Simon-Mathurin Lantara

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Simon-Mathurin Lantara
Joseph Vernet, Portrait de Simon-Mathurin Lantara,
localisation inconnue.
Naissance
Décès
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ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
Activité

Simon-Mathurin Lantara, né le à Oncy-sur-École et mort le à Paris[1], est un peintre français.

Biographie

Fils biologique de Françoise Malvillain, Simon-Mathurin Lantara fut, à la suite d’un procès difficile, reconnu par Simon-Mathurin Lantara, ouvrier tisserand qui épousa Françoise Malvilain le . Il ne reçut dans son enfance d’autres leçons que celles du magister de son village et cette première instruction s’arrêta bien vite car en 1837, ayant perdu sa mère, il fut contraint d’abandonner ses études et d’entrer comme gardien de bestiaux au château de La Renommière, appartenant à Pierre Gillet, échevin de la ville de Paris[2].

Ce fut dans cette campagne, au milieu de sites pittoresques, que le jeune peintre sentit se révéler en lui ce goût de la représentation de la nature. Bientôt la passion du peintre s’empara de Lantara : il traçait, de manière autodidacte, avec un bout de branche, sur le sable ou sur les rochers, le plan de ses tableaux qu’il nuançait ensuite avec des couleurs naturelles, des feuilles vertes, des brins de mousse, des petits cailloux.

L’Esprit de Dieu planant sur les Eaux (1752), musée de Grenoble.

Un jour, le fils du seigneur de La Renommière, Gillet de Laumont (en), étant venu au château de son père, fut frappé des dispositions artistiques du jeune vacher. Il l’emmena à Versailles et le plaça chez un peintre dont on ignore à ce jour le nom. Lantara quitta ce premier peintre qui nous est inconnu pour entrer au service personnel d’un autre artiste de Paris, qui lui paya ses gages en leçons de peinture. Se sentant assez fort pour se passer de guide, Lantara quitta l’atelier et vint se loger rue Saint-Denis dans une pauvre mansarde, d’où il pouvait à peine entrevoir le ciel. Il demeura par la suite à Paris rue de la Vieille-Monnaie, rue du Chantre[3], Barrière du Temple, rue de la Vieille-Draperie, rue Jean-de-Beauvais et rue des Déchargeurs.

Il travaillait peu et rêvait beaucoup. Dans sa maison était une fruitière nommée Jacqueline, fille d’une marchande aux halles, qui chantait plus qu’elle ne vendait. Ils firent bientôt connaissance.

Avec son talent et son heureuse facilité, Lantara eût pu acquérir de l’aisance ; mais artiste par le génie, il l’était aussi par la paresse et, la pauvreté était la véritable muse inspiratrice du paysagiste. Puis, enfant de la nature, il ne dessinait jamais si bien qu’en bras de chemise et sans cravate. Ce laisser-aller ne pouvait lui faire trouver de protecteurs ; il ne plaçait donc ses productions qu’à des marchands et vil prix.

Jacqueline mourut, il ne chercha pas à se remarier : il se mit à hanter le cabaret pour oublier un amour aussi constant que sincère. Cependant Lantara ne fut pas le bohème, le fainéant, l’ivrogne qui a plu aux vaudevillistes de mettre en scène. Assurément il allait au cabaret ; mais il y allait pour prendre ses modestes repas, comme la majeure partie des écrivains et des artistes de son temps.

Alexandre Lenoir, qui l’avait connu, le montre pauvre et heureux dans sa misère ; des crayons, sa palette, ses pinceaux et une huppe qu’il chérissait, formaient tout son mobilier : « Avec de grands talents il avait l’insouciance et la naïveté d’un enfant. Ce Lantara, ajoute-t-il, avait les bonnes et les mauvaises qualités d’Arlequin ; il était, comme le Bergamasque, naïf, spirituellement bête et habilement maladroit. II le peint plus gourmand qu’ivrogne, il aimait mieux une bavaroise au chocolat qu’une bouteille de vin et, tous ceux qui l’entouraient abusaient de ce défaut et de son insouciance en lui faisant faire des dessins, même des tableaux, pour un diner, un gâteau d’amandes, une tourte ou quelque friandise. »

