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La Traversée de Paris

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La Traversée de Paris
Description de cette image, également commentée ci-après
Une terrasse de café à Paris, durant l'occupation allemande.
Réalisation Claude Autant-Lara
Scénario Jean Aurenche
Pierre Bost
Michel Audiard
Acteurs principaux
Sociétés de production Continental Produzione
Franco-London Films
Pays de production Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Genre Comédie dramatique
Durée 80 minutes
Sortie 1956

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

La Traversée de Paris est un film franco-italien de Claude Autant-Lara sorti en , inspiré de la nouvelle de Marcel Aymé intitulée Traversée de Paris (1947)[1].

Le thème du film repose sur le marché noir qui s'organisa durant l'occupation de la France par l'armée allemande, entre 1940 et 1944. Il se déroule dans Paris occupé en 1942 et raconte l'histoire de deux hommes, Martin (Bourvil) et Grandgil (Jean Gabin) qui défient le couvre-feu pour livrer du cochon au marché noir.

Le film a concouru à la Mostra de Venise 1956, où Bourvil remporta la Coupe Volpi du meilleur acteur. La représentation cynique dans ce film de l'ère de l'Occupation n'était pas conventionnelle et a rendu le film controversé lors de sa sortie originale.

Résumé

Paris en 1942, lors de l'Occupation pendant la Seconde Guerre mondiale. L'armée allemande réquisitionne immeubles, véhicules, biens et même vivres. La vie quotidienne des Français est donc difficile, car ceux-ci doivent non seulement subir les conséquences de la défaite, mais aussi la présence d'une armée d'occupation[a].

Marcel Martin, un chauffeur de taxi au chômage, gagne sa vie en livrant clandestinement des colis de nourriture au marché noir. Un soir, il est engagé pour transporter à pied et à l’autre bout de la ville (plus précisément, de la rue Poliveau à la rue Lepic) quatre valises contenant les morceaux d'un cochon. Se rendant dans la cave de son commanditaire, l'épicier Jambier, Martin y joue de l’accordéon pendant que l’on tue l’animal et qu'on le débite en morceaux.

Martin se rend ensuite avec sa compagne Mariette dans le restaurant d'où il doit retrouver un de ses amis, son partenaire habituel de ces transports clandestins. Mais Martin y apprend que son complice vient d’être arrêté par la police, après avoir brandi une valise contenant du savon de contrebande. Au même moment, un inconnu entre dans le restaurant, demandant un savon pour se laver les mains. L'inconnu revient du lavabo et, sur un malentendu (Martin craignant que l'homme n'ait donné un rendez-vous à sa compagne), Martin l’invite à partager son dîner et à faire le transport du cochon avec lui.

Ce choix se révèle vite calamiteux car ce personnage, un certain Grandgil, est loin d’être docile. Il extorque tout d’abord une forte somme d’argent à l'épicier Jambier en le terrorisant, ce dernier craignant que Grandgil ne soit en réalité un policer déguisé. Après des vociférations, Jambier, exténué, accepte de payer le prix exorbitant demandé par Grandgil pour le transport ; il met ensuite à la porte les deux porteurs de valise, content de les voir enfin disparaître.

L'expédition nocturne est émaillée d'incidents. Ainsi, alors que les deux porteurs de valise sont suivis par deux agents de police qui vont certainement les contrôler, Grandgil se met à réciter un poème en allemand à Martin, ce qui amène les deux policiers à prudemment passer leur chemin. Plus tard, s'étant arrêtés à l'hôtel où loge Martin, Grandgil téléphone à un ami car il ne se souvient plus de l'auteur du poème allemand ; il est entendu parler en allemand par Mariette qui, anxieusement, le rapporte à Martin. Le spectateur, comme Martin, s'interroge de plus en plus sur l'identité de Grandgil. Par la suite, dans un café où ils se sont réfugiés pour éviter une patrouille de police, Grandgil prend à partie le patron et la patronne de l'établissement (car ceux-ci exploitent éhontément une employée juive), puis il s'en prend aux clients qu'il traite de « Salaud d'pauvres ! »[b], commençant à s'énerver quand ceux-ci font mine de lui dérober une valise.

Plus tard, les deux hommes sont stoppés par un policier qui leur ordonne de se rendre au poste de Police pour un contrôle d'identité ; Grandgil l'assomme pour s'en débarrasser, les deux en profitant pour s'échapper. Peu après, fuyant une patrouille allemande qui arrive non loin, les deux hommes finissent par se réfugier dans l’appartement de Grandgil. C'est alors que Martin découvre avec stupéfaction que son acolyte est en réalité un artiste-peintre d’une certaine renommée, qui ne l’avait suivi dans son aventure que pour le goût du frisson et pour expérimenter ce qui pouvait être fait en temps d'Occupation.

