n'est pas sortie de chez elle. Dans le passé, elle a souvent entendu des gens passer par le couloir pour se rendre dans la cour, et ne s'est jamais préoccupée d'aller voir qui ils étaient. La victime lui était inconnue.
  38. Timothy Donovan, logeur du 35 Dorset Street. Annie Chapman, qu'il connaît sous son surnom d'"Annie Sivvey", ou "Dark Annie", est arrivée dans la lodging house il y a quatre mois, mais était absente la semaine dernière. Elle est revenue le vendredi 7 septembre vers 14 ou 15h, au moment où il sortait de son bureau, après s'être levé. Il l'a autorisée à se rendre dans la cuisine et lui a demandé où elle avait passé la semaine. Elle a répondu qu'elle était au dispensaire, sans préciser lequel, puis est descendue à la cuisine (un policier précise à l'audience qu'elle était dans un casual ward). Il ne l'a revue que dans la nuit vers 23h30. Puis elle est repartie en direction de Bishopsgate. Elle est revenue vers 1h30-1h45 lorsqu'elle est passée devant son bureau, qui fait face à la porte d'entrée. Comme il l'a vue descendre à la cuisine, il a envoyé en bas la femme du gardien, alors présente dans le bureau, pour demander à son mari (John Evans) si le lit d'Annie Chapman a bien été payé (à savoir, huit pence pour la nuit). Elle occupait habituellement le lit no. 29. L'intéressée est alors montée au bureau, disant qu'elle n'avait pas assez d'argent, mais demandant qu'on lui réserve son lit. Elle était en train de manger une pomme de terre cuite, et disait revenir du Britannia (appelé aussi le Ringers) qui se trouve au bout de la rue. Il lui a dit qu'il était extraordinaire qu'elle trouve de l'argent pour boire de la bière, et non pour louer son lit. Ensuite, elle s'est attardée deux ou trois minutes sur le pas de la porte, puis est sortie vers 1h50 après avoir dit : "Peu importe, Tim, je serai bientôt de retour. Gardez-moi le lit." Elle s'est dirigée vers Brushfield Street, d'après Evans qui l'a vue partir. Elle n'était pas accompagnée d'un homme cette nuit-là. Il est sûr qu'elle était ivre, mais marchait droit. En général, elle se saoulait le samedi, et restait sobre le reste de la semaine. Il n'a aucune idée de quelle manière elle allait trouver de l'argent. Le samedi, elle dormait en général en compagnie d'un homme - un pensionné - dont il ne connaît pas le nom et qui ressemble à un soldat. Il est parfois habillé en "gentleman", parfois en ouvrier des quais. Il a environ 40-45 ans et mesure dans les 1,70 m. Parfois, elle essayait de venir avec d'autres hommes, mais il ne la laissait pas rentrer avec eux. En fait, "le pensionné" lui avait demandé de ne pas lui donner de lit lorsqu'elle était accompagnée. La dernière fois qu'il les a vu ensemble remonte au dimanche 2 septembre. Il payait souvent son lit. Il se souvient que le 25 août à 3h du matin, alors qu'elle devait payer son lit, elle est sortie en disant : "Attendez une minute, Tim, je vais voir dans la rue si je peux le voir", ajoutant qu'il devait toucher sa pension (un policier précise à l'audience que Stanley n'est pas du tout un pensionné de l'armée). Elle le trouvait souvent au bout de la rue. Annie Chapman était en bons termes avec les autres locataires, et n'a jamais créé d'incident. Elle passait même pour avoir une certaine éducation, et faisait du crochet. Vers le 28 août, elle s'est disputée avec une autre femme dans la cuisine. Mais ce n'est pas à ce moment qu'elle aurait été blessée. Il a remarqué qu'elle avait un léger coquard seulement deux jours plus tard. Il ne connaît pas le nom de l'autre femme, dont le mari est colporteur de lacets et de divers autres articles. Il les a parfois vues ensemble dans la rue Après la mort d'Annie Chapman, il a retrouvé le lundi 10 septembre, dans la pièce où elle dormait, deux grandes fioles de l'Hôpital Saint-Barthélémy. L'une des étiquettes portait la mention : "Deux cuillerées à soupe à prendre trois fois par jour", et l'autre : "Lotion. Poison" Il dit aussi qu'il a déjà vu "Tablier de Cuir" à la lodging house où il a tenté de tuer ou d'agresser une femme, et qu'il l'a chassé en le jetant dans l'escalier. Seconde audition : On lui montre le foulard que portait la victime. Il le reconnaît et confirme qu'elle le portait la nuit du meurtre. Elle l'avait acheté à une autre résidente. Elle le portait par-dessus un châle de laine noir, noué par-devant. Il ne connaît pas "le pensionné" sous le nom de Ted Stanley (un membre du jury interrompt plusieurs fois l'audition pour dire que Stanley n'est pas "le pensionné"), mais il connaît "Harry le Colporteur". Il a vu le "pensionné" pour la dernière fois le samedi du meurtre. Il ne l'a pas envoyé voir la police, parce qu'il est aussitôt reparti. Dans une troisième audition, il est confronté à Edward Stanley qui conteste son témoignage.
  39. John Evans, gardien du 35 Dorset Street. Dans la nuit du 7 au 8 septembre, elle est arrivée à la pension après minuit, disant qu'elle était allée voir sa sœur à Vauxhall. Elle a envoyé un locataire lui chercher une pinte de bière, puis elle est ressortie pour revenir vers 1h45. Evans a été, alors, envoyé à la cuisine pour vérifier qu'elle avait l'argent pour la nuit. Comme elle est remontée au rez-de-chaussée, il l'a raccompagnée. Ensuite, quand elle est sortie, il l'a suivie des yeux et l'a vue marcher dans Paternoster Street, puis dans Brushfield Street tourner vers l'église de Spitalfields. Il pense qu'elle était un peu saoule. Il savait qu'elle avait des conditions de vie difficile, surtout la nuit. Elle était en relation avec "le Pensionné" qu'elle voyait chaque samedi, mais pas la semaine passée. Quand la nouvelle de sa mort s'est propagée, celui-ci est venu pour savoir si c'était vrai, le jour même vers 14h30, puis est reparti sans dire un mot. Il ne connaît pas son nom ni son adresse. Annie Chapman s'est disputée avec une autre femme nommée Eliza le 30 août, à 11h30, dans la cuisine, à propos d'un morceau de savon. Elle a reçu un coup sur la poitrine au cours de cette bagarre. Il a ensuite remarqué qu'elle avait aussi un léger coquard. Elle n'avait pas reçu de menace, à sa connaissance. Aucune femme de la pension, d'ailleurs, n'a été menacée.
  40. Amelia Palmer dort fréquemment depuis trois ou quatre ans à la lodging house du 35 Dorset Street, tout comme Annie Chapman. Elles occupent des lits voisins. Elle est mariée à Henry Palmer, contremaître sur les quais, lequel ne peut plus travailler depuis qu'il a eu un accident en début d'année. Il touche aussi une pension de l'armée. À présent elle doit travailler (travaux de ménage). Elle connaît bien Annie Chapman depuis cinq ans et avait l'habitude d'écrire des lettres pour elle. Elle l'a reconnue samedi à la morgue. Annie Chapman était séparée de son mari depuis environ quatre ans ou plus. Ce dernier est mort il y a dix-huit mois. Elle n'avait pas de domicile et dormait dans des lodging house de Spitalfields. Elle ne l'a jamais vue retrouver un logement stable. Il y a deux ans, elle était au 30, Dorset Street, avec un tamisier, et recevait encore dix shillings par semaine de son mari. Elle était surnommée "Mme Sivvey" à cause du métier de son ami. Elle a appris la mort de son mari par un parent, beau-frère ou belle-sœur, dans Oxford Street, à Whitechapel. Son ami l'a quittée au même moment. Amelia Palmer le connaît bien, mais ignore son nom. Elle l'a revu pour la dernière fois il y a dix-huit mois (elle croit qu'il était vétérinaire, ce que le coroner met en doute). Il disait vivre à Notting-Hill. Après la mort de son mari, Annie Chapman s'est laissée complètement aller. Apparemment, elle n'était pas en très bons termes avec sa sœur et sa mère, qui vivent peut-être vers le quartier de Brompton ou de Fulham. Elle n'a jamais passé une seule nuit dans sa famille, depuis ces dernières années. Ses deux enfants, un garçon et une fille, sont allés dans un internat à la mort de leur père. Elle a vécu par la suite avec Ted Stanley, un homme très respectable, qui avait servi dans la milice, et travaillait dans une brasserie. Assez grand (environ 1,77 m), de bonne humeur, il aurait été le dernier à se disputer avec elle, et ne l'aurait jamais blessée en quoi que ce soit. Le lundi 3 septembre, elle a croisé Annie Chapman qui se tenait face au 35, Dorset Street, et ne portait ni bonnet ni veste. Elle avait des ecchymoses à la tempe. Elle lui a demandé comment c'était arrivé. Annie Chapman lui a montré alors d'autres bleus qu'elle avait sur la poitrine, à la suite de coups reçue par une autre femme. Tout est parti d'un incident dans débit de bière (le Britannia), au 87 Commercial Street, faisant l'angle avec Dorset Street, le samedi 1er septembre. Elles étaient avec Ted Stanley et un certain "Harry le Colporteur" qui était ivre. Annie Chapman a empêché l'autre femme de lui voler deux shillings (ou un florin), ce qui a créé une tension entre elles. Harry étaient saoul, et avait posé une pièce de deux shillings pour payer sa bière, que l'autre femme avait remplacée par un penny. C'est en la retrouvant dans la soirée qu'elle l'aurait agressée. Elles étaient d'ailleurs rivales et se disputaient l'amour de Stanley. Amelia Palmer ne se souvient pas du nom de l'autre femme, mais il paraît qu'elle vend des livres et qu'elle vit au 35 Dorset Street. Le lendemain, mardi 4 septembre, Amelia Palmer l'a recroisée près de l'église de Spitalfields. Elle n'allait guère mieux que la veille et voulait aller au casual ward pour se reposer un jour ou deux. Elle espérait que sa sœur lui envoie une paire de botte pour aller cueillir du houblon. Elle était très pâle, et n'avait rien mangé de la journée. Amelia lui a donné deux pence pour prendre une tasse de thé, et lui a interdit de s'acheter du rhum, car elle l'avait souvent vue s’enivrer. Il lui suffisait de boire un peu pour être saoule. Elle est absolument certaine que vendredi soir, elle portait encore deux ou trois anneaux en laiton : une alliance et une bague de fantaisie. Pour le moment, l'enquête chez les prêteurs sur gage n'a rien donné. Il est possible qu'elle gagnait sa vie en partie dans la rue. Elle sortait parfois très tard. Mais lorsqu'elle était sobre, elle était une honnête femme, intelligente et travailleuse. Elle s'employait à des travaux au crochet et réalisait des antimacassars. Elle revendait aussi des allumettes et des fleurs. Elle ne l'a plus revue ensuite jusqu'au vendredi 7 à cinq heures, dans Dorset Street. Elle paraissait sobre. Elle lui a demandé si elle allait se rendre à Stratford, où elle avait l'habitude de "vendre tout ce qu'elle avait" chaque vendredi. Mais elle a répondu qu'elle se sentait trop mal "pour faire quoi que ce soit". Elle revenait d'un casual ward, mais Amelia Pamer ignore lequel. Repassant dix minutes plus tard, elle l'a retrouvée debout au même endroit, disant qu'elle ne voulait pas se laisser aller et devait se ressaisir et essayer de trouver l'argent pour payer son logement de la nuit. Elle ne l'a plus revue par la suite. Elle a dû rester dans la rue toute la nuit. Elle ne connaît personne qui soit susceptible de l'avoir tuée.
  41. Elle est colporteuse et loge dans Dorset Street à Spitalfields depuis cinq mois. Elle connaissait Annie Chapman depuis quinze mois et s'est disputée avec elle le mardi 4 septembre. Elle avait amené Edward Stanley dans la maison et venant dans la cuisine, elle a demandé qui pouvait lui donner du savon : "Tous lui ont dit d'aller voir Liza, c'est-à-dire moi", dit-elle. Annie Chapman s'adresse donc à elle, et ouvrant son casier, elle lui en a donné un. Stanley s'en est servi pour faire sa toilette. Comme elle revenait, Eliza Cooper lui réclame le savon, mais elle lui répond qu'elles se reverraient une autre fois. Stanley lui a donné deux shilling et lui a payé son lit pour deux nuits. Quand elle l'a revue le lendemain, elle lui a dit : "Peut-être me rendrez-vous enfin mon savon". Alors Annie Chapman a jeté un demi-penny sur la table en disant : "Allez donc vous acheter pour un demi-penny de savon". Elles ont commencé à se quereller, puis se sont rendues au Britannia (appelé aussi le Ringers) pour régler ce différend. Annie Chapman l'a giflée, en disant : "Estimez-vous chanceuse que cela n'aille pas plus loin". Eliza Cooper a répliqué par un coup sur l'œil gauche, pense-t-elle, puis sur la poitrine. Elle a pu voir par la suite que ce coup avait laissé une marque sur son visage. Elle l'a revue pour la dernière fois le jeudi 6 au Ringers. Elle portait trois anneaux de laiton au majeur de la main gauche qu'elle avait achetés à un homme noir. Elle était souvent avec Stanley, "Harry le Colporteur" et quelques autres. Elle n'avait pas avec eux les mêmes relations qu'avec Stanley, mais elle les introduisait de temps en temps dans la lodging house.
  42. Après les auditions du 13 septembre, Stanley se décide à se faire connaître auprès de la police, au poste de Commercial Street. Sa déposition est relevée par l'inspecteur Helson. Il hésitait à se manifester à cause de sa relation avec Annie Chapman. Il habite Osborn Place, à Spitalfields. Il est ouvrier maçon. On le connaît sous le nom du "Pensionné". Il lui est arrivé une ou deux fois de rendre visite à Annie Chapman au 35 Dorset Street, et d'autres fois ailleurs. Il l'a vue vivante pour la dernière fois le dimanche 2 septembre entre 13 et 15h, mais il l'a peut-être revue ensuite, il n'est pas sûr. Il n'a rien fait de la semaine et a pu la croiser par hasard, voire boire un verre avec elle, il n'est pas sûr, sa mémoire est un peu confuse. Elle avait peut-être deux anneaux de laiton, un plat et un ovale, il ne sait plus à quel doigt. Il n'y a personne qui était en mauvais terme avec elle. Le 2 septembre, elle avait un coquard à l'œil à la suite d'une dispute, mais il n'a jamais personnellement assisté à aucune dispute la concernant. Le coroner lui demande s'il est vrai qu'il a demandé à Donovan de ne pas la laisser venir dans la lodging house avec d'autres hommes. Il répond que ce n'est pas lui qui a pu demander cela. Il sait qu'un homme venait régulièrement la voir du samedi au lunde, mais ce n'est pas lui. Le coroner lui demande si c'est donc un autre homme qui donne de telles instructions, un autre que "Le Pensionné". Stanley répond qu'il n'en sait rien, il ne répond que pour ce qui le concerne. Le coroner lui demande s'il est réellement pensionné. Stanley répond que ça ne regarde pas son enquête. Pourtant, reprend le coroner, Annie Chapman a dit un jour que le "pensionné" allait recevoir sa pension, lui permettant de payer son loyer. Stanley présume qu'elle parlait d'un autre. Puis il proteste : "On a publié dans toute l'Europe que c'était moi, mais ce n'est pas moi." - "Est-ce que votre situation financière va s'en ressentir si dans toute l'Europe on apprend que vous n'êtes pas pensionné ?" réagit le coroner. Stanley estime qu'en perdant cinq heures de son temps à venir témoigner pour rien, il pourrait bien perdre son emploi en raison de son absence, ce qui devrait affecter sa situation financière. Il finit par admettre qu'il n'est pas pensionné. Il nie faire partie du Royal Sussex Regiment, ajoutant qu'il est respectueux des lois et qu'il ne se mêle pas des affaires des autres. Le coroner appelle Donovan pour confronter les deux hommes. Donovan reconnaît Stanley, confirme qu'il est bien "Le Pensionné", qu'il est bien celui qui rendait visite à Annie Chapman du samedi au lundi, lui donnant pour instruction (le deuxième samedi où il l'a vu) de ne pas la laisser entrer les autres jours en compagnie d'autres messieurs. Il l'a vu venir cinq ou six samedis. La dernière fois remonte au samedi 1er septembre et il est resté jusqu'au lundi 3. Il a payé la première nuit, et Annie Chapman a payé la seconde. Puis le coroner demande à Stanley son avis. Réponse : "Vous pouvez tout rayer, monsieur". Il ajoute qu'il était à Gosport du 6 août au 1er septembre. C'est à son retour, le 1er septembre, qu'il a croisé Annie Chapman à l'angle de Brushfield Street. Il n'admet pas l'avoir connue à Windsor. Il ne la connaît que depuis deux ans environ, et n'est jamais allé à Windsor. Il reconnaît être allé Dorset Street le 8 septembre, car un cireur de chaussures lui avait dit qu'Annie Chapman avait été assassinée. Il est donc allé à la lodging house pour savoir si c'était vrai. Surpris de l'apprendre, il est reparti. Les journaux ajoutent qu'après le 2 septembre, il était chaque jour occupé par son travail. Sa situation sociale est meilleure que celle que l'on rencontre d'ordinaire dans les lodging house de Spitalfields.
  43. Il est résident au 35, Dorset Street. Il est peintre. Il connaissait bien Annie Chapman, et l'a vue vivante pour la dernière fois la veille de sa mort à minuit 20, dans la cuisine. Elle était sobre. Elle portait des anneaux aux doigts. Il reconnaît l'enveloppe retrouvée dans la cour : elle l'a ramassée près de la cheminée de la cuisine. Il n'avait pas remarqué qu'elle était à en-tête, mais elle était à peu près de cette taille avec le cachet rouge de la poste. Quand elle est partie, il a cru qu'elle allait se coucher, et ne l'a plus jamais revue. Il ne connaissait personne avec qui elle aurait été en mauvais terme.
