Myōjin

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Myōjin (明神, « divinité resplendissante », « divinité révélatrice » ou « divinité manifeste[1],[2] ») ou daimyōjin ( 大明神, « divinité importante et resplendissante/révélatrice ») était un titre donné aux divinités japonaises (kamis) (shintoïsme) et, par métonymie, à leurs sanctuaires.

Ce terme dérive du titre myōjin (名神, « divinité importante »), octroyé par la maison impériale aux kamis réputés pour leurs pouvoirs impressionnants et leurs vertus, ainsi que pour leurs sanctuaires et leurs cultes[3],[4],[5]. L'utilisation la plus ancienne de ce terme provient du Shoku Nihongi, lorsque sont mentionnées les offrandes du royaume de Bohai (Balhae) faites aux sanctuaires (名神社, myōjin-sha) de chaque province en l'an 730 (ère Tenpyō)[6][note 1].

L'utilisation d'un homophone épithète avec le titre impérial de « divinité resplendissante/manifeste » (écrit avec des caractères chinois différents) était courante durant l'époque de Heian et cela jusqu'à l'époque d'Edo[7], Il existait également des titres ayant des connotations bouddhiques plus explicites tels que gongen (権現, « incarnation »)[8] ou daibosatsu (大菩薩, « grand bodhisattva »).

Représentation des bannières de guerre du clan Taira (droite) et Takeda Shingen (gauche). La bannière la plus à gauche (blanche avec des bordures bleues et des écritures rouges) porte l'inscription Suwa hosshō-kamishimo-daimyōjin (en) (諏訪法性上下大明神), tandis que la deuxième bannière à partir de la droite (blanche avec des écritures noires), a pour légende Ise daijingū (伊勢大神宮) et porte l'inscription Hachiman daibosatsu (八幡大菩薩) et Kasuga-daimyōjin (春日大明神).

L'usage le plus ancien du terme « divinité resplendissante/manifeste » a par exemple été relevée dans le Sumiyoshi-taisha Jindaiki[9] (住吉大社神代記, les écrits du grand sanctuaire Sumiyoshi contant l'Âge des dieux, compilés en 731) lorsque sont cités les trois divinités shinto de Sumiyoshi (en) Sumiyoshi-daimyōjin (住吉大明神)[10], et le Nihon Sandai Jitsuroku[11] (achevé en 901) lorsqu'il est fait référence à Matsuo-daimyōjin (松尾大明神).

À l'origine, ce titre ne semblait pas porter les connotations bouddhiques qu'on lui attribue aujourd'hui. En effet, le lien entre daimyōjin et le concept de honji suijaku (c'est-à-dire selon lequel les kamis natifs seraient en fait la manifestation des divinités bouddhistes) est renforcé par la citation apocryphe du Bouddha dérivée du Karuṇāpuṇḍarīka-sūtra (悲華經, « La compassion du sutra du Lotus » ; en japonais : Hikekyō)[12],[13]. Cependant, même si elle est mentionnée dans de nombreux travaux médiévaux, elle ne figure pas dans le véritable texte du sutra : « Après que je sois entré dans le Nirvana, lors des Derniers Jours de la Loi (en), j'apparaitrai tel une grande divinité resplendissante/manifeste (大明神) et sauverai tous les êtres sensibles[note 2][14]. »

Jusqu'au début de la période moderne, l'usage de titres tels que myōjin ou gongen, pour désigner les divinités et leurs temples, était tellement courant que ces divinités étaient rarement désignées par leurs vrais noms[10]. Par exemple, le dieu du sanctuaire de Kashima et le sanctuaire lui-même étaient connus sous le nom de « Kashima-daimyōjin » (鹿島大明神), de même, la divinité résidant dans le grand sanctuaire Suwa était appelée « Suwa-(dai)myōjin » (諏訪(大)明神) (cf. Hachiman-daibosatsu (八幡大菩薩) ou Kumano-gongen (熊野権現)). Ainsi, après sa mort, Toyotomi Hideyoshi a été déifié sous le nom de « Toyokuni-daimyōjin » (豊国大明神)[15],[16].