Alexandre Lenoir cite le limonadier Talbot, place près du Louvre, comme ayant obtenu une belle suite de dessins de Lantara, dont il tira un grand bénéfice, avec les bavaroises et le café à la crème qu’il lui donnait à ses déjeuners. Quand il avait bien bu, bien mangé, il allait rêver dans les champs, sans souci de la gloire, ni de la fortune. Il aimait la splendeur des astres, les mystères du crépuscule et le silence de la nuit. « Souvent, dit Charles Blanc, on le voyait le soir, immobile sur le Pont-Neuf, à regarder, dans une sainte extase, le soleil dessinant les arches des autres ponts et se mouvant en rayons brisés sur l’eau du fleuve ; il pleurait d’admiration. » Une fois rentré dans son galetas ou remisé au fond de son café, Lantara peignait de mémoire les effets qui l’avaient ému, ou bien il dessinait à la lueur d’un quinquet, sur papier bleu, avec des rehauts de crayon blanc, tantôt des clairs de lune tranquilles et mystérieux, tantôt des levers de soleil dont il savait par cœur les teintes, les oppositions et les accidents.

Vers la fin de sa vie, Lantara avait acquis de la réputation. Quelques amateurs éclairés tâchèrent de l’attirer chez eux. Mais il semblait que la dépendance éteignit son génie ; au milieu des séductions du luxe et du confortable, l’inconstant artiste ne savait rien produire et il retournait vite à son cabaret de la rue du Chantre.

Un financier voulut être son protecteur : Lantara mangea et but quelque temps chez lui, puis il s’ennuya, et revint à l’auberge en disant : « J’ai secoué mon manteau d’or ». Un de ses Clairs de lune lui fut payé par le comte de Caylus cent écus. Lantara, surpris de se voir autant d’argent, emporta chez lui son trésor. Mais, comme le savetier de la fable, il eut peur des voleurs ; il consulta ses amis, et, après mûre délibération, il fut décidé qu’on boirait les cent écus pour qu’ils ne fussent pas volés.

Lantara avait une profonde aversion pour les figures et n’en mettait jamais dans ses tableaux. Charles Blanc affirme qu’il savait si peu faire ce qu’il appelait des bonshommes, que Taunay, Demarne, Barre, Bernard et surtout Joseph Vernet lui prêtèrent souvent leur concours pour animer ses paysages. Un jour, un certain marquis lui avait commandé la vue extérieure d’une église avec ses environs ; le peintre n’y mit pas un seul personnage. Le marquis lui fit observer cette absence. « Ils sont à la messe, dit Lantara en montrant l’église. — Eh ! bien ! je prendrai votre tableau quand ils en sortiront, répliqua l’amateur. »

Sur la fin de sa vie il rencontra un perruquier du nom de Lafitte qui voulut bien lui offrir l'hospitalité. C'est ainsi que son fils, Louis Lafitte, s'initia auprès d'un artiste de talent, mais dans la misère à la suite de son penchant pour la boisson. Lantara n'eut pas de difficultés à persuader le père que son fils avait un don pour le dessin.

La misère et l’inconduite minèrent rapidement la santé de Lantara, qui dut chercher un refuge à l’hôpital de la Charité. Le supérieur le soigna, et parvint même à le faire travailler en flattant son penchant ; il lui promettait pour chaque dessin une visite à la cave. Lantara appelait cela « la carte à payer ». Sorti une première fois de l’hospice, il ne tarda pas à y rentrer : c’était le à midi ; il mourut à six heures.

À son dernier moment, l’aumônier chercha à peindre les joies du paradis à Lantara : « Vous êtes bien heureux, mon fils, lui disait-il, vous allez voir Dieu en face pendant l’éternité ! — Quoi, mon père, reprit le moribond, toujours de face ? Jamais de profil ! » Et il expira.

Denis Diderot écrivit dans sa correspondance le quatrain suivant qui semble assez bien résumer la vie de l’artiste : « Vers pour être mis au bas du portrait du pauvre Lantara peintre plein de talents, et mort dans la misère ».