  44. Il est manutentionnaire chez un imprimeur. Sa sœur était séparée de son mari, cocher à Windsor, depuis environ trois ou quatre ans. Il est mort le jour de Noël 1886. Il l'a vue pour la dernière fois quinze jours auparavant dans Commercial Street en la rencontrant par hasard et lui a donné deux shillings. Elle ne lui a pas dit où elle vivait, mais elle avait besoin d'argent pour trouver un logement. Il ne sait pas qui elle fréquentait.
  45. Il a transporté le corps dans l'ambulance jusqu'à la morgue, avec tous les effets de la victime. Une fois parvenu à l'intérieur de la morgue, il a attendu l'inspecteur Chandler. Pendant ce temps, le sergent Thicke a dressé une description. Deux femmes logeant au 35 Dorset Street étaient présentes pour identifier le corps et ont fait une description des vêtements, mais seul Thicke les a touchés.
  46. a b c d e et f The Daily telegraph, 14 septembre 1888.
  47. a b c d e f g h i et j The Daily telegraph, 13 septembre 1888.
  48. a b c d e f g h et i The Times, 13 septembre 1888.
  49. a b c d e et f The Daily telegraph, 20 septembre 1888.
  50. a b c et d The Times, 20 septembre 1888.
  51. a b et c The Star, 15 septembre 1888.
  52. Les différences entre les comptes-rendus du Daily telegraph et du Times sont importantes sur le plan formel concernant cet échange tendu entre le coroner et Edward Stanley.
  53. Selon le Daily news du 10 septembre, il n'est pas rare que des sans-abris dorment dans les immeubles dont la porte reste ouverte en permanence. Un homme aurait ainsi dormi dans l'escalier du 29 Hanbury Street quelque temps avant le crime.
  54. a et b The Star, 13 septembre 1888.
  55. a b c et d The Times, 14 septembre 1888.
  56. On considère aujourd'hui que cette méthode d'évaluation de l'heure du décès est source d'imprécision et d'erreur.
  57. Selon des comptes-rendus de presse, les intestins étaient également placés sur l'épaule gauche.
  58. Dans d'autres comptes-rendus de presse, on apprend que l'assassin a emporté les organes génitaux qu'il a prélevé sans endommager les organes voisins.
  59. Le British medical journal du 22 septembre 1888 apporte les détails manquants.
  60. Evans et Rumbelow, p. 93.
  61. Rapport de l’inspecteur Abberline, le 19 septembre 1888. National Archives, MEPO-3/140, folio no. 242-257. Page 1 (fol. 242) : Charles Cross, charretier, 22 Doveton Street, Cambridge Road, Bethnal Green, traverse Buck’s Row vers 3h40 en allant à son travail. Il remarque une femme allongée sur le trottoir, au pied d’un portail menant à des écuries. Il s’arrête pour examiner la femme lorsqu’arrive à son tour un autre charretier, Robert Paul, 30 Foster Street, Bethnal Green, également sur le chemin de son travail. Cross attire son attention vers la femme, mais comme il fait sombre, les deux hommes ne remarquent aucune trace de sang, et quittent les lieux avec l’intention d’informer le premier agent de police qu’ils rencontreront. Arrivés à l’angle d’Hanbury Street et d’Old Montague Street, ils rencontrent l’agent de police 55H Mizen et l’informent de ce qu’ils ont vu. Page 2 (fol. 243) : L’agent se rend sur place où il trouve l’agent de police 94J Neil, lequel a entretemps découvert le corps pendant sa ronde, et appelait pour avoir du renfort. L’agent Neil, éclairant le corps avec sa torche, découvre que la femme a été égorgée. Il appelle l’agent de police 96J Thain et l’envoie chercher le Dr Llewellyn au 152 Whitechapel Road. Ce dernier arrive rapidement et déclare le décès de la victime, ordonnant de la transporter à la morgue. Pendant ce temps, l’agent Mizen a été envoyé chercher une ambulance et des renforts au poste de Bethnal Green. À l’arrivée de l’inspecteur Spratling et d’un autre agent, le corps a déjà été transféré à la morgue. Page 3 (fol. 244) : En arrivant à la morgue, l’inspecteur examine le corps et découvre que l’abdomen de la victime a été ouvert en divers endroits, laissant à nu les intestins. L’inspecteur fait prévenir le Dr Llewellyn qui vient faire un examen plus approfondi du corps. Les blessures à l’abdomen sont suffisantes pour provoquer instantanément la mort. Le chirurgien estime donc que la victime a été éventrée avant d’avoir été égorgée. Le corps n’est pas encore identifié à ce stade. L’inspecteur Helson examinant attentivement les vêtements de la victime découvre qu’ils portent la marque du Lambeth Workhouse, ce qui permet d’apprendre par la suite qu’elle est une ancienne résidente du workhouse nommée Mary Ann Nichols. Page 4 (fol. 245) : Elle est l’ancienne femme de William Nichols, 34 Coburg Street, Old Kent Road, ouvrier d’imprimerie au service de MM. Perkins, Bacon & co. Whitefriars Street, City, dont elle est séparée depuis 9 ans à cause de son alcoolisme et de sa vie dissolue. Pendant plusieurs années, elle a résidé dans divers workhouses. En mai de cette année, elle a quitté le Lambeth Workhouse pour entrer au service de M. Cowdry, Ingleside, Rose Hill Road, Wandsworth, où elle est demeurée jusqu’au 12 juillet. À cette date, elle disparaît, dérobant plusieurs vêtements. Un ou deux jours plus tard, elle trouve un logement au 18 Thrawl Street, Spitalfields, maison d’habitation commune. Page 5 (fol. 246) : Elle dort également dans une autre lodging house, au 56 Flower and Dean Street, jusqu’à la nuit du meurtre. Vers 1h40, elle est vue à la cuisine du 18 Thrawl street, où elle informe le logeur qu’elle n’a pas d’argent pour payer son logement, mais lui demande de réserver son lit, et le quitte en disant qu’elle serait bientôt de retour avec l’argent. Elle est ivre. Plus tard, elle rencontre à 2h30, à l’angle d’Osborn Street de Whitechapel Road, Ellen Holland, une résidente de la même maison. Celle-ci remarque qu’elle est complètement ivre, et tente de la persuader de rentrer avec elle à la lodging house. Mais elle refuse en disant qu’elle serait bientôt de retour. Puis elle marche en descendant Whitechapel Road en direction de l’endroit où son corps a été découvert. Page 6 (fol. 247) : L’heure est absolument certaine, car l’horloge de l’église de Whitechapel a sonné 2h30 pendant qu’elles discutaient, et la dénommée Holland a attiré l’attention de Mary Ann Nichols sur l’heure tardive. On n’a pas retrouvé de témoin qui l’ait vue vivante par la suite. La distance entre Osborn Street et Buck’s Row est d’environ un demi mile (environ 800 mètres). Des recherches ont été menées dans toute la zone susceptible d’avoir été parcourue par la victime, mais pas le moindre indice n’a été retrouvé. Une enquête auprès de nombreuses femmes de condition similaire à la victime a fait émerger un suspect nommé Tablier de Cuir qui répand auprès d’elles un « sentiment de terreur », ayant pris l’habitude depuis longtemps de les menacer et de les maltraiter. Page 7 (fol. 248) : Même s’il n’y a aucune preuve qu’il soit lié au crime, il était très important pour l’enquête de le retrouver pour l’interroger sur ses faits et gestes au cours de la nuit du meurtre. Dans ce but, des recherches ont été faites dans toutes les lodging houses en divers endroits de la ville. Mais à cause de la publicité qu’en ont faite le Star et d’autres journaux, l’homme a su qu’il était recherché. Il est demeuré introuvable jusqu’au 10 septembre, où on a découvert qu’il était caché par ses proches. Enfin interrogé, il nous a livré tous les détails que nous souhaitions connaître. Page 8 (fol. 249) : Nous avons pu établir ses faits et gestes. Il en ressort que son implication dans l’affaire était infondée. Les soupçons se sont aussi portés sur trois hommes employés par M. Barber, à l’abattoir « Horseslaughterers », Winthorp Street, qui se trouve à 30 yards (environ 27 mètres) de l’endroit où le corps a été découvert, et qui travaillaient sur place au cours de la nuit du meurtre. Ils ont été interrogés séparément, et leurs explications sur leurs faits et gestes ont été confirmées par l’agent de police qui les a vus en train de travailler. Finalement, aucun élément ne les met en cause. Entretemps, le 8 septembre, a été découvert le corps mutilé d’Annie Chapman dans la cour du 29 Hanbury Street, Spitalfields. Page 9 (fol. 250) : Elle a été assassinée de la même manière, avec des mutilations comparables mais encore plus sauvages, ne laissant aucun doute qu’il s’agit du même auteur. La victime a été clairement identifiée. Elle était la veuve d’un cocher, Chapman, mort à Windsor il y a environ 18 mois, dont elle était séparée depuis plusieurs années à cause de son alcoolisme, et qui lui a versé 10 shillings par semaine jusqu’à sa mort. Durant ces dernières années, elle a fréquenté des lodging houses dans le quartier de Spitalfields, et demeurait depuis quelque temps au 35 Dorset Street, où elle a été vue vivante à 2h, le matin du meurtre. Page 10 (fol. 251) : N’ayant pas l’argent pour payer son logement, elle est sortie de la lodging house. Aucun témoin de ce qu’elle a fait ensuite n’a été retrouvé. Depuis deux ans, elle recevait parfois la visite d’un certain Edward Stanley, ouvrier résidant à Osborn Place, Whitechapel. Elle ne paraît pas avoir entretenu une autre relation avec un homme. Stanley a été retrouvé et interrogé. Selon sa déposition, il est clairement établi que pendant la nuit du 30, il était en service avec la 2de Brigade de Division Sud de l’Hants Militia (Second Brigade Southern Division Hants Militia) au fort Elson à Gosport… Page 11 (fol. 252) : …et que pendant la nuit du 7 septembre, il était couché chez lui entre minuit et environ une heure après la découverte du corps d’Annie Chapman. Il passe pour un homme respectable, honnête travailleur, et aucun soupçon ne pèse sur lui. La victime portait habituellement deux anneaux, dont une alliance, qui manquaient lorsque le corps a été découvert. D’après les traces retrouvées sur ses doigts, ils lui ont été arrachés de force. Des recherches ont été menées dans tous les lieux où ils sont susceptibles d’avoir été revendus, mais sans résultat. D’autres recherches ont été faites dans les lodging houses pour savoir si quelqu’un aurait été aperçu avec du sang sur lui. Page 12 (fol. 253) : Les riverains de la scène de crime ont été appelés comme témoins par le coroner, mais aucun n’a entendu quoi que ce soit d’inhabituel. Il n’y a aucun doute que chacun des deux meurtres a été commis au même endroit où les corps ont été découverts. Buck’s Row est une petite rue tranquille, fréquentée la nuit par les prostituées pour s’y livrer à la débauche. La cour du 29 Hanbury Street est très certainement employée aux mêmes fins. Plusieurs suspects ont été entendus dans divers postes de police, et leurs emplois du temps vérifiés. Page 13 (fol. 254) : Mais aucun résultat utile n’a été recueilli. L’enquête ouverte pour les deux meurtres a été régulièrement ajournée jusqu’ici pour entendre de nombreux témoins. Les plans des deux scènes de crime ont été relevés à l’intention du coroner, et communiqués au haut-commissaire. Les recherches se poursuivent dans toutes les directions, et aucun effort ne sera épargné pour élucider ces mystères. Je dois ajouter qu’Isenschmid, détenu à Holloway depuis le 12 septembre, et confié aux autorités paroissiales pour être interné comme dément… Page 14 (fol. 255) : … correspond à la description de l’homme aperçu au pub du Prince Albert, Bruschfield Street à 7h, le matin du meurtre d’Annie Chapman, par Mme Fiddymont et d’autres témoins, à 400 yards (366 mètres) de la scène de crime. L’homme qui est entré dans l’établissement avait du sang sur les mains. Isenschmid s’est établi comme boucher, mais son affaire a fait faillite il y a douze mois. Il est ensuite tombé en dépression et a perdu la raison. Interné dans un asile, il a été libéré vers la Noël comme guéri. Mais depuis quelques mois, il s’est signalé par un comportement étrange. Depuis ces six dernières semaines, il est absent de son domicile, errant dans les rues à n’importe quelle heure. Page 15 (fol. 256) : Quand il est sorti de chez lui, il avait en sa possession deux grands couteaux qu’il utilisait dans son travail. Il est à présent interné à l’asile d’aliénés de Bow (Bow Infirmary Asylum), Fairfield Road, Bow. Une confrontation devrait être organisée avec Mme Fiddymont et d’autres témoins, mais le Dr Mickle s’y oppose pour le moment. Il serait de la plus haute importance, non seulement pour établir la vérité, mais aussi pour apaiser l’opinion publique, que le médecin-chef, ou le médecin divisionnaire, rencontre le Dr Mickle pour rendre possible cette confrontation entre les témoins et Isenschmid. Signé : Abberline.
  62. a b c et d The Times, 12 septembre 1888.
  63. a b c et d The Star, 14 septembre 1888.
  64. Voir Bourgoin.
  65. Voir le blog Casebook : Jack the Ripper : Jphn Pizer.
  66. L'agent Thicke, et le propre demi-frère de John Pizer, Gabriel Pizer. Voir Sugden.
  67. a b c d et e The Daily Telegraph, 11 septembre 1888.
  68. Ajoutons que le district d'Holloway est très loin de Buck's Row.
  69. a b c d e et f The Star, 11 septembre 1888.
  70. a b c d e et f The Times, 10 septembre 1888.
  71. A moitié espagnol et bulgare, candidat à l'émigration pour l'Australie avec sa famille, selon le Times du 12 septembre.
  72. Sugden.
  73. Begg, p. 92-93 ; Sugden.
  74. Voir Sugden.
  75. The Daily telegraph, 19 septembre 1888.
  76. Daily news, 1er octobre 1888.
  77. Dans le Star du 8 septembre, p. 4, on peut lire une étrange énigme dans le courrier des lecteurs : "Belle-mère - Le rédacteur en chef du Star est un homme audacieux, mais il recule devant la tâche que « Jack » lui imposerait." Selon Simon Daryl Wood, dans Deconstructing Jack, the secret history of the Whitechapel's murders, 2015, e-book consultable en ligne, l'auteur de cette missive adressée à T. P. O'Connor, serait lié au canular de la lettre Dear Boss, dont le Star aurait refusé la publication, et que laissait présager la fausse inscription à la craie supposée avoir été inscrite par le tueur dans la cour du 29 Hanbury Street.
  78. Ainsi p. 4, on peut lire : "Les Juifs de Whitechapel étaient encore assis sur un volcan social il y a moins d'une semaine qui menaçait de les engloutir avec tous les signes de l'intolérance et de la haine raciale."
  79. Dont cent cinquante affectés à l'enquête sur les meurtres de Whitechapel, selon le Daily news du 10 septembre.
  80. Le tueur est également qualifié de "goule", de "Caïn fou", de "mi-homme, mi-bête", ou encore de "nouveau Williams" (en référence à Rhynwick Williams, qui agressait les femmes de Londres à la fin du XVIIIe s., et était surnommé le "Monstre de Londres (en)"), de Jeckyll et Hyde. Le Times du 10 septembre, s'étonnant de l'audace du criminelle, et de sa passion morbide pour la boucherie humaine, évoque Le double assassinat de la rue Morgue d'Edgar Poe, ou encore l'œuvre de Thomas de Quincey. Cette série de meurtres semble unique dans les annales du crime, et plonge les observateurs dans l'incompréhension.
  81. The Daily telegraph, 22 septembre 1888.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • BEGG, Paul. Jack the Ripper : the definitive history. London : Pearson Education, 2003.
  • BEGG, Paul. Jack the Ripper : the facts. New York : Barnes & Noble Books, 2005.
  • BEGG, Paul. BENNETT, John. Jack the Ripper, the forgotten victims. New Haven : Yale university press, 2014.
  • BEGG, Paul. SKINNER, Keith. FIDO, Martin. Jack the Ripper A to Z. London : Headline, 1994 (2nd ed.).
  • BENNETT, John. Mob town, a history of crime and desorder in the East End. New Haven ; London : Yale university press, 2017
  • BELL, Neil R. A. Capturing Jack the Ripper : in the boots of a bobby in Victorian England. Stroud : Amberley, 2016.
  • BOURGOIN, Stéphane. Le livre rouge de Jack l'éventreur. Paris : B. Grasset, 1998.
  • COOK, Andrew. Jack the Ripper. Stroud : Amberley, 2009.
  • EDDLESTON, John J. Jack the Ripper : an encyclopedia. London : Metro, 2002.
  • ENAULT, Louis. Londres. Paris : Hachette, 1876.
  • EVANS, Stewart P. RUMBELOW, Donald. Jack the Ripper : Scotland Yard investigates. Stroud : Sutton, 2006.
  • EVANS, Stewart P. SKINNER, Keith. The ultimate Jack the Ripper sourcebook : an illustrated encyclopedia. London, Constable and Robinson, 2000.
  • FIDO, Martin. The crimes, death and detection of Jack the Ripper. Vermont : Trafalgar Square, 1987.
  • GRAY, Andrew D. London's shadows : the dark side of the Victorian city. London : Bloomsbury, 2013.
  • LONDON, Jack. The people of the abyss. London : Isbister, 1903.
  • MARRIOTT, Trevor. Jack the Ripper : the 21st Century investigation. London : J. Blake, 2005.
  • RUBENHOLD, Hallie. The five, the untold lives of the women killed by Jack the ripper. London : Doubleday, 2019.
  • RULE, Fiona. The worst street in London. Hersham : I. Allan, 2008.
  • RUMBELOW, Donald. The complete Jack the Ripper, fully revised and updated. Penguin, 2013 (nouvelle éd. ; 1re éd. 1975, W. H. Allen).
  • SHELDEN, Neal. Annie Chapman : Jack the ripper victim, a short biography. Hornchurch : [N. Shelden], 2001.
  • SUGDEN, Philip. The complete history of Jack the Ripper. New York : Carroll & Graf, 1994.
  • WILLIAMS, Paul, Jack the ripper suspects, the definitive guide and encyclopedia. [Toronto], RJ Parker (VP publication), 2018.
  • WOODS, Paul, BADDELEY, Gavin, Saucy Jack, the elusive Ripper, Hersham, I. Allan, 2009.