Sous le shintô Yoshida, l'attribution de rangs et de titres comme myōjin fut institutionnalisée, la secte distribuait des certificats d'autorisation aux sanctuaires en échange d'honoraires[17],[18]. La secte considérait ce titre comme étant plus important que le titre bouddhique gongen utilisé publiquement au sein de la secte du honji suijaku inversé.

Lorsque le gouvernement Meiji a officiellement séparé le shintoïsme du bouddhisme, les sanctuaires avaient pour usage officiel des titres et une terminologie portant des connotations bouddhiques, par exemple, (dai)myōjin, (dai)gongen ou daibosatsu. L'usage de ces termes a plus tard été aboli et déconseillé, toutefois encore aujourd'hui, l'usage populaire veut que l'on se réfère à certaines divinités et sanctuaires comme (dai)myōjin (voir le Kanda-myōjin à Chiyoda, Tokyo, qui abrite l'esprit vengeur de Taira no Masakado).

Notes[modifier | modifier le code]

  1. 「庚戌。遣使奉渤海信物於諸國名神社。」
  2. 「我滅度後、於末法中、現大明神、広度衆生。」

Références[modifier | modifier le code]

  1. Ichirō Hori, « Three Types of Redemption in Japanese Folk Religion », dans R. J. Zwi Werblowsky et C. Jouco Bleeker (dir.), Studies in the History of Religions (supplements to Numen), Leyde, Brill, 1970, vol. 18, Types of Redemption: Contributions to the Theme of the Study-Conference Held at Jerusalem 14th to 19th July 1968, p. 114.
  2. Michiaki Okuyama, « Historicizing Modern Shinto: A New Tradition of Yasukuni Shrine », dans S. Engler et G. P. Grieve (dir.), Historicizing “Tradition” in the Study of Religion, Walter de Gruyter, p. 101.
  3. (en) « Myōjin », sur eos.kokugakuin.ac.jp (consulté le ).
  4. (en) « Myōjin taisha », sur eos.kokugakuin.ac.jp (consulté le ).
  5. (en) « Shingō », sur eos.kokugakuin.ac.jp (consulté le ).
  6. (en) Wikisource link to 續日本紀/卷第十 (Shoku Nihongi, vol. 10). Wikisource. .
  7. Issei Nakamura, « 平安期における大明神号の成立とその意義 (The Formation and Significance of the Title Daimyoujin in the Heian Period) », The Bukkyo University Graduate School review (Compiled by the Graduate School of Literature), no 37,‎ , p. 83-89 (lire en ligne).
  8. (en) « Gongen », sur www2.kokugakuin.ac.jp (consulté le ).
  9. (ja) « 住吉大明神大社神代記 », sur kamnavi.jp (consulté le ).
  10. a et b Nakamura, 2009, p. 74.
  11. (en) Wikisource link to 日本三代實錄/卷第卌九 (Nihon Sandai Jitsuroku, vol. 49). Wikisource. .
  12. « 悲華經 (北涼 曇無讖譯) »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur CBETA 漢文大藏經.
  13. « Compassionate Lotus Sutra (Taisho 0157) »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  14. Nakamura, 2009, p. 82-86.
  15. Gen Nomura, « 豊国大明神号の創出過程に関する一考察 (La déification de Toyotomi Hideyoshi en tant que Toyokuni Daimyojin) », Shigaku zasshi, vol. 121, no 11,‎ , p. 1878-1900 (lire en ligne).
  16. (en) Elizabeth Lillehoj (dir.), Art and Palace Politics in Early Modern Japan, 1580s-1680s, Leiden/Boston, Brill, , 296 p. (ISBN 978-90-04-20612-0, lire en ligne), p. 60.
  17. Hiromi Maeda, « Court Rank for Village Shrines: The Yoshida House’s Interactions with Local Shrines during the Mid-Tokugawa Period », Japanese Journal of Religious Studies, vol. 29, nos 3-4,‎ , p. 325-358 (lire en ligne).
  18. (en) « Yoshida Shintō », sur eos.kokugakuin.ac.jp (consulté le ).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]