Refus de parvenir

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Le refus de parvenir est un concept de la gauche libertaire élaboré au début du XXe siècle[réf. nécessaire].

Refus des privilèges, des distinctions, de la promotion individuelle, qu’elle soit syndicale, politique ou universitaire, le refus de parvenir est développé notamment par les syndicalistes révolutionnaires[1].

Historiographie et définitions[modifier | modifier le code]

Albert Thierry.

C'est à l'intellectuel libertaire, instituteur et syndicaliste, Albert Thierry (1881-1915)[2] que l'on doit la première formulation du concept dans une série d'articles titrés Réflexions sur l'éducation et publiés en 1912-1913 dans La Vie Ouvrière[3]. Pour lui, « Refuser de parvenir, ce n'est ni refuser d'agir ni refuser de vivre : c'est refuser de vivre et d'agir pour soi et aux fins de soi »[4], « C'est rester fidèle au prolétariat, c'est anéantir à sa source un égoïsme avide et cruel »[5].

L'idée pourtant n'est pas nouvelle, on la retrouve par exemple dans la pensée du géographe libertaire Élisée Reclus (1830-1905) qui affirme que « Tant que notre triomphe ne sera pas en même temps celui de tous, ayons la chance de ne jamais réussir ! »[1].

L'écrivain prolétarien Marcel Martinet (1887-1944), est encore plus précis : « Le refus de parvenir du prolétaire capable de parvenir n’a de sens que doublé par la volonté de parvenir du prolétariat »[1].

Pour l'historien français Christophe Prochasson, dans son ouvrage La gauche est-elle morale ? publié en 2010, « Le refus de parvenir est constitutif de la morale militante de la gauche »[6].

Pour l'historienne suisse Marianne Enckell, le refus de parvenir est d'abord un refus de vivre et d'agir uniquement pour soi, « pour mettre son savoir-faire comme ses compétences au profit de la solidarité », du collectif[7].

Postérité[modifier | modifier le code]

Dans la foulée de Mai 68, plusieurs dizaines d'étudiants maoïstes quittent l'université pour aller travailler en usine, c'est le mouvement des « établis ». Pour le sociologue Marnix Dressen, ce « refus de parvenir résultait d'un refus de la propriété privée, mais il était surtout articulé au rejet du privilège scolaire, véritable péché originel »[8].

Bibliographie et sources[modifier | modifier le code]

  • Franck Bart, « Refuser de parvenir, une philosophie de vie libertaire ! », Club de Mediapart,‎ (lire en ligne).

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Grégory Chambat, « Le refus de parvenir », Questions de classe(s),‎ (lire en ligne).

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c Jean-Guillaume Lanuque, Refuser de parvenir. Idées et pratiques, Paris, Nada, 2016, Bibliothèque des comptes-rendus, Dissidences, 2016, lire en ligne.
  2. Philippe Meirieu, préface de L'homme en proie aux enfants, Louis Thierry, 1909, lire en ligne.
  3. Maud Reveilhac, Collectif du CIRA, Refuser de parvenir. Idées et pratiques, Sociologie, Comptes rendus, 2017, lire en ligne.
  4. Albert Thierry, Des conditions de la paix, publié post mortem en 1916 et écrit dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, fragment in Refus de parvenir : Mil neuf cent, 37, 2019, p. 159-164, citation p. 162.
  5. Cité par Jean-Louis Rouch, Prolétaire en veston. Une approche de Maurice Dommanget, instituteur, syndicaliste, historien social et libre penseur, 1888-1976, Les Monédières, 1984, page 42.
  6. Michel Noblecourt, « « La gauche est-elle morale ? », de Christophe Prochasson : rêve de « pacte moral » », Le Monde,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne).
  7. Camille-Solveig Fol, Montpellier : après "Indignez-vous", “Le refus de parvenir“ !, Midi libre, 21 mars 2014, lire en ligne.
  8. Marnix Dressen, De l'amphi à l'établi : les étudiants maoïstes à l'usine, 1967-1989, Belin, 2000, page 104.