Webographie[modifier | modifier le code]

  • Casebook : Jack the Ripper. Site internet rassemblant une documentation abondante sur les meurtres de Jack l'éventreur (retranscriptions de coupures de presse et de pièces d'archives, iconographie), des chronologies, des essais de synthèse, des forums de discussion, etc. Dont :
    • Annie Chapman, chronologie et synthèse concernant Annie Chapman (comprenant de nombreux liens vers des coupures de presse retranscrites).
  • Wiki : Jack the Ripper. Banque documentaire, comprenant des images, du site Casebook : Jack the Ripper.
  • The J-Files : Jack the Ripper : The Dorset street area. [S.n., s.d.]. Étude sur la rue Dorset Street concernant Annie Chapman et Mary Jane Kelly.

Sources[modifier | modifier le code]

Archives de Scotland Yard[modifier | modifier le code]

Dans la série MEPO (pour Metropolitan Police), conservée aux Archives nationales de Grande-Bretagne :

  • MEPO-3/140, folio no. 242-257 () : Mary Ann Nichols (31 Aug 1888): Police report : details regarding the murders of Mary Ann Nichols and Annie Chapman alias Siffey ; detention and questioning of various suspects : rapport de l'inspecteur George Abberline, Criminal Investigation Department (CID), sur les deux meurtres de Mary Ann Nichols et d'Annie Chapman. 15 p. Signé Abberline.
  • MEPO-3/140, folio 9-11 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: discovery of body and subsequent enquiries.
  • MEPO-3/140, folio 12-13 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: Joseph Isenschmid, suspect.
  • MEPO-3/140, folio 14-15 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: arrest and detention of Joseph Isenschmid.
  • MEPO-3/140, folio 16 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: piece of envelope found near body and subsequent enquiries.
  • MEPO-3/140, folio 17 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: questioning of [Edward] Stanley who occasionally cohabited with deceased; also detention of Edward McKenna for identification.
  • MEPO-3/140, folio 18-20 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: enquiries made concerning piece of envelope found near body.
  • MEPO-3/140, folio 21-23 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: enquiries made concerning Joseph Isenschmid.
  • MEPO-3/140, folio 24-25 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: enquiries made concerning Joseph Isenschmid.
  • MEPO-3/140, folio 29-31 () : Annie Chapman alias Siffey (8 Sept 1888): Police report: enquiries made concerning Joseph Isenschmid.

Sources de presse[modifier | modifier le code]

  • The British medical journal, London, et .
  • The Daily news, London, 10, 15, 18 et .
  • The Daily telegraph, London, 10, 11, 13, 14, 18, 19, 20, 22, 24 et .
  • East London advertiser, London, .
  • Echo, London, 10 et .
  • Evening news, London, .
  • The Illustrated police news, London, .
  • The Lancet, London, .
  • LLoyd weekly newspaper, .
  • Morning advertiser, London, .
  • Pall mal gazette, an evening newspaper and review, .
  • The Star, London, 4, 6, 8, 10, 11, 13,.
  • The Times, London, 10, 11, 13, 14, 20 et .

Sources iconographiques[modifier | modifier le code]

Photographies[modifier | modifier le code]
  • [Portrait mortuaire d'Annie Chapman à la morgue d'Old Montague Street] (voir ci-dessus). Cliché réalisé entre le 8 et le .

Conservé aux Archives nationales de Grande-Bretagne, à Londres (Kew), cote MEPO 3/3155 (Photographs of victims Mary Ann Nichols, Annie Chapman, Elizabeth Stride and Mary Janet Kelly(2) : Papers sent anonymously to New Scotland Yard, Nov 1987), où il a été versé en 1988 à la suite d'un don anonyme (une enveloppe postée à Croyden, envoyée à Scotland Yard, contenait des photographies des cinq victimes, la fameuse lettre Dear Boss, et d'autres documents originaux provenant des archives de la police métropolitaine, probablement prélevés par un policier et conservés dans sa famille jusqu'à cette restitution, d'après le Daily telegraph, ).

Publié pour la première fois en 1988.

  • [Portrait de mariage d'Annie et John Chapman] (voir ci-dessus). Cliché anonyme de 1869. Divulgué par la famille d'Annie Chapman. Collection particulière.
  • [Portrait d'Emily Ruth Chapman, fille d'Annie et John Chapman] (voir ci-dessus). Cliché anonyme, vers 1879. Divulgué par la famille d'Annie Chapman. Collection particulière.
  • Série de photographies du 29 Hanbury Street (façade, arrière-cour) prises de 1967 à 1970, la plupart en noir et blanc.
Illustrations de presse[modifier | modifier le code]
  • The illustrated police news, . Bandeau central de la première page : Latest details of the Whitechapel murders, figurant plusieurs vignettes (portrait d'Annie Chapman ; vue en compagnie de son assassin ; refoulée par le logeur ; l'arrière-cour ; pièces à conviction dont le foulard de la victime ; un abattoir ; quelques portraits : le coroner, les policiers de Scotland Yard, le Dr Phillips, le président du jury, le logeur, le frère de la victime).
  • The illustrated police news, . Série de vignettes retraçant tous les meurtres de Whitechapel.

Cartes[modifier | modifier le code]

Bâtiments encore visibles de nos jours[modifier | modifier le code]

  • Le Working Lads' Institute, dans Whitechapel Road, construit en 1884-1885 par l'architecte George Baines, livré en 1885.
  • Christ Church (en), l'église de Spitalfields, construite par l'architecte Nicholas Hawksmoor, et livrée en 1729.
  • Les immeubles entourant le marché de Spitalfields, construits de 1885 à 1893 par l'architecte George Sherrin, dont les Horner Buildings construits en 1887, faisant l'angle de Brushfield Street et de Commercial Street.

Bâtiments aujourd'hui détruits[modifier | modifier le code]

  • L'immeuble du 29, Hanbury Street. On pense qu'il a été construit vers 1740, comme toutes les autres maisons voisins, par le charpentier Daniel Marsillat, et remanié en 1849 pour l'installation d'une boutique. À l'origine, ces maisons étaient occupées par des tisserands de soie. Avec le développement de l'industrie au XIXe, elles sont reconverties en petits logements pour ouvriers. La boutique devient un salon de coiffure vers 1895 jusqu'en 1967, louée d'abord par Morris Modlin, puis par Nathaniel Brill (dont le nom est visible sur la devanture photographiée dans les années 1960). La maison est occupée jusqu'en 1969, puis détruite en 1970[d 1].
  • Le Britannia, autrement appelé le Ringers, pub à bière au 87 Commercial Street, à l'angle de Dorset Street, appartenant à Walter et Matilda Ringers. Fréquenté par de nombreux résidents de Dorset Street, dont Annie Chapman et Mary Jane Kelly. Il est détruit en 1928, avec toute une section de Dorset Street, lors de l'extension du marché de Spitalfields[d 2].
  • La lodging house du 35 Dorset Street. Appartient à William Crossingham (habitant à Romford) et comprend officiellement 114 lits du sous-sol au troisième étage. Détruite en 1928 lors de l'extension du marché de Spitalfields. La prostituée Mary Ann Austin est assassinée dans cet établissement en 1901[d 3].
Références
  1. Selon la page Wiki : Jack the Ripper (du site Casebook, Jack the Ripper).
  2. Selon la page Wiki : Jack the Riper (du site Casebook, Jack the Ripper).
  3. Selon la page Wiki : Jack the Riper (du site Casebook, Jack the Ripper).

Liens externes[modifier | modifier le code]

Catherine Eddowes[modifier | modifier le code]

Cantons-de-l'Est/Test/6
Vue d'artiste de Catherine Eddowes
(The Penny Illustrated Paper, ).
Biographie
Nom de naissance
Mary Ann Walker
Surnom
Kate Conway, Kate Kelly

Catherine Eddowes (14 avril 1842 – 30 septembre 1888) est la quatrième des cinq victimes habituellement attribuées au tueur en série surnommé Jack l'Éventreur[1]. Son corps a été retrouvé à Mitre Square, en lisière du quartier de La City à Londres.

Biographie[modifier | modifier le code]

Faisant partie de 12 enfants, dont 10 survivants, Catherine Eddowes grandit dans la pauvreté de ses parents, Catherine et George. En 1856 sa mère meurt de la tuberculose, son père la suit l'année suivante. Alors que les sœurs aînées se marient ou trouvent un emploi, les frères et sœurs cadets sont placés dans un workhouse en tant qu'orphelins.

Elle est hébergée par son oncle et sa tante à Wolverhampton, travaille dans une usine et s'occupe en plus du ménage. Après une dispute, elle s'enfuit à pied chez son autre oncle à Birmingham, où elle travaille comme travailleuse de la ferraille.

En 1862, elle rencontre Thomas Conway, insouciant vendeur de livres de poche et chanteur de "penny ballad", qui vient d'être réformé de l'armée. Après quelques années instables, le couple non marié s'installe à Londres, où naissent deux autres enfants, dont le dernier meurt comme nourisson.

Là, la relation devient abusive, Conway et Kate commencent à boire, à disparaître et à abandonner leurs enfants régulièrement, ils se sont séparés en 1881. Ses frères et sœurs s'éloignent d'elle, à l'exception de sa sœur Eliza. Kate la suit donc pour vivre dans le quartier de Whitechapel, où elle rencontre John Kelley, un gros buveur, vivant de la main à la bouche[2].

Affaire criminelle[modifier | modifier le code]

Sortie de prison[modifier | modifier le code]

Peu de temps après minuit, le 30 septembre, Catherine Eddowes doit sortir de prison après avoir été arrêtée la veille pour ivresse sur la voie publique. Vers 1h00 du matin, elle est considérée comme suffisamment sobre pour être libérée. Avant sa libération, Eddowes a donné le nom de Mary Kelly comme identité à la police. Cette identité sera le nom véritable d'une autre victime de Jack l'Éventreur[3],[4].

Meurtre et découverte du corps[modifier | modifier le code]

Corps de Catherine Eddowes après l'analyse post mortem.

Catherine Eddowes a été assassinée la nuit du 30 septembre 1888, à Mitre Square, entre 1h30 et 1h45 du matin. Elle a été vue pour la dernière fois par Joseph Lawende, un représentant de commerce rentrant chez lui avec des amis. Il a croisé Eddowes discutant avec un homme à l'entrée de Mitre Square : il est probable qu'il soit l'homme qui ait le mieux distingué les traits de Jack l'Éventreur de toute l'affaire. Malheureusement son témoignage, assez flou, ne permettra pas de faire avancer l'enquête.

Le corps de Catherine Eddowes a été découvert à 1h45 par un constable, nommé Watkins, dans un des renfoncements de la place, contre une palissade donnant sur l'arrière d'un immeuble. Catherine Eddowes avait été affreusement mutilée, le visage balafré, l'abdomen ouvert et des organes extraits et déposés près du visage. Un de ses reins avait été sectionné et emporté par son meurtrier.

Enquête judiciaire[modifier | modifier le code]

Autorité compétente[modifier | modifier le code]

Portraits en médaillon de Catherine Eddowes et d'un suspect à la une de l'hebdomadaire The Penny Illustrated Paper, .

