Suite (mathématiques)

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En mathématiques, une suite[1] est une famille d'éléments — appelés ses « termes » — indexée par les entiers naturels. Une suite finie est une famille indexée par les entiers strictement positifs inférieurs ou égaux à un certain entier, ce dernier étant appelé « longueur » de la suite.

Lorsque tous les éléments d'une suite (infinie) appartiennent à un même ensemble , cette suite peut être assimilée à une application de dans . On note classiquement une suite , ou .

En particulier, on parle de suite « entière », suite « réelle » et suite « complexe », quand est un sous-ensemble de , et , respectivement.

Fragments d'histoire

Les suites numériques sont liées à la mathématique de la mesure (mesures d'un phénomène prises à intervalles de temps réguliers) et à l'analyse (une suite numérique est l'équivalent discret d'une fonction numérique). La notion de suite est présente dès qu'apparaissent des procédés illimités de calcul. On en trouve, par exemple, chez Archimède, spécialiste des procédés illimités d'approximation (séries géométriques de raison 1/4) pour des calculs d'aires et de volumes, ou en Égypte vers 1700 avant Jésus-Christ et plus récemment au Ier siècle après J.-C. dans le procédé d'extraction d'une racine carrée par la méthode de Héron d'Alexandrie :

Pour extraire la racine carrée de , choisir une expression arbitraire et prendre la moyenne entre et et recommencer aussi loin que l'on veut le processus précédent

En notation moderne, cela définit la suite de nombres telle que

et, pour tout entier ,

On retrouve ensuite cette préoccupation plusieurs siècles plus tard (à partir du XVIIe siècle) avec la méthode des indivisibles (Cavalieri, Torricelli, Pascal, Roberval). Dans l'Encyclopédie Raisonnée de d'Alembert et Diderot (1751), une grande part est laissée aux suites et séries dont le principal intérêt semble être leur convergence[2] :

Suite et série : se dit d'un ordre ou d'une progression de quantités qui croissent ou décroissent suivant quelques lois. Lorsque la suite va toujours en s'approchant de plus en plus de quelque quantité finie (...) on l'appelle suite convergente et si on la continue à l'infini, elle devient égale à cette quantité.

C'est ainsi que l'on voit Bernoulli, Newton, Moivre, Stirling et Wallis, s'intéresser aux suites pour approcher des valeurs numériques. C'est à Lagrange que l'on doit, semble-t-il, la notation indicielle. L'étude des suites ouvre la porte à celle des séries entières dont le but est d'approcher, non plus des nombres, mais des fonctions. Dans la seconde moitié du XXe siècle, le développement des calculateurs et des ordinateurs donne un second souffle à l'étude des suites en analyse numérique grâce à la méthode des éléments finis. On en retrouve l'usage aussi dans les mathématiques financières.

Parallèlement à ces études de suites pour leur convergence, se développe un certain goût pour l'étude de la suite non tant pour sa convergence mais pour son terme général. C'est le cas par exemple d'un grand nombre de suites d'entiers comme la suite de Fibonacci, celle de Lucas ou, plus récemment, celle de Syracuse. Sont aussi particulièrement étudiées les suites de coefficients dans des séries entières ou les suites de nombres découvertes lors de dénombrements.

Notations

L'ensemble des suites d'éléments de indexées par une partie de se note ou .

Soit une partie de . Soit une suite d'éléments de . Nous notons l'image de l'entier par .

Ainsi, les images de sont notées .

On dit que est le terme de rang , ou d'indice de la suite .

Nous notons en général la suite  : qui est donc une application.

Lorsque , nous notons plus simplement la suite : .

Lorsque , nous pouvons noter la suite ou encore .

Remarque

Il ne faut pas confondre la suite avec l'ensemble des valeurs de la suite qui est l'image directe de par . Par exemple, considérons la suite , l'ensemble des valeurs de la suite est .

Exemples

La suite nulle est la suite dont tous les termes sont nuls :

.

Plus généralement, si est une suite et que , alors on dit que est une suite « presque nulle », ou « nulle à partir d'un certain rang », ou encore « cofinale à zéro »[réf. souhaitée].