Poursuivant ensuite leur chemin, les deux compères arrivent enfin à l’adresse de la livraison du colis, mais trouvent porte close. Ils font alors un tel tintamarre qu'une patrouille allemande intervient et les arrête. Arrivés à la Kommandantur[c], un officier allemand reconnaît le peintre Grandgil. Il s’apprête à les faire relâcher lorsqu’on annonce l’assassinat d’un colonel ; les Allemands prennent des otages. L’officier allemand parvient cependant à sauver Grandgil, tandis que Martin, lui, est conduit à la prison du Cherche-Midi d'où on suppose qu'il risque d'être fusillé en représailles de la mort de l'officier.

Les années passent. Paris est finalement libéré et on retrouve Grandgil sur un quai de la gare de Lyon, suivi par un porteur de valises. Quand il arrive à son wagon, Grandgil reconnaît soudainement par la fenêtre son porteur qui n'est autre que Martin, ce dernier convoyant, comme toujours, les valises des autres…

Fiche technique

Distribution


Production

Développement

Pages du scénario dans une exposition de la Cinémathèque française consacrée à Louis de Funès.

C'est dès 1949 que Claude Autant-Lara commence à travailler avec ses collaborateurs attitrés, Jean Aurenche et Pierre Bost, dans une auberge de Montreuil sur l'adaptation de la nouvelle de Marcel Aymé mais, ne parvenant pas à trouver une fin satisfaisante, il décide de reporter le tournage du film.

La même année, alors qu'il travaillait à l'adaptation de la nouvelle de Marcel Aymé, Autant-Lara avait choisi Bernard Blier pour le rôle de Martin, mais celui-ci avait entre-temps grossi et ressemblait dorénavant à un bourgeois cossu, si bien que le réalisateur choisit Bourvil ; mais ce choix fit l’objet d’une opposition si violente de la part de Marcel Aymé que cela finit par inquiéter la production. Autant-Lara, qui tenait à ses options, dut diminuer son budget de plus de 50 %, renonçant ainsi à la couleur, pour obtenir toute liberté quant à la distribution. Marcel Aymé reconnut par la suite son erreur concernant Bourvil, ajoutant : « C'est vraiment la toute première fois qu'on ait fait au cinéma quelque chose tiré d'un de mes livres qui soit non seulement bien, mais d'une très grande qualité. Et dans ce cas particulier, ce n'était pas facile ».

Autant-Lara aurait attendu cinq ans avant de se lancer dans le tournage du film (il avait acquis les droits sur la nouvelle en 1950), dont le scénario inclut les retrouvailles finales à la gare de Lyon de Martin et Grandgil, minutées par le départ du train de Grandgil. Cette issue, désabusée et cynique, se démarque complètement de la nouvelle de Marcel Aymé dans laquelle Grandgil est tué par Martin, qui incarne l'honneur du prolétariat contre le cynisme d'une bourgeoisie oisive. Dans la nouvelle, Martin est dénoncé par un dessin réalisé par Grandgil durant la nuit et daté du jour, et termine fusillé.

Le processus de l'adaptation de la nouvelle par le tandem Jean Aurenche et Pierre Bost est évoqué dans le documentaire Jean Aurenche, écrivain de cinéma, d'Alexandre Hilaire et Yacine Badday.

Choix des acteurs

Avant ce film, Bourvil n’avait jamais travaillé avec Jean Gabin. Leur première scène fut justement celle de la première rencontre entre Martin et Grandgil. Lorsque Gabin rentre (de dos) dans le bistrot et lance un « Bonsoir » inquiétant, l’acteur Bourvil est terrifié.

Il s'agit aussi de la troisième rencontre cinématographique (sur les cinq) entre Bourvil et Louis de Funès, après Poisson d'avril (1954) et Les Hussards (1955). C'est également la deuxième entre Gabin et De Funès, après Napoléon (1955). Enfin, c'est le premier film dans lequel De Funès a, un second rôle certes, mais dans une scène mémorable et dans un film à succès, entouré de deux « poids lourds » du cinéma de l'époque. Il lui faudra attendre Ni vu, ni connu (1958) pour avoir un premier rôle dans un film mémorable.

Tournage

Le film est tourné aux studios Franstudio à Saint-Maurice (Seine), à la Gare de Lyon (Paris) et au musée Jacquemart-André (scènes dans la Kommandantur), d'avril à .

Le budget serré du film encouragea Max Douy (célèbre chef décorateur) à réaliser des quartiers entiers de Paris en studio. Les influences expressionnistes de l’artiste (déjà visibles dans d’autres films) explosent dans certaines séquences de La Traversée de Paris. De plus, le film est certainement l’une des visions les plus justes et les plus saisissantes de la période de l’Occupation au cinéma. La force du traitement réside évidemment dans la présence d’un noir et blanc très contrasté et inquiétant.

Si l'on ne voit dans le film qu'un seul cochon, il en a fallu huit pour mener à bien le tournage. Les cochons ne supportent en effet pas longtemps l'intense lumière des projecteurs, elle entraîne chez eux des congestions cérébrales qui les rendent même impropres à la consommation. Chaque matin, un boucher voisin livrait aux Studios de Joinville un porc qu'il mettait à mort le soir-même[6].