De tous les meurtres attribués à Jack l'Éventreur, celui de Catherine Eddowes est le seul commis hors de la juridiction de la Metropolitan Police de Londres (Scotland Yard): en effet, Mitre Square se situe dans le quartier d'Aldgate (City), soumis à l'autorité de la City of London Police. Certains auteurs estiment que l'enquête a été perturbée par cette dualité dans la recherche du tueur, et que des querelles au sein des services de police ont pu retarder l'avancée des investigations. Cette thèse n'est pas attestée par les documents d'époque qui mettent plutôt en avant une collaboration entre la City Police et la "MePo".

Investigations[modifier | modifier le code]

Lors de l'investigation menée dans les minutes qui ont suivi la découverte du corps de Catherine Eddowes, les policiers ont découvert un fragment du tablier de la victime sous un porche, dans Goulston Street, une rue proche de Mitre Square, qui remonte vers Spitalfields. Couvert de traces de sang, le tablier a sans doute servi au meurtrier pour s'essuyer après le carnage de Mitre Square.

Postérité[modifier | modifier le code]

Au cinéma et à la télévision[modifier | modifier le code]

Plusieurs œuvres ont été consacrées à l'histoire de Jack l'éventreur, aussi bien sur grand écran ou à la télévision. Dans l'adaptation télévisée de 1988, Jack l'Éventreur, c'est la comédienne Susan George qui interprétait le rôle de Catherine Eddowes et l'actrice Lesley Sharp fit de même en 2001 dans le film From Hell.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Generally Accepted (Canonical) Victims, Casebook.org
  2. Hallie Rubenhold, The five : the untold lives of the women killed by Jack the Ripper, (ISBN 978-0-85752-448-5 et 0-85752-448-8, OCLC 1079190005, lire en ligne)
  3. Stewart P. Evans et Donald Rumbelow, Jack the Ripper : Scotland Yard Investigates, Stroud, Gloucestershire, Sutton Publishing, 2006, page 96.
  4. Site gentside.com, page "16 coïncidences historiques incroyables qui sont pourtant bien réelles", consulté le 29 août 2021.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

(en) Donald Rumbelow, The complete Jack the Ripper, Londres, Virgin Books, 2013, (1re éd. 1975 W.H. Allen), 384 p. (ISBN 0753541505). .

Liens externes[modifier | modifier le code]

Attention : la clé de tri par défaut « Eddowes, Catherine » écrase la précédente clé « Chapman, Annie ».

Elizabeth Stride[modifier | modifier le code]

Cantons-de-l'Est/Test/6
une illustration sous licence libre serait bienvenue
Biographie
Surnom
Long Liz
Activité
Employée de maison, cafetière, prostituée
Autres informations
Yeux
Vert

Elizabeth Stride (née Elisabeth Gustafsdotter, parfois nommée Elisabeth Gustafsson ; 27 novembre 1843 – 30 septembre 1888[1]) est la troisième des cinq victimes habituellement attribuées au tueur en série surnommé Jack l'Éventreur[2]. Ce dernier, dont l'identité est restée inconnue, a assassiné plusieurs prostituées de l'East End londonien d'août à novembre 1888. Le corps d'Elizabeth Stride a été retrouvé à Dutfield's Yard, dans le quartier de Whitechapel.

Elizabeth Stride était surnommé « Long Liz », pour une raison difficile à établir. Certains pensent que cela provient de son nom de mariée, « Stride », qui signifie « grand pas »[3], d'autres pensent simplement que cela était dû à sa taille supérieure à la moyenne[4] ou à la forme de son visage.

Biographie[modifier | modifier le code]

Jeunesse en Suède[modifier | modifier le code]

Enfance près de Göteborg[modifier | modifier le code]

Église de Torslanda (sv). Elizabeth Stride reçoit la confirmation luthérienne dans cette église en 1859
Vue de l'intérieur de l'église de Torslanda. Cliché de 1942.

Elizabeth Stride est la fille d'un fermier suédois, Gustaf Ericsson, et de sa femme Beata Carlsdotter. Elle naît Elisabeth Gustafsdotter (son patronyme signifiant littéralement « la fille de Gustaf ») le 27 novembre 1843 au village de Stora Tumlehed, dans la paroisse de Torslanda, à l'ouest de Göteborg en Suède, sur l'île d'Hisingen[5],[6]. Elle passe son enfance, avec sa soeur aînée et ses deux petits frères, dans la ferme familiale et reçoit la confirmation - dans la foi luthérienne - à Torslanda en 1859. Il semble qu'elle garde des séquelles d'une blessure à la jambe droite de cette période[7].

Servante à Göteborg[modifier | modifier le code]

Vers juin 1860, à l'âge de 16 ans, elle trouve un emploi de servante à Göteborg. Trois années auparavant, sa sœur aînée Anna avait elle-même quitté le village natal, à l'âge de 17 ans, pour trouver un emploi à la ville[8]. Selon l'éventrologue Dave Yost, auteur d'une étude biographique consacrée à Elizabeth Stride, celle-ci obtient en octobre un certificat attestant de sa moralité religieuse, de son éducation et de ses connaissances bibliques, sésame indispensable pour une jeune fille souhaitant s'installer seule en ville[8]. Jusqu'en février 1864, elle est au service de Lars Frederick Olofsson, fournisseur de main-d'œuvre auprès de divers employeurs, marié et père de deux enfants, demeurant dans la paroisse de Carl Johan (sv), district de Majorna, à l'ouest de la ville, sur les bords du Göta.

Premiers pas dans la prostitution[modifier | modifier le code]

Après trois ans de service chez les Olofsson, Elizabeth quitte - ou perd - son emploi et s'établit dans le centre de Göteborg, toujours comme servante, non loin de la cathédrale[9]. Quelques mois plus tard, en août 1864, sa mère meurt d'une maladie pulmonaire à l'âge de 54 ans. On présume qu'elle bascule vers cette époque dans la prostitution, car elle est arrêtée par la police en mars 1865, à l'âge de 21 ans, sans qu'on en sache le motif. Le mois suivant, le 21 avril 1865, elle accouche prématurément d'une enfant mort-né, de père inconnu[10].

Séjours à l'hôpital[modifier | modifier le code]

L'un des pavillons du Kurhuset de Göteborg, l'actuel hôpital Holtermanska. Cliché de 2013.

Pour parachever cette descente vers l'abîme, atteinte sans doute de syphilis, elle fait deux séjours à l'hôpital où sont soignées les maladies vénériennes, le Kurhuset de Göteborg, au cours de l'année 1865, en avril-mai, puis en août-septembre. Elle en sort guérie. Mais elle y retourne en octobre, directement placée, cette fois, par la police. Déclarée guérie pour la troisième fois, elle doit pointer tout au long du mois de novembre pour attester qu'elle n'a pas de nouveau contracté la maladie[11]. Elle est alors enregistrée comme prostituée[12]. Elle demeure alors rue Pigatan, à l'est du quartier Haga, dans la partie est du quartier de la cathédrale. Le lieu est fréquenté par des prostituées.

De nouveau servante dans une famille bourgeoise[modifier | modifier le code]

Finalement, ce même mois de novembre, Maria Wiesners, l'épouse d'un musicien engagé au Grand-Théâtre de Göteborg, la prend à son service comme servante, ce qui lui permet d'être libérée du contrôle de la police[13]. Ayant touché l'héritage de sa mère, s'élevant à soixante-cinq couronnes, elle aurait alors décidé d'émigrer en Angleterre quatre mois plus tard.

D'après le témoignage de Charles Preston - son futur co-locataire - elle serait venue à Londres en accompagnant un "gentleman" étranger. Mais selon Michael Kidney - son futur petit ami - elle serait plutôt venue "pour voir du pays". Il est d'ailleurs persuadé qu'elle a de la famille à Londres.

Émigration à Londres[modifier | modifier le code]

En février 1866, la jeune femme s'installe dans l'Est londonien[14]. Quelques mois plus tard, en juillet, elle s'enregistre auprès de l’Église suédoise de Londres, Prince's Square, dans le quartier de St. George-in-the-East, au sud de Whitechapel, près des docks[15],[16]. Elle est qualifiée de célibataire. On ignore ce qu'elle devient durant les trois années qui suivent.

Mariage avec John Thomas Stride[modifier | modifier le code]

Trois ans plus tard, après s'être liée temporairement à un policier[17], sous le nom d'Elizabeth Gustifson, elle épouse le 7 mars 1869 John Thomas Stride, menuisier originaire de Sheerness, dans le Kent, port de l'estuaire de la Medway sur l'île de Sheppey. Âgé de 48 ans, il est son aîné de vingt-trois ans. Ils habitent alors l'un et l'autre dans le quartier de Westminster, et la cérémonie se déroule dans l'église St. Giles in the Fields, à l'ouest de la City. Elizabeth réside jusqu'à cette date dans Gower Street, dont les habitants appartiennent à la classe moyenne. Selon Dave Yost, on peut supposer qu'elle aurait repris son activité de servante auprès des bonnes familles de Westminster depuis son arrivée à Londres[18].

Tenanciers d'un café dans le district de Poplar[modifier | modifier le code]

Tous deux emménagent ensuite à Poplar, à l'extrémité de l'Est londonien, où ils exploitent un café situé Chrisp Street. Ils sont alors domiciliés dans Inde East Dock Road, une des principales artères traversant Poplar. Mais quelques mois plus tard, Stride ferme le café de Chrisp Street pour en ouvrir un autre dans Upper North Street. Au printemps 1871, le ménage a encore déménagé et déplacé leur établissement pour se rapprocher des docks, dans Poplar High Street[19]. D'après le registre de recensement, Stride poursuit son activité de menuisier. L'échope génère sans doute de faibles revenus[20]. Leur situation semble alors se stabiliser pendant trois ans, mais le couple reste sans enfant et s'étiole peu à peu[21].

Séparation et changement de vie[modifier | modifier le code]

Séjour au workhouse de Poplar[modifier | modifier le code]

On ignore à quel moment intervient exactement la séparation. Les Stride vivent encore ensemble en 1874 lorsque le mari ferme définitivement leur commerce[22]. En mars 1877, dans une situation de grande pauvreté, Elizabeth Stride est placée au Poplar workhouse, non loin du domicile conjugal. Les workhouses sont des institutions de bienfaisance organisées par les paroisses offrant un logement collectif et un travail strictement encadrés[23]. Ce nouvel épisode entérine une première séparation, provoquée par la détresse sociale que traverse le couple. Mais elle n'est que temporaire, car les deux époux sont de nouveau réunis en 1881, comme le montre un registre de recensement[24]. Les époux demeurent alors à Bow, district de l'Est londonien, dans Usher Road[25].

Maladies et mort du mari[modifier | modifier le code]

Mais peu de temps après, Elizabeth Stride a définitivement quitté son mari pour s'installer à Whitechapel, dans Brick Lane[26]. Et en décembre de la même année, elle est admise au dispensaire du Whitechapel Workhouse[27] pour une bronchite. Lorsqu'elle quitte le dispensaire en janvier 1882, elle est brièvement placée au workhouse, puis elle s'établit - comme on le suppose - dans une maison d'hébergement collectif ou lodging house du sud de Spitalfields, au 32, Flower and Dean Street, l'une des rues les plus misérables de la ville[28],[29],[30]. Elizabeth Tanner, la tenancière, affirmera en 1888 qu'Elizabeth Stride est une habituée depuis six ans. Durant cette période, elle est surnommée Long Liz.

Sombrant lui-même dans le dénuement et la maladie, John Stride finit par rejoindre à son tour le Poplar Workhouse, et meurt de tuberculose en 1884 à l'hospice de Poplar and Stepney[31],[32].

Un récit imaginaire[modifier | modifier le code]

Selon le témoignage d'Elizabeth Tanner, Elizabeth Stride raconte s'être trouvée à bord du Princess Alice, où elle aurait été employée avec son mari - elle comme servante, et lui comme marin - lorsqu'il a fait naufrage dans la Tamise en 1878. D'après ses dires, son mari et deux de ses neuf enfants y seraient morts noyés, tandis qu'elle serait parvenue à s'arrimer au mât du navire. Mais pendant la bousculade, elle aurait reçu un coup de pied dans la bouche, lui laissant pour séquelle un bégaiement chronique[33],[34]. Mais aucun vestige de cette ancienne blessure ne sera relevé lorsque son corps sera autopsié.

Ménage intermittent avec Michael Kidney[modifier | modifier le code]

Après la mort de son mari, Elizabeth Stride vit la plupart du temps avec Michael Kidney, un ouvrier des docks de sept ans plus jeune qu'elle, logeant à Devonshire Street, district de Marylebone, dans le West End. Leur liaison, commencée vers 1885, est tumultueuse et ponctuée de séparations[35]. D'après Kidney, Elizabeth Stride est souvent ivre et s'absente du foyer. Il tente même une fois de l'enfermer à double-tour. Dans les périodes de rupture, elle se réfugie dans des lodging houses, notamment au 32 Flower and Dean street. En trois ans de vie commune, le couple aurait connu au total environ cinq mois de séparation, selon Kidney[36]. Gagnant difficilement sa vie en réalisant des travaux de ménage et de couture, ou en se prostituant, Elizabeth Stride reçoit parfois une aide de l'Église suédoise, comme c'est le cas en mai 1886, selon le témoignage du sacristain Sven Olsson, qui se souviendra, en témoignant plus tard, de sa grande pauvreté.

Démêlés judiciaires[modifier | modifier le code]

En mars 1887, elle séjourne de nouveau au workhouse de Poplar, et porte plainte en avril contre Kidney auprès d'un agent de police (le police constable 357H). L'affaire n'est cependant pas portée en justice car Elizabeth Stride ne se rend pas à l'audience. Elle comparaît elle-même à huit reprises devant le Thames Magistrates' Court, tribunal du district de Bow, pour ivresse et tapage sur la voie publique. Il semble qu'elle se soit présentée une fois aux audiences sous le nom d'Annie Fitzgerald[37],[38],[39].

Vers la même époque, Charles Preston, barbier, s'installe au 32 Flower and Dean Street. Témoignant plus tard lors de l'enquête, il affirme qu'Elizabeth a été arrêtée par la police un samedi soir où elle faisait du tapage au pub du Queen's Head[40]. Elle est relâchée le lendemain après avoir passé la nuit au poste.

Les derniers mois[modifier | modifier le code]

Agressions de trois femmes à Whitechapel et Spitalfields[modifier | modifier le code]

De février à avril 1888, trois femmes sont successivement agressées dans l'Est londonien : Annie Milwood et Emma Elizabeth Smith, résidentes dans des lodging houses de Spitalfields, mortes toutes deux à la suite de leurs blessures ; Ada Wilson, attaquée chez elle dans le quartier de Bow et seule rescapée de cette série d'agressions. Annie Milwood réside dans une lodging house de White's row, à deux pas de Flower and Dean Street, tandis qu'Emma Elizabeth Smith réside dans une lodging house de George Street (rebaptisée plus tard Loleworth Street), qui débouche directement dans Flower and Dean Street.

Dernière réconciliation avec Michael Kidney[modifier | modifier le code]

Vers mai 1888, Kidney déménage dans l'immeuble voisin, en se transférant du 35 au 36 de Devonshire Street. D'après le témoignage d'Elizabeth Tanner, Elizabeth Stride quitte la lodging house du 32 Flower and Dean Street vers juillet 1888, pour se remettre probablement en ménage avec Michael Kidney.