Pour des raisons de commodité, pour tout élément de on peut identifier et la suite :

Posons ; est la suite des inverses des nombres entiers. Celle-ci peut être représentée par:

Terme général et récurrence

Une suite étant une application de A (partie de ) dans E, il est intéressant, voire primordial, de connaître l'image de n pour tout n de A. Si est donné comme expression de n et permet un calcul direct du nombre, on dit que l'on connait le terme général de .

Cependant, si , la nature de l'ensemble de départ permet de définir la suite par une relation de récurrence : le terme d'indice n est donné comme fonction de n et des termes d'indices k, kn. La propriété de récurrence permet d'affirmer qu'il suffit alors de donner pour en déduire tous les termes. En pratique, la détermination de va nécessiter le calcul de tous les termes de à , soit une opération bien longue. En programmation, cette récurrence a donné lieu à la création des fonctions récursives. Une partie de la recherche sur les suites va consister à déterminer le terme général d'une suite connaissant sa relation de récurrence.

Exemple : la suite définie par = 1 et, pour tout entier n, est la suite des factorielles :

Somme des termes d'une suite

Si est un groupe additif, on note :

ou

la somme :

Voir aussi : Série (mathématiques).

Exemples de suites

Suite arithmétique

C'est une suite à valeurs dans un groupe additif, définie par récurrence par

est une constante. Son terme général est alors

Suite géométrique

C'est une suite à valeurs dans un monoïde, définie par récurrence par

est une constante. Son terme général est alors

Suites arithmético-géométriques

C'est une suite à valeurs dans un corps commutatif[3], définie par récurrence par

  • Si a = 1, la suite est arithmétique
  • Si [4], son terme général est alors

Suites récurrentes linéaires à coefficients constants

Une suite récurrente linéaire est définie par une relation de récurrence :

, , … sont p scalaires ( non nul). L’entier p est appelé l’ordre de la récurrence. Les suites à récurrence linéaire d’ordre 1 sont les suites géométriques ; une suite récurrente linéaire d’ordre 2 célèbre est la suite de Fibonacci. L’étude des suites récurrentes linéaires d’ordre p fait appel à la notion d’espace vectoriel et au calcul matriciel, et on dispose de méthodes permettant le calcul du terme général de n'importe quelle suite de ce type.

Quelques suites célèbres

C'est dans l'univers des suites d'entiers que l'on trouve les suites les plus célèbres :

  • la suite de Fibonacci où chaque terme est la somme des deux termes qui le précèdent et dont on connaît le terme général et sa relation avec le nombre d'or
  • la suite de Conway, piège de test de QI, où chaque terme est la description à voix haute du terme précédent
  • la suite de Syracuse ou de Collatz définie par une relation de récurrence simple : le terme suivant est obtenu en prenant, ou bien la moitié du terme précédent si celui-ci est pair, ou bien le triple du terme précédent augmenté de un si celui-ci est impair. Le comportement de cette suite reste encore une énigme pour les mathématiciens.

Limite de suite

Suite convergente

La définition de limite d'une suite est classique en topologie. La convergence des suites dans ℝ ou dans ℂ est un cas particulier de cette définition : elle se formule à l'aide de la distance (sur laquelle la topologie de ces espaces est construite).

Intuitivement, une suite possède une (valeur) limite si ses points se rapprochent toujours plus de cette limite lorsque l'indice augmente indéfiniment.

Définition générale :

Soit un espace muni d'une topologie . On note l'ensemble des ouverts contenant . On dira que la suite est une suite convergente vers si

, tel que , .

Suite réelle convergente

On dira que la suite est convergente vers lorsque pour tout , il existe tel que pour tout ,  :

.

On dit alors que tend vers , et on le note :

.

Suite complexe convergente

La définition dans ℝ s'applique dans ℂ en remplaçant la valeur absolue par le module.

Limites infinies

Pour les suites réelles, on élargit le champ des limites possibles aux deux limites infinies +∞ et −∞ avec les définitions suivantes.