La libération de Paris est illustrée à la fin du film par le défilé du .

Le film a été colorisé en 1994 par la société AFT-American Film Technologies, avec l'accord de Claude Autant-Lara. À l'origine, selon Autant-Lara, le film était en sépia, mais fut tiré en noir et blanc.

Erreurs de continuité

L’équipe technique est visible à deux reprises dans le film. Lorsque Jeannette Batti tend un savon à Jean Gabin au début de l'histoire : on peut parfaitement voir, l’espace d’une seconde, l’ombre portée de la caméra sur l’actrice. Lorsque Bourvil aperçoit Jeannette Batti qui s’apprêtait à le quitter, Gabin sort de l’immeuble seul. Lorsque Gabin quitte le couloir : on voit là aussi clairement qu’un assistant referme la porte derrière lui.

Sortie et accueil

La Traversée de Paris sort en salles le en France[7].

Critique

Le film a d'abord été controversé en France car il a brisé plusieurs tabous dans sa description de l'Occupation. Les représentations précédentes avaient été des drames héroïques et faisaient apparaître la Résistance française comme presque unanimement soutenue par le public. La Traversée de Paris innove avec son humour noir, sa représentation cynique du marché noir, mais aussi sa représentation des collaborateurs comme des gens ordinaires, tout en s'abstenant de présenter n'importe quelle partie comme des victimes innocentes. Les critiques ultérieures ont noté que cette image de l'époque est beaucoup plus nuancée que dans les autres œuvres classiques. Le film a également été important pour la carrière de Bourvil et l'a établi comme un acteur majeur[8].

François Truffaut écrivit en 1956 au sujet du film :

« J'admire, sans réelle réserve, La Traversée de Paris. Je pense que c'est une réussite totale car Autant-Lara a enfin trouvé le sujet qu'il attendait — une intrigue faite à son image, une histoire que sa truculence, sa tendance à l'exagération, la rudesse, la vulgarité et l'outrage, loin de mal servir, élève au rang d'épopée... Une verve proche de celle de Céline et une férocité insistante dominent le film, mais il est sauvé de la mesquinerie par quelques notes émotionnelles qui nous submergent, en particulier celles des scènes finales[9]. »

Box-office

La Traversée de Paris débute son exploitation en salles avec 43 216 entrées en première semaine sur Paris[10]. Il engrange finalement 1 198 306 entrées sur Paris[10].

En province, le film confirme son succès de la capitale avec 3 694 874 entrées supplémentaires, portant le total à 4 893 174 entrées sur l'ensemble du territoire français[10], soit une rentabilité de 62 % par rapport à son coût de production (estimé à 1,5 million d'euros)[10].

Distinctions

Récompenses

Nominations

Autour du film

Notes et références

Notes

  1. Le personnage de Grandgil en fait la remarque durant le film.
  2. Réplique reprise notamment par le fantaisiste Coluche dans les années 1980.
  3. Les scènes de la Kommandantur ont été filmées dans l'hôtel particulier abritant le musée Jacquemart-André.

Références

  1. Nouvelle parue dans le recueil Le Vin de Paris.
  2. « Jean Gabin inconnu De Jean-Jacques Jelot-Blanc », sur Google Books : « prévu en couleurs, le film sera en noir et blanc ; le producteur "Deutsch" supprimera une aventure amoureuse et lui imposera le final, la rencontre de Gabin et Bourvil à la Gare de Lyon, il réduira aussi le budget de 200 à 80 millions de francs ».
  3. Encinémathèque
  4. (en) « Four Bags Full - Misc Notes », sur tcm.com (consulté le )
  5. « Classification : Fiche de LA TRAVERSEE DE PARIS », sur cnc.fr, CNC (consulté le )
  6. Télé 7 Jours no 392, semaine du 23 au 29 septembre 1967, page 32, article d'Edith Moyal publié à l'occasion de la diffusion à la télévision du film La Traversée de Paris le dimanche 24 septembre 1967 sur la première chaîne à partir de 20 h 45
  7. « La Traversée de Paris », sur BIFI (consulté le )
  8. a et b (en) Rémi Fournier Lanzoni, French Cinema: From Its Beginnings to the Present, New York City, Continuum, (ISBN 0-8264-1399-4, lire en ligne), p. 168–170
  9. François Truffaut, The Films in My Life, New York City, Diversion Books, (1re éd. 1978) (ISBN 978-1-62681-396-0, lire en ligne)
  10. a b c d et e « La Traversée de Paris », sur Jp's Box-office (consulté le )
  11. (en) « Foreign Actor in 1958 », sur awards.bafta.org, British Academy of Film and Television Arts (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Pierre Berruer, Bourvil, Presse de la Cité, 1975
  • L'Avant-Scène no 66, 1967 (scénario et dialogues)

Article connexe

Liens externes