Je suis le peintre Lantara
La Foi m’a tenu lieu de livre
L’Espérance me faisait vivre
Et la Charité m’enterra.

Son œuvre

Malgré la brièveté et le décousu de sa vie, Lantara est resté l’un des premiers paysagistes français. Sa manière rappelle celle de Claude Gellée. Il excellait dans la perspective aérienne et dans le rendu des différentes heures du jour. Les ciels de ses tableaux sont d’un ton vaporeux et fin et d’une grande légèreté de touche : ses points du jour ont toute la fraîcheur du matin ; ses couchers de soleil, chauds et lumineux, n’ont pas moins de vérité ; ses clairs de lune sont d’un ton argentin, plein de mélancolie. Ses eaux sont toujours mobiles, transparentes et naturelles.

Lantara a laissé peu de tableaux, parmi lesquels son portrait, mais beaucoup de dessins au crayon noir rehaussé de blanc. On cite entre autres un Orage (localisation inconnue) et deux Vues de fleuves avec des ruines (1766, localisation inconnue) dans le genre de Joseph Vernet, qui probablement en a fait les personnages. Pierre-Jacques Duret a gravé, d’après Lantara, La Rencontre fâcheuse, Le Pêcheur amoureux, L’Heureux baigneur et Le Berger amoureux en quatre pièces[4].

Michel Picquenot a reproduit La Nappe d’eau et Les Chasse-Marée, deux pièces. Jacques-Philippe Le Bas a gravé le premier livre des Vues des environs de Paris, douze feuilles en long.

Postérité

Les œuvres de Lantara, signées de lui, furent fort recherchées. Le buste de cet artiste, sculpté par Pierre Sébastien Guersant (es), a été solennellement inauguré[Où ?] le par Émile Bellier de La Chavignerie.

En 1809, une pièce de Pierre-Yves Barré, Louis Benoît Picard, Jean-Baptiste Radet et François Georges Desfontaines, intitulée Lantara, ou le peintre au cabaret, vaudeville en 1 acte, Paris Fages, a été joué au Vaudeville avec grand succès.

En 1865, Xavier de Montépin et Jules Dornay sont les auteurs de Lantara , comédie en deux actes mêlée de chants, publiée à Paris chez Michel Lévy frères.

Prix Lantara

En 2001, un prix Lantara est créé par le parc naturel régional du Gâtinais français. Les artistes récompensés doivent exercer sur le territoire du parc et leur œuvre avoir un lien avec ses patrimoines (naturels, culturels…)[5].