Assassinats à Whitechapel de Martha Tabram, de Polly Nichols et d'Annie Chapman[modifier | modifier le code]

Plan de la paroisse de Spitalfields, c.1885

Dans la nuit du 6 au 7 août est assassinée Martha Tabram, autre prostituée de Spitalfields. Tout comme Emma Elizabeth Smith, celle-ci demeure dans une lodging house de George Street (rue perpendiculaire à Flower and Dean Street). L'opinion commence à s'émouvoir des meurtres à répétition de prostituées de l'Est londonien. Dans la nuit du 30 au 31 août, c'est au tour de Mary Ann Nichols dite Polly, résidente elle aussi dans des lodging houses de Spitalfields. Celle-ci venait d'échouer à la White House, doss-house du 56 Flower and Dean Street, asile de sans-abris à quelques pas de la maison où réside Elizabeth Stride. Ce dernier meurtre marque le début des crimes de Jack l'éventreur, et suscite une grande émotion à Whitechapel ainsi que dans l'opinion. Une semaine plus tard est assassinée Annie Chapman dans la nuit du 7 au 8 septembre, portant cette émotion à son paroxysme. Annie Chapman réside dans les lodging houses de Dorset Street, rue parallèle à White's Row (où résidait Annie Milwood), tout près de Flower and Dean Street.

En-dehors d'Ada Wilson, habitante du district de Bow, toutes les femmes agressées jusqu'à Elizabeth Stride habitent dans le même périmètre au sud de Spitalfields, entre l'église de Christ Church et la limite du district de Whitechapel.

Nouvelle dispute avec Kidney. Ultime retour au 32 Flower and Dean Street[modifier | modifier le code]

En septembre 1888, le ménage qu'elle forme avec Kidney a sombré au plus bas de la détresse sociale. Ils demeurent à présent à Spitalfields, dans Dorset Street, soit à proximité immédiate de Flower and Dean Street[41]. Dorset Street est réputée pour être la rue la plus misérable et la plus criminogène de Londres. Au cours de ce mois, Elizabeth Stride reçoit de nouveau une aide de l'Eglise suédoise le 15, puis le 20 septembre. Et le mercredi 26 septembre, après s'être disputée une dernière fois avec Kidney, elle le quitte pour retourner au 32 Flower and Dean Street. Elle confie à une autre résidente, Catherine Lane, qu'elle a eu "quelques mots" avec son compagnon. Elle s'emploie alors à des travaux de ménage dans la maison d'hébergement, ainsi que chez des particuliers, selon le témoignage d'Elizabeth Tanner[37].

Le Dr. Thomas Barnardo, philanthrope engagé au secours des déshérités, prétend avoir rendu visite aux pensionnaires du 32 Flower and Dean Street le 26 septembre, et s'être trouvé dans la cuisine de la lodging house en présence d'Elizabeth Stride et de plusieurs autres femmes. Il aurait alors assisté à une conversation sur les meurtres de Whitechapel et raconte son témoignage dans une lettre publiée dans le Times le 6 octobre[42].

L'assassinat[modifier | modifier le code]

Soirée du double crime, du samedi 29 au dimanche 30 septembre 1888[modifier | modifier le code]

Vue de Berner Street et de l'entrée du passage de Dutfield's Yard. Cliché de 1909.
Entrée du passage de Dutfield's Yard.

Dans l'après-midi du samedi 29 septembre, Elizabeth Stride nettoie deux pièces de l'asile du 32 Flower and Dean Street, et reçoit six pence d'Elizabeth Tanner[35].

18h30 - Elles se rendent toutes deux au Queen's Head[40], Commercial Street, à l'angle de Fashion Street, où elles prennent un verre. Puis elles se séparent, Elizabeth Stride retournant seule à la lodging house.

Commercial Street est l'artère principale dans laquelle débouchent les petites rues Dorset Street, White's Row, Fashion Street, Flower and Dean Street, et Thrawl Street. Après le carrefour avec Whitechapel High Street, prolongée vers le nord-est par Whitechapel Road, Commercial Street est prolongée par Commercial Road vers le sud-est, les deux routes formant une fourche.

Vers 19h-20h - Avant de quitter la pension, Elizabeth Stride rencontre Charles Preston et Catherine Lane. Elle confie à cette dernière une grande pièce de velours vert, en lui demandant de la garder jusqu'à son retour. Elle demande à Preston de lui prêter sa brosse à vêtement, mais il l'a égarée. En quittant la pension, elle croise le gardien Thomas Bates. Selon lui, elle est alors d'humeur joyeuse. Catherine Lane est certaine qu'elle avait ses six pence avec elle en sortant.

Berner Street[modifier | modifier le code]

La soirée est agitée par une tempête, et il pleut averse. Elizabeth Stride est vêtue d'une veste et d'une jupe noire, ainsi que d'un bonnet de crêpe noire. Elle réapparaît à partir de 23 h, et terminera sa déambulation dans Berner Street, au sud de Commercial Road, rue assez éloignée de Spitalsfield. Les spécialistes des crimes de Jack l'éventreur voient dans Commercial Road une "frontière psychologique" délimitant le quartier de Whitechapel où vivaient les prostituées et où la plupart des crimes ont été commis. Le meurtre d'Elizabeth Stride est le seul commis au-delà de cette limite, en direction des docks. Le lieu est très proche, par ailleurs, de l'Eglise suédoise, où la victime s'est déjà rendue deux fois en septembre pour réclamer une assistance financière.

L'International Working Men's Educational Club du 40 Berner Street.[modifier | modifier le code]

Au cours de cette soirée se tient une réunion de l'International Working Men's Educational Club, club d'ouvriers socialistes, au 40 Berner Street. L'association occupe un bâtiment de bois d'un étage longeant un étroit passage débouchant sur la rue. À l'étage, une vaste salle dispose d'une estrade et peut accueillir deux cents personnes. On y joue parfois des pièces de théâtre révolutionnaires en russe. Les samedis et dimanches soir s'y tiennent des réunions "internationales" accueillant des révolutionnaires russes, juifs, anglais, français, italiens, tchèques et polonais, militant pour l'émancipation des travailleurs[43].

Ce soir-là, un débat, animé par Morris Eagle, est consacré à l'engagement des Juifs dans le socialisme ("Pourquoi les Juifs doivent être socialistes") en présence d'environ 90-100 personnes, et se termine par des chants et des danses[44]. Trois fenêtres donnent sur le passage, et sont grandes ouvertes tout au long de la soirée.

Dutfield's Yard.[modifier | modifier le code]

Le passage du 40 Berner Street débouche plus loin sur une cour appelée Dutfield's Yard, ou "Cour de Dutfield", du nom d'un ancien entrepreneur. Plusieurs habitations et entreprises bordent cette cour. Le passage est accessible depuis la rue par un grand portail à deux battants, grand ouvert ce soir-là. Le seul éclairage dans le passage provient des fenêtres du club et de l'imprimerie.

21h - Philip Kranz commence son travail dans l'imprimerie de Der Arberter Fraint, publication socialiste, qui jouxte les locaux du club.

À partir de 23h, Elizabeth Stride est aperçue dans Berner Street par plusieurs témoins. Berner Street est l'une des rues perpendiculaires au sud de Commercial Road.

22h - L'agent de police William Smith, PC 452H, commence sa ronde. Son parcours prend environ 25-30 minutes, le faisant tourner dans Berner Street depuis Fairclough Street, pour rejoindre ensuite Commercial Road.

Dernières apparitions d'Elizabeth Stride[modifier | modifier le code]

23h - Deux ouvriers, J. Best et John Gardner, croisent Elizabeth Stride en compagnie d'un homme dans Settles Street, rue située entre Whitechapel Road et Commercial Road, à l'intérieur de la fourche formée par ces deux grandes artères. L'homme, environ 1 m 65 (5 pieds 5 pouces), moustaches noires, porte un chapeau melon, un costume et un manteau sombres. Tous deux sortent d'un pub - le Bricklayer's Arms - mais restent sur le seuil car il pleut averse, selon Best. L'homme la tient dans ses bras et l'embrasse. Il paraît bien habillé. "Nous étions même étonnés qu'un homme aussi respectable se comporte de cette façon" - dit Best. Ils restent ainsi un moment sur le palier du pub à s'accoler et s'embrasser. Best et Gardner proposent à l'homme d'entrer prendre un verre, mais il refuse. Ils avertissent alors la femme de se ternir sur ses gardes, car Tablier de Cuir rôde. Ensuite, elle s'éloigne avec l'homme vers le sud en direction de Commercial Road, peu après 23 h.

Vers 23h-23h30- Matthew Packer, marchand de fruits et légumes, dont l’échoppe est au 44 Berner Street - à deux numéros de distance du 40 - vend des grappes de raisin à Elizabeth Stride et à un homme qui l'accompagne, à ce qu'il prétendra par la suite. Ce témoignage sera d'abord jugé douteux par la police, puis par l'ensemble des spécialistes. Packer change plusieurs fois de version, et déclarera d'ailleurs dans un premier temps à la police n'avoir rien vu de particulier, avant de colporter cette histoire sous la pression de deux détectives douteux de mèche avec la presse[45].

Vers 23h30, ou minuit 30 - Matthew Packer, marchand de fruits et légumes, plie boutique au 44, en raison de la pluie trop forte.

Vers 23h30-45 - Le débat au club ouvrier se termine. Les participants commencent à s'en aller, en empruntant le passage donnant sur Berner Street. Ils ne remarquent rien d'anormal. Morris Eagle, s'en va lui aussi pour raccompagner sa fiancée chez elle.

Vers 23h45-50 - William Marshall, ouvrier habitant au 64 Berner Street - côté ouest - entre l'intersection de Fairclough Street et de Boyd Street, alors qu'il se tient devant chez lui, aperçoit Elizabeth Stride au niveau du 58, près de l'angle avec Boyd Street, où se trouve un réverbère. Elle est en compagnie d'un homme vêtu d'un court manteau noir, d'un pantalon sombre, avec une casquette de marin, environ 1m67 (5 pieds 6 pouces), corpulent, âge moyen, bien rasé et d'apparence convenable. Il parle anglais sans accent et doucement. Elizabeth Stride et l'homme s'embrassent tout en déambulant dans sa direction. Ils finissent par passer devant lui. Marshall entend l'homme lui dire : « Tu pourrais dire n'importe quoi sauf tes prières », façon d'évoquer probablement son supposé manque de "moralité"[46]. Ensuite, ils poursuivent leur route vers le sud en direction d'Ellen Street.

Minuit - Marshall rentre chez lui. Les pubs ferment leurs portes.

Vers minuit 10 - James Brown, ouvrier des docks, rentre chez lui au 35 Fairclough Street.

Au même moment, William West, l'un des responsables du club, quitte les lieux par une porte latérale donnant sur la cour. Il traverse la cour pour se rendre à l'imprimerie pour y chercher son frère et Louis Stanley. Les trois reviennent ensuite au club. West remarque que le portail du passage donnant sur la rue est grand ouvert, ce qui est normal. Il ne remarque rien de suspect. Ceci étant, comme il est myope, il aurait difficilement pu distinguer quelque chose.

Vers minuit 15 - Les frères West et Stanley quittent les lieux en sortant dans Berner Street par le passage.

Minuit 30 - Charles Letchford remonte Berner Street jusqu'au 30 où il habite. Il ne remarque rien d'anormal.

Au même moment, Joseph Lave sort du club pour prendre l'air. Comme il fait nuit noire, il avance à tâton avec un bâton. En rejoignant la rue, il ne remarque rien d'anormal. Tout est calme. Il ne voit personne entrer dans Dutfield's Yard. Il est certain qu'il n'y a personne d'étendu au sol à ce moment.

Vers minuit 30-35 - L'agent de police William Smith, faisant sa ronde, remonte Berner Street vers Commercial Road, en venant de Fairclough Street. Il voit Elizabeth Stride avec un jeune homme en face de l'entrée du club ouvrier du 40[47]. Selon lui, l'homme a environ 28 ans, mesure environ 1m70 (5 pieds 7 pouces), porte un manteau sombre, un pantalon sombre et un deerstalker ou chapeau à visière sombre également. Il est bien rasé et d'apparence respectable. De plus, il tient un paquet d'environ entre 15 et 20 cm x 45 cm (entre 6 et 8 x 18 pouces), enveloppé dans du papier journal[48],[49]. Les deux parlent calmement et ne semblent pas ivres.

Vers minuit 35-40 - Fanny Mortimer, demeurant au 36, à deux portes du club, entend le pas lourd et régulier d'un policier faisant sa ronde. Mais elle n'aperçoit pas le policier. Sortant de chez elle, elle entend chanter les membres du club. Elle ne remarque rien d'anormal, et ne voit personne à l'entrée de la cour. Elle voit courir un homme portant un sac noir luisant, identifié par la suite à Leon Goldstein, membre du club, et écarté des suspects par la police. Elle aperçoit également un jeune couple, qui se tient près du pensionnat. Elle ne remarque personne entrer dans le passage du 40 ni en sortir. Ensuite, elle retourne chez elle et verrouille sa porte.

D'après Leon Goldstein, il transporte dans son sac des étuis de cigarettes vides. Il sort d'un café situé dans Spectacle Alley. Puis marchant rapidement dans Berner Stree, il jette un coup d'oeil en passant à l'entrée du club. Il tourne ensuite dans Fairclough Street, côté Est, en passant devant le pensionnat.

Entre minuit 36 et minuit 56 - Heure estimée de la mort d'Elizabeth Stride par le Dr. Blackwell. Mais selon le médecin, elle n'est pas morte immédiatement lors de son agression, laquelle a pu se produire un peu avant cet horaire.

Vers minuit 40 - Joseph Lave retourne au club. Morris Eagle est également de retour. Il trouve le portail grand ouvert en arrivant. Comme la porte principale du club est à présent fermée, il contourne le bâtiment par la cour pour prendre la porte latérale. Il entend les chants qui s'échappent des fenêtres à l'étage. Il ne remarque rien d'anormal, mais comme il fait nuit noire, il ne peut garantir s'il n'y a réellement personne se tenant dans l'obscurité.

Vers minuit 45 - James Brown est ressorti de chez lui, dans Fairclough Street, pour aller chercher son dîner dans l'échoppe d'Henry Norris, au 59 Berner Street, face au 48. Il n'y reste que trois ou quatre minutes, et retourne chez lui dans Fairclough Street en emportant son dîner. Au retour, il aperçoit une femme, qu'il identifiera à Elizabeth Stride, adossée au mur du pensionnat qui fait l'angle avec Fairclough Street, et parlant à un homme de faible corpulence, d'environ 1,70 m (5 pieds 7 pouces), un peu plus grand qu'elle, vêtu d'un long manteau tombant jusqu'aux chevilles, le bras appuyé contre le mur pour se pencher sur elle. Elle dit à l'homme : "Non, pas ce soir. Une autre nuit[50]." Ils n'avaient pas l'air ivres, ni ne semblaient se disputer.

Vers minuit 45 - Israel Schwartz, habitant Ellen Street, tourne dans Berner Street en venant de Commercial Road pour rentrer chez lui. En arrivant devant le 40, il voit un homme s'arrêter et parler à une femme qui se tient dans l'entrée. L'homme agrippe cette dernière et essaye de la tirer vers la rue. Puis la faisant tournoyer, il la projette à terre sur le trottoir. La femme crie à trois reprises, mais assez faiblement. Tandis que Schwarz change de trottoir, il aperçoit un deuxième homme en train d'allumer sa pipe, sur le trottoir face au 40. Le premier homme s'écrie alors : "Lipski". Schwarz suppose qu'il s'adresse au second homme. Pendant qu'il s'éloigne, il remarque que l'homme à la pipe marche dans sa direction. Prenant peur, il se met à courir vers le pont de chemin de fer. L'homme cesse alors de le suivre. Schwartz dira plus tard aux enquêteurs ne pas savoir si les deux hommes étaient complices. Il ne sait pas non plus si le second homme le poursuivait vraiment, ou fuyait les lieux comme lui. Mais il identifiera formellement la femme à Elizabeth Stride.

Le premier homme mesure 1,65 m (5 pieds 5 pouces), a environ 30 ans, de larges épaules, le teint clair, une petite moustache brune et les cheveux bruns, un pantalon et une veste sombres, une casquette noire à visière. Le second mesure 1,80 m (5 pieds 11 pouces), a 35 ans, châtain clair, manteau foncé, un vieux chapeau de feutre noir à larges bords, et une pipe en terre.