Définition 1

On dira que la suite est divergente vers lorsque pour tout , il existe tel que pour tout ,  :

.

On dit alors que tend vers +∞, et on le note :

.

Définition 2

On dira que la suite est divergente vers si, pour tout , il existe tel que pour tout , :

.

On dit alors que tend vers , et on le note :

.

Propriétés

Les propriétés sur les limites

  • Unicité
  • Opération
  • Complétude

vont dépendre de l'espace sur lequel on travaille et sont détaillées dans l'article Limite de suite.

Suites réelles et relation d'ordre

Suites monotones

Définition

On dit qu'une suite réelle est monotone lorsqu'elle est croissante ou décroissante. Par extension, une suite réelle est dite strictement monotone lorsqu'elle est strictement croissante ou strictement décroissante.

Propriétés

  • Suite croissante: On dira que la suite est croissante lorsque :
  • Suite strictement croissante: On dira que la suite est strictement croissante lorsque :
  • Suite décroissante:On dira que la suite est décroissante lorsque :
  • Suite strictement décroissante: On dira que la suite est strictement décroissante lorsque :

Exemples

La suite définie par est strictement croissante.

En effet,

D'où

Critères

Propriété 1 : critère de croissance

Propriété 2 : critère de décroissance

Limites de suites monotones

Suite monotone bornée

D'après le théorème de la limite monotone :

Si est croissante (resp. décroissante) et majorée par (resp. minorée par ), alors est convergente et (resp. ).

De cette propriété, découle la remarque suivante :

Si :

  • est croissante
  • est décroissante
  • tel que : on a

alors :

et sont convergentes et

Suite monotone non bornée

Encore d'après le théorème de la limite monotone :

Si est croissante (resp. décroissante) et non majorée (resp. non minorée), alors tend vers (resp. )

Suites adjacentes

Deux suites réelles et sont dites adjacentes lorsque :

  • l'une est croissante
  • l'autre est décroissante
  • la suite converge vers 0

L'intérêt des suites adjacentes est qu'elles permettent d'une part de prouver l'existence d'une limite, d'autre part de fournir un encadrement de celle-ci aussi fin qu'on le souhaite. Ceci grâce aux deux propriétés suivantes:

  • Si deux suites réelles et sont adjacentes, alors elles convergent et ont la même limite .
  • De plus, en supposant croissante et décroissante on a :

Suites particulières

Suites de Cauchy

Dans ce paragraphe, on supposera que est un espace métrique.

Une suite est dite de Cauchy lorsque : , tels que : , , et

On démontre que

  • Toute suite convergente est une suite de Cauchy.
  • Toute suite de Cauchy est bornée.

On appelle espace complet un espace où toute suite de Cauchy est convergente.

Suites extraites

Soit une suite à valeurs dans un espace .

Si est une fonction strictement croissante (une telle fonction s'appelle une extractrice), on dit que la suite est une suite extraite (ou sous-suite) de la suite .

Grosso modo, c'est la suite pour laquelle on n'a gardé que certains termes (une infinité quand même).

Ces suites extraites se révèlent intéressantes quand on cherche à déterminer des valeurs d'adhérence.

Suites équivalentes et suites négligeables

Définition

Soient et deux suites à valeurs réelles. et sont équivalentes si et seulement si

  • telle que
  • tel que

On note alors

Remarque Si à partir d'un certain rang, alors si et seulement si

Définition

Soient et deux suites à valeurs réelles. On dit que est négligeable devant si et seulement si :

  • telle que et , ce qu'on note

Remarque Si à partir d'un certain rang, alors si et seulement si

Exemple

Considérons et

Posons On a alors :

D'où et

Annexes

Notes

  1. Le mot sequence est un anglicisme.
  2. Toutefois, Euler et ses successeurs montreront qu'il est possible d'utiliser également des suites et surtout des séries divergentes ; voir série divergente pour plus de détails
  3. ou, plus généralement, dans un anneau commutatif
  4. ou, plus généralement, si est inversible

Articles connexes

Liens externes et sources

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