Œuvres dans les collections publiques

Coucher de soleil, Rio de Janeiro, musée historique national.
Brésil
France

Expositions

Élèves

Iconographie

Notes et références

  1. À l’hôpital de la Charité.
  2. « Simon Mathurin-Lantara, précurseur de l’école de Barbizon ? », sur Musée Départemental des peintres de Barbizon (consulté le )
  3. Elle était située entre la rue de Beauvais et finissait rue Saint-Honoré. Tronquée en 1812, elle fut supprimée en 1854.
  4. « Mercure français »
  5. parc-gatinais-francais.fr.
  6. a b et c Henri Lapauze (dir.), Exposition du paysage français de Poussin à Corot - Catalogue - mai-juin 1925, Paris, Imprimerie Crété, 1925, p. 24 ([PDF] en ligne).
  7. « Chemin montant à un village », notice no 07480012472, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  8. a b et c « Simon-Mathurin Lantara, précurseur de l’école de Barbizon ? » sur le site musee-peintres-barbizon.fr.
  9. « Paysage », notice no 000PE023225, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  10. « La Lune sur l'eau », notice no 50110000806, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  11. « La Pêche au clair de lune », notice no 50110000807, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  12. « L’Esprit de Dieu planant sur les eaux », notice no 09940005552, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  13. Ce tableau représente une mer calme surmontée de rayons de lumière provenant du Tétragramme. Le triangle avec les lettres « YHWH » se distingue à peine. Voir : Gilles Chomer, Peintures françaises avant 1815, la collection du musée de Grenoble, Paris, Éditions de La Réunion des Musées Nationaux, 2000, (ISBN 2-7118-2950-2), notice no 68, reproduit en couleurs p. 161 : « Fascinante marine mystique […] peinture assez exceptionnelle […] prégnance d’un sujet rarement représenté […] tableau pré-symboliste, [qui mêle] étrangement une observation quasi naturaliste et une vision proprement métaphysique. »
  14. « Paysage », notice no 000PE013910, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  15. « Paysage au soleil couchant », notice no 04450000280, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  16. « Paysage au clair de lune », notice no 00000106507, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  17. « Paysage avec deux hommes au bord d'une rivière et trois cerfs », notice no 50350213365, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  18. « Paysage avec un château fort et une chute d'eau », notice no 00160017326, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  19. « Paysage rocheux et orageux », notice no 50350213363, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  20. « Paysage, avec un château-fort dans le lointain », notice no 50350142779, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  21. « Paysage », notice no 50350142780, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  22. « Paysage », notice no 00000081982, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  23. [PDF] « Simon-Mathurin Lantara - Un paysagiste et sa légende », communiqué de presse sur le site old.seine-et-marne.fr
  24. Félix Herbet, « L'Abeille de Fontainebleau », in Dictionnaire Historique et Artistique de la Forêt de Fontainebleau, Maurice Bourges imprimeur à Fontainebleau, 1903.
  25. Félix Herbet, op. cit.
  26. « La Jeunesse de Lantara », notice no M0347000597, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Joconde, ministère français de la Culture.
  27. « Assiette », notice sur le site photo.rmn.fr.
  28. « Portrait de Simon Mathurin Lantara (1729-1778), peintre », notice sur le site photo.rmn.fr.

Annexes

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Bibliographie

  • Ferdinand Hoefer, Nouvelle Biographie générale, t. 29, Paris, Firmin Didot frères, (lire sur Wikisource), p. 491-494 Document utilisé pour la rédaction de l’article.
  • Archives de l'Assistance publique Hôpitaux de Paris.[réf. nécessaire]
  • Archives départementales de Seine-et-Marne, (Dammarie-les-Lys).[réf. nécessaire]
  • Bibliothèque municipale de Fontainebleau.[réf. nécessaire]
  • École nationale supérieure des beaux-arts.[réf. nécessaire]
  • Dictionnaire Bénézit, Éditions Gründ, 1999, tome VIII, p. 258.
  • Émile Bellier de La Chavignerie, Recherches historiques, biographiques et littéraires sur le peintre Lantara : avec la liste de ses ouvrages, son portrait et une lettre apologétique de M. Couder, peintre d'histoire, membre de l'Institut, par Émile B. de La Chavignerie, (Paris) J.-B. Dumoulin, libraire-éditeur, quai des Augustins, 13, (lire en ligne).
  • Caroline de Beaulieu (pseudonyme du peintre et graveur Claude-Ferdinand Gaillard, 1834-1887), Les grands artistes du XVIIIe siècle : peintres, sculpteurs, musiciens, Paris : Librairie Bloud et Barral, s.d. (1887), pp. 73-76.
  • André Billy, Les beaux jours de Barbizon, Éditions du Pavois, 1947.
  • Georges Levitine, « Les origines du mythe de l’artiste bohème en France : Lantara », Gazette des Beaux-arts, , pp. 49-60.
  • Edmond Zeigler, Simon-Mathurin Lantara, pp. 18-19.
  • Jean Duchesne Aîné, « Notice sur la vie et les ouvrages de Monsieur Louis Lafitte », in Catalogue des tableaux, dessins, estampes, livres, médailles du cabinet de feu Mr Louis Lafitte, 1828.
  • Henri Lapauze (dir.), Exposition du paysage français de Poussin à Corot. Catalogue. mai-, Paris, Imprimerie Crété, 1925, p. 24 ([PDF] en ligne).
  • Hervé Joubeaux, Simon-Mathurin Lantara (1729-1778). Un paysagiste et sa légende, Éditions Lac Ceysson, Conseil Général de Seine-et-Marne, 2011 (ISBN 978-2-916373-41-6).

Liens externes