La déposition de Schwartz ne concorde pas complètement avec celle de l'agent Smith quant à l'âge et à la taille, ou encore la tenue vestimentaire du suspect. Toutefois, le témoignage de Schwartz sera jugé crédible par la police, qui considère qu'ils n'ont sans doute pas vu le même homme, et que Schwartz a vu l'auteur des faits.

Découverte du corps[modifier | modifier le code]

The discovery in Berner Street. Dessin de presse publié le 6 octobre 1888 dans le Penny Illustrated Paper

1h - Louis Diemschutz, marchand ambulant de bijoux de pacotille, veut pénétrer avec une carriole à deux roues tirée par un poney dans le passage de Dutfield's Yard, dont le portail est grand ouvert. Comme le poney se cabre et, se déportant à gauche, refuse d'entrer, Diemschutz pense que quelque chose bloque le passage[51]. Mais il ne peut pas voir, car il fait nuit noire. Il sonde le sol à l'aide de sa cravache et devine la présence d'un corps. Finalement, il descend de sa charrette, et s'éclairant d'une allumette, il découvre une femme qu'il croit endormie ou saoule[52],[53]. Il ne peut voir ses blessures à cause de l'obscurité. Il se rend au club où il retrouve sa femme. Environ 25-30 personnes sont encore présentes au club, dont une douzaine au salon du rez-de-chaussée. Il raconte à tout le monde sa découverte. De retour avec Jacobs, tous deux constatent en s'éclairant d'une chandelle que la femme est morte égorgée. Le sang s'échappe toujours de son cou. Ses mains sont froides, mais le reste du corps est encore chaud. Mme Diemschutz les a suivi jusqu'au seuil, et peut voir d'où elle est que la femme gît le long du mur, et un filet de sang courir dans le passage pour former plus loin une flaque. Diemschutz et Jacobs courent aussitôt chercher un policier dans Fairclough Street. Isaac M. Kozebrodsky et Morris Eagle, les voyant partir en criant à la police, viennent à leur tour voir le corps. Paniqué, Eagle sort lui aussi en appelant la police, et court jusque dans Commercial Road. Puis Kranz se met également à la recherche d'un agent. Gilleman, l'une des personnes présentes, monte à l'étage pour prévenir les autres membres du club.

James Brown et Fanny Mortimer entendent les cris "Au meurtre" et "Police" venant de la rue.

On suppose généralement que l'arrivée de Diemschutz a fait fuir le tueur. D'ailleurs, le témoin estime qu'il pouvait encore être sur les lieux, car le comportement affolé du poney pouvait être dû à une présence humaine. D'ailleurs, compte tenu de l'étroitesse du passage, l'engagement de la carriole aurait pu temporairement barrer le passage au tueur et empêcher toute retraite. Certains auteurs font l'hypothèse que ce dernier, piégé entre l'entrée du passage et la maison du club, aurait manqué de peu d'être découvert[54].

Peu après 1h - En arrivant à l'angle de Commercial Road et de Christian Street, Eagle et un autre - peut-être Kozebrodski - interceptent les agents de police Albert Collins (12HR, agent de réserve) et Henry Lamb (252H), leur disant de venir, car "il y a eu un autre meurtre". En chemin, ils sont rejoints par un troisième agent (426H).

Un témoin, Edward Spooner, voit passer Diemschutz et Jacobs criant "Au meurtre" et "Police" dans Christian Street, devant le pub Beehive. N'ayant trouvé aucun policier, les deux hommes retournent ensuite au club, mais Spooner les accompagne. En arrivant sur place, li voit environ quinze personnes rassemblés autour du corps. Il s'agenouille près d'Elizabeth Stride et lui soulève la tête. Son visage est encore chaud et le sang coule toujours, et ruisselle tout le long du passage jusqu'à la porte latérale du club, côté cour. Diemschutz prend alors conscience de la dimension de l'entaille à la gorge.

En arrivant sur place, les trois agents de police découvrent une troupe de vingt à trente personnes se pressant autour du corps. Des voisins ont afflué, dont Abraham Heshburg, habitant du 28. Tous veulent voir le corps de près. Lamb les fait reculer. Puis s'agenouillant, il constate que le visage de la victime est encore un peu chaud. Lui tâtant le poignet, il ne sent pas le pouls. Le sang ruisselant dans la cour n'a pas encore coagulé, mais autour du cou d'Elizabeth Stride, il est à présent en partie figé. Il n'y a aucune trace de lutte. Les jupes n'ont pas été soulevées.

Lamb envoie l'agent Collins chercher le docteur Blackwell. Il charge également Morris Eagle d'aller chercher des renforts au poste de police de Leman Street. Au 100 Commercial Road, chez le Dr. Frederick William Blackwell, Collins trouve son assistant Edward Johnston, lequel prévient aussitôt le médecin.

Pendant ce temps, poursuivant sa ronde, l'agent Smith est de retour dans Berner Street. Aussitôt attiré par la foule, il trouve les deux agents et le corps. Il part alors chercher une ambulance, au moment où Collins revient accompagné de Johnston, l'assistant du Dr. Blackwell.

Premières constatations[modifier | modifier le code]

Johnston se livre à un premier examen sommaire, et dégage le cou d'Elizabeth Stride de ses vêtements. Le corps est chaud, les mains sont assez froides. L'hémorragie s'est interrompue. Le filet de sang dans la cour a coagulé. Pendant cet examen, Lamb fait fermer le portail pour interdire à quiconque de quitter la scène de crime. Il poste un agent pour monter la garde devant la porte ménagée dans l'un des battant du portail. Puis il fouille les lieux et passe en revue les personnes présentes, examinant les mains de chacune d'elles. Il inspecte l'intérieur du club, les maisons donnant sur la cour, dont l'atelier de Walter Hindley, fabricant de sacs, et les deux latrines.

1h16 - Arrivée du Dr. Blackwell. Il examine à son tour Elizabeth Stride, et prononce son décès.

D'après son rapport, il la trouve couchée sur le côté gauche, en position oblique. Le visage est tourné vers le mur de droite, les jambes étendues, les pieds près du mur de droite. Le cou repose dans l'ornière d'une roue de charrette, et la tête au-delà. Les pieds sont à environ trois mètres (3 yards, soit environ 2,70 m) de l'entrée. Les vêtements ont été dégagés autour du cou [par Johnston]. Le cou et la poitrine sont assez chauds, ainsi que les jambes. Le visage est un peu tiède, et les mains sont froides. La main droite, ouverte et posée sur l'abdomen, est couverte de sang. La main gauche, posée sur le sol, est refermée sur un petit sachet de cachous enveloppé de papier de soie. Elle ne porte aucune bague, ni n'a de marque de bague aux doigts. L'expression du visage est tranquille, la bouche légèrement entrouverte. Elle porte autour du cou un foulard de soie à carreaux, dont le nœud, fortement serré, est tourné vers la gauche. Le cou est parcouru d'une longue incision le long du bord du foulard. Le foulard est lui-même légèrement effiloché après le passage du couteau. L'incision est partie de la gauche (...), coupant complètement la trachée en deux, pour se terminer sous l'angle de la mâchoire droite. Mais la coupure est plus superficielle de ce côté. Le sang ruisselle vers la cour, au côté opposé à la rue, pour atteindre la porte arrière du club. Il évalue la quantité de sang répandu à terre, à environ un demi-litre (une livre).

1h20 - Le poste de police de Leman Street envoie chercher le Dr. George Bagster Phillips, qui a précédemment examiné le corps d'Annie Chapman.

1h25 - Alors qu'il se trouve au poste de police de Commercial Street, l'inspecteur Reid est informé par télégramme du nouveau meurtre.

Au même moment, l'inspecteur en chef West et l'inspecteur Charles Pinhorn arrivent sur la scène de crime.

1h36 - Le Dr. Phillips arrive sur place. Il examine à son tour le corps, pendant que l'inspecteur Pinhorn prend note. D'autres sachets de cachous sont découverts dans le caniveau. Le corps est encore chaud et les jambes tièdes. Il n'y a aucune trace de sang sur les vêtements de la victime, ni sur le mur. Les badauds, en marchant sur la scène de crime, ont éparpillé les traces de sang au sol.

Revenant d'inspecter les lieux, l'agent Lamb trouve l'inspecteur West et le Dr. Phillips avec le corps. 28 personnes, retenus sur place par l'agent Lamb, sont fouillées et inspectées par les deux médecins à la recherche de taches de sang, avant d'être libérées.

Un second assassinat dans la même nuit[modifier | modifier le code]

1h44 - Découverte du corps de Catherine Eddowes dans Mitre Square, à l'ouest de Whitechapel, sur le territoire de la City.

1h45 - Arrivée de l'inspecteur Reid et du Surintendant Thomas Arnold au 40 Berner Street.

4h30 - Le corps d'Elizabeth Stride est convoyé jusqu'à la morgue de St George in the East.

5h - Arrêt de la recherche d'indices.

5h30 - L'agent Collins nettoie le passage du 40 Berner Street.

6h - L'agent Lamb quitte les lieux.

Dans la matinée - L'inspecteur Abberline envoie des agents interroger les riverains. Le sergent Stephen White interroge Matthew Packer, le marchand de fruits et légumes tenant une échoppe au 44 Berner Street. Celui-ci déclare qu'il a fermé son magasin à minuit et demi à cause de la pluie. Il n'a vu personne devant le 40, ni entrer dans le passage au moment où il fermait son magasin. Il n'a rien vu d'anormal, et n'a eu connaissance du meurtre que ce matin. White interroge ensuite Mme Packer, Harry Douglas et Sarah Harrison, habitant également au 44 : ils ne savent rien.

L'inspecteur Reid se rend à la morgue et décrit la victime : environ 42-44 ans, entre 1m 57 et 1m 65 (5 pieds 2 à 5 pouces), mince et faiblement constituée, cheveux brun foncé et bouclés, physiquement attirante, nez droit, visage ovale, yeux gris clair ou bleus, le teint pâle, mâchoire supérieure édentée sur le devant. Elle porte un bonnet de crêpe noire, une longue veste noire garnie de fourrure, une rose rouge et des fougères accrochées à sa veste, une vieille longue jupe noire, une chemise blanche, des bas blancs, des bottines, un foulard de soie à carreaux noué autour du cou (...). Elle est en possession de cachous enveloppés dans du papier de soie, une clef de cadenas, deux mouchoirs, un petit crayon, un peigne et un morceau de peigne, une cuiller, sept boutons, un crochet, un morceau de mousseline, une bobine de laine, un ou deux petits bouts de papier et un dé à coudre.

Dans la journée - Une foule se masse dans Berner Street, protestant contre l'inefficacité de la police. Pour la première fois, le ministère de l'Intérieur envisage d'offrir une récompense pour quiconque aiderait à arrêter le meurtrier.

15h - Les Dr. Blackwell et Phillips autopsient le corps à la morgue de St. George.

Dans la soirée - Israel Schwarz se rend au poste de police de Leman Street, de sa propre initiative, pour témoigner de ce qu'il a vu. On l'emmène à la morgue où il identifie la femme qu'il a vu se faire agresser. D'après le Star, qui en publie un compte-rendu le lendemain, Schwartz, hongrois, ne parle pas un mot d'anglais, mais est accompagné de son frère qui lui sert d'interprète. Le reporter du Star, ayant eu vent de cette déposition va retrouver Schwartz chez lui pour l'interviewer avec un interprète.

Identification du corps[modifier | modifier le code]

Au soir du 30 septembre, vers 21 h, Mary Malcolm, persuadée que la femme assassinée est sa sœur Elizabeth Watts, est emmenée à la morgue. Mais elle n'identifie pas le corps. Le 1er octobre, William Marshall est emmené à la morgue, à la suite de son témoignage, et reconnaît la femme qu'il a vue la veille. Mary Malcolm revient deux fois à la morgue, et cette fois affirme qu'il s'agit bien de sa sœur Elizabeth Watts. Une femme surnommée Liz la Manchote, identifie la victime à Wally Walden ou Annie Morris. Enfin, Michael Kidney vient reconnaître Elizabeth Stride à la morgue, le même jour.

Au soir du 1er octobre, l'agent de police Walter Frederick Stride, neveu de John Stride, reconnaît sa tante en voyant le cliché mortuaire.

Description du corps[modifier | modifier le code]

Elizabeth Stride porte ce soir-là une longue veste noire bordée de fourrure, une jupe noire, un bonnet de crêpe noire, un foulard à carreaux noué sur le côté gauche, une chemise blanche, des bas blancs, bottines.

On découvre sur elle une rose rouge et une fougère blanche accrochée à son habit, qu'elle ne portait pas en quittant la lodging house ; deux mouchoirs, dont l'un est taché, ayant servi à emballer des fruits ; un dé à coudre ; une bobine de laine. La poche de son jupon contient : une clef (peut-être de cadenas) ; un morceau de crayon ; sept boutons ; un peigne ; un bout de peigne ; une cuiller ; un morceau de mousseline ; un ou deux petits bouts de papier. Elle serrait un sachet de cachous dans sa main.

Les funérailles[modifier | modifier le code]

Elizabeth Stride est inhumée dans l'intimité le 6 octobre à l'East London Cemetery, dans le district de West Ham, dans l'Est londonien. Les funérailles sont payées par le croque-mort M. Hawkes, pour le compte de la paroisse.

L'enquête[modifier | modifier le code]

Le médecin de la police, arrivé tôt sur les lieux, estime l’heure de la mort entre minuit 36 et minuit 56. Lors de ce premier examen post mortem, le visage d'Elizabeth Stride est encore tiède. L’enquête révèle plus tard qu'elle ne présente aucune traces de strangulation, ni de lutte. Ses vêtements sont également intacts, et n'ont pas été relevés. A l'issue de l'autopsie, le médecin légiste estime que l'arme du crime est un couteau plus large et moins aiguisé que pour les autres victimes.

La fouille des lieux ne révèle aucun indice[55]. La police interroge tous les membres du Club alors présents, ainsi que les riverains. Aucun argent n'a été retrouvé sur la victime, ce qui laisse penser que l'assassin aurait pu la dévaliser.

L'autopsie[modifier | modifier le code]

Rapport du Dr. Phillips : "Le corps était couché sur le côté, le visage tourné vers le mur, la tête en direction de la cour et les pieds en direction de la rue. Le bras gauche était étendu, et la main gauche tenait un sachet de cachous. Le bras droit était replié sur l'abdomen. Le dos de la main droite était maculé de sang coagulé jusqu'au poignet. Les jambes étaient étendues, et les pieds à proximité du mur. Le corps et le visage étaient encore chauds, mais les mains déjà froides. Les jambes étaient tièdes. La victime portait un foulard de soie noué autour du cou, qui semblait légèrement déchiré, mais j'ai pu constater par la suite qu'il avait été découpé au niveau de l'angle droit de la mâchoire. La gorge présentait une entaille profonde. Il y avait une abrasion d'environ un pouce et demi (3-4 cm), tachée de sang, sous le bras droit.

A 15h, le lundi, à la morgue de St. George, le Dr. Blackwell et moi-même avons autopsié le corps. La rigueur cadavérique était à présent bien marquée. Nous avons relevé de la boue sur le côté gauche du visage. La victime s'est alimentée avant de mourir. Des ecchymoses bleuâtres apparaissent sur les deux épaules, en particulier sur l'épaule droite, sur la poitrine et au-dessous de la clavicule (...). Le cou était nettement tranché, sur une longueur de six pouces [15 cm] en ligne droite. L'incision commençait à deux pouces et demi [6 cm] au-dessous de l'angle de la mâchoire, avant de s'enfoncer à travers la gaine carotidienne (...). [...] La coupe était plus superficielle au côté droit (...). A l'évidence, l'hémorragie découle de la section partielle de l'artère carotide gauche. [...] Des ecchymoses brun foncé étaient visibles sur la face antérieure du menton gauche. Les os de la jambe droite présentaient la déformation d'une courbure vers l'avant. Le corps ne portait aucune autre blessure que l'entaille au cou. Après le lavage en profondeur du corps, j'ai pu découvrir des cicatrices de plaies plus anciennes : le lobe de l'oreille gauche a subi une déchirure, peut-être lors du retrait d'une boucle d'oreille, mais était à présent complètement cicatrisé. [...] L'estomac contenait un reste d'aliments partiellement digérés, constitué de fromage, de pomme de terre et de farine. Toute la mâchoire inférieure gauche était édentée."

Hypothèse du Dr. Blackwell et du Dr. Phillips[modifier | modifier le code]

Le Dr. Blackwell suppose que l'assassin a tiré en arrière la victime par le foulard pour l'amener au sol, avant de lui trancher la gorge. Le foulard était d'ailleurs fortement noué autour du cou d'Elizabeth Stride, ce qui offrait une bonne prise. Le Dr. Phillips partage cet avis, en ajoutant que la victime était allongée sur le dos au moment où elle reçoit le coup fatal. L'assassin n'a eu besoin que d'une seule incision portée de gauche à droite, ce qui laisse penser qu'il est droitier. Auparavant, il aurait projeté la victime à terre comme le montrent les ecchymoses sur la poitrine et les épaules.

L'enquête judiciaire[modifier | modifier le code]

L'enquête du coroner du Middlesex, Wynne Edwin Baxter, s'ouvre le 1er octobre au Vestry Hall, Cable Street, St George in the East. Un jury de vingt-quatre membre est constitué et se rend à la morgue pour voir le corps. La police est représentée par l'inspecteur Reid. Trois témoins sont auditionnés : deux responsables de l'International Working Men's Educational Club, William West et Morris Eagle, ainsi que Louis Diemschutz. Le 2 octobre sont entendus l'agent de police Lamb, le témoin Edward Spooner, Mary Malcolm et le Dr. Frederick Blackwell. Le 3 octobre sont auditionnés Elizabeth Tanner, Catherine Lane, Charles Preston, Michael Kidney, M. Johnson, Thomas Coram, l'agent de police Drage et le Dr. Phillips. Le 5 octobre sont auditionnés, de nouveau, les Dr. Phillips et Blackwell, Sven Ollsen, les témoins William Marshall, James Brown et Philip Krantz, de nouveau Michael Kidney, l'agent de police Smith et l'inspecteur Reid. Le cinquième et dernier jour des audiences, le 23 octobre, sont auditionnés l'inspecteur Reid (de nouveau), l'agent de police Stride, neveu de la défunte, Elizabeth Watts ou Stokes (venue confirmer qu'elle était bien en vie). A l'issue de cette dernière audience, le coroner délivre ses conclusions, puis après une brève délibération, annonce le verdict de l'enquête.

Schwartz ne vient pas déposer devant le coroner, peut-être parce qu'étant d'origine hongroise, il ne parle quasiment pas anglais. Sa déposition auprès de la police est découverte dans les années 1970 par le chercheur Stephen Knight.

Audition de William Wess et de Morris Eagle[modifier | modifier le code]

Environ 25-30 personnes se trouvent au club lors de la découverte du crime. Elles n'ont rien entendu de suspect durant la soirée. Lorsque Wess quitte les lieux vers minuit 15, il n'y a aucun corps dans la cour.

Audition de Louis Diemschutz[modifier | modifier le code]

Si quelqu'un avait quitté les lieux, il l'aurait certainement vu, car s'il faisait sombre dans le passage côté rue, le côté cour était plus éclairé.

Le premier médecin arrive sur place une vingtaine de minutes après la police.

Audition de Mary Malcolm[modifier | modifier le code]

Elle est certaine que la victime n'est pas Elizabeth Stride, comme le croit la police, mais sa sœur Elizabeth Watts. Son témoignage est rejeté lors de l'audition d'Elizabeth Watts en personne, bien en vie, le 24 octobre.

Audition du Dr. Frederick Blackwell[modifier | modifier le code]

Averti par un policier, il se rend sur les lieux à 1h16 précise. Le Dr. Phillips le rejoint environ 20 minutes plus tard. Dès son arrivée au chevet de la victime, il constate que le sang s'échappe toujours de son cou, et ruisselle jusqu'à ses pieds. Il estime que la mort remonte environ entre vingt et trente minutes. Mais comme le cou n'a été sectionné que sur un côté, et que l'artère carotide n'est que partiellement atteinte, la mort n'a pas été immédiate et s'est produite "relativement lentement". Cependant, Elizabeth Stride n'a pas pu appeler à l'aide.

Audition d'Elizabeth Tanner, tenancière de la lodging house du 32 Flower and Dean Street[modifier | modifier le code]

Elle connaît Elizabeth Stride sous le nom de "Long Liz". Celle-ci loge depuis six ans dans la lodging house par intermittence, et venait de faire son retour le 26 septembre après trois mois d'absence. Elle décrit la victime comme une femme très calme et sobre. Quoique d'origine suédoise, elle s'exprimait parfaitement en anglais. Elle racontait que son mari et ses enfants avaient péri noyés lors du naufrage du Princess Alice en 1878.

Audition de Catherine Lane, femme de ménage de la lodging house du 32 Flower and Dean Street[modifier | modifier le code]

Elle connait Elizabeth Stride depuis environ six mois, une Suédoise surnommée Long Liz. Peu avant sa mort, celle-ci disait avoir eu "quelques mots" avec son compagnon [Michael Kidney], ce qui l'avait conduit à revenir à la lodging house. La veille de sa mort, elle lui a confié une grande pièce de velours vert avant de sortir, lui demandant de la conserver jusqu'à son retour.

Audition de Michael Kidney, compagnon d'Elizabeth Stride[modifier | modifier le code]

Il identifie formellement la victime, et déclare qu'ils étaient en couple depuis environ trois ans. Il met leurs séparations fréquentes sur le compte de l'alcoolisme d'Elizabeth Stride. Malgré ces séparations, elle est toujours revenue se mettre en ménage avec lui.

Audition du Dr. Phillips[modifier | modifier le code]

La cause du décès est l'hémorragie due à l'atteinte de l'artère carotide gauche et de la trachée. Il a la conviction que l'assassin a saisi la victime par les épaules et la pressée vers le sol. Puis il s'est agenouillé à sa droite pour l'égorger.

Audition d'Elizabeth Watts, le 24 octobre[modifier | modifier le code]

La comparution en personne d'Elizabeth Watts met fin à la rumeur colportée par Mary Malcolm.

Les conclusions du coroner. Son désaccord avec l'hypothèse du Dr. Phillips.[modifier | modifier le code]

La conviction du coroner Baxter est que l'agression d'Elizabeth Stride a été rapide et soudaine. Le sachet de cachous retrouvée enserrée dans sa main montre qu'elle n'a pas eu le temps de réagir. L'assassin l'a sans doute attrapée par le foulard qu'elle portait au cou pour la tirer en arrière avant de lui trancher la gorge. Il se rallie sur ce point à l'avis du Dr. Phillips, mais il ne croit pas que l'assassin ait forcé la victime à s'allonger au sol. Étant donné l'absence de trace de lutte, et l'absence d'appel à l'aide, la victime se serait plutôt allongée volontairement avant d'être agressée.

La scène de crime est un passage menant à une cour où vivent plusieurs familles à seulement quelques mètres. L'assassin n'a donc certainement pas choisi l'endroit pour sa faible fréquentation. De plus, les fenêtres du club étaient ouvertes. La victime et l'assassin ont sans doute entendu les chants et les danses qui se déroulaient à ce moment.

D'après les témoignages recueillis, Elizabeth Stride a été vue plusieurs fois en compagnie d'un homme entre 23h et minuit 45. On ne peut pas écarter que les témoins aient aperçu un même individu, si on admet qu'ils se soient trompés dans leurs descriptions.

Après avoir délibéré, le jury rend le verdict de "meurtre intentionnel contre une personne inconnue".

L'enquête de police[modifier | modifier le code]

A la suite du témoignage d'Israel Scwhartz, un suspect est arrêté le 1er octobre. Le même jour, Leon Goldstein se fait connaître au poste de Leman Street pour dire qu'il est l'homme aperçu par Fanny Mortimer.

Une note interne découverte dans les archives du Ministère de l'Intérieur indique que, selon les enquêteurs, les suspects aperçus par les différents témoins, qu'il s'agisse de James Brown ou d'Israel Schwartz, pourraient ne pas être l'assassin, et qu'Elizabeth Stride a eu le temps de les rencontrer successivement avant de tomber sur le tueur.

Selon une hypothèse de la police, Elizabeth Stride aurait volontairement pénétré dans la courette où l'assassin l'aurait surprise, ou elle y serait rentrée en sa compagnie.

Fanny Mortimer, l'une des riveraines, témoigne avoir vu passer un homme avec un sac noir, environ au moment du crime, sur lequel se concentre l'attention de la presse qui y voit un suspect très intéressant. Se reconnaissant, l'homme se fait connaître à la police. Il s'agit de Leon Goldstein, membre du club. La police le disculpe rapidement.

Michael Kidney, un temps soupçonné pour ses liens orageux avec la victime, et parce qu'il n'a pas d'alibi, est finalement écarté de l'enquête[56],[57].

Le 1er octobre, Michael Kidney fait irruption, ivre, au poste de police de Leman Street et y fait scandale en accusant la police d'incompétence, et déclarant que les policiers de service à Berner Street la nuit du meurtre feraient mieux de se suicider.

Le 6 octobre, le Daily Telegraph publie une série de portraits du supposé tueur, dessinés à partir des diverses descriptions données par les témoins, et en particulier le témoignage de Packer. La police fait publier une réponse dans The Police Gazette pour dénoncer la publication de ces portraits sans son accord.

Dans une note du 19 octobre, l'inspecteur en chef Swanson indique que 80 000 tracts ont été distribués à travers le quartier de Whitechapel pour lancer un appel à témoigner, et que 2 000 riverains ont été interrogés.

La déposition d'Israel Schwartz[modifier | modifier le code]

Déposition au poste de Leman Street le 30 septembre [complétée par le compte-rendu dans le Star le lendemain].

Il habite au 22 Helen Street [mais son ménage est en train de déménager dans Backchurch Lane : ayant absent toute la journée, il décide de passer à son ancien domicile pour voir si sa femme en a terminé avec leur déménagement]. A minuit 45, il tourne dans Berner Street en venant de Commercial Road. [Il remarque un homme, marchant devant lui à une certaine distance, semblant légèrement ivre. Un peu plus loin, il remarque qu'une femme se tient à l'entrée du 40]. Lorsque l'homme la rejoint, il s'arrête pour lui parler. Il tente alors de la tirer vers la rue, puis il la fait tournoyer avant de la jeter sur le trottoir [dans la version publiée par le Star le 1er octobre, il met sa main sur l'épaule de la femme, et la pousse dans le passage]. La femme crie à trois reprises, mais faiblement. Alors, [d'être mêlé à une querelle], il traverse la rue pour changer de trottoir. Sur le trottoir d'en face, il trouve un deuxième homme en train d'allumer sa pipe. Le premier homme se met à crier : "Lipski", apparemment en direction du deuxième homme. [Dans la version du Star, pendant qu'il traverse la rue, Schwartz entend le bruit d'une querelle. Il se retourne pour voir ce qui se passe, mais au moment où il met les pieds sur le trottoir, un deuxième homme sort d'un pub à quelques mètres. Le second homme lance une sorte d'avertissement à l'agresseur et s'élance dans sa direction comme pour l'attaquer. Schwartz voit que le second homme tient un couteau dans sa main, et ne voulant en savoir davantage, décide de ne pas s'éterniser et de rejoindre sans tarder son nouveau logement].

Schwarz s'éloigne de la scène, mais s'aperçoit que le deuxième homme le suit. Alors, il court jusqu'au pont de chemin de fer, mais l'homme ne le suit pas jusque là. Il ne peut pas dire si les deux hommes étaient ensemble ou se connaissent. A la morgue, il identifie le corps de la femme à celle qu'il a vue la veille. Le premier homme a environ 30 ans, mesure 1m 65 (5 pieds 5 pouces), a des cheveux sombres, une petite moustache brune, de larges épaules [assez forte corpulence, dans le Star], une veste et un pantalon sombres [tenue respectable], une casquette noire à visière [ou chapeau de feutre, dans le Star], les mains nues, le visage complètement découvert. Le second homme a 35 ans, une taille d'1m 80 (5 pieds 11 pouces) [mais moins corpulent], brun clair [moustache rousse], manteau sombre, vieux chapeau noir de feutre à larges bords, une pipe de terre à la main[58].

L'attribution du meurtre à Jack l'éventreur[modifier | modifier le code]

L'attribution du crime à Jack l'éventreur est parfois contestée en raison de l'absence de mutilations post-mortem, qui sont la signature du tueur. Il est aussi le seul meurtre commis au sud de Whitechapel Road. La nature de l'arme utilisée - un couteau à lame courte - interroge également. Mais la plupart des auteurs considèrent que le meurtrier aurait été empêché de terminer son acte, dérangé peut-être par l'arrivée de Louis Diemschutz, ce qui explique qu'il s'en soit pris à une seconde victime - Catherine Eddowes - une heure plus tard à Mitre Square[59],[60],[61],[62],[63],[64],[65]. C'est notamment l'avis de la police, formulé plus tard par Melville Macnaghten, chef du CID à partir de 1890[66].

La lettre "Saucy Jacky"[modifier | modifier le code]

La carte postale "Saucy Jacky", avec cachet du 1er octobre 1888, au verso.

Le 1er octobre, l'agence de presse Central news agency reçoit une seconde lettre, écrite à l'encre rouge sur carte postale, de "Jack l'éventreur", auteur de la Lettre "Dear Boss" reçue précédemment le 27 septembre. Cette fois, l'auteur annonce un "double événement" dans lequel on devine le double assassinat d'Elizabeth Stride et de Catherine Eddowes[67],[68]. Mais le cachet de la poste daté du 1er octobre, alors que les détails sont connus dès le 30 septembre, autorise à penser qu'il s'agit d'un nouveau canular[69],[70],[71],[72]. La police soupçonne rapidement un journaliste d'en être l'auteur, comme l'indique une lettre de Charles Warren le 10 octobre 1888[73],[74]. Aujourd'hui, les deux lettres Dear Boss et Saucy Jacky sont attribuées à un même journaliste du Star, Paul Best[75]. La plupart des auteurs considèrent d'ailleurs que la totalité des lettres envoyées par le prétendu tueur sont des canulars[76].

Le témoignage douteux du marchand de fruits et légumes Matthew Packer[modifier | modifier le code]

Matthew Packer, marchand de fruits et légumes, déclare le 2 octobre à deux détectives engagés par le Comité de Vigilance de Whitechapel, Charles Le Grand[77] et Batchelor, qu'il a vendu des grappes de raisin, pour environ 250 grammes (1/2 livre) à Elizabeth Stride et à son meurtrier peu de temps avant le crime. Son témoignage est retranscrit dans la presse le lendemain. Le soir du crime, comme il pleuvait à verse, il est rentré dans sa boutique. Vers 23h30-minuit, un homme et une femme remontaient Berner Street en venant du quartier d'Ellen Street. Ils se sont arrêtés devant son échope pour voir ses fruits.

L'homme a environ 30-35 ans, est de taille moyenne, le teint plutôt sombre, portait un manteau noir et un chapeau noir de feutre. Il ressemble à un employé de bureau, et parlait d'une voix forte et rapide. Il paraît instruit, et n'est certainement pas un ouvrier, ou "quelqu'un comme nous, les gens qui vivent ici". La femme est d'âge moyen, porte une tenue sombre et une fleur blanche dans la main. L'homme lui demande combien il vend ses raisins. Il répond qu'ils sont à six pence la livre (environ 500 grammes) pour les noirs, et quatre pence pour les blancs. Laissant le choix à la femme, celle-ci choisit les noirs. L'homme se fait alors remettre une demi-livre (250 grammes) de raisins noirs dans un sac de papier. Mais ils n'entrent pas se mettre à l'abri dans la boutique, et Packer dit à sa femme qu'ils sont tous les deux idiots à manger du raisin sous la pluie battante. Le couple est encore là, dans la rue, lorsque les Packer ferment la boutique pour aller se coucher. Il est alors un peu après minuit, car c'est l'heure où les pubs ferment. Packer prétend, dans l'Evening news, que la police n'est pas venue l'interroger, bien qu'un officier en civil soit venu inspecter les lieux.

Les deux détectives interrogent ensuite les riverains, dont Mme Rosenfield et Mlle Eva Harstein, deux sœurs habitant au 14 Berner Street. Elles disent avoir vu des pétales de fleur et une tige de raisin tachée de sang dans la cour du 40. Batchelor et Le Grand fouillent Durtield's Yard et découvre une tige de raisin dans le caniveau de la cour. Ce résultat est joint à l'édition de l'Evening News du 3 octobre, suscitant l'emballement de la presse[78],[39],[79],[80].

Alertée par la parution de l'article de l'Evening News, la police décide de retourner voir Packer. Le lendemain, 4 octobre, l'inspecteur Henry Moore dépêche l'agent White, qui avait interrogé l'homme la première fois. En arrivant à la boutique de Packer, il tombe sur sa femme qui l'informe que les deux détectives viennent d'emmener son mari à la morgue. Il s'y rend aussitôt et finit par les trouver tous les trois en chemin. Maintenant, Packer affirme qu'il a vendu des raisins à la femme vers minuit. White contrôle la carte de détective de l'un des deux hommes. Ensuite, les détectives ramènent Packer chez lui. White tente alors d'interroger Packer, mais les détectives reviennent avec un cab, en disant qu'ils doivent amener Packer à Scotland Yard où ils ont rendez-vous avec Sir Charles Warren.

A Scotland Yard, Packer fait une déposition qui diffère du compte-rendu publié dans la presse : le couple est passé à sa boutique vers 23h, l'homme est plutôt jeune, entre 25 et 30 ans, environ 1m 70 (5 pieds 7 pouces), un peu plus grand que la femme de 4 à 8 cm (entre 1,5 et 3 pouces), porte un long manteau noir boutonné, un chapeau de feutre mou, de style américain, les épaules larges, parlant vite avec une voix rauque. La femme porte une robe et une veste noire bordée de fourrure, et un bonnet de crêpe noire, jouant avec une fleur, un genre de géranium blanc à l'extérieur et rouge à l'intérieur. Il l'a reconnue à la morgue. Venant de Back Church Lane, ils remontaient vers Commercial Road. Avant d'arriver à sa boutique, ils se sont arrêtés à côté du club pendant quelques minutes pour écouter la musique. Puis en quittant la boutique, ils ont finalement traversé la rue jusqu'à l'internat qui fait l'angle, et sont restés devant à parler pendant environ une demi-heure, jusqu'à 23h30. Il a alors fermé ses volets[81].

Dans un article du Daily Telegraph du 6 octobre, il précise en outre que l'homme a les cheveux noirs et n'a pas de moustache.

Mais la police n'accorde aucun crédit au témoignage de Packer, comme l'indique un rapport du 19 octobre de l'inspecteur en chef Swanson, le soupçonnant d'avoir tout inventé pour vendre son histoire à la presse[82],[83]. Aucune trace de raisin n'a été trouvée lors de l'autopsie. Par ailleurs, Packer a délivré deux témoignages contradictoires, ayant déclaré dans un premier temps n'avoir rien vu de particulier au cours de la soirée. En outre, l'un des deux détectives, Charles Le Grand, a été condamné à de multiples reprises pour divers délits[84]. Généralement, les spécialistes n'accordent aucune fiabilité non plus au témoignage de Packer[39],[85],[86],[79],[80].

Découverte d'un couteau[modifier | modifier le code]

Deux jours après le meurtre, le 1er octobre, Thomas Coram, un garçon, trouve un couteau émoussé et rond, dont le manche est enveloppé dans un mouchoir taché de sang, dans la blanchisserie de M. Christmas, 252 Whitechapel Road. Il en informe un agent de police qui l'emmène au poste de Leman Street.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Elizabeth Stride, Casebook.org
  2. (en) Generally Accepted (Canonical) Victims, Casebook.org
  3. Evans et Rumbelow 2006, p. 290.
  4. Martin Fido, dans Fido 1987, p. 53, fait remarquer que la taille de Stride (5 pieds 5 pouces, soit 1,65 m), était supérieure à la moyenne de la taille des autres femmes de Whitechapel)
  5. Philip Sugden, The complete history of Jack the Ripper, London, Robinson, 2002, p. 193.
  6. Evans et Rumbelow 2006, p. 96.
  7. Yost 2008, p. 3.
  8. a et b Yost 2008, p. 4.
  9. Yost 2008, p. 5.
  10. David Rumbelow, Jack the Ripper, the complete casebook, New York, Berkley, 1990, p. 77.
  11. Eddleston 2002, p. 183.
  12. Yost 2008, p. 6.
  13. Yost 2008, p. 7.
  14. Hayes 2006, p. 186.
  15. Yost 2008, p. 9.
  16. (en) « Swedish Lutheran Church, Prince's Square (1729-1911) », sur St. George-in-the-East church (consulté le )
  17. Evans et Skinner 2000, p. 155.
  18. Yost 2008, p. 12.
  19. Yost 2008, p. 13.
  20. Colin Kendell, Jack the Ripper, the theories & the facts of the Whitechapel murders, Stroud : Amberley, 2012, p. 137
  21. Selon les témoignages, Elizabeth Stride disait avoir eu neuf enfants. Mais il semble qu'elle n'en ait eu aucun, en-dehors de l'enfant mort-né à Göteborg. Voir : Eddleston 2002.
  22. Yost 2008, p. 133.
  23. (en) Peter Higginbotham, « Poplar, Middlesex, London », sur The workhouse, the story of an institution..., (consulté le )
  24. « How Jack the Ripper's five victims turned to prostitution after their marriages failed », Daily mail,‎ (lire en ligne)
  25. Yost 2008, p. 18.
  26. Yost 2008, p. 19.
  27. (en) Peter Higginbottham, « Whitechapel (and Spitalfields), Middlesex, London », sur The Workhouse, the story of an institution..., (consulté le )
  28. Drew D. Gray, London's shadows, the dark side of the Victorian City, London, Bloomsbury, 2013, p. 164
  29. Jerry White, London in the Nineteenth Century, London, Jonathan Cape, 2007, p. 323-350.
  30. Evans et Rumbelow 2006, p. 96-98.
  31. Fido 1987, p. 56-57.
  32. (en) Peter Higginbotham, « Poplar and Stepney Sick Asylum district, Middlesex, London », sur The Workhouse, the story of an institution..., (consulté le )
  33. Yost 2008, p. 94.
  34. Fido 1987, p. 55-56.
  35. a et b Begg 2003, p. 211.
  36. Alexander Chisholm, Christopher-Michael DiGrazia, Dave Yost,The news from Whitechapel, Jack the Ripper in the Daily Telegraph, McFarland & Co., 2002, p. 111.
  37. a et b Begg 2003, p. 212.
  38. Begg 2005, p. 136.
  39. a b et c Fido 1987, p. 54.
  40. a et b (en) « Queen's head », sur Wiki : Jack the Ripper (consulté le )
  41. (en) Stephen P. Ryder, « Elizabeth Stride », sur Casebook, Jack the Ripper, (consulté le )
  42. Elle est reproduite par Evans et Rumbelow 2006, p. 98.
  43. "Elizabeth Stride", Casebook, Jack the Ripper.
  44. Barry Anthony, Murder, mayhem and music hall, the dark side of Victorian London, I. B. Tauris, 2015, p. 152.
  45. Source : SUGDEN
  46. Colin Wilson, Robin Odell, Jack the Ripper, summing up and verdict, Bantam Dell Pub Group, 1987, p. 38.
  47. Fido 1987, p. 39.
  48. Cook 2009, p. 165-168.
  49. Fido 1987, p. 57-59.
  50. Eric Woolfe, Dear Boss, a fortean chronicle of Jack the Ripper, J. Gordon Shillingford, 2008, p. 66.
  51. Peter Hodgson, Jack the Ripper, through the mists of time, Pneuma springs, 2011, p. 24.
  52. Eddleston 2002, p. 36.
  53. Hayes 2006, p. 135.
  54. Julie Malaure, « Londres : sur la piste de Jack l'Éventreur », Le Point (consulté le )
  55. « fr.scribd.com/doc/17745575/Jac… »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  56. La santé de Michael Kidney se dégrade gravement au cours de l'année 1889, où il se rend trois fois au dispensaire du workhouse de Whitechapel, souffrant de syphilis, d'un lumbago, puis de dyspepsie. Voir Fido 1987, p. 56.
  57. Marriott 2005, p. 125.
  58. Déposition conservée aux Archives nationales de Grande-Bretagne, Home Office, HO-144/221/A49301C 8a.
  59. Edwards 2014, p. 60.
  60. William Stewart, Jack the Ripper, a new theory, Quality Press, 1939, cité par Evans et Skinner 2000, p. 418.
  61. Marriott 2005, p. 124-125.
  62. Cook 2009, p. 157.
  63. Woods et Baddeley 2009, p. 86.
  64. Evans et Skinner 2000, p. 201-202, 250-362 et 584-587.
  65. Rumbelow 2013, p. 145-147.
  66. Cook 2009, p. 151.
  67. Evans et Skinner 2000, p. 30 et 43-48.
  68. Rumbelow 2013, p. 118 et 121-123.
  69. Cullen 1965, p. 103.
  70. Cook 2009, p. 79-80 et 94-95.
  71. Fido 1987, p. 8-9.
  72. Marriott 2005, p. 219-222.
  73. Lettre de Charles Warren à Godfrey Lushington, le 10 octobre 1888, conservée aux Archives Nationales de Grande-Bretagne, dans le dossier : Metropolitan Police Archive MEPO-1/48. Citée par Cook 2009, p. 78.
  74. Evans et Rumbelow 2006, p. 140.
  75. Evans et Skinner 2000, p. 624-633.
  76. William Beadle, Jack the Ripper, unmasked, London, J. Blake, 2009, p. 168.
  77. Connu sous différents noms : Charles Le Grand, Grand ou Grandy ; ou encore Christian Neilson ou Nelson.
  78. Evans et Skinner 2000, p. 125.
  79. a et b Evans et Rumbelow 2006, p. 106-108.
  80. a et b Rumbelow 2013, p. 76.
  81. Déposition conservée aux Archives nationales de Grande-Bretagne, Metropolitan Police, MEPO 3/140, f. 215-216.
  82. "Report to the Home Office, 19 October 1888", note conservée dans le dossier : HO-144/221/A49301C. Cité par Evans et Rumbelow 2006, p. 109.
  83. Cook 2009, p. 167-168.
  84. Avant l'époque de Jack l'éventreur, il est condamné pour vol et violence sur une prostituée. L'année suivante, en 1889, il est condamné à deux ans de prison pour escroquerie. Il alourdit son cas à sa sortie de prison en tentant d'extorquer de l'argent sous la menace d'une arme, ce qui lui vaut vingt ans de réclusion. Voir Evans et Rumbelow 2006, p. 108-109.
  85. Begg 2003, p. 186-187.
  86. Cook 2009, p. 166-167.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • ANTHONY, Barry, Murder, mayhem and music hall, the dark side of Victorian London, I. B. Tauris, 2015.
  • BEADLE, William, Jack the Ripper, unmasked, London, J. Blake, 2009.
  • (en) Paul Begg, Jack the Ripper : the definitive history, London, Pearson Education, .
  • (en) Paul Begg, Jack the Ripper : the facts, New York, Barnes & Noble Books, .
  • CHISHOLM, Alexander, DIGRAZIA, Christopher-Michael, YOST, Dave,The news from Whitechapel, Jack the Ripper in the Daily Telegraph, McFarland & Co., 2002
  • (en) Andrew Cook, Jack the Ripper, Stroud, Amberley, .
  • (en) Tom Cullen, Autumn of terror, London, The Bodley Head, .
  • (en) John J. Eddleston, Jack the Ripper : an encyclopedia, London, Metro, .
  • (en) Russell Edwards, Naming Jack the Ripper, new crime scene evidence, a stunning forensic breakthrough, Pan Macmillan, .
  • (en) Stewart P. Evans et Donald Rumbelow, Jack the Ripper : Scotland Yard investigates, Stroud, coll. « Sutton », .
  • (en) Stewart P. Evans et Keith Skinner, The ultimate Jack the Ripper sourcebook : an illustrated encyclopedia, London, Constable and Robinson, .
  • (en) Martin Fido, The crimes, death and detection of Jack the Ripper, Vermont, Trafalgar Square, .
  • GRAY, Andrew D. London's shadows : the dark side of the Victorian city. London : Bloomsbury, 2013.
  • (en) Vanessa A. Hayes, Revelations of the true Ripper, Morrisville, N.C., Lulu, .
  • HODGSON, Peter, Jack the Ripper, through the mists of time, Pneuma springs, 2011.
  • KENDELL, Colin, Jack the Ripper, the theories & the facts of the Whitechapel murders, Stroud : Amberley, 2012.
  • (en) Trevor Marriott, Jack the Ripper : the 21st Century investigation, London, J. Blake, .
  • (en) Donald Rumbelow, The complete Jack the Ripper, fully revised and updated, coll. « Penguin », (1re éd. 1975).
  • STEWART, William, Jack the Ripper, a new theory, Quality Press, 1939.
  • SUGDEN, Philip. The complete history of Jack the Ripper. New York : Carroll & Graf, 1994.
  • (en) Dave Yost, Elizabeth Stride and Jack the Ripper, the life and death of the reputed third victim, Jefferson, NC, McFarland, .
  • WHITE, Jerry, London in the Nineteenth Century, London, Jonathan Cape, 2007.
  • WILSON, Colin, ODELL, Robin, Jack the Ripper, summing up and verdict, Bantam Dell Pub Group, 1987.
  • (en) Paul Woods et Gavin Baddeley, Saucy Jack, the elusive Ripper, Hersham, I. Allan, .
  • WOOLFE, Eric, Dear Boss, a fortean chronicle of Jack the Ripper, J. Gordon Shillingford, 2008.

Webographie[modifier | modifier le code]

  • HIGGINBOTHAM, Peter, The workhouse, the story of an institution..., 2016.
  • RYDER, Stephen P., "Elizabeth Stride", dans Casebook, Jack the Ripper, 2021.
  • RYDER, Stephen P., "A timeline of events in the life and death of Elizabeth Stride", dans Casebook, Jack the Ripper, 2021.
  • Swedish Lutheran Church, Prince's Square (1729-1911).

Sources[modifier | modifier le code]

Archives de Scotland Yard[modifier | modifier le code]

Dans la série MEPO [archive] (pour Metropolitan Police), conservée aux Archives nationales de Grande-Bretagne :

  • MEPO-1/48, Lettre de Charles Warren à Godfrey Lushington, le 10 octobre 1888.
  • MEPO-3/140, f 215-216, Déposition de Matthew Packer à Scotland Yard.

Archives du Home Office[modifier | modifier le code]

  • HO-144/221/A49301C, Report to the Home Office, 19 octobre 1888.
  • HO/144/221/A49301C 8a, Déposition d'Israel Schwartz.

{{DEFAULTSORT:Stride, Elizabeth}} [[Catégorie:Victime de Jack l'Éventreur]] [[Catégorie:Naissance en novembre 1843]] [[Catégorie:Naissance dans le comté de Västra Götaland]] [[Catégorie:Décès en septembre 1888]] [[Catégorie:Décès à Whitechapel]] [[Catégorie:Décès à 44 ans]]